Phénomènes HF dans un actionneur électrique

Contexte de l’étude 

Les onduleurs de tension à modulation de largeur d’impulsion (MLI) sont devenus incontournables pour l’alimentation et le pilotage des actionneurs électriques de faible et moyenne puissance. Actuellement, les chaines d’énergie, dispositifs constitués par une source, un onduleur triphasé et un actionneur triphasé (machine synchrone ou asynchrone), se trouvent dans tous les grands secteurs d’application : transports (automobile, ferroviaire aéronautique), énergies renouvelables (éoliennes) ou industriels (robotique, chaines automatisées, etc..). L’utilisation de ces structures de puissance se justifie par la versatilité de leur fonctionnement, leur rendement élevé et les gains énergétiques ou massiques qu’ils procurent au système dans lequel ils sont inclus.

Aujourd’hui, les convertisseurs commercialisés opèrent à des fréquences de découpage généralement fixées dans la plage de quelques kHz à quelques dizaines de kHz. Ils sont réalisés avec des semi-conducteurs en silicium de type transistor bipolaire à grille isolée (IGBT) ou transistor à effet de champ à grille isolée MOSFET pour les applications à plus faible tension et courant. Ces composants génèrent des fronts de tension et de courant de plus en plus rapides de l’ordre de quelques dizaines à quelques centaines de nanosecondes, minimisant ainsi les pertes par commutation et facilitant la gestion de la thermique. Cependant, ces variations très rapides des grandeurs électriques avec de fortes amplitudes sont à l’origine des perturbations électromagnétiques (EM) émises par le convertisseur. La référence [1] montre que ces perturbations sont échelonnées sur plusieurs décades sur l’échelle fréquentielle, leurs origines étant liées à tous les niveaux et tous les mécanismes de commutation de la structure de conversion. Ces perturbations EM sont divisées en deux catégories : les perturbations rayonnées et les perturbations conduites. Les perturbations rayonnées sont principalement liées aux boucles formées par la trajectoire des courants de monde commun. Cette trajectoire, souvent non maitrisée, peut former des boucles de courants de grandes dimensions qui conduisent à l’émission d’ondes EM susceptibles de perturber l’environnement électrique [1], [2]. Ces perturbations ne seront pas traitées dans cette thèse. En ce qui concerne les perturbations conduites, on trouve dans la littérature de spécialité beaucoup de travaux qui mettent en évidence les problématiques des perturbations conduites générées par les convertisseurs d’électronique de puissance, leur modélisation et leur réduction à la source et par filtrage. Ces perturbations se traduisent par l’apparition et la propagation de tensions et courants HF indésirables dans tout l’environnement via les imperfections électriques du système (impédances parasites). Par contre, on trouve assez peu de travaux qui traitent de la problématique des perturbations électromagnétiques dans les charges et en particulier dans les machines électriques.

En outre, les actionneurs électriques sont à l’interface entre le convertisseur statique de puissance et le système mécanique. De ce fait, ils sont non seulement confrontés à ces perturbations, mais ils constituent une voie privilégiée pour la transmission des perturbations électromagnétiques à l’environnement avec des effets électromagnétiques répertoriés (émissions EM) mais aussi des effets physico électriques : dégradation des paliers ou des mécanismes entrainés.

Par ailleurs les convertisseurs de puissance utilisés dans les applications de transport voient la température à laquelle ils doivent fonctionner s’élever, de l’ordre de 120°C pour l’automobile et de 200°C pour l’aéronautique. Cette évolution passe par l’utilisation d’une nouvelle génération de semiconducteurs au carbure de silicium SiC et bientôt au nitrure de galium GaN qui sont bien adaptés à ces environnements hostiles et aux fréquences de commutation élevées. Ces nouveaux composants présentent cependant des dv/dt et di/dt plus importants que pour la technologie silicium. Par conséquent, les effets électromagnétiques qui en découlent sont encore plus importants et sévères pour l’actionneur. Aux effets déjà mentionnés, on peut ajouter des considérations de sécurité de fonctionnement dans le domaine particulier de l’aéronautique : la sécurité de vol d’un aéronef est directement liée au fait que les signaux nécessaires au guidage ne puissent être brouillés par des perturbations qui viendrait de la mise en action d’une chaine d’énergie par exemple.

Ainsi, la compréhension de ces phénomènes, déjà bien avancée pour les seuls convertisseurs statiques, doit être complétée dans le cas des actionneurs électromécaniques afin de prédire et de quantifier les effets et de proposer des moyens de contrôle. Ces aspects font l’objet des travaux présentés dans ce manuscrit, ils se limitent aux machines triphasées (synchrone et/ou asynchrone).

Phénomènes HF dans un actionneur électrique

Perturbations en mode commun

Les convertisseurs MLI sont par nature une source de nuisances électromagnétiques. La figure (1) présente un schéma électrique très simplifié d’une machine à induction alimentée par un onduleur triphasé. Les courants de mode commun engendrés par ce dernier, figure.1- c-, sont la conséquence de l’existence d’une tension homopolaire haute fréquence, figure.1- b-, entre les enroulements et le point de masse du moteur. Son origine réside dans le fait que la somme des trois tensions de phase n’est pas nulle à chaque instant comme ce serait le cas dans un système triphasé équilibré sinusoïdal, notamment à cause de la technique de commande par MLI.

Ces courants capacitifs ne sont pas critiques pour le moteur en soit, mais en se refermant à la masse, ils sont susceptibles de perturber l’environnement électrique du moteur. Par ailleurs, dans une étude postérieure [8], les auteurs mettent en évidence la présence d’une tension dite « d’arbre » (par opposition à celle de palier) liée à l’apparition de phénomènes parasites d’induction magnétique. La tension d’arbre est définie par la différence de potentiel entre les deux extrémités de l’arbre, liée à la circulation interne de courants dans le moteur [11]. Selon les travaux présentés dans [12], [13], ces phénomènes inductifs qui se traduisent par l’apparition de flux magnétique homopolaire HF au stator sont la conséquence directe de la circulation des courants de mode commun écoulés au stator sur les surfaces des tôles. En considérant la mise à la terre du moteur placée du côté de l’alimentation, telle que représentée sur la figure (4), ce flux parasite qui n’a pas d’impact sur le flux magnétique fondamental, croît au fur et à mesure que l’on se rapproche de la masse. Ayant la même fréquence que le courant qui l’a créé, il encercle le rotor, l’arbre du moteur et engendre une tension d’arbre en vertu de la loi de Lenz. À son tour, cette tension induite contribue à la circulation de courants de roulement HF, dit « circulating bearing currents », on peut aussi parler de courants circum-moteur. Contrairement aux courants capacitifs, ils ne se referment pas à la masse mais circulent en interne dans une boucle formée par le stator, l’arbre du rotor, les roulements et les flasques  .

Dégradation des systèmes d’isolation des enroulements 

Cette problématique a fait l’objet de plusieurs études qui ont permis d’identifier précisément les causes et les mécanismes de dégradation prématurée de l’isolation des enroulements alimentés par un convertisseur MLI. Ces dégradations sont liées à l’apparition de décharges partielles dans les isolants et à l’ionisation de l’air qui entoure les conducteurs (effet corona). Ces effets sont dus aux forts champs électriques induits par les dv/dt. Ces phénomènes peuvent être minimisés considérablement en réalisant des bobinages avec des conducteurs de type « fils corona résistant » ou en arrangeant judicieusement les conducteurs de telle sorte à avoir un minimum de contraintes électrostatiques entre conducteurs [17][18].

Présentation générale des modèles proposés dans la littérature

La plus grande partie des modèles hautes fréquences proposés dans la littérature est dédiée aux machines asynchrones [15], [19]–[24]. Néanmoins il est possible de trouver quelques travaux sur le comportement des machines synchrones à aimant permanant [25]–[28] et les machines à courant continu [29]–[31]. Ces modèles peuvent être répertoriés selon deux axes :
● Modèles pour l’analyse CEM et la simulation fréquentielle,
● Modèles pour l’analyse des perturbations intrinsèques et la simulation temporelle.

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Table des matières

INTRODUCTION
1. Contexte de l’étude
2. Phénomènes HF dans un actionneur électrique
2. a. Perturbations en mode commun
2. b. Perturbations en mode différentiel
2. c. Dégradation des systèmes d’isolation des enroulements
3. Présentation générale des modèles proposés dans la littérature
3. a. Modèles pour l’analyse CEM
3. b. Modèle pour l’analyse des perturbations intrinsèques au moteur
4. Objectif de l’étude
CHAPITRE I IDENTIFICATION ET MODÉLISATION DES CHEMINS DE PROPAGATION DES COURANTS DE MODE COMMUN DANS LES PARTIES MÉTALLIQUES D’UN MOTEUR TRIPHASÉ
I. 1. Identification des chemins de propagation par la méthode des éléments finis 2D axisymétrique
I. 1. a. Modèle EF 2 D axisymétrique
I. 1. b. Résultats et discussions
I. 2. Analyse de la trajectoire des courants au niveau des tôles
I. 3. Impact de la position et du nombre de points de masse sur la trajectoire des courants de mode commun
I.4. Calcul du couplage entre tôles à partir de simulation éléments finis
I. 4. a. Impédance d’une tôle
I. 4. b. Extraction de la mutuelle impédance entre deux tôles dans l’air
I. 5. Modélisation circuit de la propagation des courants HF dans la masse métallique
I. 5. a. Calcul des paramètres du circuit
I. 5. b. Analyse des résultats des simulations circuit et discussions
I.6. Conclusion
CHAPITRE II ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DU DÉVELOPPEMENT DE LA TENSION DES ROULEMENTS D’UNE MACHINE SYNCHRONE À ROTOR BOBINÉ
II. 1. Rappel du comportement des roulements et des mécanismes de claquage
II. 1. a. Comportement général des roulements
II. 1. b. Comportement électrique des roulements
II. 1. c. Tension de roulements et courants de roulements
II. 1. d. Modélisation « circuit » des roulements
II.2. Description du banc
II.3. Proposition du modèle capacitif de la machine
II. 4. Identification des paramètres
II. 4. a. Stratégie de mesure
II. 4. b. Extraction des paramètres du modèle à partir de la mesure
II. 4. c. Bilan de la mesure de capacités
II. 5. Essai d’injection de tension de mode commun entre l’enroulement statorique et le châssis, mesure des tensions d’arbre
II. 5. a. Simulation
II. 5. b. Validation expérimentale et bilan
II. 6. Essai d’injection de tension entre l’enroulement rotorique et le châssis, mesure des tensions d’arbre
II. 6. a. Injection de tension variable entre enroulement rotorique et châssis
II. 6. b. Injection d’une tension statique entre enroulement rotorique et châssis
II. 7. Analyse détaillée des formes d’onde de la tension de roulements lors du claquage
II. 7. a. Approche expérimentale: Injection tension entre la bornes Ar_GND (entrée roulements) et châssis
II. 7. b. Modélisation circuit du phénomène de claquage
II. 7. c. Impact d’une excitation simultanée de l’enroulement statorique et rotorique; simulation circuit
II. 8. Analyse détaillée des formes d’onde des courants de décharge
II. 8. a. Excitation des roulements via un pont résistif
II. 8. b. Excitation des roulements via un pont capacitif ; Imitation du couplage capacitif entre enroulement statorique – masse métallique
II. 8. c. Excitation des roulements via un pont capacitif; simulation du couplage capacitif entre enroulements rotorique et masse métallique du rotor
II. 9. Conclusion
CHAPITRE III ÉTUDE ET CALCUL DES EFFETS CAPACITIFS AU STATOR D’UN MOTEUR À INDUCTION
III.1. Description de la maquette et de la méthodologie de mesure
III. 2. Évaluation, par le calcul analytique, numérique (EF) et empirique du couplage capacitif entre enroulements et stator pour des géométries simples – cas d’une encoche carré
III. 2 .a. Un conducteur carré
III. 2 .b. Quatre conducteurs, encoche rectangulaire
III. 3. Construction d’un modèle pour le calcul du couplage capacitif dans l’encoche
III. 3. a. Calcul des capacités inter-conducteur
III. 3. b. Calcul de la capacité entre les parois d’encoche et les conducteurs
III. 3. c. Construction d’un programme sous MATLAB pour le calcul du couplage capacitif et l’énergie électrostatique dans une encoche
III. 3. d. Validation du programme
III.4. Conclusion
CONCLUSION

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