Phénomènes de corrosion des objets archéologiques en fer
Les caractéristiques physico-chimiques de l’environnement dont est issue le mobilier archéologique ferreux influencent les mécanismes de corrosion ainsi que la nature des phases formées. De nombreuses recherches, dans le cadre de la conservation du patrimoine mais aussi celui de la compréhension des processus de corrosion du fer, ont permis de mettre en évidence la corrélation des phases formées avec les paramètres du milieu comme la teneur en oxygène, la composition du milieu en présence (chlore, carbonates), le potentiel, le pH ou encore d’organismes vivants dans le cadre de la corrosion bactérienne.
Réactivités des phases de produits de corrosion en conditions ambiantes
Plusieurs auteurs ont étudié la formation des produits de corrosion du fer en milieu aqueux dans le cadre de la conservation des objets archéologiques.une sélection de composés souvent mis en évidence dans les couches de produits de corrosion du fer archéologique et certaines de leurs caractéristiques (degré d’oxydation, densité) .
Selon la nature du milieu de corrosion, des phases d’oxydes, d’oxydroxydes peuvent se former. Cependant, en milieu carbonaté, anoxique des phases de carbonates de fer et sulfures de fer peuvent être issues des processus de corrosion. Concernant les phases de types oxydes, hydroxydes et oxyhydroxydes de fer, Misawa et al. ont établi à partir de la phase d’hydroxyde de fer II, un schéma réactionnel permettant d’identifier les processus de formation des produits d’oxydation du fer selon le pH, le taux d’oxygène dissous ainsi que les espèces présentes au sein du milieu [2]. Kergourlay, dans le cadre de l’étude des phénomènes de déchloruration de couches de produits de corrosion par bain chimique en conditions ambiantes effectue une revue des mécanismes de formation de phases en milieu chlorurée à partir des données de Refait et al., Genin et al. ainsi que Rémazeilles et al. .
La morphologie des particules mais aussi la cristallinité de la phase ont une influence sur sa réactivité. Atkinson et al. comparent le taux de transformation de l’akaganéite et montrent que la morphologie en baguettes présente une stabilité plus grande que celle précipitée en forme somatoïdale [15]. En ce sens, Thickett observe également des différences en comparant les transitions thermiques de phases naturelle et synthétique d’akaganéite [16]. Il montre qu’un pic endothermique est obtenu à 300°C dans le cas de l’akaganéite naturelle, alors que la température de 280°C est obtenue avec la phase de synthèse. Cependant, Il tend à discuter ce résultat en précisant l’impact majeur de paramètres comme les différentes teneurs en chlore ou la qualité d’adsorption de la phase selon les conditions de sa formation [16].
A nouveau, selon les conditions de synthèses et de formation, la cristallinité peut également influencer la transformation. Schwertmann compare plusieurs phases de goethite présentant des degrés de cristallinité variables ainsi que des surfaces spécifiques différentes. Une phase de faible cristallinité et de faible surface spécifique se transforme plus facilement en conditions fixées par rapport à une phase bien cristallisée et de faible surface spécifique [1, 17, 18]. Enfin, Navrotsky et al. comparent le comportement thermodynamique, en conditions ambiantes, de certains oxydes de fer (hématite, maghémite) et oxyhydroxydes de fer (akaganéite, lépidocrocite, goethite) et montrent la dépendance entre l’augmentation de l’enthalpie libre de formation et celle de la surface spécifique pour chacune de phases [19]. Au sein de profils de produits de corrosion archéologiques, les phases formées présentent donc des caractéristiques propres. Mais, la distribution des phases au sein de profils de produits de corrosion est également une des caractéristiques propres à l’objet et à l’environnement dans lequel celui-ci s’est corrodé. Afin d’étudier au mieux les couches de corrosion du fer archéologique, la notion de profil de corrosion est présentée. Les profils étudiés soit en coupe transversale soit par abrasion progressive des couches font l’objet d’une méthodologie multiéchelle [20-22]. Grâce à cette méthodologie, les systèmes de corrosion formés sur les objets archéologiques ont été décrits et ont permis de mettre en évidence la présence de phases chlorurées spécifiques selon l’origine archéologique et les conditions de stockage des objets à l’issue de la fouille.
Occurrence et formation des phases chlorurées
Certains types de milieux archéologiques permettent la formation de phases chlorurées de produits de corrosion. Les objets corrodés en milieu marin ainsi que les objets terrestres présentent des caractéristiques chimiques favorables à la formation de phases chlorurées. Les faciès de corrosion décrits par différentsauteurs sont résumés ci-après.
Profil de corrosion sous-marin
Les profils de produits de corrosion des objets corrodés en milieu sous-marin ont tout d’abord été étudiés par North et Pearson, [23, 24]. Ceux-ci mettent en évidence de phases d’oxyhydroxydes de fer et des phases chlorurées de type oxychlorure de fer et chlorure ferrique hydraté. North montre alors que lescouchesde produits de corrosion peuvent se former en milieu marin dans des conditions de pH acides favorisant la précipitation de phases de fer II. Des teneurs en chlore comprises entre 18 et 33% sont mises en évidence etcorrespondent à la phase d’hydroxychlorure de fer β-Fe2(OH)3Cl [24]. Mais, d’autres analyses ont montré par la suite que certains objets issus de fouilles sous-marines sont constituées de phases de fer III (goethite, llépidocrocite et la phase chlorurée akaganéite, β-FeO1-x(OH)1+xClx notamment) soulevant ainsi la question de la formation de ce type de phase en milieu sous-marin ou après la mise au jour del’objet [25].
Plus récemment, l’analyse en coupe transversale d’objets issus de fouilles sous-marines notamment du site archéologique des Saintes-Maries-de-la-Mer dans le sud de la France a permis d’établir un profil type d’objets corrodés en milieu chloruré et anoxique [26, 27]. Les différents auteurs montrent par analyses par spectroscopie Raman et diffraction des rayons X la présence de trois zones.En externe, une couche de concrétion présente des éléments provenant du milieuextérieur comme la calcite (CaCO3) et le quartz (SiO2). Ensuite, en interne, la couche de produits de corrosion présente deux zones de porosité et densité variables.90 à 95% de la couche est dense et est composée d’hydroxychlorures de fer β-Fe2(OH)3Cl et γ-Fe2(OH)3Cl,contenant du chlore à des teneurs massiques comprises entre 18 et 22%. Au sein de cette couche dense mais également au contact de la couche de concrétion, Kergourlay identifie un fin liseré d’ akaganéite à des teneurs massiques en chlore entre 8% et 12% et de goethite. A l’interface de la couche de concrétion, un fin liseré de magnétite de quelques dizaines de microns, Fe3O4 est identifiée ainsi que des sulfures de fer très localement. Enfin, des inclusions (Si, Ca, Al) provenant du métal et un carbure de fer, Fe3C, cémentite sont présents dans la couche de produits denses [3].
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 : Contexte et état de l’art
1. Contexte
1. Phénomènes de corrosion des objets archéologiques en fer
i. Réactivités des phases de produits de corrosion en conditions ambiantes
ii. Occurrence et formation des phases chlorurées
1. Profil de corrosion sous-marin
2. Profil de corrosion terrestre
2. Problématique du chlore dans le domaine de la conservation des objets archéologiques en fer
i. Mécanismes de dégradation des couches chlorurées
ii. Akaganéite
iii. Déchloruration des objets archéologiques en fer par les techniques traditionnelles
2. Procédé de stabilisation subcritique des objets archéologiques en fer
1. Principe
i. Description des conditions subcritiques
ii. Propriétés des fluides en conditions hydrothermales
2. La déchloruration en conditions subcritiques
i. Apport de la stabilisation subcritique
ii. Description des paramètres du traitement
1. pH et solution alcaline
2. Température
3. Pression
4. Débit de solution
3. Transformations physico-chimiques induites lors des traitements de déchloruration par bain chimique
1. Conditions ambiantes
i. Bilan des transformations de phases
1. Hydroxychlorure de fer II
2. Oxyhydroxydes de fer
3. Carbonates et sulfures de fer
ii. Transformations physiques des couches de produits de corrosion
2. Conditions subcritiques
i. Nature des transformations de phases
ii. Intégrité des objets traités
4. Système Fe-H2O en conditions de pression-température
1. En atmosphère/sous vide
2. En solution
5. Problématique
Chapitre 2 : Méthodologie, Corpus et techniques expérimentales
1. Méthodologie
2. Corpus
1. Objets archéologiques
i. Site archéologique sous-marin : Les Saintes-Maries-de-la-Mer
ii. Site subaquatique : Arles-Rhône-3
iii. Site terrestre : Le Castellet
2. Systèmes modèles
3. Préparation des échantillons
3. Protocoles de traitement subcritique
1. Prototype A-CORROS©
i. Description
ii. Protocole
2. Cellule en système fermé
4. Techniques d’analyses expérimentales
1. Techniques de microscopie et analyse élémentaire
i. Microscope optique
ii. Microscopie électronique à balayage et analyse par spectroscopie à dispersion en énergie
2. Analyses structurales avant et après traitement
i. Spectroscopie Raman
ii. Diffraction des rayons X
1. Générateur X à anode tournante
2. Ligne de lumière DiffAbs (synchrotron SOLEIL)
3. Analyses structurales avec suivi in-situ par spectroscopie d’absorption des rayons X
4. Analyses des propriétés physiques
i. Porosimétrie à intrusion de mercure
ii. Analyses texturales par adsorption-désorption BET
Chapitre 3 : Résultats
1. Etude de cas : transformation de profils de produits de corrosion archéologiques
1. Profils de type Fe II
i. Profil sous-marin en sortie de fouilles
1. Observations générales macroscopiques
2. Suivi du traitement de déchloruration
3. Profil de produits de corrosion avant traitement
4. Profil de produits de corrosion après traitement
5. Bilan comparatif
ii. Profil subaquatique en conditions désaérées
1. Observations générales macroscopiques
2. Profil de produits de corrosion avant traitement
3. Profil de produits de corrosion après traitement
4. Bilan comparatif
2. Profil de type Fe III
i. Profil terrestre
1. Observations générales macroscopiques
2. Profil de produits de corrosion avant traitement
3. Profil de produits de corrosion après traitement
4. Bilan comparatif
ii. Profil sous-marin avec stockage en conditions ambiantes non régulées
1. Observations générales macroscopiques
2. Profil de produits de corrosion avant traitement
3. Profil de produits de corrosion après traitement
4. Bilan comparatif
iii. Fragments isolés de couches de produits de corrosion
1. Transformations de phases de produits de corrosion
2. Evolution des paramètres physiques du mélange
3. Bilan
2. Etude des systèmes modèles
1. Description des systèmes sélectionnés et objectifs
2. Transformations des phases de synthèse en conditions subcritiques
i. Nature chimique des transformations de phases
ii. Evolutions des caractéristiques morphologiques et physiques
1. Phases d’oxydes de fer synthétiques
2. Phases d’oxyhydroxydes de fer synthétiques
3. Transformation de l’akaganéite archéologique en conditions subcritiques
ii. Morphologie et composition élémentaire
iii. Transformations physiques
4. Caractéristiques structurales et tailles de cristallites des phases issues de la transformation
i. Phases néoformées à l’issue du traitement subcritique
ii. Phases d’oxyhydroxydes de fer non transformées
5. Bilan des transformations
3. Transformation de l’akaganéite : influence des conditions expérimentales
1. Transformation de l’akaganeite de synthèse
i. Suivi in-situ de la transformation
1. Transformation à 180°C
2. Influence de la montée en température
1. Description de l’expérience
2. Suivi in-situ
3. Analyses après traitement des phases formées
ii. Influence de la durée de traitement sur la phase formée
iii. Bilan
2. Transformation de l’akaganéite archéologique
i. Description du système
ii. Evolution quantitative globale
iii. Analyses locales de la coupe transversale
1. Nature et distribution des phases
2. Répartition en composition élémentaire
3. Interface de transformation
iv. Morphologies de transformation de l’akaganéite archéologique
v. Evolution structurale des phases à l’échelle micrométrique
1. Evolution structurale de l’akaganéite archéologique
2. Evolution de l’hématite formée
vi. Bilan
Conclusion générale