Parce qu’elle est non-invasive et multimodale, l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) est un outil particulièrement intéressant pour l’examen du système nerveux central des animaux. Dans le domaine de la recherche en neuropathologie, les animaux examinés par IRM sont principalement des animaux de laboratoire (Rongeurs, Primates non-humains) utilisés comme modèles d’études de maladies neurologiques humaines. Un des inconvénients des Rongeurs et des petits Primates est la taille de leur encéphale qui oblige à utiliser des scanners IRM de haut-champ, ce qui rend difficile la transposition des biomarqueurs d’imagerie et des protocoles d’acquisition du modèle animal à l’Homme. Depuis une vingtaine d’années, la recherche s’intéresse à une autre catégorie de modèles animaux : les « grands animaux domestiques », i.e. les Carnivores domestiques, les Ruminants domestiques, le Porc et le Cheval. En plus de pouvoir développer spontanément ou de manière induite des maladies neurologiques similaires à leur équivalent humain, ces grands animaux domestiques présentent l’avantage de posséder un encéphale suffisamment grand pour être examiné avec des scanners IRM cliniques de 1.5 ou 3 Tesla. Ces animaux, considérés comme des « substituts » du patient humain (même maladie examinée avec le même scanner IRM) en neuroimagerie, apparaissent donc comme des modèles de choix pour les études précliniques. En outre, l’accès de ces grands animaux domestiques à des scanners IRM cliniques est avantageux pour l’étude fondamentale de l’anatomie et du fonctionnement cérébral des animaux sains grâce à l’utilisation de différentes modalités dont l’IRM de diffusion.
Dans ce contexte, il y a un besoin croissant de développer les outils et les méthodologies nécessaires à une utilisation optimale des grands mammifères domestiques en neuroimagerie. Dans le domaine des neurosciences, l’analyse du cerveau nécessite en effet le recalage des images de chaque sujet dans un espace de référence commun, aussi désigné sous le terme anglais de template, qui est généralement associé à un atlas des structures cérébrales. Ces outils permettent une analyse fiable des images et facilitent notamment les études voxel-à-voxel. Ils existent chez l’Homme mais peu de modèles grands animaux en disposent. Par exemple, la littérature et les ressources méthodologiques sont très pauvres en ce qui concerne le Chien bien qu’il soit de plus en plus utilisé comme modèle d’étude en neurosciences. Le but du présent travail de thèse a été de développer les séquences et les outils IRM qui facilitent l’étude de trois espèces de mammifères domestiques (le Chien, le Cheval et le Mouton) en neuroimagerie. Les objectifs en termes de développement étaient différents pour ces trois espèces, le principal volet étant consacré au Chien pour lequel l’objectif était de mettre en place un atlas stéréotaxique digital complet combinant indices IRM et coupes histologiques.
INTRODUCTION A L’IMAGERIE PAR RESONANCE MAGNETIQUE
Définition
L’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) est une technique d’imagerie médicale très répandue se basant sur le phénomène de résonance magnétique nucléaire (RMN), la réponse caractéristique de certains noyaux à une perturbation de leur alignement lorsqu’ils sont placés dans un champ magnétique intense, découvert par Edward Mills Purcell et Felix Bloch.
Phénomène de RMN et acquisition du signal
Noyaux d’hydrogène
Les protons du noyau d’un atome possèdent un « spin », un mouvement de rotation sur eux même. La méthode d’IRM exploite ce mouvement de rotation ainsi que les propriétés magnétiques des protons. Les principaux noyaux d’intérêt biologique possédant des propriétés magnétiques sont les noyaux d’hydrogène (1H), de l’isotope du carbone (13C), du fluor (19F), du phosphore (31P) et du sodium (23Na). Le noyau d’hydrogène, formé d’un seul proton, est l’un des noyaux qui est utilisé en imagerie. Le rôle important de l’hydrogène vient du fait qu’il est très présent dans le corps humain (deux tiers des atomes de l’organisme répartis principalement dans l’eau et les lipides) et qu’il possède un moment magnétique intrinsèque très élevé et donc permet l’obtention d’un phénomène de résonance.
IMAGERIE DE DIFFUSION ET TRACTOGRAPHIE
Mouvement Brownien et phénomène diffusion
La diffusion est un processus naturel qui crée un déplacement moléculaire ou particulaire sans dynamique. Un exemple concret de la diffusion serait celui d’une goutte de colorant dans un contenant d’eau. Au début, les particules de colorant restent concentrées avant de commencer à se diffuser progressivement dans l’eau de façon aléatoire. Cette diffusion vient d’un phénomène nommé mouvement Brownien. Le premier à avoir observé ce phénomène est le botaniste Robert Brown. Lors d’une observation de graines de pollen au microscope, il réalisa que les graines se déplaçaient indépendamment, de façon aléatoire et sans qu’il n’y ait de cause à ce mouvement. Brown a d’abord pensé que les graines possédaient une activité vitale qui engendrait ce mouvement. Il a donc vérifié son hypothèse en observant de la même façon de la poussière ou d’autres éléments inertes. Comme le mouvement persistait, il comprit que le déplacement ne venait pas des graines mais de ce qui leur servait de support : l’eau. En réalité, ce mouvement est créé par les molécules d’eau qui sont en mouvement perpétuel et viennent s’entrechoquer. Ce phénomène est constant, mais le choc avec une molécule d’eau est négligeable par rapport au poids d’éléments visibles à l’œil nu comme une feuille sur l’eau par exemple. En revanche, dans le cas de particules très petites, cette force n’est plus négligeable et le mouvement aléatoire de la particule engendré par le choc est alors appelé mouvement brownien.
Par la suite, Albert Einstein, qui cherchait des preuves de l’existence des atomes, repris les observations de Brown pour décrire concrètement ce mouvement brownien et le rôle des molécules d’eau. Il donna ainsi l’équation de Stokes-Einstein :
? = ?T/6??n
Cette équation montre que le coefficient de diffusion D est directement proportionnel à la température absolue T et la constante de Boltzmann k, mais inversement proportionnel au rayon de la particule r et la viscosité du fluide η. La constante de diffusion pour l’eau pure à la température du corps humain est approximativement de 3,0.10⁻³ mm²/s. Celle d’un tissu serait 10 à 50% plus importante. Les molécules d’eau sont réparties entre le compartiment intracellulaire et le compartiment extracellulaire. En général, l’eau extracellulaire diffuse de façon plus libre que l’eau intracellulaire, la seconde ayant plus de chance d’entrer en collision avec les parois de la cellule. De nombreux tissus possèdent des structures asymétriques, par exemple le tissu nerveux qui comporte des axones neuronaux au sein des nerfs ou du système nerveux central (fibres de substance blanche). Ces architectures rendent anisotrope la diffusion de l’eau, c’est-à-dire que l’eau, malgré le caractère aléatoire de son mouvement, sera contrainte par son environnement et aura une direction préférentielle. Ainsi, si l’information relative à la direction prise par les molécules d’eau dans le cerveau est obtenue, il est alors théoriquement possible d’isoler des éléments importants comme les fibres de substance blanche.
Ainsi, il apparaît que le phénomène de diffusion présente un intérêt potentiel en imagerie médicale. En établissant un moyen de caractériser le mouvement des molécules d’eau, il sera alors possible de savoir si la diffusion de l’eau est libre ou restreinte pour un endroit précis du cerveau. Or, l’IRM étant considérée comme la modalité d’imagerie de l’eau, il suffit de pondérer les acquisitions avec ce phénomène de diffusion. C’est ici qu’intervient la séquence de Stejskal-Tanner.
Séquence de Stejskal-Tanner
Le but de l’imagerie de diffusion est de quantifier le mouvement Brownien décrit cidessus. L’IRM étant basée sur le phénomène de résonance magnétique nucléaire de l’atome d’hydrogène, elle permet de quantifier le signal de l’eau pour un voxel donné mais ne renseigne pas sur le mouvement des molécules d’eau. Or, en présence d’un gradient de champ magnétique, les mouvements des protons d’hydrogène entraînent des déphasages responsables d’une diminution du signal. Le mouvement Brownien des molécules d’eau va donc produire cet effet de déphasage qui ouvre la voie à ce qui nous intéresse dans cette partie : l’imagerie de diffusion. Pour réaliser une image pondérée en diffusion, des gradients supplémentaires, appelés « gradients de diffusion », sont ajoutés à une séquence de type EPISE. Ils sont appliqués avant et après l’impulsion RF de 180°.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1: INTRODUCTION GENERALE ET MISE EN CONTEXTE
INTRODUCTION A L’IMAGERIE PAR RESONANCE MAGNETIQUE
DEFINITION
PHENOMENE DE RMN ET ACQUISITION DU SIGNAL
Noyaux d’hydrogène
Le champ magnétique ?0
L’excitation par onde radiofréquence
PONDERATION T1 ET T2
ECHO DE SPIN
IMAGERIE DE DIFFUSION ET TRACTOGRAPHIE
MOUVEMENT BROWNIEN ET PHENOMENE DIFFUSION
SEQUENCE DE STEJSKAL-TANNER
IMAGERIE DU TENSEUR DE DIFFUSION
TRACTOGRAPHIE DES FIBRES DE LA SUBSTANCE BLANCHE
AUTRES METHODES DE RECONSTRUCTION POUR LA DIFFUSION
TRAITEMENTS DES IMAGES
INTRODUCTION
FORMAT DES FICHIERS
SEGMENTATION
RECALAGE
Introduction
Linéaire – Recalage rigide et affine
Non Linéaire – Recalage Elastique
Non Linéaire – Recalage Difféomorphique
Minimisation de la fonction de coût
OPTIMISATION PAR PROCESSEUR GRAPHIQUE OU GPU (GRAPHICS PROCESSING UNIT)
Avantages au niveau hardware
Principe de fonctionnement
ATLAS ET TEMPLATE
DEFINITION
UTILISATION EN NEUROIMAGERIE
NECESSITE D’UN OUTIL SPECIFIQUE POUR CHAQUE MODELE ANIMAL
LES « GRANDS ANIMAUX » EN NEUROSCIENCES
QUE SONT LES « GRANDS ANIMAUX » ?
LES « GRANDS ANIMAUX » DOMESTIQUES EN TANT QUE MODELES D’ETUDE POUR L’HOMME
Examen IRM des modèles grands animaux
Le modèle canin de maladies neurologiques humaines
Le modèle ovin de maladies neurologiques humaines
LES « GRANDS ANIMAUX » DOMESTIQUES EN NEUROSCIENCES COMPARATIVES
TECHNIQUES IRM DEVELOPPEES POUR LES « GRANDS ANIMAUX » DOMESTIQUES
OBJECTIFS DE LA THESE
CHAPITRE 2: MISE EN PLACE D’UN ATLAS STEREOTAXIQUE IRM ET HISTOLOGIQUE CHEZ LE CHIEN
INTRODUCTION
POPULATION ETUDIEE ET ACQUISITIONS IRM
POPULATION CANINE
ACQUISITIONS IRM
Acquisitions in vivo
Acquisitions post-mortem, tête entière
Acquisitions ex vivo, encéphale isolé
MISE EN PLACE DE L’ATLAS STEREOTAXIQUE
INTRODUCTION
CHOIX DES FORMATS DE FICHIERS ET DES OUTILS NUMERIQUES
Formats des fichiers
Choix des outils numériques
MISE EN PLACE DES TEMPLATES T1 ET T2
Template T1 in vivo
Template T2 in vivo
Templates T1 et T2 ex vivo, utilisation des images acquises sur tête entière
MISE EN PLACE DU TEMPLATE DTI
SEGMENTATION DES TISSUS, REGIONS D’INTERET ET CARTES PARAMETRIQUES
Segmentation des tissus
Régions d’intérêt
Cartes paramétriques
COUPES HISTOLOGIQUES
BILAN SUR L’ATLAS MIS EN PLACE
CREATION D’UN LOGICIEL POUR PERMETTRE L’UTILISATION DE L’ATLAS LORS D’ETUDES FUTURES
INTRODUCTION ET ENJEUX
CHOIX DU LANGAGE ET DES LIBRAIRIES
DEVELOPPEMENT DU LOGICIEL
TRAITEMENT DE L’HISTOLOGIE PAR CUDA
Problématiques liées aux coupes histologiques numérisées
Mise en place d’une reconnaissance de pattern
Préparation des images pour le recalage entre histologie et IRM
ETAT DU DEVELOPPEMENT ET PERSPECTIVES
CONCLUSION
CHAPITRE 3: FAISABILITE DE LA TRACTOGRAPHIE DE CHEVAL
RESUME
INTRODUCTION
MATERIELS ET METHODES
ENCEPHALE
ACQUISITIONS IRM ET PRE-TRAITEMENT DES IMAGES
RECONSTRUCTION DU TENSEUR DE DIFFUSION
DIFFUSIVITE MOYENNE, FRACTION D’ANISOTROPIE ET IMAGE RVB
TRACTOGRAPHIE
RESULTATS
FIBRES D’ASSOCIATION
FIBRES COMMISSURALES
FIBRES DE PROJECTION
DISCUSSION ET CONCLUSION
CHAPITRE 4: ETUDE IRM MULTIPARAMETRIQUE POST-MORTEM DE BREBIS
INTRODUCTION
ACQUISITIONS IRM ET TRAITEMENT DE L’ACQUISITION DTI
MISE EN PLACE DES TEMPLATES INTRA-ETUDES
DEVELOPPEMENT DES TECHNIQUES NECESSAIRES A LA COMPARAISON ENTRE MOUTONS SAINS ET
MALADES
SEGMENTATION DU CERVEAU
TRAITEMENT DES IMAGES PONDEREES EN T1 ET T2
ANALYSE VOXEL-A-VOXEL : CREATION DES CARTES DE Z-SCORE
ANALYSE PAR ROI : SEGMENTATION ET COMPARAISON
DISCUSSION ET PERSPECTIVES
CHAPITRE 5: PERSPECTIVE ET TRAVAUX EN COURS
MISE EN PLACE DES ACQUISITIONS Q-BALL
INTERET DES ACQUISITIONS Q-BALL CHEZ LES GRANDS ANIMAUX
MISE EN PLACE D’UN FANTOME POUR LA Q-BALL
TESTS D’ACQUISITIONS SUR LE FANTOME
AMELIORATIONS A APPORTER AU FANTOME
Conclusion générale