Phénomènes physiques dans les matériaux diélectriques

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Domaine dʹutilisation des diélectriques en ingénierie

Pour mieux cerner lʹimportance de la qualité et de la caractérisation des diélectriques, nous proposons de le faire à travers leurs utilisations dans trois domaines précis : aéronautique, ferroviaire et des véhicules électriques.

Domaine aéronautique

Dans le domaine aéronautique, à lʹheure actuelle, il y a une grande demande de développement des dispositifs de puissance pour remplacer les systèmes standards hydrauliques ou pneumatiques des aéronefs par des systèmes électriques. Ceci dans le but dʹatteindre les objectifs fixés par le ʹConseil Consultatif Européen de la Recherche Aéronautiqueʹ (ACARE – Advisory Council for Aviation Research and Innovation in Europe) en matière de réduction dʹémissions de CO2 et de NOx, mais également du bruit. Ainsi, lʹUnion Européenne et lʹindustrie ont lancé en 2008 le programme global ʺClean Sky 1ʺ, qui sʹappuie sur six plateformes technologiques : avions commerciaux, avions régionaux, hélicoptères, moteurs, systèmes et écoconception. A la fin de ce programme, en 2014, ʺClean Sky 2ʺ a été lancé et sa fin est prévue en 2024.
Les objectifs à atteindre pour 2020 sont une réduction de 50 % des émissions de CO2 et du bruit par rapport aux résultats de lʹannée 2000. De plus, pour 2050 les objectifs sont de réduire par rapport à lʹannée 2000 de 75 % lʹémission de CO2 et de 90 % lʹémission de NOx, et de réduire de 65 % le bruit [ACARE 2004]. Pour y parvenir une approche interdisciplinaire a été mise en place dans la conception des architectures, des structures, des matériaux, de la propulsion, de lʹavionique et de lʹénergie de bord. Ainsi, le premier objectif à atteindre est la réduction de la consommation du carburant pour diminuer les émissions de CO2 tout en travaillant sur la réduction de bruit.
La conversion vers des aéronefs de plus en plus électriques est en cours et demande une augmentation de lʹénergie embarquée ainsi quʹune meilleure gestion de celle‐ci. Dʹores et déjà, la conception, le développement et la construction de modules de puissance pour des applications MEA (More Electric Aircraft) sont une réalité.

Domaine ferroviaire

Dans le domaine ferroviaire, la traction électrique est assurée par la chaîne de traction constituée par lʹensemble dʹéléments électriques se succédant entre la captation de lʹénergie depuis la caténaire, par le biais dʹun pantographe [Chapas et al. 2004], jusquʹau moteur qui assure la mise en mouvement ou la motricité du train. Puis, cʹest en variant la fréquence du signal électrique à lʹentrée du moteur que la vitesse pourra être modifiée. Cependant, la variation de la fréquence est plus facile à réaliser sur un signal continu que directement à partir dʹun signal alternatif. Mais, en France, le signal disponible au niveau de la caténaire peut être soit de 1,5 DC (en continu) ou soit de 25 AC à 50 (en alternatif). Ainsi, par exemple, dans le cas où le signal de la caténaire est alternatif, il faut dʹabord un système constitué dʹun transformateur abaisseur suivi dʹun convertisseur AC/DC. Il faut ensuite assurer la conversion DC/AC de la tension de commande grâce à un onduleur, ce qui permet au mécanicien de varier la vitesse du train [Micol et al. 2007]. En France, lʹintensité absorbée par les pantographes varie en fonction du système dʹélectrification utilisé et de la catégorie du moteur.
Dans lʹélectronique de puissance appliquée au domaine du ferroviaire, depuis les années 95 les modules de puissance à base dʹIGBT (Insulated Gate Bipolar Transistor) se sont imposés en remplaçant les thyristors de type GTO (Gate Turn Off), apparus dans les années 80, qui ont remplacé à leur tour les premières structures semi‐conductrices tels quʹinterrupteurs, diodes et thyristors des années 70 [Fabre 2013].
Ce changement est lié aux avantages que présentent les IGBT en termes de conversion de puissance, de réduction de lʹencombrement, de lʹaugmentation du rendement, et de la diminution du coût dʹinvestissement. Cependant, le module de puissance est soumis à une augmentation des contraintes électriques, ainsi le calibre des IGBT nʹa cessé dʹaugmenter, et dans ce domaine la tension utilisée par un IGBT peut varier de 300 à 6,5 avec un courant qui peut aller jusquʹà 2,4 [Legal 2010]. Ceci représente une importante augmentation des contraintes thermiques produites et causées par lʹéchauffement par effet Joule des pièces conductrices lors de la transformation du courant à lʹintérieur du composant. Ainsi, lʹimportant flux de chaleur doit être évacué par un système de refroidissement qui peut être encombrant tout en ajoutant des contraintes mécaniques à la traction ferroviaire [Diaham 2007].

Domaine des véhicules électriques

Dans le domaine des véhicules routiers, la conversion vers un fonctionnement de plus en plus électrique a été reprise en raison de lʹimportante augmentation de la concentration de polluants atmosphériques actuels. En effet, les émissions de CO2 ou de NOx (gaz à effet de serre) qui résultent du cycle de combustion interne des matières fossiles (essence, diesel, etc.) dans les moteurs thermiques des véhicules, sont mises en cause dans le développement de maladies respiratoires, surtout en milieu urbain [Boutaric et al. 2008, Elichegaray et al. 2010]. Bien quʹétant plus écologiques, lʹinvestissement et le développement des premières voitures électriques fabriquées depuis la fin du XIXe siècle a été arrêtée dans les années 20 en raison de leur faible autonomie et des problèmes pour le ravitaillement [Beretta 2005].
Le développement du moteur à combustion interne a permis de sʹaffranchir de ces problèmes, mais, sans le vouloir, au détriment de lʹenvironnement, il est devenu un des acteurs majeurs et aujourdʹhui mis en cause pour les problèmes actuels de santé publique.
Dans le cas de la voiture électrique, lʹélectronique de puissance est présente particulièrement dans la chaîne de traction électrique qui permet de faire le lien entre la prise de courant et le moteur pour faire rouler le véhicule. Cette chaîne est constituée tout dʹabord par le chargeur qui adapte le courant reçu à ce que la batterie électrique peut recevoir, ensuite lʹonduleur convertit le courant continu fourni par la batterie en courant alternatif pour attaquer le moteur [Pougnet et al. 2016]. Dans le cas dʹune de voiture électrique construite par Renault®, grâce au boîtier dʹinterconnexion, lʹénergie est distribuée à la bonne intensité en fonction de leurs besoins, et de la phase de roulage du véhicule (charge, accélération, décélération), vers les différents blocs de fonctionnement tels que le moteur électrique, la batterie et les composants électroniques (Figure I‐1).
Ainsi, la demande dʹénergie embarquée augmente en vue de rallonger lʹautonomie de la voiture électrique qui peut atteindre un rendement énergétique de 90 % contre environ 30 % pour le moteur thermique [Rizzi 2008]. Mais, les voitures à combustion interne restent encore très utilisées en raison de leurs faibles coûts, de leur autonomie et de la facilité de ravitaillement. Cʹest en particulier ce dernier point qui demande à lʹheure actuelle beaucoup dʹefforts pour rendre la voiture électrique plus populaire.

Mise en œuvre des matériaux diélectriques

Dans la recherche dʹune augmentation des performances des connecteurs et des circuits électriques et électroniques, une grande importance est donnée non pas au conducteur (qui assure le transport dʹélectricité) mais à lʹisolant, ou plutôt au système dʹisolation, qui peut être constitué de différents matériaux diélectriques sous forme de gaz, de liquide ou de solide. Par exemple, dans le cas des couches dʹisolation solides, comme les céramiques et les polymères, en raison des défauts présents lors de la fabrication ou lors de lʹapplication dʹimportantes contraintes externes, des limitations mécaniques, thermiques et/ou électriques pourraient être introduites dans le fonctionnement des composants qui les portent, en déclenchant des mécanismes de défaillance ou de vieillissement qui peuvent conduire à leur rupture diélectrique.

Problèmes rencontrés lors de lʹutilisation

Lʹair, le verre et quelques polymères, sont quelques exemples de matériaux diélectriques utilisés en génie électrique pour la fabrication des couches isolantes.
Le couplage conducteur – isolant peut se réaliser sur un câble de transport dʹénergie par extrusion dʹun polymère solide sous forme de billes de faible dimension ou par dépôt à la tournette dʹun polymère en solution sur une couche conductrice pour une couche de passivation dans un module de puissance. Dans le cas dʹun câble, lʹisolation peut varier de quelques centaines de micromètres à quelques centimètres. Dans le cas dʹun module de puissance la couche de passivation secondaire peut mesurer quelques dizaines de micromètres [Diaham 2007].
Que lʹisolation soit réalisée avec du verre, de la céramique ou du polymère, le résultat en cas de surtension est en général le claquage du matériau isolant survenu par la perte des performances diélectriques, en entraînant, par exemple, la perte du câble ou du composant de puissance.

Quels enjeux pour les diélectriques de demain?

Un enjeu capital sur les diélectriques de demain est lʹinnovation et la maîtrise des procédés de fabrication, afin de produire des polymères qui puissent résister de plus en plus aux températures supérieures à 200 ° et à lʹapplication des champs électriques importants tout en conservant leur souplesse ou autres caractéristiques mécaniques ou électriques, par exemple.
Si lʹon considère la tendance continue vers une miniaturisation (en taille et en poids) de plus en plus prononcée des composants électriques et électroniques afin de réduire les coûts de production [Fukunaga 1999, Verriere 2011], plusieurs contraintes externes sʹexercent sur la fabrication de ces composants dont lʹamélioration des performances entraîne malheureusement une augmentation de son ʺsac à dos écologiqueʺ ou rucksack. Ce concept a été créé par le chercheur allemand Friederick Schimidt‐Bleek [Schmidt‐Bleek 2009]. Il vise à évaluer les ressources en matière première et en énergie dont la fabrication dʹun objet traîne derrière lui. Par exemple, ʺun smartphone a un rucksack de 70 soit 600 fois son propre poidsʺ2.
Que ce soit dans le domaine aéronautique, ferroviaire ou de la prospection (forages), par exemple, les diélectriques, présents dans les modules de puissance, seront soumis de plus en plus à des contraintes externes liées à lʹenvironnement hostile dʹexploitation tels que la température, la tension ou la pression, entre autres [Dissado et al. 1992, Diaham 2007].

Phénomènes physiques dans les matériaux diélectriques

Un matériau diélectrique est un matériau qui possède des propriétés électriques particulières telles quʹun grand champ de rupture diélectrique (e.g. huile de silicone 15 / ou téflon 60 / ), un coefficient de pertes tan faible (aussi connu comme facteur de dissipation de lʹordre de 10 2 à 10 4) et une permittivité diélectrique quasi‐constante en température et en fréquence (e.g. téflon 2,1 ou huile de transformateur 2,2). Ils peuvent être polaires ou apolaires et ont une bonne résistance au passage du courant électrique.
Lorsque lʹéchantillon est vierge, les éventuelles charges électriques internes présentes dans la couche diélectrique ne sont pas libres de se déplacer dʹune électrode à lʹautre. En revanche, lorsque le matériau est soumis à une contrainte externe, ces charges peuvent se déplacer localement en entraînant une variation des charges images aux électrodes. En général, pour mesurer le courant résultant du mouvement de ces faibles charges de lʹordre du pico‐ Ampère, il suffirait en théorie de brancher un pico‐ampèremètre. Une telle mesure, à elle seule, ne permettrait pas de distinguer le courant dû aux charges internes du courant de conduction. Si le seuil de tension est suffisamment élevé, une injection de charges pourrait avoir lieu par divers mécanismes.
Lʹétude des diélectriques se réalise en général dans une configuration condensateur plan‐ plan ou métal‐isolant‐métal (MIM). Ce type de configuration permet de soumettre le diélectrique à un champ électrique externe et de mesurer lʹévolution du courant , de la polarisation ou de la permittivité en fonction de la fréquence du champ (dans le cas dʹun champ oscillant), du temps et/ou de la température .

Problématique liée à la présence de charge dʹespace

Comme cela a été évoqué précédemment, dans les cas des isolants, la présence de charge dʹespace entraîne des mécanismes de défaillance en raison de lʹaccumulation locale qui modifie la distribution du champ électrique interne. Dans des conditions de haute tension et/ou de haute température, la densité locale pourrait augmenter et renforcer le champ électrique pour lʹamener à des valeurs proches du champ de rupture. La rupture diélectrique a pour conséquence la carbonisation locale du diélectrique et parfois, dans le meilleur de cas des stries ou des petites perforations sont perceptibles à lʹœil nu, mais dans le pire cas un incendie pourrait se déclencher, preuve de la violence du phénomène.
Ainsi, dans le domaine des diélectriques utilisés pour lʹisolation électrique, la réduction de lʹinjection de charges dʹespace lors de lʹutilisation du câble ou du composant diminuera en conséquence les pertes diélectriques par échauffement pour un champ et à une température donnés. Pour évaluer les performances des diélectriques isolants, différentes techniques de mesure de charge dʹespace ont été développées depuis les années 70. Quelques‐unes seront présentées dans la section suivante.

Techniques de mesure de charge dʹespace

Depuis presque cinquante ans, trois familles de méthodes de mesure de la charge dʹespace ont été développées : les méthodes acoustiques, thermiques et optiques.
Les méthodes optiques, telles que la Electro‐Optic Effect method ou méthode dʹeffet électro‐ optique [Zahn et al. 1983], sont plutôt utilisées pour mesurer sans contact et de manière non destructive la charge dʹespace dans des liquides ou des diélectriques transparents [Takada 1999]. Cʹest en analysant la polarisation de la lumière, qui est modifiée après son passage à travers le matériau diélectrique, que des informations peuvent être obtenues. En effet, que cela soit par effet électro‐optique ou photo‐élastique, le champ électrique ou la déformation mécanique à lʹintérieur du matériau modifie les propriétés optiques de la lumière qui traverse lʹéchantillon avec un déphasage des deux composantes perpendiculaires du champ électrique de la lumière transmise par rapport à la lumière incidente.
Dans le cas des diélectriques solides, les ʺdiélectriciensʺ ont exploité les propriétés piézoélectriques et pyroélectriques des matériaux pour examiner, rechercher et mesurer la charge dʹespace dans les isolants. Les méthodes développées exploitent, soit une onde acoustique, soit une source de chaleur, soit une impulsion de tension, pour provoquer un déplacement local de la charge dʹespace. Dans tous les cas le principe est le même : venir perturber localement les charges dans le matériau et mesurer une réponse qui rendra compte de la localisation et de la densité de la charge dʹespace [Ahmed et al. 1997, Mellinger et al. 2012]. Grâce à ces techniques, la fiabilité du matériau dans un composant peut être évaluée.

Techniques acoustiques

Wave Propagation et la LIPP Laser Induced Pressure Pulse. Le principe physique de ces méthodes consiste en la propagation dʹune onde acoustique à travers lʹéchantillon pour perturber la charge dʹespace, mais la différence réside dans la façon dont lʹonde acoustique est générée [Imburgia et al. 2016].
Le principe de fonctionnement des méthodes acoustiques est le suivant : lʹonde de pression générée entraîne lors de son déplacement des modifications mécaniques qui agissent sur la structure atomique du matériau en déplaçant localement les charges dʹespace. Ainsi, les charges images aux électrodes suivent la variation de la perturbation plus ou moins importante qui dépend directement de la distribution de charge dʹespace et des caractéristiques de lʹonde acoustique. Lʹanalyse de lʹévolution temporelle du courant entre les deux électrodes permet dʹavoir accès à la distribution de charge dʹespace au sein du diélectrique.
La technique PWP proposée par Laurenceau en 1976 a été développée par la suite par Alquié [Chapeau et al. 1986, Mahdavi et al. 1989, 1991]. Lʹonde acoustique peut être produite de différentes façons : par lʹutilisation dʹun transducteur piézoélectrique où dʹun laser. Lorsque le transducteur piézoélectrique est utilisé dʹautres méthodes peuvent être dérivées de la PIPWP, telles que par exemple, la PIPP Piezoelectrically Induced Pressure Pulse et la PIPS Piezoelectrically Induced Pressure Step.
Dans le cas de la méthode PIPS, celle‐ci mesure la réponse électrique par effet piézoélectrique, mais dans ce cas un échelon de pression est généré par effet piézoélectrique sur un cristal maintenu en contact intime avec le diélectrique [Eisenmenger et al. 1982, Haardt et al. 1982]. Lʹépaisseur des échantillons à caractériser est comprise entre 100 μ . Le rapport signal sur bruit est faible. Cette méthode sophistiquée est très peu utilisée
Dans le cas de la méthode LIPP, la réponse électrique est mesurée par effet piézoélectrique. En effet, une rapide compression dans le diélectrique est générée par une impulsion laser brève de lʹordre de la femto‐seconde pour atteindre une résolution de 50 [Imburgia et al. 2016]. Lʹépaisseur des échantillons à caractériser peut varier de 50 μ à pour mettre en place lʹéquipement utile (qui est très sophistiqué), les avantages offerts par cette méthode sont dʹune part la possibilité dʹaccéder dans certains cas à la charge dʹespace sans traitement mathématique (car le rapport signal sur bruit est important et lʹonde acoustique est peu déformée en traversant lʹéchantillon), et dʹautre part la possibilité de faire des mesures à cadence élevée [Laurent 1999].

Avantages et limitations de la (F)LIMM classique

Résolution et temps d’acquisition

Un des grands avantages de cette technique, lors de la réalisation des cartographies 3D de distribution de polarisation ou de champ électrique interne, est sa résolution latérale de 10 μ et en profondeur de 1 μ , ainsi que la simplicité de sa mise en oeuvre. Une grande partie des performances de la technique réside dans la maîtrise de la cellule de mesure qui a été mise au point au cours des travaux de thèse précédents [Petre 2004, Pham 2009]. Cette cellule sert à la fois de support de lʹéchantillon et de blindage contre les perturbations électromagnétiques. Ainsi, il est possible d’avoir un bon maintien de l’échantillon, tout en assurant les divers contacts électriques et thermiques aux différentes interfaces de la structure à caractériser [Pham 2009]. Lʹinconvénient majeur est la durée dʹacquisition dʹun spectre en fréquence du courant (F)LIMM qui dure au minimum une dizaine de minutes, dépendant du nombre de mesures en fréquence. Par comparaison, la méthode de lʹimpulsion thermique TPM, produit des données dʹacquisition de quelques secondes [Mellinger et al. 2012].

Mesure pendant la dépolarisation (volt‐off)

Jusqu’à présent, la méthode (F)LIMM était limitée à la mesure du courant pendant la phase de dépolarisation, la polarisation de lʹéchantillon est réalisée en dehors de la cellule de mesure. Cela a été le cas pour les travaux de Petre [Petre 2004] qui ont permis la réalisation des cartographies 3D des échantillons préalablement chargés. De même, lors des travaux de Pham [Pham 2009], les cartographies 3D ont été réalisées lors de la dépolarisation. Lors des travaux de Anh [Tran Anh 2011], l’étude menée a permis de corréler la charge d’espace, induite ou injectée après un protocole de polarisation, avec la déformation mécanique suivie lors de la dépolarisation. Enfin, Marty‐Dessus [Marty‐Dessus et al. 2015] a proposé une mesure (F)LIMM sans contact toujours lors de la dépolarisation.
Cependant, dans toutes les configurations précédentes, le comportement de la charge d’espace simultanément à l’application d’une contrainte électrique et son impact sur le vieillissement du matériau restait inconnu. Or cʹest une préoccupation majeure actuellement, notamment liée aux collaborations avec nos partenaires industriels.
Pour essayer de répondre à cette demande et à ce problème scientifique, certaines méthodes thermiques ont évolué vers la mesure sous champ et un premier essai de mesure type ʺsous champʺ a été proposé pour la méthode (F)LIMM lors des travaux de Pham [Pham 2009].

Mesures thermiques sous champ

Premier essai de (F)LIMM ʺsous champʺ par la méthode du double condensateur

Lors des travaux de Pham [Pham 2009], une première approche de mesure nommée ʺ(F)LIMM sous champʺ a été réalisée suivant lʹadaptation de la technique du double condensateur utilisée en TSM [Agnel et al. 2000, Notingher et al. 2001], et développée à Montpellier et dont le principe est donnée sur la figure suivante Figure II‐3.
Dans cette configuration, un échantillon de mesure est associé à un échantillon de compensation aux dimensions identiques. Ainsi, deux cellules de mesure (F)LIMM, strictement identiques, sont reliées par un interrupteur à la même source de tension, chacune contenant un des échantillons. L’électrode supérieure de la cellule de mesure (cellule 1) et l’électrode inférieure de la cellule de compensation (cellule 2) sont initialement reliées à la masse lors de l’application d’une tension de plusieurs centaines de volts par une source de haute tension continue (HVDC). Lors de la mesure (F)LIMM l’interrupteur est ouvert (en condition de volt‐ off), et le préamplificateur est relié à l’électrode inférieure de la cellule de compensation pour ne mesurer que le courant dû au champ électrique interne de l’échantillon mesuré [Toureille et al. 2007].
Cependant, la réalisation de la mesure simultanément à l’application de la contrainte électrique n’était pas envisageable, en raison d’un grand risque de destruction de la chaîne de mesure [Pham 2009]. Néanmoins, développer cette nouvelle fonctionnalité où la mesure pourrait se réaliser simultanément à l’application de la contrainte était d’une importance capitale pour les futures études, car d’un côté la mesure serait réalisée dans des conditions proches de l’utilisation industrielle et de l’autre il serait enfin possible de calibrer le gradient thermique. Ce dernier point sera traité en détail dans le chapitre IV.

Autres méthodes thermiques ʺsous champʺ

Même si le développement des méthodes thermiques a commencé il y a plus de trente ans, avec pour objectif de caractériser les matériaux diélectriques, la quête de l’influence de la charge d’espace sur le vieillissement des matériaux diélectriques est plus que jamais d’actualité.
Ainsi, depuis les années 2000, des recherches ont été menées pour les faire évoluer vers la mesure sous champ, les méthodes thermiques comme par exemple la TSM [Notingher et al. 2001], la LIMM [Putzeys et al. 2015] ou la TPM [Zheng et al. 2013]. La TSM, en s’approchant davantage de l’utilisation industrielle, permet aujourd’hui de réaliser la mesure sous champ par une méthode analogue à la technique du double condensateur, où après avoir appliqué une haute tension, la mesure se réalise sans la source de tension (volt‐off) sur des câbles extrudés haute tension (HVDC) de 20 ou 40 de longueur avec un isolant de 3 d’épaisseur, sur des prototypes à grande échelle en France et en Angleterre [Castellon et al. 2017]. Avec ce type de montage, il est possible de soumettre l’échantillon à une très haute tension ( 15 ) pendant plusieurs jours et ainsi observer des phénomènes sous tension [Castellon et al. 2017]. Cette technique permet en outre d’appliquer une contrainte thermique supplémentaire à la contrainte électrique in situ.
Dans le cas des films minces de l’ordre de quelques micromètres, la méthode LIMM a été adaptée à Leuven (Belgique) pour que, dans un petit cryostat, un échantillon dans un environnement à température contrôlée soit soumis à l’application d’une source de tension limitée à 100 (100 / pour un échantillon de 1 μ d’épaisseur), à travers une capacité de 100 , pendant l’acquisition de la mesure in situ. Dans ce dernier cas, pour contourner la durée d’acquisition qui pourrait aller de quelques minutes à quelques heures, pour des fréquences variant de 25 à 25 , l’acquisition se réalise dans le domaine temporel, pour ensuite lui appliquer une transformation de Fourier vers le domaine fréquentiel. En effet, la nouvelle solution proposée dans la thèse de Putzeys celle‐ci consistait à ʺmesurer la cinétique pour différentes fréquences de modulation, pour synchroniser plus tard la réponse résolue en temps et ainsi reconstruire le spectre pyroélectrique résolu en fréquenceʺ [Putzeys 2015]. Dans cette configuration, avec un bon rapport signal sur bruit, le courant LIMM est enregistré toutes les 30 millisecondes pour différentes fréquences de modulation, et le protocole de tension appliqué permet de suivre le comportement dans un cycle d’hystérésis.

Vers le développement dʹune méthode (F)LIMM sous champ

L’étude du comportement de la charge d’espace sous une contrainte électrique étant une préoccupation majeure du monde industriel spécialisé, l’évolution naturelle de la (F)LIMM était d’aller vers une mesure pouvant être effectuée pendant l’application d’un champ électrique continu externe. Pour y parvenir, la cellule de mesure classique a dû être adaptée, de sorte à pouvoir relier lʹélectrode supérieure à une source haute tension continue (HVDC) de façon à appliquer la tension directement sur lʹélectrode de lʹéchantillon. La connexion de la source directement à la cellule nécessite un système de conditionnement et une protection électrique ne modifiant pas le spectre de courant (F)LIMM et n’introduisant pas de bruit dans la même chaîne de mesure.
Les obstacles rencontrés, les solutions proposées et leurs impacts en terme d’amplitude, de spectre fréquentiel et de bruit sur le courant (F)LIMM sont détaillés dans les paragraphes suivants.

Evolution instrumentale vers la mesure (F)LIMM sous champ

Principe

Dans le chapitre précédent, le principe de la méthode (F)LIMM a été détaillé. Il s’agit maintenant de présenter les modifications expérimentales effectuées sur notre banc de mesure afin de permettre l’application d’un champ électrique externe ainsi que les modifications théoriques apportées à lʹéquation générale du courant (F)LIMM (Eq. II‐1).
Suivant le schéma du principe de la Figure III‐1, la principale évolution consiste à appliquer une tension continue sur lʹélectrode supérieure de la cellule de mesure.

Evolution du problème électrostatique

D’un point de vue électrostatique, l’application de la tension fait apparaître des charges capacitives présentes au niveau des électrodes en complément des charges images dues à la présence de charge d’espace au sein de l’échantillon (Chap. II).
En effet, lʹapplication dʹune tension entre les électrodes de la cellule de mesure, et donc sur les électrodes du film diélectrique mince étudié, se traduit par lʹapplication dʹun champ électrique continu externe qui vient sʹajouter à la contribution du champ électrique interne
induit par la charge d’espace [Pham 2009, 200]. Ainsi, lorsque la tension est appliquée sur lʹélectrode supérieure, le champ électrique continu produit aux bornes dʹun échantillon dʹépaisseur est : (Eq. III‐1)
Ce champ externe appliqué s’ajoute au champ électrique interne, et un nouveau terme apparaît dans l’expression de la fonction de charge (Eq. II‐3) qui devient : (Eq. III‐2)
Ainsi, lʹexpression générale du courant (F)LIMM sous champ peut sʹécrire de la manière suivante : avec la fréquence de modulation du faisceau, la section du faisceau, l’épaisseur de l’échantillon, la polarisation, et respectivement le coefficient de dilatation ou d’expansion thermique du matériau et le coefficient de dépendance thermique de la permittivité du matériau, la permittivité diélectrique du matériau, le champ électrique interne du matériau, la tension appliquée aux bornes du matériau et , la distribution de température.

Influence de la protection électrique

Bruit introduit par la protection électrique

Dans un premier temps, pour évaluer lʹinfluence et la performance de la protection électrique, un premier test a été mené sur un film en PVDF soumis à 0 en utilisant un très mauvais filtre passe‐bas ( 50 , 100 ) pour deux préamplificateurs différents (LCA‐ 200K‐20M et DLPCA‐200). Ainsi, il a été possible dʹévaluer la qualité du signal sans et avec la protection électrique. Les résultats ont montré que lorsque la protection est ajoutée, le signal obtenu avec le préamplificateur DLPCA est beaucoup moins bruité (Figure III‐14). Cependant dans la même configuration de mesure en utilisant le préamplificateur LCA le signal est beaucoup plus lisse (Figure III‐15). Ce test nous a permis de justifier le choix de réaliser les mesures avec le préamplificateur LCA qui d’après l’expérience présente les meilleures performances en termes de bruit.

Autres sources de bruit

Expérimentalement, l’évolution vers la méthode (F)LIMM sous champ a nécessité beaucoup d’effort pour extraire le signal du bruit car pour une tension continue de quelques kilovolts appliquée directement sur lʹéchantillon, un courant alternatif de lʹordre du pico‐ Ampère est obtenu en sortie. Ainsi, il faut d’abord connaître les sources de bruit pour mieux les contrôler, en introduire le moins possible et mieux les caractériser pour avoir accès aux corrections à appliquer. Pour cela, pendant la phase de développement du banc expérimental, deux expériences différentes ont permis de cerner les sources possibles de bruit et de réduire leur influence sur la mesure.

Bruit lié à des boucles de masse

La première expérience réalisée pour réduire le bruit a été effectuée sur un film en PET de 23 μ d’épaisseur métallisé double face par 30 d’or. Elle a permis d’évaluer la sensibilité au bruit du nouveau banc expérimental lorsque la carcasse de l’alimentation utilisée est reliée de différentes façons à la masse. Le capot (F)LIMM conventionnel n’introduisant pratiquement pas de bruit, c’est la référence de comparaison que nous utilisons pour évaluer le banc expérimental. Le nouveau capot (F)LIMM, ici dénommé simplement ʺ capot HT ʺ, a été pensé pour réaliser la mesure sous haute‐tension. Lorsque ce nouveau capot est lié ou non au filtre RC en maintenant la condition de court‐circuit, grâce à un circuit adapté, il n’introduit pas de bruit comme montré sur Figure III‐18 et Figure III‐19. Cependant, lorsquʹune tension est appliquée, ici 0 , à travers le filtre RC sélectionné ( 100 , 8 ), du bruit à très basse fréquence (100 ) et à très haute fréquence (10 ) est introduit. Pour essayer de le réduite, une tresse métallique a été utilisée (Figure III‐20) pour lier la masse de l’alimentation à la masse de la carcasse. Mais c’est l’introduction dʹune connexion supplémentaire aux bornes de l’alimentation (Figure III‐21) qui a permis de réduire drastiquement le bruit à haute fréquence.

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Table des matières

Chapitre I. Les matériaux diélectriques
I.1 Domaine d’utilisation des diélectriques en ingénierie
I.1.1 Domaine aéronautique
I.1.2 Domaine ferroviaire
I.1.3 Domaine des véhicules électriques
I.2 Mise en œuvre des matériaux diélectriques
I.2.1 Problèmes rencontrés lors de l’utilisation
I.2.2 Quels enjeux pour les diélectriques de demain?
I.2.3 Contraintes
I.2.3.1 Dans les câbles et les fils
I.2.3.2 Dans les modules de puissance
I.3 Phénomènes physiques dans les matériaux diélectriques
I.3.1 Différents mécanismes de polarisation dans les diélectriques
I.3.2 Interprétation de la réponse diélectrique dans le domaine fréquentiel
I.3.3 Mécanismes de conduction dans les diélectriques
I.4 Charge d’espace
I.4.1 Définition
I.4.2 Problématique liée à la présence de charge d’espace
I.5 Techniques de mesure de charge d’espace
I.5.1 Techniques acoustiques
I.5.2 Techniques thermiques
I.5.2.1 Principe de la TPM
I.5.2.2 Principe de la TSM
I.5.2.3 Principe de la LIMM/(F)LIMM
I.5.3 Caractéristiques, avantages et limitations des méthodes thermiques
Conclusion du chapitre I
Chapitre II. La méthode (F)LIMM
II.1 Principe général
II.2 Caractéristiques de fonctionnement
II.3 Mise en œuvre d’une déconvolution mathématique
II.3.1 Problématique
II.3.2 Méthodes de résolution de l’équation de Fredholm de 1er type
II.4 Avantages et limitations de la (F)LIMM classique
II.4.1 Résolution et temps d’acquisition
II.4.2 Technique limitée à l’étude des films minces
II.4.3 Mesure pendant la dépolarisation (volt-off)
II.5 Mesures thermiques sous champ
II.5.1 Premier essai de (F)LIMM « sous champ » par la méthode du double condensateur
II.5.2 Autres méthodes thermiques « sous champ »
Conclusion du chapitre II
Chapitre III. Vers le développement d’une méthode (F)LIMM sous champ
III.1 Evolution instrumentale vers la mesure (F)LIMM sous champ
III.1.1 Principe
III.1.2 Evolution du problème électrostatique
III.1.3 Modifications expérimentales
III.1.4 Contraintes expérimentales
III.1.5 Influence du filtre RC
III.1.5.1 Bruit introduit par la résistance R
III.1.5.2 Fonction de transfert du filtre RC
III.1.6 Influence de la protection électrique
III.1.6.1 Bruit introduit par la protection électrique
III.1.6.2 Fonction de transfert de la protection électrique
III.1.7 Autres sources de bruit
III.1.7.1 Bruit lié à des boucles de masse
III.1.7.2 Bruit lié à la connectique
III.2 Exemple d’acquisition de courant (F)LIMM sous tension continue
Conclusion du chapitre III
Chapitre IV. Modélisation thermique et calibration sous champ électrique DC externe
IV.1 Historique de l’évolution du modèle thermique
IV.1.1 Modèle thermique 1D monocouche avec apport surfacique
IV.1.2 Modèle thermique 3D à trois couches avec apport volumique
IV.1.3 Modèle thermique 1D monocouche avec apport volumique
IV.1.4 Modèle thermique 1D quatre couches avec apport volumique de chaleur
IV.2 Modèle thermique 1D à six couches, approche matricielle
IV.2.1 Description
IV.2.2 Modèle
IV.2.3 Profils de température
IV.3 Simulation des courants (F)LIMM
IV.3.1 Principe
IV.3.2 Influence des paramètres du modèle
IV.3.2.1 Puissance de la diode laser
IV.3.2.2 Influence du type de métallisation
IV.3.2.3 Conductivité et diffusivité thermique de l’échantillon
IV.3.2.4 Epaisseur de la couche d’huile de silicone
IV.3.2.4.1 Impact du contact thermique sur la face arrière de l’échantillon
IV.3.2.4.2 Influence de l’épaisseur de la couche d’huile de silicone
IV.3.2.5 Dépendance en température en fonction de la permittivité et de l’épaisseur de l’échantillon
IV.4 Calibration du modèle thermique par la méthode d’identification des paramètres
Conclusion du chapitre IV
Chapitre V. Mise en œuvre et résultats expérimentaux de la méthode (F)LIMM sous champ
V.1 Calibration thermique
V.1.1 Vérification de l’hypothèse de non-injection de charge
V.1.1.1 Influence de la nature du matériau (PEN, PET, PE, FEP)
V.1.1.2 Influence de l’épaisseur du film
V.1.2 Calibration sur PEN
V.1.2.1 Caractéristiques du PEN
V.1.2.2 Première phase de la calibration: conditions initiales
V.1.2.3 Deuxième phase de la calibration: pré-ajustement de la puissance et de l’épaisseur
V.1.2.4 Troisième phase de la calibration: réajustement de la puissance par la méthode des moindres carrés
V.1.2.5 Quatrième phase de la calibration: l’optimisation par la méthode d’identification des paramètres
V.1.2.6 Discussion des résultats sur la calibration du modèle thermique
V.2 Mesure de charge d’espace dans un film de BOPP
V.2.1 Caractéristiques du BOPP
V.2.2 Mesure (F)LIMM sous champ
V.2.2.1 Protocole de mesure
V.2.2.2 Calibration du modèle thermique appliqué au BOPP
V.2.2.3 Courant (F)LIMM sous champ
V.2.2.4 Déconvolution
V.2.2.4.1 Distribution de la charge d’espace et du champ électrique au sein de l’échantillon lors de la dépolarisation (volt-off)
V.2.2.4.2 Cartographie de la charge d’espace
Conclusion du chapitre V
Conclusion générale
ANNEXE Chap. IV-1
Diffusion scientifique des travaux de thèse
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