Fonctionnement urbain versus rural
Réparti sur un vaste territoire, le Québec regroupe plusieurs types de régions (urbaines, rurales ou semi-rurales) et donc de populations. La réalité des régions rurales est souvent différente des régions urbaines. Le nombre d’habitants, la grandeur du territoire couvert par les établissements de santé, le nombre de ressources disponibles, les habitudes de vie de la population et le niveau de scolarité sont tous des facteurs de différentiation qui peuvent amener les CSSS à adopter un style de gestion qui leur est propre (Direction de la diversité sociale de Montréal, 2013, p.9-11) ; (Référence confidentielle). Le ministère propose bien un cadre de référence, mais aucune loi ne les oblige à le mettre en place. Les gestionnaires établissent un processus de prise de décision et des procédures de travail en fonction des caractéristiques populationnelles de leur région (Direction des communications MSSS, 2011, p.VII;1). Prenons exemple sur deux services très importants, les services ambulanciers et de l’urgence.
En premier lieu, regardons la gestion du service ambulancier. Souvent dans les milieux ruraux, un établissement de santé (centre hospitalier, CLSC, clinique, etc.) couvre un territoire beaucoup plus vaste que dans les milieux urbains. Le service doit être efficace dans un cas comme dans l’autre bien entendu, par contre, lorsque le territoire desservi par un centre hospitalier est très vaste, il importe que le système de transport ambulancier soit d’autant plus performant dû aux plus grandes distances à parcourir. Prenons deux régions de référence qui nous permettront de voir les différences plus en détail. La région urbaine ciblée, Montréal, a une superficie de 744 kilomètres carrés avec une population de 2.3 millions d’habitants. Les services ambulanciers comptent environ 150 véhicules pour desservir 18 centres hospitaliers de soins généraux, spécialisés et universitaires, 3 centres hospitaliers de soins psychiatriques, 2 centres hospitaliers de soins pédiatriques et 13 CSSS (Diwakar, 2013, p.10). Pour ce qui est de la région rurale, Chaudière-Appalaches par exemple, celle-ci couvre une superficie de 15 079 kilomètres carrés pour une population de 409 856 habitants.
Ce territoire compte 9 établissements, dont 5 CSSS, 3 centres hospitaliers généraux et 1 centre hospitalier affilié universitaire. Ceux-ci sont desservis par 47 véhicules ambulanciers (Deschênes, 2014). Chaque région est divisée en zones ambulancières. Ces zones, ainsi que les ressources ambulancières requises pour chacune ont été définies par le Ministère des Affaires sociales dans les années 80. Aujourd’hui, les services utilisent les statistiques compilées pour chaque zone pour identifier, entre autres, les temps de réponse, le taux d’utilisation, le taux d’occupation clinique, etc. (Desrosiers-Fortin, 2014). Un autre aspect majeur qui différencie les régions urbaines des régions rurales est le temps de réponse. Il y a plusieurs indicateurs de performance en lien avec le temps de réponse, mais le plus significatif est sûrement le temps de réponse aux appels prioritaires. Celui-ci a un impact direct sur les chances de survie des victimes. En comparaison des deux types de région, nous avons un temps de 7,04 minutes (Diwakar, 2013) pour la région urbaine et 9.17 minutes (Desrosiers-Fortin, 2014) pour la région rurale. À la vue des données démographiques du tableau ci-dessous, on constate la différence entre les deux types de régions sur plusieurs aspects. D’une part, la superficie devant être couverte par une ambulance dans les régions rurales est 64 fois supérieure à celle des régions urbaines. Ensuite, ayant une population 5 fois supérieure aux régions rurales, les services ambulanciers des régions urbaines traitent un volume d’appels beaucoup plus élevé, soit 373 119 comparé à 45 000.
En second lieu, il importe de regarder les services de l’urgence. Étant la porte d’entrée principale des usagers dans le système de santé, l’ensemble des établissements d’un territoire doit reconnaître l’importance à accorder à l’urgence. Les activités de celle-ci deviennent alors prioritaires et doivent s’harmoniser avec les activités des services partenaires (Hébert et al. 2001). Plusieurs critères doivent être pris en considération dans la classification des services, dont la distance, le volume et la lourdeur des activités, la densité de la population et l’expertise requise de l’équipe de l’urgence. C’est suivant ces critères que les services et le style de gestion de l’urgence doivent être adaptés. « Les exigences de gestion ne peuvent être les mêmes dans un centre universitaire et dans un centre de première ligne en région rurale. » (AQESSS, 2006, p.24). Par exemple, les régions rurales comptent souvent moins de cliniques médicales externes. Il est donc fréquent de voir des gens aller à l’urgence pour des soins pouvant être donnés en communauté, comme le renouvellement des prescriptions. « En région rurale, l’urgence demeure l’un des seuls endroits où des services de première ligne sont offerts pour répondre aux besoins de la population.» (AQESSS, 2006, p.42) .
Par contre, lorsque nous arrivons dans les milieux urbains, là où la population est plus importante certes, mais où il y a davantage de ressources externes (cliniques privées, CLSC, GMF, etc.), les gens fréquentent l’urgence généralement pour des symptômes plus graves requérant des soins rapides, urgents. Les soins de premières lignes sont alors donnés dans les cliniques et CLSC, tel que prévu. À titre comparatif, nous savons que le pourcentage de priorité 5 (priorité la plus basse) à l’hôpital de Verdun est de 21.8 % (CSSS SOV, 2014) versus 67 % (Maria, 2012) à l’hôpital de Maria en Gaspésie. Ceci démontre parfaitement le mode d’organisation des deux types de régions. Un autre phénomène qui différencie les milieux urbains et ruraux est la rareté du personnel médical et infirmier. Certaines régions et établissements sont davantage touchés et cela se traduit différemment selon la région. « La présence d’effectifs médicaux est un enjeu important en région rurale », c’est pourquoi les établissements doivent se doter de procédures de transfert rapide pour la prise en charge d’un patient, lorsque nécessaire (AQESSS, 2006, p.162). Selon le type de population de la région, si l’on parle de personnes âgées par exemple, cette situation peut avoir un impact important sur le niveau de soin offert aux patients.
Phénomène de vieillissement de la population
En plus du type de région, un autre phénomène important a un impact sur le style de gestion des soins de santé, le vieillissement de la population québécoise. Cette réalité prend de plus en plus d’ampleur au Québec. Selon une étude menée par le MSSS, le pourcentage de personnes âgées de 65 ans et plus doublera d’ici 25 ans pour passer de 14 % à plus de 25 % (Direction des communications MSSS, 2011, p. IV). De plus, selon l’Institut de la statistique du Québec, l’espérance de vie à la naissance a augmenté de 7.3 ans en 31 ans, passant de 74,9 en 1982 à 82.2 en 2013 (Institut de la statistique du Québec, 2014). Ce phénomène engendre des changements majeurs dans la société, particulièrement dans le milieu de la santé. Les différents établissements offrant des services de soins directs (centre hospitalier, clinique, CLSC, etc.) et indirects (aide à domicile, entretien ménager, aide au repas, etc.) seront amenés à revoir leur style de gestion ainsi que leurs façons de faire afin de les adapter aux besoins de ce groupe d’usagers qui requiert de plus en plus de services. Déjà aujourd’hui, en 2013-2014, environ 45 % des journées d’hospitalisation au Québec sont générées par les personnes de 65 ans et plus (Direction des communications MSSS, 2011, p. IV). Entre 2002 et 2006, le taux d’hospitalisation pour ce groupe d’âge était de 21,55 % pour l’ensemble du Québec, avec une proportion d’un peu plus de 23 % pour le milieu rural et 18 % pour le milieu urbain (MSSS et institut nationale de santé publique, 2011, p.71). En outre, la durée moyenne de séjour (DMS) en hospitalisation pour les personnes âgées de 75 ans et plus était de 11.5 jours en 2011-2012 pour l’ensemble du Québec (MSSS-MedEcho, 2014). La proportion de personnes âgées étant encore appelée à augmenter, il devient primordial d’apporter une attention particulière aux soins et services dédiés à cette clientèle.
Lorsque l’on parle de personnes âgées, on met aussi l’emphase sur tout ce qui implique l’hébergement, les soins et le soutien à domicile dû aux risques associés à l’hospitalisation à long terme. Cette dernière peut entraîner une perte d’autonomie significative pour cette clientèle. En effet, les spécialistes évaluent que « près d’un tiers des patients âgés hospitalisés en soins aigus subissent un déclin fonctionnel et qu’environ 40 % d’entre eux présentent une atteinte dans plus de trois activités de la vie quotidienne (se laver, s’habiller, marcher, se nourrir, etc.) » (Direction des communications MSSS, 2011, p.10). Ensuite, selon la littérature du MSSS, 19,3 % de la population québécoise âgée de 65 ans et plus a besoin d’aide pour les activités de la vie quotidienne. Si on s’attarde à regarder la différence entre le milieu rural et urbain, on constate que la proportion passe de 14,6 % pour la région rurale à 20,6 % pour la région urbaine (MSSS et institut nationale de santé publique, 2011). Cet écart considérable peut être causé par un réseau social et familial plus présent et plus solide en milieu rural.
Cette spécificité indique que le besoin d’adaptation des établissements et des services de santé est probablement plus criant en milieu urbain vue la proportion plus élevée. Plusieurs projets ont été élaborés par le ministère pour aider les différents établissements de santé du Québec à mettre en place des politiques et approches mieux adaptées pour les personnes âgées. Par exemple le document « Approche adapté à la personne âgée en milieu hospitalier – Cadre de référence » (Direction des communications MSSS, 2011) qui donne des lignes directrices aux organisations sur ce qui devrait être modifié dans le système afin de rendre les pratiques mieux adaptées aux usagers de la clientèle âgée de 75 ans et plus. Il y a aussi la politique de soutien à domicile (Direction des communications MSSS, 2003) élaborée dans le même objectif, celui de répondre aux besoins grandissants des aînés. En vue de ce phénomène croissant de vieillissement de la population, l’expansion des services à domicile devient essentielle. Plusieurs facteurs sont en cause, mais l’idée est principalement d’offrir des services mieux adaptés aux personnes âgées ainsi que de réduire les coûts engendrés par les centres d’hébergement.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE
1.1 Objectif et problématique
1.2 Système de santé québécois – vue générale
1.3 Fonctionnement urbain versus rural
1.4 Phénomène de vieillissement de la population
1.5 Adaptation du système
1.6 Trajectoires des usagers
1.7 Recherches antérieures
CHAPITRE 2 MÉTHODOLOGIE
2.1 Outil d’analyse
2.2 Projet Gaspésie
2.2.1 Étendue du projet
2.2.2 Données utilisées
2.2.3 Développement du modèle
2.2.4 Hypothèses
2.2.5 Description du modèle
2.2.5.1 Création des patients
2.2.5.2 Opérations de l’urgence de Paspébiac
2.2.5.3 Opérations de l’urgence de Maria
2.2.5.4 Opérations de l’hospitalisation de l’hôpital de Maria
2.3 Projet Verdun
2.3.1 Étendue du projet
2.3.2 Données utilisées
2.3.3 Développement du modèle
2.3.3.1 Hypothèses
2.3.3.2 Description détaillée du modèle de simulation
2.3.3.3 Création des usagers du réseau
2.3.3.4 Urgence
2.3.3.5 Hospitalisation
2.3.3.6 Unité transitoire de réadaptation fonctionnelle
2.3.3.7 Soutien à domicile
2.3.3.8 Hébergement
CHAPITRE 3 RÉSULTATS
3.1 Robustesse du modèle
3.2 Résultats de simulation
3.2.1 Projet Gaspésie
3.2.2 Projet Verdun
CHAPITRE 4 DISCUSSION
CONCLUSION
LISTE DE RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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