Le canal artériel est une structure fœtale qui relie normalement l’artère pulmonaire à l’aorte thoracique haute pendant la vie intra-utérine et s’oblitère peu après la naissance. La persistance du canal artériel est une cardiopathie congénitale fréquente, réalisant une communication anormale entre l’aorte et l’artère pulmonaire, à l’origine d’un shunt gauche-droite. [90] Il peut être symptomatique tôt, en période néonatale, se révéler plus tard et être mal toléré, à l’origine d’une défaillance cardiaque. Il peut passer complètement inaperçu et être découvert de façon fortuite. Elle peut être soit isolée, soit associée à d’autres anomalies cardiaques en particulier les défets septaux. Le diagnostic est aujourd’hui à la porté surtout grâce au développement de l’échocardiographie couplée au doppler avec récemment le codage couleur, qui ont permis désormais d’affirmer le diagnostic du canal artériel dans 100% des cas. [120] Sa prise en charge a connu beaucoup de progrès par le développement de nouvelles approches thérapeutiques. Il s’agit de la fermeture percutanée par cathétérisme cardiaque et la vidéochirurgie. [69] L’objectif de ce travail est de faire le point sur la P.C.A. au Sénégal à la lumière des études faites précédemment par d’autres auteurs [54], de déterminer l’incidence de cette pathologie, étudier les données épidémiologiques, cliniques, paracliniques, analyser sa prise en charge et les suites évolutives.
Historique
Gallien à le premier décrit le canal artériel et, bien avant Harvey, a soupçonné son rôle dans la circulation fœtale. [41]. Pendant longtemps, le canal artériel passe complètement inaperçu; il faut arriver jusqu’à Fallope qui attire de nouveau l’attention sur lui. En 1593, Giambacista Cacano signale l’importance du canal dans un livre consacré aux gros vaisseaux du fœtus. [14] Harvy, en 1628, déduit des découvertes sur la fonction de la circulation fœtale ; il y indique assez bien le rôle du canal artériel. Rokitanski, en 1844, publie le premier cas en tant que malformation cardiaque isolée. En 1854, Flourens étudie l’oblitération du canal artériel chez les animaux.[4] La technique de ligature du canal artériel est mise au point sur le cadavre par Munro en 1907. [80] En 1937, Graybiel ferme le premier canal artériel, compliqué d’endocardite infectieuse: le malade de 22 ans décède au quatrième jour postopératoire de complications digestives. En 1938, à Boston, Gross réussit la première ligature couronnée de succès d’un canal artériel chez une enfant de 7 ans. [47] En 1967, Portsmann [91] propose une technique de fermeture du canal par cathétérisme interventionnel, mais cette technique relativement complexe n’est employée que dans quelques centres. En 1979, Rashkind [96] met au point une fermeture du canal par une ombrelle facile à introduire par la veine fémorale. Ce procédé, de réalisation simple mais coûteuse, s’est répandu assez rapidement à travers le monde. D’autres techniques de fermeture par cathétérisme interventionnel se sont développées par la suite.
Rappel anatomique
Le canal artériel est situé dans le médiastin postérieur, il s’étend du tronc pulmonaire à l’origine de l’aorte thoracique. Il nait parfois au niveau de la bifurcation même de ce tronc, mais le plus souvent de la branche pulmonaire gauche; de là il se dirige en arrière et un peu à gauche, horizontalement d’abord, puis au cours du développement un peu obliquement en bas. Il se termine dans l’aorte au niveau du bord supérieur de la bronche gauche, au-dessus des premières intercostales aortiques. Dans ce trajet, il est immédiatement appliqué sur la face antérieure de la bronche gauche qu’il croise presque perpendiculairement; le nerf récurrent s’enroule sous lui et croise sa face postérieure avant de remonter derrière la portion horizontale de la crosse aortique.[119] Il est ordinairement extra-péricardique dans toute son étendue. Le canal artériel est presque toujours situé à gauche. Il est rarement observé en cas d’arc aortique droit. Même dans ce cas, il est plus volontiers situé à gauche et unit le sommet de l’artère pulmonaire au tronc artériel brachiocéphalique gauche. Le canal artériel droit ou les formes bilatérales sont exceptionnels. [41] Le canal artériel persistant a un diamètre de 2 à 15 mm et une longueur de 2 à 15 mm. Le versant aortique du canal est plus large que le versant pulmonaire d’où commence la fermeture physiologique.
Rappel embryologique
Le canal artériel se développe à partir de la portion distale du 6ème arc aortique gauche dont la partie proximale forme l’origine de l’artère pulmonaire gauche. Au cours du développement fœtale, le canal artériel migre de la portion horizontale de la crosse aortique vers la région isthmique. Ainsi, à la naissance, le canal nait du sommet du tronc de l’artère pulmonaire et se dirige vers l’arrière, en haut et à gauche pour rejoindre l’aorte descendante. [119]
Rappel physiopathologique
Rôle du canal artériel dans la circulation fœtale
La circulation sanguine fœtale se fait en parallèle et le canal artériel permet une communication entre les circulations pulmonaire et systémique. L’essentiel de la circulation pulmonaire est « court-circuitée » vers l’aorte par le canal artériel en raison des résistances pulmonaires très élevées. La quantité de sang atteignant le poumon ne représente donc que 5 à 10 % du débit cardiaque total. [68,56,101] La moitié du débit cardiaque fœtal est oxygéné dans le placenta. Ce sang oxygéné se mélange au sang non oxygéné du fœtus dans la veine cave inférieure et l’oreillette droite. Le tiers du volume sanguin auriculaire droit se distribue aux cavités gauches au travers du foramen ovale (FO), où il rejoint le retour veineux pulmonaire. Les deux tiers sont éjectés par le ventricule droit dans l’artère pulmonaire mais la majeure partie rejoint la circulation systémique par l’intermédiaire du canal artériel.
Mécanismes de fermeture du canal artériel
In utero, la faible pression artérielle systémique en oxygène (PaO2) et le taux élevé des prostaglandines circulantes jouent un rôle important dans le maintien de la béance de la lumière du canal artériel, Ceci est nécessaire pour la circulation fœtale et la survie. La fermeture du canal artériel survient dans les 48 premières heures après la naissance chez 80 % des nouveau-nés à terme et chez tous ces enfants au quatrième jour de vie [28], la fermeture du CA comporte deux phases successives: la contraction des fibres musculaires lisses entraîne une fermeture fonctionnelle au cours des premières heures de vie, suivie d’une oblitération anatomique permanente liée à une destruction de l’endothélium et à une prolifération endothéliale de la sous-intima avec formation de tissu conjonctif. [19] La fermeture fonctionnelle initiale du CA est liée à des modifications de l’équilibre entre les facteurs vasodilatateurs et vasoconstricteurs. Les principaux mécanismes impliqués sont l’élévation de la pression partielle en oxygène et les variations des taux de prostaglandines circulantes. Le mode d’action de l’oxygène reste encore imparfaitement compris. Une libération accrue d’endothéline-1 (puissant vasoconstricteur) semble être impliquée. [21] D’autres peptides comme les bradykinines et le thromboxane A2 induisent également une vasoconstriction ductale. Après la naissance, la chute des prostaglandines E2 circulantes et la diminution de ses récepteurs au niveau de la paroi ductale favorisent la fermeture du CA chez le nouveau-né à terme. [29][32] La diminution du flux sanguin transductal est responsable d’une hypoxie locale au niveau de la média qui entraîne une inhibition de la production endogène de prostaglandine et de monoxyde d’azote. Cette hypoxie locale semble nécessaire à l’induction de la deuxième phase de fermeture anatomique permanente. Elle induit une destruction cellulaire et la libération de facteurs de croissance tels que VEGF et TGF beta.
Mécanismes de persistance du canal artériel
Au fait, l’absence de fermeture du CA peut s’expliquer par une anomalie au niveau de l’une des étapes de sa fermeture physiologique, les étiologies de la persistance ne sont pas bien connues, les plus incriminées sont :
– Causes génétiques :
Contrairement aux nourrissons prématurés, chez qui la PCA est généralement raison de l’immaturité de développement, la persistance du canal chez les nourrissons à terme est probablement attribuable à des anomalies structurelles. La persistance du canal artériel est au fait fréquemment rencontrée dans plusieurs syndromes génétiques, y compris ceux avec des aberrations chromosomiques (comme la trisomie 21), ceux avec une mutation d’un seul gène (comme le syndrome de Carpenter et Holt-Oram syndrome), et les mutations liées à l’X (comme l’Incontinentia pigmenti). Les mécanismes de non fermeture du canal artériel dans ces pathologies génétiques sont indéterminés, et les progrès de recherche scientifique peuvent améliorer la prise en charge de ces malades, par une éventuelle thérapie ciblée de la PCA, et pourrait aussi donner un aperçu du développement de nouvelles stratégies pour maintenir la perméabilité canalaire dans les pathologies cardiaque ducto-dépendantes.
– Causes infectieuses et environnementales :
L’infection rubéolique au cours du premier trimestre de la grossesse, et en particulier dans les 4 premières semaines, est associée à un haut risque de survenue d’une PCA. Les anomalies histologiques ressemblent à celles rencontrées dans un canal immature. D’autres facteurs peuvent être incriminés dans la persistance du canal artériel, dont l’hypoxie néonatale, la haute altitude, et certaines intoxications médicamenteuses.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: RAPPEL
I. Historique
II. Rappel anatomique
III. Rappel embryologique
IV. Rappel physiopathologique
1. Rôle du canal artériel dans la circulation fœtale
2. Mécanismes de fermeture du canal artériel
3. Mécanismes de persistance du canal artériel
4. Conséquences de la persistance du canal artériel
4.1. Conséquences pulmonaires
4.2. Conséquences cardiaques et hémodynamiques
V. Circonstances de dépistage
VI. Apports de l’écho doppler cardiaque dans le diagnostic du Canal artériel persistant
6.1. Intérêt
6.2. Résultats
6.2.1. Diamètre du VG
6.2.2. La fraction de raccourcissement (FR)
6.2.3. Etude du VD
VII. Le traitement chirurgical du canal artériel persistant
7.1. Chirurgie à ciel ouvert
7.2. Techniques chirurgicales
7.2.1. Installation
7.2.2. Incision
7.2.3. Thoracotomie
7.2.4. Exposition du canal artériel
7.2.5. Clampage, ligature, ou section suture
7.2.6. Résultats
7.3. Fermeture par vidéochirurgie
7.4. Fermeture par cathétérisme interventionnel
DEUXIEME PARTIE : MATERIEL ET METHODES
I. La population
II. Les critères d’inclusion
III. Les critères de non inclusion
IV. Les paramètres étudiés
1. Etude des données épidémiologiques
1.1. L’Age
1.2. Le Sexe
1.3. Les antécédents
2. Etude des données cliniques et paracliniques
2.1. Circonstances de découverte
2.2. Signes fonctionnels
2.3. Examen physique
2.4. Données de la radiographie thoracique
2.5. Données de l’électrocardiographie
2.6. Données de l’échocardiographie
3. Etude des modalités de prise en charge
3.1. Traitement médical symptomatique
3.2. Traitement chirurgical
3.3. Cathétérisme interventionnel
4. Evolution et suivi post opératoire
4.1. Evolution spontanée
4.2. Evolution des cas traités
V. Difficultés de l’étude
RESULTATS
I. Etude épidémiologique
1. Incidence et prévalence
2. Répartition selon l’âge
3. Répartition selon le sexe
II. Facteurs étiologiques
1. Consanguinité
2. L’âge de la mère
3. La parité
4. Antécédents personnels
III. Antécédents familiaux
IV. Etude clinique
1. Circonstances de découverte
2. Signes fonctionnels
3. Examen cardio-vasculaire
V. Etude para-clinique
1. Radiographie du thorax
2. L’électrocardiogramme
3. Echocardiographie et doppler
3.1. Etude du canal artériel
3.2. Signes de retentissement
3.3. Lésions associées
VI. Etude thérapeutique
1. Traitement médical symptomatique
2. Traitement chirurgical
VI. Etude évolutive
DISCUSSION
CONCLUSION