Peut-on utiliser les odonates comme bio-indicateur ?

Le lit principal de la Loire, entre Les Ponts-de-Cé et Nantes, présente une incision très importante. Cette incision a pour origine l’aménagement, au début du 20ème siècle, d’un chenal de navigation à l’aide d’épis et d’ouvrages de contrôles des bras secondaires, mais également du fait de l’extraction de matériaux dans le lit du fleuve au cours du 20ème siècle (CEN Pays de la Loire, 2015). L’abaissement de la ligne d’eau en étiage a atteint 3,5 m dans l’agglomération nantaise. Cette incision fragilise les quais, les ponts et les berges. De plus, elle a pour conséquence une déconnexion du lit principal avec ses bras secondaires, ses boires ainsi que ses zones humides adjacentes. Il en résulte une altération, voire une perte de certaines fonctions écologique (CEN Pays de la Loire, 2015). En effet, les connexions latérales (processus d’échanges entre une rivière et sa plaine inondable) sont reconnues comme les fonctionnalités les plus importantes de ces écosystèmes (Chovanec et al, 2005). A cause des pressions anthropiques, ces sites de biodiversités font partie des écosystèmes les plus menacés (Chovanec et al, 2005, Simaika et Samways, 2012). L’« intermediate disturbance hypothesis » (Connell, 1978) (Figure 1) prédit une faible variété d’espèces dans des habitats exposés à des perturbations fréquentes, récentes ou de fortes intensités. Seules quelques espèces tolérantes peuvent survivre ou recoloniser ces habitats. D’un autre côté, une faible diversité d’espèce se produit également lorsque les habitats sont exposés à des perturbations rares, anciennes ou de faibles intensités. En effet, dans ces habitats, il y a une grande compétition entre les espèces afin de s’approprier les ressources. La diversité des espèces est maximale lorsque des perturbations se produisent de façon modérée en intensité et en fréquence, car une grande variété d’espèces peut tolérer ces conditions, mais aucune d’entre elles ne peut dominer complètement la communauté.

Problématique

Pour augmenter la hauteur de la ligne d’eau à l’étiage et reconnecter les bras secondaires de la Loire, un grand programme de restauration du lit et des annexes a récemment vu le jour : le contrat pour la Loire et ses annexes de Nantes à Montsoreau. Ce programme a pour objectifs principaux (CEN Pays de la Loire, 2015):
– Le rééquilibrage longitudinal et latéral du fleuve, en réduisant la pente de la ligne d’eau et du fond et en agrandissant l’espace de mobilité.
– L’amélioration de la connexion des annexes hydrauliques et des bras secondaires par des travaux de restauration, suivis d’éventuels travaux d’entretien. Les travaux pour la restauration de la connexion des annexes hydrauliques se feront par des retraits de bouchons sableux, d’arrachage des végétaux envahissants, de gestion des ouvrages et par l’effacement ou rabaissement des gués (CEN Pays de la Loire, 2015). 25 annexes hydrauliques sont concernées par ces travaux de restauration (Figure 3).

Le contrat pour la Loire et ses annexes prévoit des suivis et des évaluations des travaux de restauration. Des indicateurs biologiques du bon fonctionnement des milieux reconnectés serviront à l’évaluation du programme (CEN Pays de la Loire, 2015). Les indicateurs biologiques sont des organismes qui, lorsqu’ils sont présents, renseignent certaines caractéristiques écologiques de l’environnement qui les entoure. Certaines espèces sont sténoèces et exigent des conditions très spécifiques en matière d’habitat (Lebrasseur, 2013).

Ainsi, les commanditaires du programme de restauration ont émis les demandes suivantes (comm. pers. C. Boisneau) :
– 1 : La mise en place de protocoles de suivi intégrateurs.
– 2 : La quantification des gains des actions du contrat sur les fonctionnalités écologiques sur une échelle large, en tenant compte des trajectoires présentes et à venir des habitats et des espèces.
– 3 : La quantification des gains des actions en termes de fonctionnement morphosédimentaire.
– 4 : Le développement de la connaissance concernant l’écologie des gomphes (Odonates) .

Les gomphidés sont une famille d’insectes appartenant à l’ordre des odonates (libellules). Le bassin de la Loire présente un intérêt odonatologique majeur, notamment pour deux espèces protégées de Gomphidés : Gomphus flavipes et Ophiogomphus cecilia (Dijkstra, 2006) (Figure 4). Ces deux espèces sont relativement communes au niveau de la Loire mais sont très peu présentes ailleurs en France (Figure 5).

De nos jours, les inventaires des Odonates pour le suivi des milieux aquatiques en France se font essentiellement sur les adultes et les exuvies (Pont et Mathieu, 2011 ; Lebrasseur, 2013 ; Robert et al, 2015). Les suivis odonatologiques se font très rarement sur les larves pour des raisons financières et techniques.

Objectifs 

Les commanditaires souhaitent utiliser les odonates pour évaluer l’efficacité des mesures de restaurations. Ainsi, l’objectif principal de ce rapport est de savoir s’il est possible d’utiliser les odonates comme indicateurs biologiques du fonctionnement de la connectivité dans une plaine alluviale. L’objectif est également de chercher s’ils peuvent indiquer une dynamique sédimentaire (arrivée, départ, dépôt, érosion…) dans le lit principal et/ou les milieux reconnectés, et s’ils peuvent indiquer tout autre type de paramètres (dynamiques hydrologiques, qualité des habitats, efficacité de travaux de restauration, etc.…). Étant donné que les gomphidae sont très présents dans la Loire, les recherches s’effectueront plus spécifiquement sur cette famille et sur sa capacité à être utilisée comme indicateurs biologiques à elle seule. Un second objectif est de savoir, dans le cas où les odonates ne peuvent pas être utilisés comme bio-indicateurs, quels sont les autres groupes de macro-invertébrés pouvant être utilisés pour le suivi du programme de restauration. Dans un premier temps, ce projet présentera les méthodes qui ont été utilisées pour rechercher les articles scientifiques en lien avec la problématique de ce rapport. Ensuite, il exposera les résultats qui ont été obtenus, notamment quels sont les domaines où les odonates sont utilisés comme bio-indicateur et quels sont les taxons pouvant être utilisés pour indiquer une dynamique sédimentaire. Pour finir, ce rapport présentera comment utiliser les odonates pour le suivi des restaurations de la Loire.

Les odonates comme bio-indicateur 

Avantages des odonates 

Les macroinvertébrés peuvent être utilisés pour le suivi d’un écosystème lorsque leurs taxonomies, écologies et leurs réactions à la qualité des habitats sont bien connues (Simaika et Samways, 2012). Ainsi, un bon indicateur biologique (Simaika et Samways, 2012) :
– Indique facilement et rapidement l’état d’un environnement.
– Montre l’impact d’un changement environnemental.
– Constitue un groupe parapluie des autres taxons.
Les lectures ont montré que les odonates étaient énormément utilisés comme indicateurs biologiques dans le monde. En effet, ils respectent l’ensemble des conditions d’un bon bioindicateur citées précédemment.

Taxonomie et écologie
De nombreuses études effectuées sur les Odonates ont permis d’obtenir des connaissances avancées sur leurs écologies, leurs types d’habitats, leur taxonomie et sur les distributions géographiques de nombreuses espèces en Europe et en Amérique du Nord (Chovanec et Waringer, 2001 ; Golfieri et al, 2016). Par exemple, Dijkstra (2006) décrit dans son ouvrage « Field guide to the dragonflies of Britain and Europe » 170 espèces de libellules et de demoiselles de l’Arctique au Sahara, avec pour chaque espèce une description de leurs habitats et de leurs répartitions géographiques. Les connaissances avancées sur l’écologie des odonates ont montré qu’ils avaient de grandes exigences en matière d’habitat (Golfieri et al, 2016). Notamment, les adultes vont privilégier les habitats où la probabilité de survie des larves est la plus grande (Silva et al, 2010). La plupart des larves vivent habituellement enterrées dans le sédiment ou cachées sur la végétation aquatique, augmentant leurs chances d’obtenir de la nourriture et de la protection contre les prédateurs (Silva et al, 2010). Les odonates vont ainsi être beaucoup influencés par certains paramètres tels que la végétation submergée, flottante, émergente et rivulaire qui vont conditionner l’existence d’habitat indispensable à la survie de la larve (Dijkstra, 2006 ; Hofmann et Mason, 2005 ; De Oliveira-Junior et al, 2015), la vitesse de l’eau (Dijkstra, 2006 ; Hofmann et Mason, 2005) et les caractéristiques du substrat (type et taille) (Juen et al, 2007 ; Hall et al, 2015 ; Hofmann et Mason, 2005).

Réactions aux changements de leur habitat
Un des avantages des odonates à être utilisé comme bio-indicateur est qu’ils peuvent indiquer des dégradations sur les milieux terrestres et aquatiques (De Oliveira-Junior et al, 2015 ; Golfieri et al, 2016). En effet, les odonates ont un cycle de vie amphibiotique, ils vont dépendre des milieux aquatiques lorsqu’ils sont sous formes larvaires et des milieux terrestres lorsqu’ils sont adultes. De nombreuses espèces d’odonates sont sténoèces. Ils vont être très sensibles aux altérations de leur habitat causées par les activités humaines (destruction de la végétation rivulaire, régulation des débits, etc…) et vont réagir rapidement par des changements en abondance dans un premier temps et ensuite par la disparition d’espèces et l’apparition de nouvelles (Schmidt, 1985 ; De Ricqlès, 1988 ; Corbet, 1993 ; Bulánková, 1997 ; Chovanec et Waringer, 2001 ; Schindler et al, 2003 ; D’Amico et al, 2004 ; Silva et al, 2010 ; Chovanec et al, 2015 ; Golfieri et al, 2016). Mais les odonates peuvent également indiquer rapidement si des mesures de restaurations ont été efficaces ou non. En effet, du fait du comportement migratoire des adultes, les odonates peuvent coloniser de nouveaux habitats et rétablir des populations très rapidement dans des environnements adéquats (Chovanec et Waringer, 2001 ; Silva et al, 2010).

Indication facile et rapide de l’état d’un environnement
Un bon bio-indicateur doit indiquer facilement et rapidement l’état d’un environnement. Les odonates respectent parfaitement ce critère étant donné que le nombre d’espèces est relativement faible comparé à d’autres ordres de macro-invertébrés. Ce faible nombre d’espèces permet de les identifier et d’évaluer l’état d’un écosystème plus facilement et plus rapidement (Chovanec et Waringer, 2001 ; D’Amico et al, 2004 ; Golfieri et al, 2016). Cette qualité concerne plus particulièrement les adultes (Silva et al, 2010) car ils peuvent être capturés, analysés et identifiés directement sur le terrain (Chovanec et Waringer, 2001). Du fait que les odonates ont une grande exigence en matière d’habitat, il y a une grande relation entre le type d’habitat et la présence de certaines espèces (Corbet, 1993 ; Chovanec et Waringer, 2001 ; Hall et al, 2015). Ainsi, la présence ou l’absence de certaines espèces informe immédiatement des caractéristiques d’un écosystème. Par exemple, Dijkstra (2006) affirme que presque tous les Platycnemididae et les Gomphidae fréquentent des eaux courantes tandis que les Coenagrionidae et les Libellulidae préfèrent les eaux stagnantes.

Espèce parapluie

Les odonates sont utilisés comme bio-indicateur, car ce sont des espèces parapluie représentatif des zones de transition entre la terre et l’eau (zone humide, lit majeur, etc…) (Chovanec et Waringer, 2001). Ils sont idéals pour représenter les autres espèces des plaines inondables et des zones humides (Schindler et al, 2003 ; Chovanec et al, 2004). Ainsi, les nombreux avantages des odonates leur permettent d’être utilisés comme indicateur biologique dans les cinq domaines suivants :

– Type, qualité et hétérogénéité des habitats (Corbet, 1993 ; Chovanec et Waringer, 2001 ; Schindler et al, 2003 ; Hofmann et Mason, 2005 ; Simaika et Samways, 2009 ; Silva et al, 2010 ; De Oliveira-Junior et al, 2015 ; Dutra et Marco, 2015 ; Ellis et Jones, 2016 ; Golfieri et al, 2016).
– Dynamique hydrologique, morphologique et connexion avec le chenal principal (Castella, 1987 ; Chovanec et Waringer, 2001 ; Schindler et al, 2003 ; Chovanec et al, 2004 ; Ellis et Jones, 2016 ; Golfieri et al, 2016).
– Santé et qualité du corridor et de l’écosystème (Chovanec et Waringer, 2001 ; D’Amico et al, 2004 ; Juen et al, 2007 ; Kalkman et al, 2008 ; Chovanec et al, 2015 ; Hall et al, 2015 ; Ellis et Jones, 2016 ; Golfieri et al, 2016).
– Qualité chimique (Corbet, 1993 ; Bulánková, 1997 ; Hofmann et Mason, 2005).
– Efficacité des mesures de restaurations et de conservations (Chovanec et al, 2004 ; Kalkman et al, 2008 ; Simaika et Samways, 2009 ; Dutra et Marco, 2015 ; Golfieri et al, 2016).

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Table des matières

I – Introduction
I.1 – Contexte
I.2 – Problématique
I.3 – Objectifs
II – Recherche bibliographique
III – Les odonates comme bio-indicateur
III.1 – Avantages des odonates
III.2 – Utilisation de l’ensemble des odonates
IV – Perspectives des résultats
Conclusion
Bibliographie
Liste des figures
Table des matières

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