Par molรฉcules dโorigine naturelle, il faut entendre celles qui sont directement isolรฉes du milieu vivant (plantes, organismes marins ou micro-organisme), mais aussi les analogues de produits naturels obtenus par hรฉmi-synthรจse ou modifications chimiques, et รฉgalement les molรฉcules de synthรจse dont la structure est basรฉe sur celles des produits naturels.
Traditionnellement et historiquement, lโHomme a trouvรฉ les mรฉdicaments dont il avait besoin au sein de la faune et de la flore environnante. Le monopole de la nature dans le domaine pharmaceutique est cependant contestรฉ depuis la fin des annรฉes 80 avec lโapparition des nouvelles techniques de criblage ร haut dรฉbit. En effet, les capacitรฉs dโanalyse ont dรฉpassรฉ la disponibilitรฉ des molรฉcules dans les chimiothรจques. La chimie combinatoire apparaรฎt alors comme la solution ร cet inconvรฉnient puisquโelle est capable de produire un grand nombre de composรฉs purs rapidement, ร lโinverse de la chimie des substances naturelles : coรปts plus faibles, rapiditรฉ dโisolement, facilitรฉ de dรฉtermination structurale, caractรจre innovant contrรดlรฉ, quantitรฉ de produits suffisante, traรงabilitรฉ facilitรฉe, problรจmes de propriรฉtรฉs intellectuelles rรฉsolus. Cependant, les espoirs fondรฉs sur la chimie de synthรจse se heurtent depuis plus de dix ans aux rรฉsultats en baisse de la productivitรฉ de lโindustrie pharmaceutique. Ainsi, depuis 2002, le nombre de nouvelles molรฉcules mises sur le marchรฉ est en baisse , et bien que la chimie combinatoire ait รฉtรฉ utilisรฉe environ 70% de temps entre 1981 et 2010 comme source de nouveaux mรฉdicaments, on ne trouve ร lโheure actuelle quโune seule entitรฉ chimique de novo approuvรฉe pour son usage en tant que mรฉdicament. Il sโagit du sorafenib, un inhibiteur de kinases approuvรฉ dans la traitement des carcinomes rรฉnaux par la FDA (Food and Drug Administration) en 2005 . Sans remettre en question lโintรฉrรชt des nouvelles technologies, notamment ร travers la pharmacomodulation, de nombreux auteurs ont suggรฉrรฉ le retour versย un criblage des composรฉs naturels pour identifier de nouveaux leadeurs, composรฉs fortement bioactifs qui sont les chefs de file ร la base du dรฉveloppement du mรฉdicament .
Cependant, malgrรฉ la diminution voire lโarrรชt des investissements de la plupart des firmes pharmaceutiques dans les programmes de recherche sur les substances dโorigine naturelle, la nature joue encore un rรดle important au sein des pharmacopรฉes modernes. En effet, environ 64% des mรฉdicaments sont dโorigine naturelle. Dans le domaine de la cancรฉrologie le pourcentage de mรฉdicaments dโorigine naturelle est encore plus important. En effet, il atteint 75% .
PETITE HISTOIRE DES CANCERS ET DES ANTICANCรREUXย
Lโhistoire de cette maladie remonte ร la prรฉhistoire avec la dรฉcouverte de trace de tumeurs dans des ossements datant du Nรฉolithique (9000-3300 av. J.C.) . Le dรฉbut de lโhistoire des anticancรฉreux se confond avec celle de la maladie avec une recherche des remรจdes aux maux du rรจgne animal dans le rรจgne vรฉgรฉtal . A travers les รขges, les peuples de tous les continents ont accumulรฉ des connaissances dont la transmission a majoritairement รฉtรฉ orale et dont on cherche encore ร recueillir des tรฉmoignages chez les peuples autochtones.
La civilisation mรฉsopotamienne รฉmerge vers le VIรจme millรฉnaire avant J.C. et disparaรฎt vers 539 avant J.C. Bien que des pharmacopรฉes sur tablettes dโargile aient รฉtรฉ retrouvรฉes (Tablettes de Nippur et Le traitรฉ de Diagnostics et Pronostics), aucune rรฉfรฉrence aux cancers ou aux traitements anticancรฉreux nโapparaรฎt. Parallรจlement ร la civilisation prรฉcรฉdente, lโรgypte voit la fondation de sa civilisation vers 3150 avant J.C. Elle prospรฉrera quant ร elle jusquโen 30 avant J.C. Les papyrus des civilisations รฉgyptiennes correspondent aux plus anciens documents รฉcrits dans lesquels on trouve des traces de la maladie et de ses traitements. Les civilisations prรฉcolombiennes datent pour la plus ancienne de 1200-1100 avant J.C. (Olmรจques, Mayas) et perdurent jusquโร 1600-1700 aprรจs J.C. (Mayas, Incas, Aztรจques). La majoritรฉ des documents รฉcrits ont รฉtรฉ dรฉtruits par les envahisseurs europรฉens mรชme si quelques uns ont รฉtรฉ รฉpargnรฉs comme le mansucrit Baldianus.
Civilisation รฉgyptienne et papyrus mรฉdicaux hiรฉroglyphiquesย
Dโun cรดtรฉ, les Egyptiens ont laissรฉ des traces de leur connaissance des cancers. Vers 1800 avant J.C., Imhotep consacre un chapitre entier ร la description de tumeurs et ร leurs diffรฉrents types de traitement. Le papyrus de Kahun (2000 av. J.C), quant ร lui, donne la premiรจre description dโun cancer du col de lโutรฉrus. Par ailleurs, la prรฉsence dโostรฉosarcomes a รฉtรฉ relevรฉe sur des momies de pharaons .
Dโun autre cรดtรฉ, les รgyptiens ont laissรฉ des traces de leurs connaissances de traitement anticancรฉreux. Le premier รฉcrit relatant de lโutilisation de plantes dans le domaine de la cancรฉrologie est le papyrus Ebers datant de 1550 avant J.C. Cโest un vรฉritable traitรฉ de thรฉrapeutique contenant 875 recettes, sans รฉquivalent dans le monde antique. Parmi les vรฉgรฉtaux utilisรฉs, 45, dont la dรฉtermination sโarrรชte parfois au genre voire ร la famille, prรฉsentent des indications directes ou indirectes contre le cancer.
Des รฉtudes rรฉcentes (biologiques et phytochimiques) ont permis de confirmer lโactivitรฉ cytotoxique sur lignรฉes cellulaires cancรฉreuses humaines de quelques unes des espรจces citรฉes ainsi que dโen isoler les molรฉcules responsables. Un extrait aqueux dโAcanthus hirsutus Boiss. a montrรฉ une activitรฉ cytotoxique sur les lignรฉes hรฉpatiques et musculaires (Hep-2 et RD, respectivement) tandis que les feuilles dโAcanthus ilicifolius L. ont montrรฉ des activitรฉs cytotoxiques sur les lignรฉes hรฉpatiques, du col de lโutรฉrus et pulmonaires (HepG2, HeLa et A549, respectivement) avec des CI50 allant de 7,8 ร 27,8 ยตM . Les molรฉcules actives prรฉsentes chez Acanthus hirsutus Boiss. et Acanthus ilicifolius L. sont nombreuses. Un mรฉlange de fรฉrulates, issus de lโextrait acรฉtate dโรฉthyle des exsudats de Commiphora wightii Bandari, a montrรฉ une activitรฉ cytotoxique ainsi quโune diminution de la viabilitรฉ cellulaire sur deux lignรฉes cellulaires MCF7 et PC3, correspondant ร des cancers du sein et de la prostate, respectivement . Lactuca serriola L. et Juniperus phoenicea L. (extrait acรฉtone de des parties aeriennes) ont toutes deux montrรฉ des activitรฉs cytotoxiques, voire antitumorales .
Un extrait ethanol de Crocus sativus L. et plusieurs sesquiterpรจnes glucosidรฉs isolรฉs du tourteau de Gossypium hirsutum L. ont inhibรฉ lโactivitรฉ du virus dโEpstein-Barr et par consรฉquent lโinduction des papillomes chez la souris et in vitro, respectivement . Triticum vulgare Vill. a rรฉvรฉlรฉ une cytotoxicitรฉ contre un lymphome murin (P-388) tandis que le latex des fruits de Ficus carica L. a inhibรฉ la prolifรฉration de cellules cancรฉreuses lymphoรฏdes (DG-75, Raji DG-75), leucรฉmiques (Jurkat, HD-MAR), prostatiques (DU-145), mammaires (MCF7) .
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Table des matiรจres
INTRODUCTION GENERALE
I. PETITE HISTOIRE DES CANCERS ET DES ANTICANCEREUX
I.1. Civilisation รฉgyptienne et papyrus mรฉdicaux hiรฉroglyphiques
I.2. Civilisation grecque et grands traitรฉs thรฉrapeutiques
I.3. Transmission de lโhรฉritage antique ร la civilisation romaine et byzantine
I.4. Transmission et apport de la civilisation arabo-perse ร lโhรฉritage antique
I.5. Moyen-รge et renaissance en Europe
I.1. Usages traditionnels en cancรฉrologie des plantes prรฉsentes en Nouvelle-Calรฉdonie
I.2. Les anticancรฉreux modernes
I.3. Conclusion
II. LES ANTICANCEREUX EN NOUVELLE-CALEDONIE
II.1. Les fougรจres
II.2. Les lycophytes
II.3. Les gymnospermes
II.4. Les angiospermes monocotylรฉdones
II.5. Les angiospermes dicotylรฉdones
II.6. Conclusion
III. CONTRIBUTION A LA CONNAISSANCE DES ACTIVITES CYTOTOXIQUES DE PLANTES ENDEMIQUES DE LA NOUVELLE-CALEDONIE
III.1. Sรฉlection des genres
III.2. Rรฉcolte
III.3. Extraction
III.4. Prรฉparation des extraits
III.5. Evaluation des activitรฉs cytotoxiques
III.6. Mรฉcanisme dโaction
III.6.1. Dรฉtermination du pourcentage de cellules en phase M (IM)
III.6.2. Dรฉtermination du pourcentage de cellules en phase S (%S)
III.6.3. Dรฉtermination de la phase du cycle cellulaire ciblรฉe
III.7. Matรฉriel & mรฉthodes
IV. CONCLUSION GENERALE