Perturbation de la fonction thyroïdienne : mise en place d’une stratégie de criblage des produits chimiques

Les tests de criblage précoce sont essentiels pour identifier au plus vite le potentiel toxique de molécules chimique candidates au développement, dans le cadre de l’innovation industrielle. Les résultats obtenus sont utilisés comme des signaux d’alerte quant à la possible mise en place de mécanismes de toxicité, lesquels sont ensuite confirmée grâce à des investigations mécanistiques complémentaires. Ces tests doivent être conduits le plus tôt possible au cours du développement, afin de limiter les dépenses engagées pour des molécules chimiques au profil toxicologique incompatible avec l’utilisation envisagée. Les tests de criblage précoce doivent donc être de courte durée, peu onéreux, et d’une complexité limitée afin de permettre leur mise en œuvre en routine. Les tests in vitro sont donc envisagés en première intention pour ces raisons et dans le but de limiter le recours à l’utilisation de l’expérimentation animale .

Parmi les nombreux mécanismes de toxicité qui doivent être criblés au cours du développement des produits chimiques et des biocides, la perturbation endocrinienne, est considérée avec un intérêt croissant. La problématique relative aux expositions environnementales à des substances chimiques susceptibles de perturber le système endocrinien se pose comme un enjeu majeur de notre société, depuis le début des années 1990. Ces substances, d’origine naturelle et synthétique, sont appelées « perturbateurs endocriniens » (PE) depuis l’apparition du terme en 1991. Ce terme a été popularisé par Theo Colborn en 1993auprès de la communauté scientifique d’abord, puis auprès du grand public, en 1996, suite à la publication de son ouvrage «Our Stolen Future, are we threatening our fertility, intelligence and survival? – A scientific Detective Story », dont la préface avait été rédigée par le vice-président des Etats-Unis Al Gore, qui a fortement marqué les esprits.

Les grands axes de la régulation hormonale

Les perturbateurs endocriniens et la thyroïde

La prise en compte par les autorités sanitaires du danger, pour l’homme et les animaux, de l’exposition à des molécules perturbatrices du système endocrinien est relativement récente. En effet, ce n’est qu’à partir du milieu des années 1990 que les publications relatives à ce sujet ont réellement été nombreuses et médiatisées. Parallèlement, la prévalence de certaines maladies connues pour – ou suspectées d’- être liées à des facteurs environnementaux, en lien avec le système endocrinien, n’a cessé d’augmenter. C’est notamment le cas de l’obésité, de l’hyperlipidémie et du diabète, des maladies cardiovasculaires, du syndrome métabolique, de maladies reproductives telle l’infertilité, de l’autisme, ou encore du trouble de l’attention avec hyperactivité (Bergman et al., 2012). Pour ces maladies en augmentation, une étiologie possible est l’exposition à des perturbateurs endocriniens (PE) (OECD, 2012a). En effet, l’étude des maladies citées cidessus montre des liens statistiques et des étiologies possibles reliant leur apparition à l’exposition aux PE.

Ainsi, l’exposition néonatale aux PE œstrogèno-mimétiques ou anti-androgéniques est une hypothèse qui peut être envisagée pour expliquer l’augmentation d’incidence du syndrome de dysgénésie testiculaire, caractérisée par une diminution de la qualité des semences masculines, des malformations du pénis (hypospadias), des testicules non descendues, voire de l’apparition d’un cancer des testicules. Cette hypothèse est cohérente avec certaines études qui ont démontré que le syndrome de dysgénésie testiculaire pouvait être induit chez le rongeur après une exposition néonatale à des composés antiandrogéniques (Skakkebaek et al., 2001; Sonne et al., 2004). Par ailleurs, certaines substances sont aujourd’hui reconnues comme étant « obésogènes », c’est-à-dire que certaines d’entre elles altèrent l’homéostasie des lipides, ou promeuvent l’adipogenèse ou l’accumulation des lipides (Grün, 2010). Par exemple, un polluant tel que le tributylétain (TBT), largement répandu dans l’environnement, est capable de lier et d’activer le complexe PPARγ-RXR in vitro (Kanayama et al., 2005) et d’induire l’augmentation de la masse de tissus adipeux in vivo chez la souris (Grün et al., 2006). Le complexe PPARγ-RXR étant connu pour être un régulateur positif de la différentiation des adipocytes et de la biosynthèse lipidique (Rosen et al., 1999), il est fort probable que le TBT soit un polluant environnemental perturbateur de l’axe de signalisation dépendante de PPAR. En outre, comme le montre la récente revue de Chevalier et Fénichel (Chevalier and Fénichel, 2015), des données expérimentales obtenues à la fois in vitro et in vivo, ainsi que des données épidémiologiques sont en faveur de l’existence d’une corrélation entre l’exposition à certains PE et l’apparition du diabète insulino indépendant, par diminution de la sensibilité à l’insuline ou diminution de la fonction des cellules β pancréatiques, de l’obésité, et du syndrome métabolique.

Le cas des maladies causées par une perturbation du neuro-développement est moins clair. Si de nombreuses relations ont pu être établies entre l’exposition à certains produits chimiques durant le développement et des déficiences neurologiques, en revanche l’épidémiologie et les recherches étiologiques ne parviennent pas à relier clairement l’autisme ou le syndrome de déficit de l’attention avec hyperactivité à l’exposition à des PE (Bellinger, 2013; Colborn, 2004; OECD, 2012a). L’importance du maintien de l’homéostasie des hormones thyroïdiennes (THs) étant reconnu comme primordial pour le développement des voies nerveuses, sa perturbation en réponse à l’exposition à des contaminants environnementaux pourrait facilement expliquer l’augmentation d’incidence de ces désordres neurologiques. Ce type de corrélation a en revanche pu être établi expérimentalement chez le rat. L’exposition des individus pré- et postnataux au polybromodyphenylether-47 (PBDE-47) a permis d’induire une diminution de la T4 circulante et un syndrome d’hyperactivité (Suvorov et al., 2009). Notons que le PBDE-47 est connu pour perturber les niveaux d’hormones thyroïdiennes circulantes chez l’agneau (Abdelouahab et al., 2009), d’autres PBDE induisent le même type de perturbation chez le jeune rat (Zhou et al., 2001). L’hypothèse chez l’homme qu’une exposition péri-natale aux PE pourrait être responsable de l’apparition d’autisme ou du syndrome de déficit de l’attention est attentivement prise en considération, même si non démontrée à ce jour.

Ces exemples illustrent bien la problématique de santé publique relative aux PE. Leur médiatisation s’est faite parallèlement à la mise en évidence de l’augmentation d’incidence de pathologies, dont les étiologies mal connues peuvent être liées aux PE. Ainsi, la notion même de PE reste mal définie. Un important travail de la part de la Commission Européenne est en cours depuis plusieurs années pour donner une définition officielle au terme « perturbateur endocrinien », laquelle est attendue pour une application uniforme de la règlementation REACH, et de celles régissant la commercialisation des biocides et des produits de protections des plantes (European Commission, 2015). Néanmoins, la communauté scientifique utilise largement le terme de perturbateur endocrinien, en se focalisant soit sur les évènements moléculaires qui initient une perte, durable ou transitoire, de l’homéostasie d’une ou plusieurs hormones, soit sur l’existence de conséquences délétères de celle-ci.

Le système endocrinien est constitué de glandes endocrines qui secrètent des hormones dans la circulation sanguine ou lymphatique dans le but de réguler de nombreux processus biologiques. Différentes voies de signalisation, ou axes, composent le système endocrinien. Ces axes, composés d’organes et d’hormones aux fonctions diverses, ont des actions interdépendantes. Ces actions permettent d’assurer la survenue d’évènements essentiels au développement des organismes, tout comme au maintien de l’homéostasie dans les organismes adultes. De nombreuses études ont montré que la bonne régulation de ces axes peut être perturbée à différents niveaux par des xénobiotiques, appelés alors perturbateurs endocriniens (PE). De par la multitude de cibles et de modes d’action concernés, les PE ne sont pas faciles à définir. Si la liaison de petites molécules lipophiles aux récepteurs nucléaires des hormones semble être un mécanisme majeur conduisant à une activation (effet agoniste) ou une inactivation (effet antagoniste) inappropriée, certains PE agissent via une modification des taux d’hormones circulantes. Ainsi, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a choisi de définir les PE comme des « substances exogènes ou mélanges qui altèrent une ou plusieurs fonction(s) du système endocrinien, et qui en conséquence causent des effets néfastes sur la santé d’organismes intacts, sur celle de leur progéniture, ou sur celle de leur (sous)population (Bergman et al., 2012).

Axe hypothalamus-hypophyse-gonades (HPG)

L’axe HPG, très conservé chez les vertébrés, a une importance toute particulière dans la survie des espèces puisqu’il contrôle la reproduction. Une représentation schématique de l’axe HPG est présentée dans la figure II-2. L’hypothalamus intègre des signaux nerveux en provenance du système nerveux central (SNC) et des signaux hormonaux. Ainsi, au niveau de l’hypothalamus, la résultante des effets de facteurs internes tels que la nutrition, le métabolisme, ou les niveaux hormonaux, et de facteurs externes, tels que la température ou les photopériodes, conditionnent la sécrétion de l’hormone de libération des gonadotrophines (GnRH) qui module la sécrétion par l’hypophyse antérieures des hormones gonadotrophines telles que l’hormone folliculostimulante (FSH) et l’hormone lutéinisante (LH). A leur tour, les hormones gonadotrophines contrôlent le développement des gonades, en partie via l’induction de la synthèse des hormones stéroïdes sexuelles. Ces dernières sont divisées en trois classes : les œstrogènes (majoritairement l’œstradiol), les androgènes (principalement la testostérone), et les gestagènes (majoritairement la progestérone). L’axe HPG est en grande partie régulé par rétrocontrôle négatif exercé par les différentes hormones qu’il génère. Chez la femelle, la FSH a un rôle majeur dans le recrutement cyclique des ovocytes pendant la phase folliculaire, tandis qu’un pic de LH déclenche l’ovulation et la phase lutéale. Chez le mâle, la LH régule la synthèse d’androgènes par les cellules de Leydig, tandis que la FSH, grâce à son rôle dans le contrôle de l’activité des cellules de Sertoli, participe avec les androgènes à stimuler la spermatogenèse.

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Table des matières

Introduction
I. Contexte et objectifs du projet de thèse
II. Les grands axes de la régulation hormonale
A. Les perturbateurs endocriniens et la thyroïde
B. Axe hypothalamus-hypophyse-gonades (HPG)
1. Les hormones stéroïdiennes sexuelles
2. Conséquences de la perturbation des hormones sexuelles
C. Axe hypothalamus-hypohyse-surrénales (HPA)
1. Les glucocorticoïdes
2. Les minéralocorticoïdes
3. Les hormones stéroïdes sexuelles surrénaliennes
4. La perturbation de l’axe HPA
D. Voie de signalisation des acides rétinoïques
1. Voie de signalisation du récepteur RAR
2. Voie de signalisation du récepteur RXR
3. La perturbation de la voie de signalisation des acides rétinoïques
E. Voie de signalisation de la vitamine D
1. Description
2. Perturbations de la voie de signalisation de la vitamine D
F. Voie de signalisation du récepteur PPAR (Peroxisome Proliferator-Activated Receptor)
1. Les récepteurs PPAR
2. Perturbation de la voie de signalisation du récepteur PPAR
III. Axe hypothalamus-Hypophyse-Thyroïde (HPT), Physiologie
A. Description de l’axe HPT
B. La glande thyroïde : anatomie & organisation fonctionnelle
C. La perturbation de l’axe HPT
1. Perturbation de la signalisation de la TRH et de la TSH
2. Toxicité directe sur la glande thyroïde
3. Perturbation du transport sanguin des hormones thyroïdiennes
4. Perturbation du transport transmembranaire des hormones thyroïdiennes
5. Interactions avec les déiodinases périphériques
6. Altération de la réponse par action sur les organes cibles des hormones thyroïdiennes
7. Métabolisme des hormones thyroïdiennes
8. Conclusion
IV. Le criblage de la perturbation de la fonction thyroïdienne : état de l’art et perspectives
A. Un exemple de batterie de tests : le criblage de la perturbation des hormones sexuelles
1. Tests in vitro
2. Tests in vivo
3. Conclusion
B. Tests de criblage de la perturbation de la fonction thyroïdienne
1. Évaluation de l’intégrité de la signalisation centrale
2. Mise en évidence de la perturbation de la synthèse des hormones thyroïdiennes
3. Détection de la perturbation du transport sanguin des hormones thyroïdiennes
4. Métabolisme et excrétion
5. Transport transmembranaire des hormones thyroïdiennes
6. Effet des hormones thyroïdiennes médié par le récepteur TR
7. Tests intégrant des modes d’actions multiples
8. Conclusion
V. Screening Thyroid Effects using standard and molecular tools in 7-day Adult Male Rat toxicity Studies
Conclusion

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