La cavité buccale est le premier segment du tube digestif. Il est limité en haut par le palais, en bas par la langue et le plancher buccal, latéralement par les joues et en arrière par l’isthme du gosier et les amygdales. Cette cavité est le siège d’une flore bactérienne formant un écosystème complexe varié et riche de près de 500 espèces appartenant à 20 genres. Cette flore est composée d’espèces bactériennes saprophytes [1] (Staphylocoques, Streptocoques, Actynomyces) qui, dans certaines conditions, deviennent pathogènes et engendrent des pathologies infectieuses (caries dentaires, infections endodontiques et péri-radiculaires, cellulites, ostéites, péri coronarites, etc.).
Le premier antibiotique, la pénicilline, fut identifiée par Ernest Duchesne dès la fin du 19ème siècle. Cependant, ses propriétés furent découvertes en 1928 par Alexander Fleming qui constata que certaines de ses cu ltures bactériennes, dans des boîtes oubliées, avaient été contaminées par les expériences de son voisin de paillasse étudiant un champignon : le penicillium. Toutefois, l’importance de cette découverte, ses implications et ses utilisations médicales ne furent comprises et élaborées qu’après sa redécouverte, entre les deux grandes guerres [69]. L’utilisation des antibiotiques a révolutionné la prise en charge de maladies qui, jusque-là, étaient considérées comme graves, en particulier, en odontologie où la prise en charge des pathologies infectieuses chez des patients tarés a fait un grand bond en avant. Cependant, la facilité d’utilisation, l’habitude de traiter des maladies infectieuses supposées bactériennes « au cas où… », « pour le confort du patient » ou juste par précaution, a conduit à la généralisation de l’utilisation des antibiotiques dans des circonstances cliniques qui ne le justifient probablement pas.
Qualifiées de ‘’drogues de la société moderne’’, les antibiotiques, de par leur utilisation dans tous les domaines de la médecine et du fait de leur usage empirique en odontostomatologie en particulier, ont engendré des problèmes aussi bien à court comme à moyen terme. Il en a résulté l’apparition de plusieurs souches bactériennes résistantes. Elles n’affectent pas seulement l’écosystème buccal de ceux à qui ils sont administrés, mais également, ceux qui leur sont proches (effet de transfert des gènes de résistance aux antibiotiques aux membres de la famille). Des effets secondaires (troubles digestifs, réactions allergiques à type de choc anaphylactique grave) sont aussi observés. Le risque à long terme sera que les bactéries échapperont à toute thérapeutique anti-infectieuse envisagée. Aussi, dans le contexte actuel, le développement de résistances bactériennes doit être freiné par une limitation de la prescription des antibiotiques aux seules situations cliniques où une efficacité a été démontrée [48]. Le chirurgien-dentiste, dans la chaîne de santé, reçoit dans sa pratique quotidienne aussi bien des patients supposés sains que ceux qui, au contraire, présentent des tares et qui doivent subir des avulsions dentaires. Ces avulsions dentaires, complexes ou n on, sont sanglantes. Les praticiens sont amenés à réaliser des prescriptions antibiotiques afin de prévenir, de juguler ou de guérir les affections qui auraient été engendrées par ces extractions dentaires de même que celles qui les ont justifiées.
L’extraction dentaire reste, comme le souligne Fave : «un acte chirurgical d’avulsion d’un organe dentaire pratiqué chez un sujet présentant ou non une tare organique, sur une dent et un tissu parodontal avec ou sans anomalies de structures, de forme ou de position» [27]. Il résulte de cet acte une solution de continuité qui devra être résorbée. La cavité buccale étant un milieu naturellement septique, la cicatrisation doit être soutenue en minimisant l’action des bactéries présentes dans la bouche ; d’où la nécessité de la prescription antibiotique. Cependant, des suites opératoires d’origine infectieuse surviennent parfois au décours de cet acte chirurgical malgré toute la rigueur dont s’entourent les praticiens et l’antibioprophylaxie systématique est réalisée, surtout en Afrique. Cette utilisation systématique d’antibiotiques, relève plus de l’empirisme et d’une volonté des praticiens de se «couvrir» que d’une pratique basée sur des faits scientifiquement prouvés ; elle n’a pas réussi à enrayer la survenue des suites opératoires qui sont encore rencontrées dans la pratique quotidienne.
RAPPELS ANATOMIQUES ET HISTOLOGIQUES
Anatomie
La cavité buccale
La bouche qui est le segment initial du tube digestif, est une cavité irrégulière, au niveau de laquelle s’accomplissent les importantes fonctions que sont la mastication, la salivation, la déglutition, la gustation, ainsi que de la phonation (fig.1). Cette cavité est placée entre celles nasales, en haut, et la région supra hyoïdienne, en bas. Elle revêt vaguement une forme ovale à grand axe antéro-postérieur et à grosse extrémité dirigée en arrière. Elle s’ouvre :
– en avant, à l’extérieur par un orifice circonscrit par les lèvres ; c’est la fente orale.
– en arrière, largement dans le pharynx, par un deuxième orifice appelé l’isthme du gosier. Superficiellement, elle correspond à la moitié inférieure de la face répondant :
– en avant, aux lèvres et au menton (région labiale) ;
– latéralement, aux joues (région jugale) empiétant sur la moitié antérieure des régions massétérines.
Profondément, en bouche fermée, la cavité orale est virtuelle : les arcades alvéolaires supérieure et inférieure la divisent en deux parties :
– l’une, extérieure aux arcades alvéolaires ; c’est le vestibule oral ;
– l’autre, intérieure à ces arcades ; c’est la cavité orale proprement dite.
Ces deux parties, même à l ’état d’occlusion dentaire, communiquent entre elles par les espaces inter dentaires, et par l’espace rétro molaire.
Le squelette de la face est placé en dessous de la moitié antérieure du crâne et se divise en deux parties :
– une supérieure, appelée le maxillaire,
– une inférieure, appelée la mandibule.
Le maxillaire
Ostéologie
Le maxillaire est un os membraneux résultant de la fusion du pré et du post maxillaire. Il est situé au dessus de la cavité buccale, au dessous de la cavité orbitaire, et en dehors des fosses nasales. Il prend part à la formation des parois de ces trois cavités. En s’articulant avec celui du côté opposé, il forme la plus grande partie de la mâchoire supérieure. Le maxillaire est volumineux ; il est cependant léger, grâce à l’existence de deux cavités pneumatiques : les sinus maxillaires qui occupent les deux tiers supérieurs de l’épaisseur de l’os. La configuration extérieure maxillaire est très irrégulière. On peut cependant lui reconnaître une forme quadrilatère et distinguer à cet os deux faces: l’une externe et l’autre interne, et quatre bords. Cet os supporte les dents maxillaires (fig.2).
Vascularisation
Elle est sous la dépendance des branches de l’artère maxillaire externe, branche terminale profonde de l’artère carotide (fig.3). Cette vascularisation est complétée par l’artère faciale, l’artère palatine, l’artère sigmoïdale.
La mandibule
Ostéologie
Os membraneux, la mandibule est constituée de la fusion des deux bourgeons maxillaires. Impaire, médiane et symétrique, elle réalise le squelette de l’étage inférieur mobile de la face, et supporte ainsi les dents mandibulaires (fig.4) Elle présente et décrit :
– un corps : c’est l’arc mandibulaire denté ;
– deux parties latérales : les branches montantes, situées à chacune des extrémités du corps, coudées presque à angle droit sur lui. Celles-ci présentent, sur leur face interne, l’entrée du canal dentaire inférieur ou canal de Spix qui livre passage aux nerfs et vaisseaux dentaires inférieurs. Sur leur face externe, l’émergence du canal dentaire inférieur est appelée foramen mentonnier situé entre la première et la deuxième prémolaire.
Vascularisation
La vascularisation mandibulaire est assurée par trois branches collatérales de la carotide externe :
• l’artère faciale,
• l’artère linguale,
• l’artère maxillaire interne.
Elle est sous la dépendance de deux apports vasculaires externe et interne .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I –RAPPELS ANATOMIQUES ET HISTOLOGIQUES
I.1-Anatomie
I.1.1- La cavité buccale
I.1.2- Le maxillaire
I.1.3- La mandibule
I.1.4- Les dents
I.1.4.1- Nombre et situation
I.2- Histologie
I.2.1- La gencive
I.2.2- L’os alvéolaire
II- LA FLORE BUCCALE
III-GERMES IMPLIQUES DANS LES PATHOLOGIES DE LA SPHERE BUCCALE
IV- LES ANTIBIOTIQUES UTILISES EN ODONTOSTOMATOLOGIE
IV.1-Rappels sur les antibiotiques
IV.2-Familles d’antibiotiques
IV.2.1 -Les bêta-lactamines
IV.2.2- Les macrolides
IV.2.3- Les aminosides
IV.2.4- Les cyclines
IV.2.5-Les quinolones
IV.2.6 : Les sulfamides
IV.2.7- Les glycopeptides
IV.2.8- Les imidazolés
IV.2.9-Autres familles d’antibiotiques
IV.3 Règles d’utilisation des antibiotiques et principes de prescription
V- ANTIBIOTHERAPIE et ANTIBIOPROPHYLAXIE
V.1-Définitions
V.2 –Les patients à risque
V.3 –Indications de l’antibiothérapie
V.3.1- Sujets considérés sains
V.3.2- Sujets à risque d’infection
V.4- Indications de l’antibioprophylaxie
V.4.1-Actes invasifs
V.4.2- Les actes non invasifs
VI- LES SUITES OPERATOIRES
VI.1- Les suites postopératoires fréquentes influencées par l’état general
VI.1.1-Chez le cardiopathe
VI.1.2-Chez le diabétique
VI.1.3-Chez le néphropathe
VI.2- Les suites postopératoires fréquentes sur le plan loco-regional
VI.2.1- L’alvéolite
VI.2.2- La cellulite
VI.2.3-L’ostéite
VI.2.4- Le trismus
DEUXIEME PARTIE: ETUDE PRELIMINAIRE SUR L’ANTIBIOPROPHYLAXIE
I-JUSTIFICATION ET INTERET
II- MATERIEL ET METHODES
II.1- Cadre, durée et type d’étude
II.2- Population d’étude
II.3- Critères d’inclusion et de non inclusion
II.4- Matériel
II-5 Méthodologie
II-6 Analyse statistique des données
III- RESULTATS
III-1 Groupe antibio-prophylaxie
III-1-1 Répartition selon le sexe
III.1.2- Répartition selon l’âge
III-1-3 Répartition des patients selon leurs antécédents médicaux
III.1.4- Etat dentaire
III.1.5- Hygiène bucco-dentaire
III.1.6- Molécules antibiotiques utilisées
III.1.7- Répartition des actes opératoires
III-1-8 Distribution des suites opératoires
III.2- Groupe antibiothérapie
III.2.1- Répartition selon le sexe
III-2-2 Répartition selon l’âge
III-2-3 Répartition des patients selon les antécédents médicaux
III.2.4- Etat dentaire
III.2.5- Hygiène buccodentaire
III.2.6- Molécules antibiotiques utilisées
III.2.7- Répartition des actes opératoires
III.2.8 Distribution des suites opératoires
III.3- Résultats analytiques
III.3.1- comparaison selon le sexe
III.3.2- Comparaison selon l’âge
III.3.3- Comparaison des antécédents médicaux
III-3-4 Comparaison selon les suites opératoires
IV- DISCUSSION
IV.1- Limites et considérations méthodologiques
IV.2- Le sexe et l’âge
IV.2.1- Le sexe
IV.2.2- L’âge
IV.3- Les antécédents médicaux
IV.4- L’hygiène bucco-dentaire
IV.5- Prescription antibiotique
IV.6-Les Actes opératoires
IV.7- Les suites postopératoires
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES