En cas d’hémorragie intracrânienne, le sang peut parfois rejoindre les ventricules cérébraux et induire une hémorragie intraventriculaire (HIV). L’HIV est une forme dévastatrice de saignement intracrânien qui peut être causée par un accident vasculaire cérébral (AVC) hypertensif, une rupture d’anévrisme, une rupture de de malformation artério-veineuse (MAV), ou un traumatisme crânien(2). Quand le sang pénètre dans les ventricules, il commence à coaguler compromettant ainsi le flux de liquide céphalorachidien (LCR) et conduisant à une hydrocéphalie obstructive. De plus, les caillots sanguins possèdent des propriétés toxiques sur l’épendyme et le parenchyme cérébral adjacent, et exercent un effet de masse sur les structures voisines du cerveau(3). Pour contrôler une augmentation de la pression intracrânienne (PIC) causée par l’hydrocéphalie et pour retirer le sang des ventricules, une dérivation ventriculaire externe (DVE) doit souvent être mise en place(4). Les cathéters habituels de DVE sont de faible diamètre (diamètre interne de 1,5mm) afin de limiter les lésions du parenchyme cérébral lors de l’insertion(5). Cependant, à cause des caillots sanguins, les petits cathéters s’obstruent régulièrement, ce qui peut induire :
– un mauvais contrôle de la PIC par défaut de monitorage de celle-ci et un défaut de dérivation du LCR.
– une augmentation du risque de méningite bactérienne car l’obstruction nécessite l’irrigation et/ou le changement du cathéter.
– une augmentation du risque d’hématome intraparenchymateux (HIP) en cas de changement répété de cathéter.
– des conséquences cliniques défavorables pour toutes ces raisons.
Afin de limiter le risque d’obstruction du cathéter, un gros cathéter avec un diamètre interne de 2,3mm a été développé et a donné des résultats intéressants dans une cohorte prospective de patients en hydrocéphalie, avec ou sans (HIV)(6). Dans cette étude, nous avons émis l’hypothèse que pour les patients avec HIV, l’utilisation de gros cathéters pouvait diminuer le risque d’obstruction, donc réduire le nombre de complications liées à la manipulation du cathéter et à son insertion, et finalement améliorer le pronostic des patients. Pour l’évaluer, nous avons réalisé une étude de cohorte rétrospective comparant des patients avec HIV traités par de petits cathéters, avec des patients traités par de gros cathéters.
MATERIELS ET METHODES
Les données rapportées dans cette étude sont conformes aux critères STROBE (The Strengthening the Reporting of Observational Studies in Epidemiology). L’étude a été relue et approuvée par le comité éthique institutionnel du Centre Hospitalo-Universitaire (CHU) de Caen.
Données et design de l’étude
Cette étude est basée sur les données relevées dans 2 registres prospectifs de 2 unités de neurochirurgie (CHU de Caen et CHU de Rouen). Ces registres prospectifs incluaient tous les patients adultes souffrant d’HIV admis dans ces hôpitaux. Grâce à eux, nous avons réalisé une étude de cohorte rétrospective dans laquelle les patients avec HIV traités par gros cathéters étaient comparés aux patients avec HIV traités par petits cathéters (avec un ratio de 1 : 2), afin d’étudier leur évolution.
Participants
Tous les patients majeurs (âgés de 18 ans ou plus) souffrant d’HIV, quelle que soit l’étiologie, diagnostiqués à la tomodensitométrie cérébrale et admis dans nos départements de janvier 2011 à septembre 2015 ont été inclus prospectivement dans les registres. Une DVE était mise en place si les patients avaient une hydrocéphalie scanographique associée à une diminution du niveau de conscience (score de Glasgow ≤ 13). Le choix d’insérer un gros cathéter (2,3 mm de diamètre interne et 4 mm de diamètre externe [Sophysa, Orsay, France]) ou un petit cathéter (1,5 mm de diamètre interne et 3 mm de diamètre externe [Sophysa]) était laissé à la discrétion du neurochirurgien sénior. A noter que les 2 types de cathéter n’étaient pas imprégnés d’antibiotiques. Les patients étaient ensuite pris en charge selon un protocole prédéfini suivant les recommandations actuelles en fonction de la cause sous-jacente du saignement(7,8). Nous avons utilisé les registres des pharmacies hospitalières pour identifier les patients qui ont bénéficié de l’insertion de gros cathéters. Ces patients, avec HIV et gros cathéter pour la première DVE, étaient définis comme le groupe gros cathéter. Le groupe petit cathéter était défini par des patients avec HIV et une dérivation par petit cathéter en première intention. Chaque patient du groupe gros cathéter était ensuite, si possible, apparié avec 2 patients du groupe petit cathéter selon :
– le score de Graeb initial à la tomodensitométrie initiale (+/- 1 points)(9)
– l’étiologie de l’HIV (HIP supratentoriel, HIP infratentoriel, rupture d’anévrisme, rupture de MAV, autre…) .
Résultats principaux et limites
Cette étude de cohorte comparant gros et petit cathéter de DVE dans le management de l’HIV a montré que les gros cathéters subissaient moins d’occlusions temporaires ou permanentes que les petits cathéters, ce qui pourrait mener à une diminution du taux d’infections liées au cathéter. Les HIP liées à l’insertion du cathéter n’ont pas augmenté dans le groupe gros cathéter. Malgré les bénéfices intéressants des gros cathéters concernant les événements sus-cités, les patients traités avec un gros cathéter avait un taux de décès plus important et il n’y avait pas de bénéfice sur leur état fonctionnel à 6 mois. Nous croyons que cet effet n’était pas lié au cathéter en lui-même, mais à un biais de sélection. Le choix entre un gros et un petit cathéter était laissé à la discrétion du chirurgien et nous avons supposé que les patients ayant un gros cathéter étaient perçus par les cliniciens comme des cas plus sévères, et donc plus sujets aux complications de la DVE que les patients traités par petits cathéters. Ce biais de sélection est aussi suggéré par les caractéristiques de base des 2 groupes : les patients du groupe gros cathéter semblaient avoir un état initial moins bon mais de manière non significative. Ils avaient un score de Glasgow initial plus bas et présentaient plus fréquemment mydriase, hémiplégie, HIP et plus grand volume d’HIP. La somme de ces petites différences pourrait expliquer le taux de mortalité plus élevé dans le groupe gros cathéter, en particulier parce que nous n’avons identifié aucun phénomène intermédiaire (HIP lié à l’insertion du cathéter, obstruction du cathéter, infection liée au cathéter, etc.) qui pourrait expliquer de telles différences. A noter que nous avons initialement essayé d’apparier les patients selon leur score de Glasgow pour limiter les différences d’états neurologiques initiaux entre les 2 groupes. Malheureusement, cela réduisait dramatiquement le nombre de patients dans le groupe petit cathéter. Etant donné que notre étude était exploratoire et que la première hypothèse que nous voulions tester était que les gros cathéters étaient moins sujets aux occlusions, nous avons décidé d’apparier les patients selon les facteurs influençant l’occlusion de cathéter .
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Table des matières
1. INTRODUCTION
2. MATERIELS ET METHODES
1. Données et design de l’étude
2. Participants
3. Données
4. Analyse statistique
3. RÉSULTATS
1. Participants
2. Caractéristiques de base
3. Données pronostiques et résultats principaux
4. DISCUSSION
1. Résultats principaux et limites
2. Interprétation
5. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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