La dermatite atopique (DA) est une dermatose inflammatoire chronique survenant sur un terrain génétiquement prédisposé à une polysensibilisation [31]. Elle évolue par poussées et s’accompagne d’un prurit invalidant. Elle est à l’origine d’une qualité de vie diminuée et constitue souvent le premier marqueur de la marche atopique à côté de la rhinite allergique, l’asthme et la conjonctivite allergique [27]. Sa prévalence est en nette croissance dans le monde et en particulier en Afrique [13] avec des fréquences notées à 9,9 % au Sénégal [49], 7,2 % au Cameroun, 13 % en Tunisie, 14,9 % au Kenya et 18,2 % en Côte d’Ivoire [2]. La DA concerne plus les enfants dans 15 à 30 % des cas et 10,2 % des adultes [12,19] avec un mécanisme d’hypersensibilité médiée par des IgE (Immunoglobuline E) et des lymphocytes T spécifiques [36]. Elle est associée à une allergie alimentaire (AA) dans 36 % des cas chez les enfants [16] principalement aux œufs, lait et arachides qui peuvent se manifester par des réactions immédiates ou retardées. L’exploration allergologique chez les patients atopiques nécessite d’une part une recherche de la sensibilité aux allergènes respiratoires et d’autre part des allergies alimentaires associées qui peuvent rendre la DA sévère ou exacerber les poussées. L’identification de ces facteurs déclenchants permet d’asseoir des mesures d’éviction efficaces dans l’éducation thérapeutique des patients atopiques. Les tests allergologiques, aussi utiles qu’ils soient, sont effectués dans deux structures de soin dans tout le Sénégal : l’hôpital Aristide Le Dantec (HALD) et une clinique privée. Nous avons jugé opportun de réaliser cette étude avec comme objectif général de décrire les aspects épidémiologiques, cliniques, thérapeutiques et évolutifs des patients qui ont une DA associée à une AA.
Les explorations allergologiques
Nature des susbstances testées
Prick tests alimentaires
Les allergènes alimentaires testés étaient des aliments natifs correspondant aux allergènes de la batterie standard (stallergenes) et les aliments natifs suspectés à l’interrogatoire.
Atopy patch tests (APT)
Les trophallergènes testés étaient des aliments natifs et disponibles dans le commerce. La viande, le poulet, les poissons et crevettes étaient congelés et dégelés quelques heures avant la pratique des tests. Les aliments solides comme l’arachide sont mixés et dilués dans du sérum physiologique afin d’obtenir une pate homogénéisée.
Technique
Prick tests alimentaires
Après désinfection de la peau avec de l’alcool à 70 degré, il fallait déposer une goutte de l’allergène sur la surface de l’avant bras et le faire pénétrer dans la peau en piquant avec une lancette. Une distance de 3 cm doit être respectée entre 2 allergènes. Un témoin négatif (sérum physiologique) et un témoin positif (histamine) étaient également testés.
Atopy patch tests
Les atopy patch tests étaient effectués selon la technique semi-ouverte en appliquant les aliments natifs sur le haut du dos et en les fixant avec un sparadrap hypoallergénique (figure 2).
Test de provocation orale
L’aliment suspecté est consommé par le patient d’abord en quantité minime puis en doublant la quantité toutes les 15 minutes jusqu’à avoir au total une quantité pouvant correspondre à un repas pour l’âge du patient.
Précautions
Les tests cutanés étaient réalisées en dehors d’une poussée de DA, sur une partie de peau indemne de lésions et exempte d’application de dermocorticoïdes. Ils étaient réalisés au moins à une semaine d’une prise d’antihistaminique et à au moins 2 semaines d’une corticothérapie générale. Le test de provocation orale est pratiqué en présence d’un médecin et en alertant au préalable un médecin réanimateur prêt à intervenir et un milieu de réanimation. Une voie d’abord périphérique est mise en place et on doit avoir à portée de main une dilution d’adrénaline 1/10, de l’hémosuccinate d’hydrocortisone et un antihistaminique. Il faut un monitorage de la tension artérielle, de la fréquence cardiaque et de la saturation tout le long du test. La dose de l’aliment testé doit être augmentée progressivement.
En cas de réaction sans gravité, on prescrit des antihistaminiques oraux.
En cas de réaction anaphylactique on administre
– 1 ml d’adrénaline 1/10 en IVD à renouveler toutes les minutes en cas de prolongement de la réaction.
– 200 mg d’hémosuccinate d’hydrocortisone en IVD.
– Un antihistaminique en IV.
En cas de choc anaphylactique l’intervention de la réanimation est de mise avec sédation, intubation et recours au remplissage vasculaire et aux drogues vasoactives et ionotropes. Une surveillance est faite jusqu’à 4 heures après la fin d’un test sans incident.
Interprétation des tests allergologiques
Prick-tests alimentaires
La lecture était faite au bout de 20 minutes après introduction de l’allergène. Le test était positif lorsque le diamètre de la papule était supérieur ou égal a la moitié du témoin positif ou lorsque le diamètre de la papule était sup ou égal a 3 mm.
Les atopy patch tests
L’interprétation était faite après 72 heures. Seules les réactions palpables et infiltrées sont désignées comme positives, selon les critères internationaux de lecture des APT révisés par l’ETFAD (annexe 4).
Pertinence des tests cutanés
Prick tests alimentaires
La pertinence était évaluée devant chaque positivité en recherchant un lien de cause à effet entre l’exposition à l’allergène et la survenue des lésions et inversement la disparition de ses derniers en absence d’exposition. En cas de suspicion d’un aliment, par l’interrogatoire ou par les tests, dont la consommation est habituelle, et en absence d’antécédents de réactions graves (œdème de Quinke, anaphylaxie) un test de provocation orale était effectué et répété en présence d’un médecin et en prenant les précautions nécessaires.
Atopy patch-tests
La pertinence des APT est vérifiée par l’interrogatoire et par un test de provocation orale en absence d’antécédents de réactions graves à un aliment dont la consommation est habituelle. Lorsque la pertinence n’est pas retrouvée il s’agit d’une simple sensibilisation aux trophallergènes. Un régime d’éviction était proposé aux patients ayant eu une positivité avec pertinence clinique avérée.
Traitement et surveillance
La prise en charge thérapeutique était assurée par les médecins référents. Le traitement était adapté pour chaque patient, basé sur les dermocorticoïdes, les antihistaminiques et les antibiotiques locaux et généraux en cas de surinfection. Un émollient était prescrit pour tous les patients même en période de rémission. Une surveillance clinique a été faite pour les malades à un rythme hebdomadaire pendant 1 mois.
Saisie et analyse des données
La saisie des données a été effectuée avec le logiciel Statistical Package for the Social Sciences d’IBM (SPSS) dans sa version 26. L’étude descriptive a été réalisée par le calcul de fréquences pour les variables qualitatives. Pour les données quantitatives, l’étude a été réalisée par le calcul des moyennes. L’étude analytique a été faite avec des croisements de variables à l’aide de tableaux de contingence à double entrée. Pour comparer les fréquences, le test de KHI 2 et celui de Fisher ont été utilisés selon leur condition d’applicabilité avec un seuil de significativité alpha inférieur à 0,05.
Aspects éthiques
L’enquête avait été réalisée après le consentement éclairé de chaque patient. L’interrogatoire, l’examen physique, le bilan d’exploration avaient été faits dans la confidentialité. Les patients étaient libres de participer et pouvaient se retirer de l’étude quand ils le souhaitaient. Les tests allergologiques alimentaires étaient réalisés gratuitement.
Les limites de l’étude
La prévalence de notre étude doit être étudiée en prenant en considération les particularités de la période d’étude, qui a coïncidé avec la pandémie due à la maladie du coronavirus 2019 (COVID 19) et ses conséquences sur la population : confinement, couvre feu, appel à limiter les sorties des foyers au strict minimum, réticence des patients à se diriger vers des lieux aussi à risque que les hôpitaux pour des problèmes jugés récurrents et sans gravité. Cette réticence a été retrouvée dans une étude menée au Sénégal au CHNEAR qui avait pour objectif d’évaluer l’impact du COVID 19 sur les activités de soins et les recettes en comparant ces paramètres entre le premier trimestre de 2019 et 2020. On y a trouvé une baisse moyenne de 33 % des consultations externes et donc un fort impact de l’épidémie [37]. En outre, les IgE spécifiques ont manqué à nos explorations allergologiques.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PATIENTS ET METHODES
I-Objectifs de l’étude
II-Méthodologie
II-1-Type d’étude
II-2-Cadre d’étude
II-3-Population d’étude
II-4-Critères d’inclusion
II-5-Critères de non inclusion
II-6-Critères diagnostiques
III-Méthodes
III-1-Les explorations allergologiques
III-1-1-Nature des susbstances testées
III-1-1-1-Prick tests alimentaires
III-1-1-2-Atopy patch tests
III-1-2-Technique
III-1-2-1-Prick tests alimentaires
III-1-2-2-Atopy patch tests
III-1-2-3-Test de provocation orale
III-1-3-Précautions
III-1-4-Interprétation des tests allergologiques
III-1-4-1-Prick-tests alimentaires
III-1-4-2-Les atopy patch tests
III-2-Pertinence des tests cutanés
III-2-1-Prick tests alimentaires
III-2-2-Atopy patch-tests
IV-Traitement et surveillance
V-Saisie et analyse des données
VI-Aspects éthiques
RESULTATS
I-Etude descriptive
I-1-Aspects épidémiologiques
I-1-1-Prévalence Hospitalière
I-1-2-Répartition des cas selon le sexe
I-1-3-Répartition des cas selon l’âge
I-1-4-Répartition des cas selon l’origine géographique
I-1-5-Répartition des cas selon la catégorie socio-professionnelle
I-1-6-Répartition des cas selon la situation matrimoniale
I-2-Aspects cliniques
I-2-1-Répartition des cas selon les antécédents familiaux d’atopie
I-2-2-Répartition des cas selon les équivalents atopiques personnels
I-2-3-Manifestations cliniques de la DA
I-2-3-1-Durée d’évolution
I-2-3-2-Motif de consultation
I-2-4-Manifestations cliniques de l’AA
I-3-Aspects thérapeutiques
I-4-Explorations allergologiques
I-4-1-Prick-tests alimentaires
I-4-2- APT
I-4-3-Répartition des cas selon TPO
II-ETUDE ANALYTIQUE
II-1-Relation entre positivité des prick-tests et AA
II-2-Relation entre positivité des APT et AA
II-3-Relation entre les prick-tests positifs et l’âge
II-4-Relation entre les APT positifs et l’âge
II-5-Relation entre Prick-tests et APT
II-6-Relation entre AA et Nombre d’exacerbations de la DA
III-Interprétation des tests allergologiques
III-1-Pertinence
III-2-Conordance
IV-Aspecs évolutifs
DISCUSSION
I-Les limites de l’étude
II-L’apport de l’étude
III-Aspects épidémiologiques
III-1-Prévalence de la DA
III-2-Age
IV-Aspects cliniques
IV-1-Antécédents
IV-2-Manifestations cliniques
V-DA et AA
VI-Explorations allergologiques
VII-Interprétation des tests allergologiques
VII-1-Pertinence
VII-2-Concordance
VIII-Aspects évolutifs
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES
ANNEXES