Le modulateur de Mach-Zehnder : fonctionnement et technologie
Généralités
Le modulateur MZ est, dans sa version la plus simple, un interféromètre constitué généralement d’un bras de référence et d’un bras dans lequel une variation de phase est induite par effet électrooptique (EO) . Ces deux bras sont deux guides optiques parallèles et de longueurs égales. Si aucune tension n’est appliquée aux guides d’ondes, la lumière incidente est divisée de manière égale entre les deux bras de l’interféromètre. La recombinaison des ondes provenant des bras conduit à une figure d’interférence. Si une tension est appliquée à l’un des bras de sorte que la différence de phase entre les deux faisceaux de sortie est un multiple impair de π, l’interférence est destructive : l’interféromètre a une transmission nulle. L’interféromètre de MZ constitue donc un modulateur d’amplitude.
Les signaux électriques AC et DC sont convertis en signaux optiques par le biais de l’effet EO : Les champs électriques créés par l’application des signaux AC et DC induisent une variation de l’indice de réfraction du matériau conduisant à la création d’un déphasage de l’onde optique s’y propageant.
Les différentes technologies
La technologie de fabrication d’un modulateur MZ doit permettre de réaliser des composants obéissant à un certain nombre de contraintes. Ces composants doivent posséder une tension de commande la plus faible possible (1 à 2V, compatible avec la technologie CMOS) et une bande passante importante (de l’ordre de 40 Gb/s et dans un proche avenir 160 Gb/s). Il doivent également présenter de faibles pertes d’insertion (< 3dB) et un chirp faible (<0,1) ou ajustable. Le chirp est défini par le fait que, la modulation d’intensité réalisée par les modulateurs MZ est associée à une dérive de fréquence qui conduit à un élargissement spectrale de l’onde optique. Leur coût de fabrication doit également être le plus faible possible et ils doivent avoir de bonnes qualités mécaniques (stabilité et robusté).
Pour répondre à ces exigences, il y a deux grandes familles de matériaux utilisables : les semi-conducteurs, et les isolants (organiques ou inorganiques). Les matériaux semi-conducteurs III-V (phosphure d’indium InP, arséniure de gallium AsGa) ont comme point fort la possibilité d’intégration monolithique avec des composants d’émission ou de détection. Leur principal inconvénient concerne les pertes d’insertion relativement élevées (autour de 10dB). Les matériaux isolants inorganiques (LN, LT) permettent la fabrication de modulateurs présentant de faible pertes d’insertions. De plus leur fonctionnement est indépendant de la longueur d’onde dans les bandes télécoms C[1535-1560nm] et L[1580-1610nm]. Leur inconvénient majeur provient du problème de dérive du point de fonctionnement.
Les matériaux fabriqués à base de matériaux isolants organiques permettent l’obtention d’une bande passante importante (110GHz [3]) grâce à leur faibles constantes diélectriques (la bande passante est inversement proportionnelle à la constante diélectrique). Ils présentent l’avantage d’une faible tension de commande (coefficients EO élevés ≈80pm/V), et un faible coût de fabrication. Ils présentent également la possibilité d’intégration avec différents composants électroniques et optoélectroniques [4]. Les problèmes principaux avec les dispositifs EO à base de polymère sont liés à leur stabilité. Il existe en effet une relaxation de l’orientation des chromophores avec le temps, ce qui tend à diminuer l’efficacité du composant. D’autre part, ces modulateurs présentent des pertes par absorption qui sont importantes et présentent des seuils de dommages optiques faibles. Enfin, la mise en forme des matériaux organiques (polissage, clivage) est très délicate [5].
A ce jour les modulateurs MZ sur LN sont les plus utilisés pour la modulation d’intensité à haut-débit malgré le problème de dérive qu’ils présentent. Dans la suite nous abordons la technologie de fabrication de ce type de composant intégré sur LN.
Le substrat LN et les guides d’ondes sur LN
Avec 70 tonnes produites par an dans le monde, on retrouve le LN dans plusieurs domaines de pointe ainsi que dans de nombreux travaux de recherche en optique intégrée et en optique non linéaire. Il intervient également dans la fabrication d’autres dispositifs tels que les filtres à ondes acoustiques de surface. L’intérêt de LN comme substrat optique réside principalement dans les propriétés EO relativement élevées et dans son large domaine de transparence optique aux longueurs d’ondes du proche infrarouge. Sa température de Curie élevée (950- 1100˚C) [6] convient bien à la fabrication des guides d’ondes optiques par diffusion de métaux comme le titane. LN est également thermiquement, chimiquement, et mécaniquement stable et est compatible avec les technologies conventionnelles de la microélectronique.
Des substrats de LN en coupe z ou en coupe x avec des diamètres allant jusqu’à 100 millimètres sont disponibles dans le commerce. LN est un matériau ferroélectrique obtenu par la technique de croissance de Czochralski [7]. Durant le procédé de croissance, des précautions doivent être prises pour s’assurer que la présence d’ions Fe soit minimale, afin de réduire le dommage optique photoréfractif.
Les guides d’ondes sont traditionnellement fabriqués par diffusion de titane à des températures proches de 1000˚C [9,10,11] durant une dizaine d’heures. Des précautions doivent être prises pour limiter l’exo-diffusion des ions lithium. La présence du titane dans le cristal augmente les indices de réfraction ordinaires et extraordinaires. Avec cette technique on obtient des variations de l’indice de réfraction de l’ordre de 10⁻² . Par conséquent, pour des concentrations appropriées, les modes TE et TM peuvent se propager dans les guides diffusés titane. Le procédé de fabrication des guides d’ondes sur des substrats en coupe z exigent des procédures spéciales à cause des propriétés pyroélectriques du cristal qui conduisent à une accumulation des charges électriques sur les faces +Z et -Z, pouvant, par effet piézoélectrique, briser le substrat.
Une méthode alternative pour fabriquer les guides d’ondes dans LN est l’échange protonique. L’échange d’ions est un procédé qui se passe à basse température (120˚C250˚C) par lequel des ions Li du substrat de LN sont échangés avec des protons d’un bain d’acide [12]. L’échange de proton peut être appliqué aux lames x et z. Les couches échangées montrent une augmentation de l’indice extraordinaire et une diminution de l’indice ordinaire [12]. Korkishko et al [13] ont montré que l’indice extraordinaire est augmenté de 0,12 avec cette dernière technique.
Une amélioration de cette technique est l’échange protonique doux SPE (Soft Proton Exchange) qui a été mis au point par l’équipe de De Micheli [14]. La particularité du procédé SPE est de limiter le taux de substitution à moins de 20% en contrôlant l’acidité du bain, ce qui évite d’induire dans le cristal des changements de phase qui sont responsables de la réduction des propriétées optique non linéaires et électro-optiques.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 Phénomène de dérive dans les modulateurs MZ fabriqués sur LN
1.1 Le modulateur de Mach-Zehnder : fonctionnement et technologie
1.1.1 Généralités
1.1.2 Les différentes technologies
1.1.3 Le substrat LN et les guides d’ondes sur LN
1.1.4 Les électrodes
1.1.5 Fabrication
1.2 Problème de dérive du point de fonctionnement
1.2.1 Le phénomène
1.2.2 Méthodes de mesure du phénomène de dérive
1.2.3 Dérives observées dans les modulateurs MZ commerciaux
1.3 Origines du phénomène de dérive et solutions possibles
1.3.1 Origines extrinsèques
1.3.2 Origines intrinsèques
1.3.3 Solution commercialisée
Chapitre 2 Caractérisation, modélisation et interprétation du phénomène de dérive intrinsèque
2.1 Banc de mesure et méthode de caractérisation
2.1.1 Présentation du banc de mesure mis au point au laboratoire
2.1.2 Stabilité des différents éléments du banc de mesure
2.1.3 Le modulateur étudié
2.1.4 Phénomènes de fatigue observés
2.2 Résultats et interprétations
2.2.1 Mesure de la dérive thermo-induite
2.2.2 Mesure de la dérive intrinsèque
2.3 Modélisation électrique des dérives intrinsèques
2.3.1 Effet de l’anisotropie
2.3.2 Effet de la silice
2.3.3 Interprétation des résultats de la littérature
2.3.4 Prise en compte des hétérogénéités électriques de surface
2.4 Solution proposée
Chapitre 3 Mise en oeuvre d’une solution au problème de dérive intrinsèque
3.1 Condition de stabilité électrique
3.2 Résolution numérique de l’équation
3.3 Exemple de carte de conductivité idéale calculée
3.4 Détermination des paramètres de l’équation
3.4.1 Méthodes utilisées pour mesurer τx et τz
3.4.2 Interféromètre de Mach-Zehnder mis en oeuvre
3.4.3 Méthode de correction
3.4.4 Échantillons réalisés
3.4.5 Mesure du temps caractéristique de la silice τsil
3.4.6 Mesure du temps caractéristique τz
3.5 Optimisation de l’interféromètre de Mach-Zehnder
3.6 Conclusion
Conclusion