Phénomènes d’auto-assemblages

L’auto-assemblage de molécules par des forces non covalentes est un processus à l’origine de nombreux phénomènes aussi bien en sciences des matériaux qu’en biologie. La structure de l’auto-assemblage est corrélée avec sa fonction et l’ordre dans les matériaux permet le transfert de l’information. La nature, par exemple, crée des systèmes incroyablement complexes et efficaces. Cette puissance réside dans la construction minutieusement contrôlée d’édifices moléculaires et dans l’assemblage de ces derniers pour atteindre des niveaux d’organisation toujours plus élevés. La compréhension des interactions intermoléculaires à l’origine de l’auto-organisation et leur contrôle suscitent un intérêt constant comme le montre le développement de la chimie supramoléculaire. L’utilisation des interactions intermoléculaires pour la formation de systèmes auto-assemblés ou la reconnaissance moléculaire trouve ainsi des applications dans de nombreux domaines, de la biologie aux matériaux. Ces derniers, qui semblent pourtant très éloignés, se rejoignent par l’exploitation des mêmes phénomènes et, comme nous le verrons, peuvent même parfois s’imbriquer.

Phénomènes d’auto-assemblages

Généralités

L’étude des auto-assemblages moléculaires est l’objet de la chimie supramoléculaire, domaine qui s’est progressivement développé depuis la seconde moitié du vingtième siècle, grâce notamment aux travaux de J.-M. Lehn, D. Cram et C. Pedersen [1-3]. L’auto-assemblage moléculaire désigne la formation de structures ordonnées à partir de briques élémentaires (petites molécules), de manière spontanée, i.e. sans assistance extérieure. Ces systèmes supramoléculaires sont basés sur des interactions non-covalentes de faible énergie parmi lesquelles les forces électrostatiques, les liaisons hydrogène, les forces de Van der Waals, les interactions d’empilement aromatique (π-stacking), ou encore les liaisons de coordination aux métaux de transition. Ces assemblages intermoléculaires sont à l’origine de nombreux concepts et études : construction d’architectures complexes, auto-assemblages moléculaires bi- ou tri dimensionnels, systèmes hôtes/invités, reconnaissance de forme, de structure etc.

Systèmes biologiques

Les systèmes vivants sont caractérisés par l’omniprésence des auto-assemblages moléculaires. On peut ainsi citer, à différentes échelles, les membranes cellulaires (bicouches lipidiques s’associant pas interactions hydrophobes entre les phospholipides les constituant), la reconnaissance spécifique d’un agoniste et de son récepteur (pouvant faire intervenir des liaisons hydrogènes, des interactions hydrophobes etc.) et bien sûr la molécule d’ADN, support de notre information génétique, qui nous intéresse particulièrement dans le cadre de cette thèse.

La forme canonique de l’ADN, proposée par J. Watson, F. Crick, M. Wilkins et R. Franklin en 1953 [4-7] est une double hélice droite constituée de deux brins antiparallèles. Ces deux brins sont associés par des liaisons hydrogènes (dites de type Watson-Crick) entre les bases complémentaires A-T (adénine-thymine) et G-C (guanine-cytosine) . Cette structure est par ailleurs stabilisée par des interactions d’empilement (π-stacking) entre les bases et des interactions polaires des groupes phosphates avec l’eau. Cet appariement de type Watson Crick n’exploite pas au maximum les sites donneurs et accepteurs de liaisons hydrogène des bases nucléotidiques. Celles-ci ont donc la possibilité de s’associer selon des modes différents [8] conduisant à la formation de structures d’ADN différentes de la double hélice. Parmi celles-ci figurent des hélices d’ordre supérieur (c’est-à-dire composées de plus de deux brins) telles que les triples hélices (ou triplexes), les quadruples hélices (ou quadruplexes) etc. En effet, des guanines peuvent s’associer entre elles par liaisons hydrogène de type Hoogsteen (s’effectuant sur le côté non ‘Watson-Crick’ de la base et faisant intervenir les cycles imidazoles) pour former des triades (constituant élémentaire des triplexes) ou des tétrades (constituant élémentaire des quadruplexes) .

Systèmes artificiels, nanotechnologies

La recherche de la miniaturisation, au cœur même du domaine des nanotechnologies, nécessite la construction d’objets artificiels structurés à l’échelle du nanomètre. Deux approches opposées dites ‘Top-down’ et ‘Bottom-up’ apportent des solutions pour atteindre ces objectifs. Tandis que la première consiste à contrôler les propriétés et la structure d’un objet aux échelles les plus petites à partir d’outils macroscopiques, on s’attache dans la seconde à réaliser des systèmes macroscopiques complexes par assemblage de briques élémentaires nanométriques. Les auto-assemblages moléculaires sont donc des outils particulièrement attrayants [9, 10] pour cette seconde approche.

Un intérêt supplémentaire des systèmes auto-assemblés réside par ailleurs dans le domaine de la science des surfaces et des matériaux organiques. En effet, la formation de structures bidimensionnelles organisées sur des surfaces a de nombreuses applications technologiques dans les domaines de l’électronique ou du photovoltaïque, la plupart des composants étant des matériaux ‘supportés’ (déposés sur des surfaces). Dans ce cadre, le développement des microscopies à sonde locale et en particulier du microscope à effet tunnel (Scanning tunneling microscopy, STM) a ouvert de nouvelles perspectives dans l’étude de monocouches autoassemblées sur des surfaces à l’échelle nanométrique .

Systèmes artificiels à partir d’objets biologiques

La nanobiotechnologie ou nanotechnologie biomimétique, qui consiste à créer des systèmes artificiels auto-organisés à partir d’objets biologiques, est un domaine en pleine expansion et démontre la forte connexion entre science des matériaux et biologie. On peut ainsi citer la fonctionnalisation de nanoparticules inorganiques par des composés biologiques pour l’assemblage d’architectures nanostructurées [12, 13]. L’ADN en particulier est un objet de choix pour la création de nano-objets [14, 15]. Ainsi le groupe de G. Joyce a construit un octahèdre à partir d’un long simple brin d’ADN . De la même manière, P. Rothemund et ses collaborateurs ont réalisé des assemblages 2D d’un long brin d’ADN selon des formes prédéfinies .

Les bases de l’ADN et en particulier les guanines, sont utilisées pour former des structures artificielles. Ainsi les quartets de guanine présentés précédemment (§I.2) peuvent servir de motifs élémentaires pour former des canaux ioniques synthétiques, des gels, des cristaux liquides, des nanomachines etc. Le groupe de J.T. Davis a par exemple développé une guanosine modifiée qui forme une structure G-quadruplexe unimoléculaire par une réaction de métathèse . Cette structure est capable de transporter des ions Na+ à travers une membrane phospholipidique [18]. Les travaux réalisés sur les architectures supramoléculaires formées par auto-assemblage de dérivés de guanine font l’objet d’une revue récente de J. Davis et G. S. Spada [19]. Ces systèmes, qui fournissent des modèles pour comprendre l’assemblage dans l’ADN, peuvent trouver des applications dans les nanosciences.

Enfin, dans le domaine des microscopies en champ proche et particulièrement en STM, de nombreuses études ont été consacrées aux systèmes biologiques : protéines, acides aminés et bases de l’ADN en particulier. Celles-ci, déposées sous leur forme libre sur des surfaces de graphite, d’or ou de cuivre, forment des monocouches reflétant le caractère essentiel des liaisons hydrogène dans leur association et permettant d’établir un parallèle avec la formation de ces liaisons dans les systèmes naturels d’ADN. Ainsi, si les guanines forment une structure en dimères sur graphite (à l’interface octanol/graphite) [20], leur auto-assemblage en quartets a été observé sur Au(111) : déposées sur un substrat d’Au(111) à température ambiante et en conditions d’ultra-vide, les guanines s’auto-assemblent en un réseau de G-quartets stabilisé par liaisons hydrogène .

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction générale
I.Phénomènes d’auto-assemblages
I.1.Généralités
I.2.Systèmes biologiques
I.3.Systèmes artificiels, nanotechnologies
I.4.Systèmes artificiels à partir d’objets biologiques
II.Interactions intervenant dans les auto-assemblages
III.Contexte général de ce travail
Partie 1
Introduction
I.Monocouches auto-assemblées de molécules organiques
II.Introduction à la microscopie à effet tunnel
II.1.Principe de l’effet tunnel
II.2.La microscopie à effet tunnel et le modèle de Tersoff et Hamann
II.3.Fonctionnement du STM
II.4.STM à l’interface liquide/solide
II.4.1. Dispositif
II.4.2. Liquides adaptés
II.4.3. Substrats utilisés
II.4.4. Exploitation des images
III.Auto-assemblages de molécules de symétrie ternaire
III.1.Cristaux liquides discotiques de symétrie ternaire
III.1.1. Cristaux liquides discotiques : ordre
III.1.2. Mésogènes discotiques
III.1.2.1.Dérivés de benzène
III.1.2.2.Hydrocarbures poly-aromatiques
III.1.2.3.Hétérocycles aromatiques
III.1.3. Propriétés de transport des cristaux liquides discotiques de symétrie ternaire
III.2.Monocouches de molécules discotiques de symétrie ternaire
III.2.1. Dérivés de benzène
III.2.2. Hydrocarbures aromatiques
III.2.3. Hétérocycles aromatiques
III.2.4. Autres exemples : Dehydrobenzo[12]annulene ([12]-DBA) et Dehydrobenzo[18]annulene ([18]-DBA)
Chapitre 1 : Triazatrinaphthylènes (TrisKs): structure et synthèse
I.Les TrisKs, structure
II.Travaux antérieurs
III.Synthèse des Triazatrinaphthylènes
III.1.Synthèse des TrisKs trisubstitués (R’1=H, R1 variable)
III.2.Synthèse des TrisKs hexasubstitués (R’1=R1 ≠H)
III.3.Vers l’extension du cœur aromatique TrisK
IV.Structure cristallographique de 8d
Chapitre 2 : Formation de monocouches auto-assemblées par les TrisKs
I.Influence de la nature et de la longueur des chaînes
II.Auto-assemblage 2D des TrisKs chlorés
II.1.Structure des auto-assemblages 2D formés par les TrisK 7 chlorés
II.2.Influence des chlores sur l’auto-assemblage
III.Influence du nombre de chaînes
IV.Sonder les états électroniques
V.Chiralité des monocouches formées par les TrisKs
VI.Conclusions
Chapitre 3 : vers des caractérisations de propriétés en solution des TrisKs
I.Propriétés électroniques
II.Etudes préliminaires sur le comportement thermotropique des TrisKs
Conclusions générales et perspectives
Bibliographie
Partie 2
Introduction
I.ADN G-quadruplexe, structure et rôle biologique
I.1.Caractéristiques des structures G-quadruplexes
I.2.Rôles biologiques
II.Télomères et G-quadruplexes télomériques
II.1.ADN télomériques : séquences et structures G-quadruplexes
II.2.Protéines télomériques, complexe ‘shelterin’ et télomérase
II.2.1. Complexe ‘shelterin’
II.2.2. Télomérase
II.2.3. Inhibition de la télomérase
III.Ligands de G-quadruplexe
III.1.Familles de ligands et modes d’interaction
III.1.1. Ligands anioniques ou neutres
III.1.2. Ligands protonés sur des chaînes latérales
III.1.3. Ligands N-méthylés
III.1.4. Complexation d’un centre métallique
III.2.Effets cellulaires des ligands de G-quadruplexe
III.3.Evaluation des ligands de G-quadruplexes : modes d’interaction, affinité et sélectivité
III.3.1. Etudes structurales
III.3.2. Techniques permettant d’évaluer l’affinité et la sélectivité
Chapitre 1 : Ligands de G-quadruplexe de symétrie ternaire
I.TrisKs substitués par des chaînes aminées
I.1.Origine du design
I.2.Synthèse des Trisamino-TrisKs
I.3.Etudes spectroscopiques : estimation de la charge des Trisamino-TrisKs à pH physiologique
I.4.Interaction des Trisamino-TrisKs avec les G-quadruplexes formés par la séquence télomérique humaine
I.4.1. Affinité pour l’ADN G-quadruplexe
I.4.2. Evaluation de la sélectivité
I.5.Conclusions
II.Ligand de symétrie C3h intrinsèquement cationique : Trisquinolizinium TrisQ
II.1.Synthèse du Trisquinolizinium TrisQ
II.2.Structure cristallographique
II.3.Interaction du Trisquinolizinium TrisQ avec les G-quadruplexes dérivés de la séquence télomérique humaine
II.3.1. Affinité pour les G-quadruplexes
II.3.2. Sélectivité pour les G-quadruplexes
II.4.Photooxydation des bases de l’ADN par le TrisQ
II.4.1. Potentiel redox à l’état excité
II.4.2. Coupure de l’ADN induite par irradiation
II.5.Conclusions
III.Conclusions générales et perspectives
Chapitre 2 : Complexes métalliques de dérivés de terpyridines
I.Complexes métalliques de terpyridine, généralités
II.Synthèse et étude de complexes métalliques de dérivés de terpyridine
II.1.Synthèse des complexes
II.2.Etudes de l’interaction des complexes métalliques avec le G-quadruplexe
II.2.1. Affinité pour les structures G-quadruplexes
II.2.2. Sélectivité pour les G-quadruplexes
II.2.3. Rationalisation des résultats de Cu-ttpy 22, études cristallographiques
III.Conclusions et perspectives
Chapitre 3 : Platination des G-quadruplexes par des complexes de platine
I.Introduction
I.1.Complexes de platine et stratégie anti-cancéreuse
I.2.Interaction du cisplatine et de quelques dérivés avec l’ADN télomérique et la télomérase
I.3.Interaction des complexes de platine avec les G-quadruplexes
II.Platination des G-quadruplexes par les complexes de terpyridine
II.1.Réactions de platination et analyses des sites de fixation
II.2.Discussion et conclusions
III.Hybrides Quinacridine-Platine pour le piégeage de structures G-quadruplexes
III.1.Conception des hybrides Quinacridine-Platine
III.2.Synthèse et étude du premier hybride Pt-MPQ
III.2.1. Synthèse
III.2.2. Platination des structures G-quadruplexes par l’hybride Pt-MPQ
III.2.3. Analyse des sites de platination des G-quadruplexes par le Pt-MPQ
III.2.3.1.Par clivage chimique : traitement au DMS/pipéridine
III.2.3.2.Par digestion enzymatique : 3’-exonucléase
III.2.4. Cinétique de platination G-quadruplexe vs duplexe d’ADN
III.2.5. Discussion et conclusion
III.3.Extension de la famille des hybrides : variation de la longueur de l’espaceur
III.3.1. Synthèse
III.3.2. Platination des G-quadruplexes par les hybrides 49-51
III.4.Conclusions et perspectives
IV.Conclusions sur la platination des structures G-quadruplexes
Conclusions générales

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *