Perte de poids chez les femmes traitées pour un cancer du sein
Cancer du sein et prise de poids
Une prise de poids est frequente chez les patientes atteintes d’un cancer du sein, quel que soit le traitement et sa duree ou leur statut menopausique. Le mecanisme de cette prise de poids est peu clair (7) et n’a ete que tres peu etudie (8). Les etudes se contredisent sur le facteur qui predit cette prise de poids, pouvant atteindre 1 a 6 kg (9). Certains suspectent l’hormonotherapie et d’autres la chimiotherapie adjuvante (10). Une hypothese actuelle est que le traitement de chimiotherapie pourrait en etre la cause, en partie car il provoque une diminution du metabolisme de base. De plus, la fatigue due au traitement provoque une diminution de l’activite physique et par consequent une moindre depense energetique. Une non-adaptation des apports alimentaires a ces changements pourrait expliquer une prise de poids. Ce phenomene semble moins clair depuis l’amelioration des traitements (7) mais la prise de poids est toujours observee et reste un sujet preoccupant (9).
D’autres facteurs comme un statut pre-menopausique, le jeune age et un indice de masse corporelle (IMC) bas au diagnostic semblent etre predicteurs d’une plus grande prise de poids (11). Une etude qualitative a cherche a comprendre comment les femmes vivaient cette prise de poids et quels etaient leurs besoins (12). Il est ressorti que cette prise de poids est difficile pour les femmes pour qui la prise de poids etait inattendue (12). Elles ont connaissance du risque de recidive avec un surpoids et ont l’intention de faire attention a leur alimentation. Cela se revele toutefois plus difficile une fois les traitements debutes quand les aliments a plus forte palatabilite sont choisis pour le confort qu’elles y trouvent (12). Elles manquent d’informations sur les changements alimentaires et auraient souhaite voir un dieteticien (12). En ce qui concerne les apports alimentaires : les resultats des etudes different, certaines montrant une diminution des apports et d’autres des apports inchanges (7) (traduction libre). Il est difficile de se positionner quant a ces resultats car tres peu d’etudes ont evalue la prise alimentaire (7,13,14).
Effets de la prise de poids Le surpoids est defini par un IMC entre ≥25 et <30 kg/m2 et l’obesite par un IMC ≥30 kg/m2 par l’Organisation Mondiale de la Sante (OMS)(15). Il a ete demontre que l’obesite est un facteur de risque de developpement du cancer du sein, que ce soit en lien avec des profils hormonaux anormaux ou en lien avec l’etat inflammatoire continu qu’il engendre. Une association positive a ete montree entre la prise de poids a l’age adulte et le developpement de cancer du sein chez des femmes post-menopausees. Les autres facteurs de risques probables sont le tour de taille ainsi que le rapport taille-hanche (16). Dans le contexte d’un cancer du sein diagnostique, la prise de poids est associee a un moins bon pronostic, a une augmentation de la mortalite et de la morbidite, avec un risque augmente de maladies chroniques (11). La prise de poids pourrait avoir un impact negatif sur le traitement du patient ainsi que sur sa qualite de vie. En effet, la prise de poids a tendance a changer la composition corporelle en augmentant la masse grasse (7).
Etant donne que l’aromatisation des androgenes en oestrogenes se fait dans le tissu adipeux, l’augmentation de celui-ci pourrait augmenter le taux d’oestrogenes et diminuer l’effet des traitements anti-hormonaux (17). La prise de poids pourrait aussi favoriser la survenue d’une recidive et ce, notamment en augmentant la densite mammaire. Ce qui augmente le risque de cancer du sein (18). La prise de poids peut egalement provoquer une alteration de l’image corporelle parfois importante. Cette derniere s’ajoute a celle provoquee par la chirurgie. De plus, la prise de poids apporte son lot de comorbidites : fatigue, bouffees de chaleur, resistance a l’insuline, diabete, arthrose et augmentation des facteurs de risques cardiovasculaires. Les femmes victimes du cancer du sein ont plus de risques de deceder de maladies cardiovasculaires que de leur cancer (7).
Etudes d’intervention de perte de poids Dans le contexte de prise de poids lors d’un traitement du cancer du sein, plusieurs etudes ont ete menees afin de determiner les benefices d’une perte de poids. Leurs resultats montrent qu’une perte de poids est possible et qu’elle induit certains benefices. Tout d’abord sur les comorbidites (19,20) avec une diminution de l’inflammation chronique, de la resistance a l’insuline, du diabete de type 2 et des maladies cardiovasculaires. Une autre etude montre des avantages a cette perte de poids comme une diminution des lymphoedemes, de la fatigue, des bouffees de chaleur ainsi qu’une meilleure recuperation post-chirurgicale (7). Malheureusement, a ce jour, il n’y a aucune evidence du benefice de la perte de poids sur le pronostic ou encore sur la recidive (19). Le manque de preuves est important et ne permet pas d’avoir des arguments forts sur les benefices de cette perte de poids ni de connaitre a quel moment il est important de la prendre en charge pour etre le plus efficace (21). Plusieurs etudes d’intervention avec un suivi long sont en cours en ce moment et testent les effets d’une perte de poids sur les comorbidites et le risque de recidive (22,23).
Elles vont etre determinantes pour augmenter le nombre et la qualite des preuves. A ce jour, les resultats dont nous disposons grace aux etudes d’intervention, en cours ou avec un suivi a court terme, sont en lien avec la perte de poids chez les patientes traitees pour un cancer du sein. Deux revues systematiques ont ete publiees recemment a ce sujet (21,24). Elles montrent qu’une perte de poids est realisable avec les interventions des etudes incluses. Les mesures principales relevees par ces deux revues sont la perte de poids, la circonference de la taille, le rapport taille-hanche et le pourcentage de matiere grasse. Elles ont aussi releve les changements sanguins, particulierement le cholesterol total, le HDL cholesterol et les triglycerides. Les apports alimentaires, l’activite physique et la qualite de vie ont aussi ete pris en compte. Neanmoins, ces deux revues ne permettent pas de determiner les benefices de la perte de poids sur le risque de recidive et les comorbidites. Elles soulignent l’importance de realiser des etudes afin de trouver quelle(s) sont les composante(s) des interventions reellement efficace(s) et possible(s) d’implementer dans le suivi de ces patientes. L’argumentation necessaire a l’evolution de la pratique et de la prise en charge de ces patientes demande de mieux connaitre les effets benefiques d’une perte de poids. Un autre element essentiel est de mieux comprendre quelles interventions peuvent etre efficaces et quelles composantes de ces interventions sont determinantes afin d’optimiser la perte de poids et ses potentiels effets benefiques. Vagenas et al. soulignent le fait primordial de comprendre quel type d’intervention est efficace contre cette prise de poids. De plus, ils insistent sur l’importance d’avoir plus de matiere pour determiner les composantes comportementales dans le maintien du poids chez les femmes atteintes du cancer du sein (11).
Guidelines actuelles
Lorsqu’on s’interesse aux guidelines des grandes societes savantes en matiere d’oncologie et plus specifiquement aux recommandations pour la nutrition en cas de cancer du sein, on trouve des recommandations generales. La plupart des societes savantes s’accordent sur un maintien d’un poids sante (IMC entre 18.5 et 25kg/m2) tout au long de la vie apres le cancer et pour une alimentation riche en fruits et legumes, en cereales completes et reduite en acides gras satures (25). Nous ne trouvons cependant pas de recommandations de prise en charge des femmes en situation de surpoids ou d’obesite. L’Academie Americaine de Nutrition (AND) et la Societe Francophone Nutrition Clinique et Metabolisme (SFNEP) n’abordent pas la situation dans leur guidelines respectives pour l’oncologie (26,27). Dans toutes ces guidelines, la prevention de la denutrition est principalement abordee. Seule l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) recommande aux oncologues de promouvoir, aupres de leurs patientes en situation d’obesite, des programmes de prise en charge de l’obesite a plusieurs composantes (25). La principale cause de ce manque de recommandations dans le cadre de la prise en charge des femmes en remission d’un cancer du sein est le manque de preuves solides. Nous trouvons beaucoup de recommandations pour le diagnostic et les traitements mais rien pour la survie a long terme (25).
Importance de la qualification des interventions
Les interventions visant un changement de comportement sont complexes et comprennent souvent plusieurs composantes qui interagissent afin de mener au comportement souhaite (28). La complexite des interventions depend de plusieurs facteurs : le nombre de composants qui sont en interaction, le nombre de comportements a modifier et la difficulte a les adopter, ainsi que le nombre et la variete des mesures effectuees (29). Ce type d’intervention differe des interventions pharmacologiques ou une molecule est testee avec un groupe controle. Les interventions visant une perte de poids requierent egalement des changements de comportement sur le long terme. Les recommandations actuelles pour une perte de poids sont de faire des changements comportementaux au niveau alimentaire ainsi que de l’activite physique (30–32). Dans le cadre du cancer du sein, deux revues systematiques ont fait le constat que les interventions comprenant l’alimentation et l’activite physique au travers des changements de comportement permettent generalement d’atteindre une perte de poids plus grande que celles qui n’ont pas d’intervention a plusieurs composantes (21,24).
Qualifier precisement les interventions visant un changement de comportement est important pour l’implementation des interventions dans la pratique professionnelle (33). Les interventions sont tres complexes et les deconstruire en ingredients actifs permet de mieux comprendre les mecanismes d’action (34). Actuellement, peu d’interventions sont suffisamment decrites. Seules 29% des interventions non-pharmaceutiques sont decrites de maniere adequate contre 67% des etudes pharmaceutiques (35). Les descriptions sont souvent tres courtes et peu detaillees. De plus, quand les interventions sont decrites, il n’existe pas de langage standardise pour parler des ingredients actifs. Plusieurs ≪ labels ≫ peuvent etre utilises pour parler d’une meme technique (34). Dans cette jungle de descriptions des interventions, il est donc complique de s’y retrouver et la replication d’une technique ayant fait ses preuves est difficile voire impossible a implanter dans la pratique professionnelle. Par ailleurs, les descriptions pauvres (dont en resultent des ≪ black boxes ≫) sont problematiques autant dans les etudes avec de bons resultats que celles qui ont de moins bons resultats. Si ces black boxes ne sont pas deconstruites, il est difficile de comparer les etudes entre elles. Les avancees pourraient etre d’autant plus grandes si toutes les descriptions etaient disponibles (36).
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Table des matières
Remerciements
Resume
Abreviations
1. Introduction
2. Cadre de reference
2.1. Cancer du sein et traitements
2.2. Cancer du sein et prise de poids
2.3. Effets de la prise de poids
2.4. Etudes d’intervention de perte de poids
2.5. Guidelines actuelles
2.6. Importance de la qualification des interventions
2.7. Taxonomies permettant la description des interventions
2.8. Taxonomie BCTTv1
3. Definition de l’etude
3.1. But du travail
3.2. Objectifs
3.3. Hypothese
4. Methodes?
4.1. Selection des articles
4.2. Extraction des donnees
4.3. Entrainement en ligne a la BCTTv1
4.4. Codage des interventions taxonomie BCTTv1
4.5. Synthese des donnees
4.6. Resume du deroulement
5. Resultats
5.1. Donnees de bases des etudes incluses
5.2. Description des interventions
5.3. Resultats du codage
6. Discussion
6.1. Description des interventions
6.2. Prise en charge du poids dans le contexte du cancer du sein
6.3. Limites
6.4. Points forts
7. Perspectives
8. Conclusion
Liste de references bibliographiques
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