Pharmacologie, pharmacovigilance, pharmaco-épidémiologie

Pharmacologie, pharmacovigilance, pharmaco-épidémiologie 

La pharmacologie joue un rôle central dans l’investigation du rapport bénéfice-risque des médicaments. Le réseau de pharmacovigilance, organisé en France autour des Centres Régionaux de Pharmacovigilance et de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament, permet d’enregistrer et de documenter les notifications d’effets indésirables des médicaments. Ces notifications, rapportées par les professionnels de santé ou les usagers, font naitre les signaux de sécurité, première étape d’une chaine d’alerte pour la communauté à l’égard d’un médicament (Figure 1).(1) La pharmacoépidémiologie est cette branche technique et méthodologique de la pharmacologie.(2) Elle permet de quantifier les associations entre médicament et effets (in)désirables potentiels, ainsi que l’utilisation du médicament en vie réelle. Les modèles d’études sont très divers, de la méta-analyse d’essais cliniques aux cohortes issues de bases de données médico-administratives. Ensemble, pharmacovigilance et pharmaco-épidémiologie sont ainsi un outil incontournable de l’évaluation du médicament.

Les études observationnelles de pharmaco-épidémiologie sont, comme toutes les études observationnelles, sujettes aux biais méthodologiques. Certains sont inhérents à la constitution des bases de données elles-mêmes, comme les biais de sélection, ou à la mesure des expositions et des évènements (biais de classement). Il existe cependant des biais de confusion, c’est-à-dire des paramètres liés à la fois à l’exposition et à l’évènement étudié et responsables de toute ou partie de leur association, qui peuvent être contrôlés par l’utilisation de méthodes statistiques appropriées.(3) A cet égard, en pharmaco-épidémiologie comme en épidémiologie, les modélisations statistiques ont évolué au fil des années, avec l’émergence de nouveaux concepts méthodologiques et la démocratisation d’une puissance de calcul élevée, permettant de raccourcir substantiellement le temps nécessaire à leur réalisation.

Disproportionalité et description en base de pharmacovigilance 

Contexte 

Les analyses sur bases de données de pharmacovigilance reposent sur la mesure de disproportionalité. En effet, bien que la génération de signaux de sécurité du médicament soit idéalement le fruit d’une étude approfondie de cas, la masse critique d’information aujourd’hui à disposition est telle qu’elle rend impossible une telle étude.(4) On compte, à titre d’exemple, plus de 20 millions de rapports d’évènements indésirables dans la base de pharmacovigilance mondiale de l’Organisation Mondiale de la Santé.(5) Il est dès lors nécessaire de recourir à des outils statistiques permettant de détecter les situations les plus singulières sur lesquelles focaliser l’attention des pharmacologues. C’est la fonction de la disproportionalité.

Utilisée depuis le début des années 1980, la disproportionalité ou étude cas/non cas est un schéma d’étude qui a beaucoup diffusé ces dernières décennies. Le principe est le suivant : Dans une base de données de pharmacovigilance, de nombreux médicaments et évènements indésirables sont rapportés. Une absence d’association entre un médicament et un effet indésirable d’intérêt peut se traduire sur le plan statistique par une indépendance de distribution entre ces deux variables, parmi les cas recensés dans la base. Il est formellement possible de tester cette hypothèse nulle contre les distributions observées et calculer un indice de déséquilibre vis-à-vis de cette hypothèse nulle. Le déséquilibre ainsi mesuré est appelé une disproportionalité. Les principaux indices de disproportionalité sont le Reporting Odds-Ratio (ROR), l’Information Component et au second plan le Proportional Reporting Ratio.(4) Sur la base d’une table de contingence qui recense les effectifs de cas exposés au médicament et/ou ayant présenté l’effet indésirable d’intérêt .

Le ROR est une statistique fréquentiste et son interprétation est la plus aisée. Il s’agit d’un Odds-Ratio dont il faut se souvenir qu’il est calculé à partir d’une population de rapports et non de sujets. Un ROR égal à 3 signifie que l’effet indésirable est 3 fois plus souvent rapporté avec le médicament d’intérêt qu’avec les autres médicaments. L’Information Component est une statistique Bayésienne, développée par le centre de gestion de la base de pharmacovigilance mondiale (VigiBase®), Uppsala Monitoring Centre, Suède.(4) L’objectif est d’améliorer le rapport signal/bruit de la disproportionalité, en introduisant un coefficient modérateur permettant de limiter les faux positifs. Le coefficient fut pendant un temps calculé sur la base d’un réseau neuronal non supervisé, puis finalement établi à 0.5 au numérateur et au dénominateur du ratio observé/attendu.(4) La statistique étant le logarithme en base 2 du ratio observé/attendu modéré, toute valeur supérieure à 0 témoigne d’une disproportionalité, et toute augmentation d’une unité traduit un signal deux fois plus fort. Il s’agit d’un outil de mesure disponible en routine pour l’analyse de VigiBase®.

Le Proportional Reporting Ratio, proportion de rapports pour un médicament d’intérêt liés à l’évènement d’intérêt rapporté à la proportion de rapports d’un (des) autre(s) médicament(s) pour ce même évènement est moins utilisé que le ROR et l’Information Component, en raison de performances moindres.(6) Des méthodes d’intelligence artificielle avec apprentissage neuronal profond ont également été proposées, avec des résultats mitigés.(7,8) On comprend, de par la nature des données présentes dans la base, qu’il est impossible de mettre en évidence une relation causale entre prise d’un médicament et apparition d’un effet indésirable à partir d’une analyse isolée d’une base de pharmacovigilance. En contrepartie, la grande puissance statistique de ces bases permet de générer des alertes de sécurité, y compris lorsqu’un faible nombre de cas est rapporté.

La base de pharmacovigilance mondiale VigiBase®, modalités d’accès 

VigiBase® comporte plus de 20 millions de rapports de sécurité individuels, collectés à partir de plus de 130 pays membres du programme international de surveillance des médicaments de l’organisation mondiale de la santé (World Health Organization Programme for International Drug Monitoring).(5) Les cas émanent de plusieurs sources, incluant des professionnels de santé, des patients, des industriels pharmaceutiques, et les cas étaient généralement notifiés après mise sur le marché des médicaments. VigiBase® permet de caractériser les évènements indésirables associés aux médicaments et de détecter des associations potentielles, à type de surnotification, entre médicaments et apparition d’un évènement indésirable. Il existe plusieurs façons d’accéder aux données de VigiBase®. D’abord, par l’interface web VigiLyze, qui permet de réaliser des analyses de disproportionalité non ajustées, d’extraire des rapports de cas de sécurité individuels (ou Individual Case Safety Reports, ICSR) (jusqu’à 50,000 à la fois) tout en travaillant de façon interactive.(5) Cette modalité d’accès offre l’avantage d’une grande simplicité et permet d’appréhender rapidement la volumétrie de cas et la force des signaux de sécurité. Cependant, elle ne permet pas de disposer de données à l’échelle des ICSR lorsque leur nombre dépasse 50,000, et ne permet donc pas de réaliser des modélisations avancées, telles que les analyses ajustées ou l’imputation de données manquantes. Pour obtenir des données à l’échelle des ICSR pour des volumétries supérieures à 50,000, il existe deux méthodes. La première consiste à contacter directement Uppsala Monitoring Centre en détaillant les paramètres de la requête. On peut alors obtenir des extractions détaillées sur chaque cas, sous la forme d’un ou plusieurs tableurs. Là encore, sans que la limite ne soit clairement établie, la volumétrie requêtable ne peut dépasser environ 1 million de cas, dans un souci de préservation de la base. La deuxième méthode est d’utiliser la version Extract Case Level de VigiBase®.

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Table des matières

I. Introduction
a. Pharmacologie, pharmacovigilance, pharmaco-épidémiologie
b. Disproportionalité et description en base de pharmacovigilance
Contexte
La base de pharmacovigilance mondiale VigiBase®, modalités d’accès
Ajustement sur facteurs de confusion en base de pharmacovigilance
Données manquantes
Réintroduction des médicaments
Facteurs associés à la surnotification d’un évènement
c. Méta-analyse de sécurité
L’héritage de la méta-analyse d’efficacité
Limites des essais cliniques dans la détection et la quantification de signaux de sécurité
ClinicalTrials.gov
Modélisation des risques rares
d. Onco-pharmacologie
e. Application des approches méthodologiques pharmacologiques
II. Imputation des données manquantes et analyse multivariée en base de pharmacovigilance
a. Matériels et méthodes
Cohorte de patients traités par médicaments modifiant la maladie de la sclérose en plaques
Variables
Source de données
Variables quantitatives
Objectifs
Méthodes statistiques
b. Résultats
Cohorte de patients traités par médicaments de la sclérose en plaques
Association entre cancer et médicaments de la sclérose en plaques
Description des cas de cancer rapportés sous médicaments de la sclérose en plaques
III. Réintroduction des médicaments en base de pharmacovigilance
a. Matériels et méthodes
Design d’étude et sources de données
Procédures et description de la cohorte de pharmacovigilance
Evènements
Analyses statistiques
b. Résultats
Effets indésirables immuno-médiés (irAE)
Réintroduction d’un ICI
Taux de récurrence d’un irAE avec réintroduction d’un ICI
IV. Facteurs associés à la surnotification de récurrence d’un effet ou d’une mortalité liée au médicament
a. Méthodes
Source de données
Variables
Design
Analyse statistique
b. Résultats
Facteurs associés à une surnotification de récurrence parmi les cas avec réintroduction
informative d’ICI après irAE
Facteurs associés à une surnotification de mortalité pour les cas d’évènements indésirables sous
CART
V. Méta-analyse avec capture élargie des évènements indésirables à l’aide de la base ClinicalTrials.gov
VI. Conclusion

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