Performances du dépistage des aneuploïdies par analyse de l’ADN foetal libre circulant

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Schéma d’étude et population

L’arrêté du 9 juillet 2015 inscrit le test génétique de dépistage des trisomies 21 et autres aneuploïdies ADNlc dans la nomenclature des actes de biologie médicale de la Polynésie française11. Avant la date d’entrée en vigueur fixée au 3 août 2015, le coût du test n’était pas pris en charge par l’Assurance Maladie (tout comme en France métropolitaine). Dans une étude observationnelle, non interventionnelle, prospective, nous évaluons l’intégration du test dans la stratégie de dépistage prénatal de la trisomie 21 mise en place dans l’archipel.
Du 1er décembre 2013 au 31 octobre 2015, toutes les patientes présentant une grossesse singleton, spontanée ou issue d’une assistance médicale à la procréation et ayant bénéficié du test ADNlcT21 ont été incluses. Le test était proposé aux patientes présentant un risque accru de trisomie 21 (supérieur ou égal à 1/250) après un test de dépistage sérique, aux patientes ayant un antécédent de grossesse avec aneuploïdie foetale, aux couples dont l’un des membres est porteur d’une translocation robertsonienne impliquant un chromosome 13 ou 21, aux patientes âgées de plus de 38 ans et enfin à celles n’ayant pu bénéficier d’une évaluation du risque d’aneuploïdie foetale par un test de dépistage sérique. Certaines patientes souhaitant réaliser ce test dans le cadre d’un dépistage primaire ont également été incluses. Les patientes présentant une grossesse gémellaire ou dont le foetus était porteur d’une anomalie morphologique (y compris une hyperclarté nucale supérieure au 95ème percentile) ont été exclues de l’étude. Tous les prélèvements ont été réalisés à un terme supérieur à 10 semaines d’aménorrhée (SA).

Modalités de réalisation du test

Le test a été réalisé au sein du laboratoire Cerba selon la méthode décrite par Benachi et al12. Le consentement écrit, signé et éclairé des patientes a été obtenu. Le test ADNlcT21 a été réalisé par séquençage massif à haut débit avec une approche globale dite pangénomique. Le sang maternel a été prélevé dans 2 tubes cell-free DNA BCT Streck (10mL pour chacun) et envoyé à température ambiante au laboratoire sur le territoire français. Les échantillons de 40 patientes ont été analysés sur place et transférés en France métropolitaine pour une analyse comparative. Le plasma a été préparé par une double centrifugation et stocké à -70°C jusqu’à la réalisation de l’analyse. L’ADN total a été extrait après décongélation et centrifugation des échantillons. Les fragments d’ADN obtenus ont été amplifiés puis séquencés à partir de la librairie d’ADN. Pour chaque analyse, un échantillon de contrôle positif et un échantillon de contrôle négatif ont été inclus et traités en parallèle. La proportion de chromosomes 21, 18 ou 13 était comparée aux valeurs de référence des génomes euploïdes. L’excès était quantifié en Z-score, dont la valeur seuil était fixée à 3 pour le chromosome 21 et à 3,95 pour les chromosomes 13 et 18. Le résultat était exprimé comme « positif », « négatif » ou « ininterprétable » en fonction du Z-score et après validation des critères suivants : concentration de la librairie ≥ 7,5 nM, nombre total de séquences ≥ 9 millions, pas de biais GC d’amplification et fraction d’ADN foetal ≥ 4%.

Critères d’évaluation et analyse statistique

Le critère de jugement principal était la détermination des performances globales du test ADNlcT21 dans une population de patientes présentant une forte prévalence de l’obésité (définie par un IMC > 30kg/m²) en termes de sensibilité, de spécificité, de valeur prédictive positive (VPP), de valeur prédictive négative (VPN), et de taux de non rendus. Un geste invasif (choriocentèse ou amniocentèse) a été réalisé en cas de test positif ou pour une autre indication. Le résultat du test ADNlc était comparé au résultat de l’examen néonatal, de l’examen foetopathologique ou du caryotype foetal après prélèvement invasif.
Les données obstétricales et néonatales ont été obtenues auprès des gynécologues-obstétriciens référents des différentes patientes et ont été chargées sur un fichier Excel (Microsoft® Office 2016). Les données colligées pour chaque patiente comprenaient l’âge maternel et l’âge gestationnel au prélèvement, l’indication de celui-ci ainsi que la taille et le poids maternels (permettant le calcul de l’IMC). Sur le plan technique, les données suivantes ont été relevées : le nombre de jours entre la date de prélèvement et la date de congélation, la présence d’une hémolyse, la concentration de la librairie, le nombre total de séquences, la présence d’un biais GC d’amplification, et la valeur de la fraction foetale d’ADN.
Les résultats étaient exprimés en pourcentage pour les variables catégorielles, en moyenne avec déviation standard et en médiane avec minimum-maximum pour les variables quantitatives. Secondairement, l’analyse des données a porté sur la variation de la fraction foetale en fonction de l’IMC maternel. Les patientes ont été classées en fonction de l’IMC selon la classification définie par l’Organisation Mondiale de la Santé. Une comparaison de la fraction foetale entre les patientes obèses et non obèses a été réalisée avec un test de Chi² et une analyse en sous-groupe de la mesure de la fraction foetale a été réalisée par la méthode ANOVA avec Stata 13.1, StataCorp, Texas, USA.
Une analyse complémentaire de l’influence du transport sur la fraction foetale a été réalisée pour s’assurer du maintien de la qualité de l’ADN foetal après l’acheminement. Un test de Student a été appliqué pour les 40 échantillons qui ont reçu une double analyse sur place et après transfert.
Une différence significative était observée pour un p < 0,05.

Caractéristiques de la population

Le test de dépistage des trisomies 21, 18 et 13 par l’analyse de l’ADN foetal circulant a été réalisé chez 313 patientes sur la période d’inclusion selon les indications décrites précédemment. Aucun test n’a été réalisé en cas d’anomalie foetale à l’échographie, y compris en cas d’hyperclarté nucale. Après exclusion des grossesses gémellaires et de trois patientes pour lesquelles les données étaient insuffisantes, 270 patientes ont été incluses (Figure 1). Dans cette cohorte, 115 patientes (soit 42,6%) avaient un IMC supérieur à 30 kg/m². Les caractéristiques de la population sont détaillées dans le Tableau 1.
L’âge moyen des patientes au moment du test était de 37 ans et la médiane de 39 (17-46) ans. L’IMC médian était de 28,5 kg/m². Le terme médian au prélèvement du test ADNlcT21 était de 18,3 SA.
La médiane de la fraction foetale était de 9,3% (4,8-35,4%). Les performances du test ont été évaluées chez les 246 patientes pour qui l’issue de grossesse était disponible (Figure 1).

Sensibilité et spécificité, VPP et VPN, Taux de non rendus

Les performances du test ADNlcT21 sont détaillées dans le tableau 2. Le test était positif pour la trisomie 21 pour 4 patientes, soit 1,63% de tests positifs dans cette population. Deux patientes ont bénéficié d’une amniocentèse confirmant une trisomie 21 foetale et ont formulé une demande d’interruption médicale de grossesse. La troisième patiente n’a pas souhaité la réalisation d’un geste invasif et a donné naissance à un enfant atteint de la trisomie 21. Pour la quatrième patiente, le caryotype foetal après amniocentèse était normal : il s’agit d’un faux positif.
Au total, la sensibilité du test dans cette population était de 100% et sa spécificité de 99,6% pour le dépistage de la trisomie 21. Le taux de faux positif était de 0,41% et il n’y a eu aucun faux négatif. Les valeurs prédictives positive et négative étaient respectivement de 75% et de 100%. Aucun test n’est revenu positif pour les trisomies 13 et 18 et aucun nouveau-né ne présentait ces anomalies. Deux patientes ont bénéficié d’un second prélèvement pour un résultat rendu ininterprétable sur l’ensemble de la cohorte. Le taux de non rendus était de 0,74% au terme des premiers prélèvements. Après un second prélèvement, tous les tests ont pu être rendus.
La première patiente présentait un IMC à 41,8 kg/m². Elle a été prélevée pour la 1ère fois à 16 SA, avec une FF à 3,9%. Un second test a été réalisé sur le second échantillon prélevé au même terme, avec une FF à 4,8%. Ce test a permis de rendre un résultat négatif. Elle a donné naissance à terme à un enfant bien portant.
La seconde patiente présentait un IMC à 29,7 kg/m² et une insuffisance rénale terminale dialysée. Lors du premier prélèvement à 19 SA, la FF était à 12%. Le test n’était pas interprétable en raison de Z-scores élevés pour les trisomies 13 et 21 (4,38 et 6,21 respectivement). Un second prélèvement a été fait à 23 SA. La FF était à 10,4% et des Z-scores normaux ont permis de rendre un résultat négatif. Le foetus est décédé in utero à 29 SA. Il présentait un retard de croissance intra-utérin sévère.

Influence de l’IMC sur la fraction foetale

Dans notre cohorte, on retrouve 115 patientes obèses avec une fraction foetale médiane à 8,2% versus 155 patientes non obèses avec une fraction foetale médiane à 10,2%. A âge gestationnel égal, on retrouve une différence significative de la médiane de la fraction foetale entre ces 2 groupes. L’analyse des médianes de la FF en fonction de l’IMC montre une diminution significative chez les patientes avec un IMC > 30 kg/m² par rapport aux patientes non obèses (p < 0,001). Ces résultats sont détaillés dans le Tableau 3 et la Figure 2.
Une seule patiente de notre étude avait une fraction foetale inférieure à 4% (soit 3,9%) pour un IMC à 41,8 kg/m² au terme de 16,3 SA. Le taux de FF basse représente 0,37% de la cohorte et 0,87% des patientes obèses. Un résultat négatif a pu être rendu pour cette patiente, sur le second échantillon prélevé au même terme avec une FF à 4,8%.

Influence du transport des échantillons sur la fraction foetale

Le délai moyen entre le prélèvement du test ADNlcT21 et la congélation du plasma pour analyse était de 4 jours dans l’ensemble de la cohorte et de 6 jours pour les 40 patientes ayant eu 2 analyses (une sur place à J0 et une au sein du laboratoire Cerba après transfert). La valeur moyenne de la FF était respectivement de 9,8% à J0 et de 9,6% après transfert. Cette différence n’était pas significative. Les fractions foetales à J0 et après transfert étaient fortement corrélées : R2 = 0,96 (p < 0,001) (Figure 3).

Discussion

Les résultats de l’étude montrent de très bonnes performances du test ADNlcT21 avec une sensibilité de 100% et une spécificité de 99,6% pour le dépistage de la trisomie 21 dans cette population de patientes ayant un taux d’obésité de 42,6%. Ils sont comparables à ceux retrouvés dans des populations de patientes à risque d’aneuploïdie avec une prévalence moins forte de l’obésité13-14. Dans l’étude multicentrique SEHDA14 menée pour évaluer les performances du test ADNlcT21 dans une population française à haut risque d’aneuploïdie, le test était réalisé selon la même technique et au sein du même laboratoire que notre étude. Dans cette cohorte, seules 16,3% des patientes présentaient un IMC ≥ 30 kg/m² et la sensibilité et la spécificité globales du test étaient respectivement de 100% et de 99,9% pour la trisomie 21, ce qui est comparable aux résultats de notre étude.
La valeur prédictive positive du test de 75% pour le dépistage de la trisomie 21 dans notre population affirme la nécessité à l’heure actuelle de confirmer un résultat positif par la réalisation d’un geste invasif afin d’établir le caryotype foetal. Seul un prélèvement invasif a été généré de façon indue par un résultat faussement positif du test ADNlcT21. Le taux de faux positif (0,41%) reste faible et conforme aux données de la littérature.
La prévalence de la trisomie 21 dans cette cohorte (110 pour 10000) est plus élevée que dans la population générale15. Ceci s’explique par le fait qu’il s’agit d’une population très majoritairement à risque accru d’aneuploïdie. Le test a été essentiellement réalisé pour un âge maternel supérieur à 38 ans ou pour un risque élevé à l’issue du dépistage par les marqueurs sériques maternels. Seules 3% des patientes ont bénéficié du test en dépistage primaire.
Le faible effectif de notre population ne permet pas de calculer les performances du test pour le dépistage des trisomies 13 et 18. Néanmoins, aucun faux positif ni faux négatif n’a été mis en évidence.
Vingt-quatre patientes, soit 8,9% de la population, ont été exclues de cette analyse alors que le résultat du test et l’IMC maternel étaient disponibles, car l’issue de grossesse n’était pas connue. En effet, la Polynésie française est un territoire épars avec des difficultés de centralisation de la prise en charge. Du fait de l’étendue du territoire et du peu de ressources disponibles, peu de patientes peuvent bénéficier d’un suivi régulier du début de la grossesse jusqu’à l’accouchement. L’accès au dépistage de la trisomie 21 au premier trimestre est un challenge dans cet archipel. Peu de patientes ont accès à une consultation au premier trimestre de la grossesse pour une échographie avec mesure de la clarté nucale. Dans notre étude, 126 patientes (40,2%) avaient bénéficié d’un dépistage de la trisomie 21 par les marqueurs sériques, mais pour 96% d’entre elles il s’agissait de marqueurs du deuxième trimestre. Le programme de dépistage recommandé à l’heure actuelle et reposant sur l’échographie du premier trimestre et l’étude des marqueurs sériques au premier trimestre semble difficile à mettre en place en pratique dans cette population. Or, il est démontré maintenant que les performances du dépistage par les marqueurs sériques au deuxième trimestre sont moins bonnes, avec plus de faux positifs et donc une augmentation du taux de prélèvements invasifs16. Le test ADNlcT21 pourrait donc trouver sa place en deuxième ligne, afin de limiter le recours au prélèvement invasif, voire en première ligne chez les patientes n’ayant pu bénéficier d’un dépistage au premier trimestre.
L’autre objectif de cette étude était de s’intéresser aux facteurs de risque d’échec des tests de dépistage des aneuploïdies par analyse de l’ADN libre circulant. Plusieurs causes peuvent être à l’origine du non rendu d’un résultat que ce soit en phase pré-analytique (lors de la collection, le transport et la réception du prélèvement au laboratoire) ou en phase analytique (problème d’amplification ou de séquençage, fraction foetale trop basse en rapport avec l’âge gestationnel ou l’IMC)17.
Dans notre étude, seuls deux tests n’ont pu être rendus après un prélèvement, soit un taux de non-rendus de 0,74% : un test pour une fraction foetale basse et l’autre pour un Z-score atypique. La première hypothèse pour expliquer les résultats de la deuxième patiente est celle d’un problème technique ponctuel puisque non retrouvé sur le second prélèvement. Une deuxième hypothèse peut également être évoquée. En l’absence de triploïdie, l’augmentation du Z-score pour plusieurs chromosomes peut provenir d’une augmentation des phénomènes d’apoptose cellulaire au niveau du placenta. L’apoptose cellulaire et le relargage d’ADN dans la circulation sont des phénomènes physiologiques favorisés par les épisodes de stress aigu (infection, inflammation, ischémie) ou par un stress oxydatif chronique (cancer, insuffisance rénale)18-20. Chez les patients hémodialysés, on retrouve une quantité plus importante d’ADN libre circulant. Le placenta est un organe partagé par la mère et le foetus pouvant subir ces mêmes phénomènes d’apoptose. Les concentrations d’ADN foetal et maternel augmentent simultanément dans le sang maternel, pouvant expliquer les résultats observés lors du premier prélèvement.
Finalement, le taux de non rendus n’est pas plus élevé que celui retrouvé dans la littérature pour des populations de patientes à haut risque d’aneuploïdie, y compris lorsque la prévalence de l’obésité maternelle est moins importante. Dans la méta-analyse de Gil et al17, le taux de non rendus était compris entre 0,0 et 12,2% pour 35 études. Onze études ont évoqué une fraction foetale trop basse comme étant la cause d’un taux élevé de non rendus. L’IMC médian de la population n’est pas mentionné pour ces études. Dans l’étude SEHDA14 avec 16,3% d’obésité, le résultat n’a pu être rendu pour 0,7% des patientes soit parce que la FF d’ADN était inférieure à 4%, soit parce que le résultat était atypique (Z-score positif pour plus d’un chromosome par exemple). Norton et al21, dans l’étude NEXT, a étudié les performances du test par ADNlc dans le dépistage de routine des trisomies 13, 18 et 21 en population générale. Parmi 16 329 femmes éligibles, 488 (3%) ont été exclues pour un résultat non rendu et 192 d’entre elles (39% des patientes exclues et 1,2% des patientes éligibles) avaient une fraction foetale inférieure à 4%. La médiane du poids maternel était de 93,7 kg dans le groupe ayant une FF basse contre 65,8 kg pour les patientes ayant un résultat interprétable (p < 0,001). Ces résultats suggèrent une influence du poids sur la valeur de la FF.
Une analyse de la variation de la fraction foetale en fonction de l’IMC maternel a été réalisée dans notre étude. Il est retrouvé une diminution significative de la FF avec l’augmentation de l’IMC maternel concordant avec les données de la littérature7-10.
Ashoor et al.7 ont montré que la probabilité d’une fraction foetale inférieure à 4% augmentait avec le poids maternel, passant de 0,7% à 60 kg, à 7,1% à 100 kg et à 51,1% à 160 kg. Dans notre étude, la FF au premier prélèvement était < 4% pour 0,87% des patientes avec un IMC > 30 kg/m² et 2% des patientes de plus de 100 kg. Ces bons résultats peuvent s’expliquer par l’âge gestationnel au prélèvement qui est l’autre facteur pouvant fortement influencer la FF. Dans l’étude d’Ashoor7, le test de dépistage a été réalisé pour des âges gestationnels compris entre 11 SA et 14 SA alors que dans notre étude l’âge gestationnel médian au premier prélèvement est plus élevé (18,4 SA, soit un prélèvement réalisé au deuxième trimestre de la grossesse). Wang et al.9 ont montré qu’entre 10 et 21 SA, la FF augmente avec le terme de la grossesse de l’ordre de 0,1% par semaine. Durant cette période, 2% des patientes ont une FF < 4%. Après 21 SA, cette augmentation de la FF est de l’ordre de 1% par semaine.
Dans cette même étude9, le taux de non rendu était de 1,9% après un premier prélèvement. La fraction foetale était insuffisante pour 25% des patientes avec un résultat non rendu, due à un âge gestationnel plus précoce (13,9 SA vs 15,8 SA, p < 0,0001) ou à un poids maternel plus élevé (103 kg vs 73 kg, p < 0,0001) que les patientes ayant eu un résultat interprétable. Ces patientes ont nécessité un second prélèvement à 3,6 semaines d’intervalle et 56% d’entre elles ont eu une fraction foetale supérieure à 4% après ce deuxième examen. Au total le taux de non rendus après 2 prélèvements était de 1,2% dans cette étude. Ils ont observé un gain moyen de 1% de la valeur de la fraction foetale entre les 2 prélèvements. En ajustant sur l’âge gestationnel, il n’y avait plus de différence significative entre les 2 prélèvements (p = 0,76) pour le même poids maternel. Ils suggèrent alors que l’âge gestationnel peut au moins en partie compenser le faible pourcentage de la fraction foetale liée à un poids maternel élevé.
Sur cette même voie, Livergood et al22 ont montré qu’en cas d’obésité maternelle modérée ou sévère, avec un IMC > 35, le taux de non rendu n’est plus supérieur à celui des patientes non obèses lorsque le test est réalisé à partir de 21 SA. Entre 8 et 16 SA, la probabilité d’avoir un test non rendu chez une patiente obèse diminue de 4,5%.
Ces résultats ainsi que ceux de notre étude suggèrent de décaler le terme auquel le test ADNlcT21 pourrait être réalisé chez les patientes obèses, ou au moins de proposer un second prélèvement au deuxième trimestre en cas de test non rendu au premier trimestre chez ces patientes.
Enfin, la fraction foetale d’ADN plasmatique est restée stable après transfert des prélèvements malgré une distance de plus de 15 000 kilomètres entre la Polynésie française et le territoire français métropolitain. Les tubes cell free DNA BCT Streck ont montré leur capacité à conserver l’ADN circulant pendant au moins 7 jours à température ambiante. Au-delà de 14 jours, il y a un risque plus important de lyse cellulaire des globules blancs avec relargage d’ADN maternel et dégradation de l’ADN8. Le délai moyen de transport dans notre étude respecte cette norme.

DISCUSSION GENERALE

Cette étude a été menée dans le but d’évaluer les performances du test ADNlcT21 au sein d’une population de patientes présentant une forte prévalence de l’obésité. Il s’agit de la première étude sur le sol français évaluant les performances du test dans une population à haut risque d’aneuploïdie et axée sur l’obésité maternelle.

L’obésité, un problème de santé publique

Le test de dépistage ADNlcT21 montre d’excellents résultats dans notre population mais cette étude confirme néanmoins que la valeur de la fraction foetale diminue chez les patientes obèses. Or dans de nombreux pays développés, l’obésité est en constante augmentation depuis plusieurs années et est devenue un véritable problème de santé publique. La population polynésienne que nous étudions ici est le reflet de ce fléau avec 42,6% de patientes ayant un IMC supérieur à 30 kg/m².
En France, 6,5 millions de personnes sont considérées comme obèses (soit 15% de la population adulte) alors que 32% de la population est en surpoids. La proportion de personnes obèses est passée de 8,5% à 15% entre 1997 et 2012. L’obésité touche toutes les tranches d’âge de la population et semble un peu plus importante chez les femmes (15,1%) que chez les hommes (13,9%)42. Le surpoids et l’obésité atteignent des niveaux record dans les départements d’outremer en comparaison à la France métropolitaine avec plus de la moitié de la population en surpoids ou obèse. Ainsi, en Martinique 26,8% des femmes seraient obèses, 27,2% des femmes en Guadeloupe et 36,9% des femmes en Polynésie française d’après l’étude PODIUM43.
Chez la femme enceinte, la prévalence de l’obésité varie entre 6 et 25% dans le monde selon les études44. Elle toucherait environ un quart des femmes enceintes aux Antilles. Dans une étude sud-basse-terrienne en Guadeloupe, la prévalence de l’obésité chez la femme enceinte était de 20,2% et 23,2% des femmes enceintes étaient en surpoids45. Un grand nombre de femmes enceintes obèses sera donc concerné par la réalisation de ce test.
Les études épidémiologiques ont montré que la prévalence de l’obésité chez la femme augmente avec l’âge. En France métropolitaine, elle touche 6% des 18 – 24 ans, 11,1% des 25 – 34 ans, 15,5% des 35 – 44 ans42. Or l’âge maternel est un facteur de risque d’anomalies chromosomiques. Ainsi, alors que l’obésité n’est pas un facteur de risque d’aneuploïdie, l’augmentation de la prévalence de l’obésité chez la femme enceinte se fait en parallèle de l’augmentation de l’âge maternel moyen lequel est clairement associé à une augmentation du risque d’aneuploïdies46.

Obésité maternelle et diagnostic prénatal

L’obésité diminue les performances de toutes les techniques de recherche de malformations foetales et d’anomalies chromosomiques47. De nombreuses études ont montré que l’obésité diminue la capacité à réaliser un examen échographique complet et de bonne qualité. De ce fait, le taux de détection d’une anomalie foetale diminue avec l’augmentation de l’IMC maternel48.
De même, l’association de la mesure de la clarté nucale et du dosage des marqueurs sériques dans le dépistage de la trisomie 21 a également montré ses limites en cas d’obésité maternelle. En effet, l’augmentation de l’IMC maternel est corrélée au risque d’échec de mesure de la clarté nucale en échographie et à la nécessité de devoir reproduire l’examen ou d’utiliser la voie vaginale49-50. Par ailleurs, les fractions de BhCG libre et de PAPP-A diminuent lorsque l’IMC maternel augmente, probablement du fait de l’augmentation des volumes plasmatiques entraînant un effet de dilution51. L’obésité maternelle peut donc induire une augmentation du taux de faux positifs et par conséquent du nombre de gestes invasifs dans le dépistage des aneuploïdies. Le dépistage par les marqueurs sériques doit prendre en compte le poids parmi d’autres facteurs (comme l’ethnie et de l’existence d’un diabète ou d’un tabagisme actif) pour le calcul de risque de la trisomie 2152.
Le développement du test ADNlcT21 dans cette population peut améliorer le dépistage des aneuploïdies chez la femme enceinte obèse. Notre étude a montré de bonnes performances du test dans une population de patientes à haut risque d’aneuploïdie et présentant une forte prévalence de l’obésité (plus de 40% de patientes avaient un IMC supérieur à 30kg/m²). Malgré la confirmation d’une diminution de la fraction foetale avec l’augmentation de l’IMC maternel, le taux de non rendus reste très faible comparé aux données de la littérature évaluant les performances du test dans des populations avec un IMC normal.
La répétition du test ADNlcT21 diminue le risque d’échec de la technique, parfois au prix d’un prélèvement plus tardif. La fraction foetale augmente clairement avec l’âge gestationnel41. L’âge gestationnel joue probablement un rôle dans l’amélioration des résultats à la répétition du test à quelques semaines d’intervalle. Un second prélèvement peut être proposé à la patiente 4 semaines plus tard en cas de fraction foetale trop basse lors du premier prélèvement. Cependant, il faut prendre en compte que ce délai peut entraîner une angoisse supplémentaire pour les couples et qu’en cas de test positif au second prélèvement la prise en charge d’une interruption médicale de grossesse après confirmation par un geste invasif serait également plus tardive.

Quelques considérations techniques

Dans notre étude, la technique utilisée pour le test ADNlcT21 est celle du séquençage massif en parallèle dite pangénomique, avec un seuil de fraction foetale de 4% pour pouvoir rendre un résultat. Une étude italienne53 a analysé les performances de cette méthode dans la recherche d’aneuploïdies sur 7103 échantillons lorsque la fraction foetale est inférieure à 4%. Sur 105 grossesses présentant des anomalies chromosomiques, seules 25 (23,8%) ont été détectées par le test. Cette étude démontre l’importance de respecter un seuil de fraction foetale pour pouvoir rendre un résultat, avec dans le cas contraire un risque de méconnaître une aneuploïdie.
Il existe d’autres méthodes d’analyse de l’ADN foetal dans le sang maternel dont une technique utilisant le SNP (Single nucleotide polymorphism)54. Cette technique basée sur le calcul des rapports des haplotypes des séquences SNP combinée à une technologie de mesure de l’ADN a été décrite par Ghanta et al.55 comme pouvant donner des résultats satisfaisants même avec une fraction foetale d’ADN plasmatique autour de 2%. Aucune étude n’a pour le moment confirmé cette théorie.
Enfin, notre étude a permis de vérifier la qualité de l’acheminement des prélèvements entre la Polynésie française et la France métropolitaine avec les tubes BCT Streck cell-free DNA à température ambiante. La fraction foetale d’ADN plasmatique était stable après transfert en comparant 40 échantillons traités en Polynésie et en France métropolitaine (coefficient de corrélation R² = 0,96, p < 0,001), malgré les 15 000 kilomètres séparant les 2 territoires. En utilisant les tubes appropriés et en respectant les conditions de transport, le test ADNlcT21 peut être proposé aux patientes des Antilles françaises en toute sécurité.

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Table des matières

Table des matières
I. INTRODUCTION GENERALE
1. Etat des lieux du dépistage prénatal de la trisomie
1.1. Généralités
1.2. Recommandations de bonne pratique clinique
1.3. Performances du dépistage des aneuploïdies par analyse de l’ADN foetal libre circulant
2. Objectifs de l’étude
II. ARTICLE
1. Introduction
2. Matériel et méthodes
2.1. Schéma d’étude et population
2.2. Modalités de réalisation du test
2.3. Critères d’évaluation et analyse statistique
3. Résultats
3.1. Caractéristiques de la population
3.2. Sensibilité et spécificité, VPP et VPN, Taux de non-rendus
3.3. Influence de l’IMC sur la fraction foetale
3.4. Influence du transport des échantillons sur la fraction foetale
4. Discussion
5. Conclusion
6. Références
III. DISCUSSION GENERALE
1. L’obésité, un problème de santé publique
2. Obésité maternelle et diagnostic prénatal
3. Quelques considérations techniques
IV. CONCLUSION
V. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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