Performance des Systèmes de production et Typologie des Exploitations
Les systèmes SCV diffusés dans le Vakinankaratra et l’Amoron’i Mania
Les systèmes de culture en semis direct sont particuliers dans la mesure où ils peuvent être considérés comme des systèmes de cultures pérennes, avec des rotations de cultures annuelles. Ce sont des systèmes agro-écologiques qui s’intègrent donc dans un objectif d’une agriculture de conservation.Les SCV sont diffusés dans la région par les opérateurs du projet BVPI SE/HP, en partant du principe que sous de telles conditions climatiques, il est difficile de cultiver durablement les sols fragilisés en utilisant le labour de façon continue. Ces systèmes seraient une solution pour limiter les risques d’érosion et améliorer les systèmes de production, pourtant ils ne sont pas encore adoptés par tous. Après avoir expliqué en quoi consistent les techniques SCV et quels sont les systèmes diffusés, nous verrons quelles sont les contraintes et les avantages des ces systèmes et comment ils adoptés et perçus dans les HautsPlateaux et dans le Moyen-Ouest
Typologie des exploitations agricoles du Vakinankaratra et de l’Amoron’i Mania
Construction de la typologie opérationnelle
Après chaque session d’enquêtes sur le terrain, une liste de critères de différenciation possibles des exploitations agricoles a été dressée pour chaque village. La confrontation de ces différents critères possibles, à la lumière d’une analyse d’ensemble des différentes stratégies rencontrées sur les deux zones, nous a permis de sélectionner les critères discriminants pour établir la typologie. Ces critères ont ensuite été discutés puis validés avec les différents opérateurs du projet.
L’hypothèse de deux typologies distinctes pour les régions du Vakinankaratra et de l’Amoron’i Mania a été rapidement éliminée, au profit d’une typologie unique pour les deux zones. En effet, les
caractéristiques des différentes exploitations agricoles et les stratégies mises en œuvre par les agriculteurs se recoupent d’une région à l’autre, avec toutefois des variations entre les villages situés dans la zone dite des Hauts Plateaux et ceux situés plus à l’Ouest, à une altitude moindre, dans la zone dite Moyen-Ouest. Ainsi, même si les critères distinctifs déterminants (et donc la typologie opérationnelle) sont similaires dans toutes les petites régions agricoles étudiées, certains types d’exploitations présentent des caractéristiques différents dans les Hauts Plateaux et dans le MoyenOuest. Ces types aux caractéristiques variant d’une zone à l’autre seront de fait présentés ci-après. Les critères discriminants retenus sont les suivants:
Montant du revenu off-farm ;
Autosuffisance en riz, qui regroupe donc les critères “nombre de personnes à charge”, “surface de RI et de RIA” et “productivité de la culture rizicole” ;
Diversification du revenu agricole par la pratique d’un élevage de rente (élevage laitier, porcin, ou petit élevage intensif de type poulet de chair, canard ou oie. Les zébus de travail et le petit élevage extensif ne sont pas considérés ici comme un élevage de rente) ;
Diversification du revenu agricole par la monétarisation des cultures de contre-saison ou de tanety (c’est-à-dire mise en place de cultures autres que le riz destinées à la vente) ;
Par ailleurs, le critère « type de matériel employé » s’est révélé être plutôt une caractéristique de certains types d’exploitation, mais en aucun cas un critère déterminant : si certains types sont caractérisés par l’utilisation d’un type de matériel spécifique (par exemple la traction attelée), d’autres peuvent utiliser différents types de matériel, suivant les périodes de l’année, les besoins en main d’œuvre des cultures, et la trésorerie disponible pour la location du matériel et de la main d’œuvre. On peut toutefois remarquer que dans les deux régions étudiées l’utilisation de matériel motorisé est très rare, et limitée aux types les plus aisés, à savoir les types 1 à 3 .
Présentation dichotomique de la typologie et seuils-frontières entre types
La typologie retenue peut aussi se présenter sous forme dichotomique.
Dans cette présentation apparaissent un certain nombre de seuils chiffrés correspondant à la limite
entre deux types. Ces seuils, dont les auteurs ont conscience de l’imperfection, ont étés déterminés à la lumière des données chiffrées collectées lors des enquêtes.
Le premier seuil concerne le critère « revenu off-farm ». Le revenu minimal considéré comme «permettant d’assurer la sécurité alimentaire de la famille et permettant de subventionner l’agriculture et/ou l’élevage » a été fixé à 1 000 000 Ariary par famille et par an, quelque soit la taille de la famille.
Le deuxième seuil concerne la distinction entre les sous-types 2A et 2B. Pour évaluer la capacité d’épargne et d’investissement des agriculteurs, le ratio ci-dessous a été retenu :
Off-farm / dépenses en riz >= 2
De fait le riz, aliment de base, est à la fois la dépense principale des ménages malgaches et un bon
indicateur du niveau de production de l’exploitation. On considère donc que lorsque le revenu non agricole est au minimum deux fois supérieur aux dépenses correspondant à l’achat de riz, l’exploitant est en mesure de dégager un surplus lui permettant d’épargner et d’investir. A l’inverse, pour un tel ratio inférieur à 2, on considère qu’il est en mesure de subvenir aux besoins de sa famille même en cas de mauvaise récolte, mais pas d’épargner ou d’investir.
Trajectoires d’évolution : comment passer d’un type à l’autre ?
Il s’agit ici d’une analyse simplifiée, ne prenant pas en compte les cas particuliers (héritages, dons etc…). En outre, dans la perspective du projet (dont le but est d’augmenter le revenu des agriculteurs) nous n’avons considéré que les évolutions ascendantes. Cependant, des évolutions descendantes (décapitalisation) sont susceptibles de se produire, pour subventionner des dépenses sociales (exhumation, mariage…) ou toute autre dépense exceptionnelle (maladie, mort d’animaux…).
Les quatre principales évolutions possibles sont :
o L’acquisition de nouvelles terres cultivables ou la mise en culture de terres en propriété laissées en jachère. Pour atteindre les types 4 et 5, il s’agit de rizières à bonne maitrise de l’eau afin de parvenir à l’autosuffisance en riz. L’acquisition (achat ou fermage) ou la mise en culture de terre sera rendue possible soit par l’utilisation de fonds provenant du off-farm (passage du type 3 au type 2), soit par la contraction d’un micro-emprunt (passage du type 6 au type 5 par exemple).
Cet emprunt pourra servir à l’achat de nouvelles terres, ou plus vraisemblablement dans le cas d’un crédit de campagne à la couverture des frais de mise en culture, au payement du loyer agricole et de la main d’œuvre salariée. En revanche, la réalisation d’un crédit pour passer du type 8 au type 5 s’avérerait potentiellement risquée. Le type 8 ne possède que peu de garanties lui permettant d’avoir accès aux organismes de microcrédit, et ses marges de manœuvre en cas de mauvaise récolte semblent très restreintes. Cette dernière affirmation sera cependant à vérifier à l’aide du RFR modélisé sous Olympe.
o La création d’un atelier d’élevage de rente. Pour atteindre les types 1 et 4, il s’agira d’acquérir d’une vache laitière dans les Hauts-Plateaux, et de quelques porcs de race améliorée dans les zones du Moyen-Ouest sera envisagée. Pour le type 7, un élevage demandant un investissement de départ plus faible pourra être envisagé (petit élevage intensif, porc de race locale nourri sans provende). Comme précédemment, pour passer du type 2 au type 1, l’investissement peut provenir des économies issues du revenu off-farm. Pour les autres, un emprunt sera a priori nécessaire.
o L’augmentation voire la création de revenus d’origine non agricole. Ceci n’est cependant possible uniquement dans le cas où la main d’œuvre familiale est sous-employée. Dans le cas contraire, on pourra tester sous Olympe la possibilité de libérer la main d’œuvre familiale de certaines des tâches agricole en embauchant des salariés, et de réutiliser la main d’œuvre familiale ainsi libérée dans une activité off-farm fortement rémunératrice.
o La mise en place d’une ou plusieurs cultures de contre-saison, voire la mise en valeur de tanety en jachère par une culture destinée à la vente. Il s’agit là de passer du type 9 au type 8.
Cependant, pour un tel type, les ressources en termes de surface utilisée et de trésorerie disponible pour la mise en culture sont le plus souvent allouées de manière optimale. De plus la contraction d’un crédit serait particulièrement risquée. Une solution pourrait toutefois provenir de Malto ou Leucofruit, qui fournissent les semences et les intrants nécessaires à la culture de contre-saison (aucune trésorerie particulière n’est donc requise lors de la mise en culture), et assurent un débouché sûr à la production.
Définition des réseaux de fermes de références
Un réseau de fermes de références (ou RFR) est un ensemble d’exploitations agricoles réelles, représentatives des différentes situations agricoles rencontrées dans la zone d’intervention du projet et systématisées à travers une typologie opérationnelle des systèmes de production. L’approche intègre la notion de système d’activités, composé d’un ménage, d’une exploitation agricole et éventuellement d’autres activités non agricoles.
Le réseau de fermes de référence est annuellement actualisé et composé de ferme encadrées ou non par le projet BVPI/SEHP ; les exploitations non encadrées par le projet servent ainsi de témoins quant à l’évolution des exploitations encadrées par le projet. Toutes sont modélisées sous le logiciel Olympe.
Une ferme de référence est donc une exploitation réelle représentative d’un type d’exploitation donné pour une zone donnée et pour une période donnée. En effet, l’évolution des systèmes de production amène à une révision régulière des typologies utilisée.
Les facteurs-clés de suivi sont les suivants :
– installation et historique de l’exploitation ;
– les facteurs de productions disponibles (main d’œuvre familiale et salariée, équipement agricole, foncier et accès aux différentes unités géomorphologiques) ;
– les systèmes de cultures pérennes (fruitiers et bois) ;
– les systèmes de cultures annuelles (riziculture, cultures pluviales et contre-saisons) et leur niveau
d’intensification ;
– les pratiques d’élevage ;
– les recettes et dépenses de la famille ainsi que les sources de revenu non agricole ;
Le réseau de fermes de références étant actualisé tous les ans, il permettra de mesurer de manière à la fois qualitative et quantitative l’impact des actions du projet et la redistribution des facteurs de production qui s’en suit.
Cette mesure d’impact pourra se faire au cours du temps (comparaison des mêmes fermes sur plusieurs années) mais aussi de manière instantanée puisque le réseau de fermes de référence couvre à la fois des paysans encadrés par le projet ainsi que des paysans exploitant dans les zones d’action du projet mais non encadrés (exploitations témoins).
La mise en place de ce réseau nous fournira des informations technico-économiques indispensables à la compréhension des stratégies paysannes telles que les marges à l’hectare, la productivité du travail familial, la valorisation de la journée de travail familial des différentes cultures, ainsi que la distribution des facteurs de production du système d’activité entre les différents systèmes de production en fonction des contraintes et des opportunités des paysans.
L’objectif final est de permettre aux opérateurs de mesurer l’impact des actions de développement grâce à la mise en place d’un réseau de fermes de références remis clés main avec les exploitations choisies en partenariat avec les opérateurs et modélisées. Les données sont obtenues par le biais des enquêtes de caractérisation des exploitations agricoles, collectant de l’information détaillée sur les processus d’innovations, les sources de revenus agricoles et non agricoles en fonction des itinéraires techniques adoptés, les différentes activités et plus globalement sur les contraintes et opportunités qui pèsent sur les exploitations agricoles et les stratégies paysanne
Les étapes de la création du RFR modélisé : différents types d’itinéraires techniques utilisés
Les itinéraires « observés »:Lors de cette étude, le réseau de fermes référence a été modélisé sous le logiciel Olympe. Cette modélisation s’effectue en plusieurs étapes progressives mettant en jeu différents types d’itinéraires techniques. La première étape à attribuer à chaque agriculteur modélisé les itinéraires techniques dits « observés », réellement pratiqués sur le terrain.
Les itinéraires « standards »: Dans un deuxième temps, l’objectif sera de simplifier l’outil en diminuant le nombre d’itinéraires techniques modélisés. Pour ce faire, des itinéraires techniques «standards » seront mis au point. A la différence des itinéraires techniques réellement observés, ils ne varient pas d’un agriculteur à l’autre, et peuvent donc être attribués à plusieurs agriculteurs différents. Ils correspondent à des itinéraires observés dont on aurait gommé les particularités induites par chaque exploitant. Ces itinéraires standards n’ont pas encore été mis au point pour les zones d’action du projet BVPI SE/HP. En effet, après seulement deux années de présence du projet, les bases de donnés renseignées par les opérateurs de terrain sont encore insuffisantes. Les itinéraires techniques Réseau de Fermes de Référence pratiqués par les paysans ne sont pas encore assez bien connus pour pouvoir créer des itinéraires standards à partir des itinéraires observés. On peut noter toutefois que ceci a été rendu possible dans les zones concernées par le projet BV Lac, qui existe depuis sept ans.
Les itinéraires « recommandés »: Enfin, dans une dernière étape, des itinéraires techniques dits « recommandés » seront ajoutés pour les besoins de la modélisation. Contrairement aux deux précédents, ils ne correspondent pas à la réalité du terrain, mais sont créés à partir des bases de données issues de la recherche et du travail des opérateurs du projet. Ce sont des itinéraires techniques améliorés qui ont préalablement été testés en milieu paysan afin de connaitre leur rendement réellement atteignables par les agriculteurs. Attribués à un agriculteur modélisé, ils permettent de tester des scenarii : impact de telle ou telle proposition d’itinéraire technique amélioré sur le revenu du ménage, en considérant des facteurs tels que la prise de risque et le retour sur investissement
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Table des matières
Introduction
1. Cadre de l’Etude
1.1. Situation
1.1.1. Madagascar la Grande Ile
1.1.2. Le Vakinankaratra et de l’Amoron’i Mania, entre Hautes Terres et Moyen-Ouest
1.2. Cadre institutionnel : la demande
1.2.1. Le projet BV PI SE/HP
1.2.2. Les intervenants du projet
1.2.3. La demande du projet : objectifs du diagnostic
1.3. Méthodologie
1.3.1. Démarche adoptée
1.3.2. Justification du choix des villages et des agriculteurs
1.3.3 Critique de la méthodologie
2. Performance des Systèmes de production et Typologie des Exploitations
2.1. Les systèmes SCV diffusés dans le Vakinankaratra et l’Amoron’i Mania
2.1.1. Définition et objectifs d’un système SCV
2.1.2. Contraintes et opportunités pour la diffusion des SCV dans les zones d’étude
2.1.2.1. Perception des systèmes SCV par les agriculteurs
2.1.2.2. Contraintes climatiques des Hauts Plateaux
2.1.2.3. Intégration agriculture-élevage dans les Hauts-Plateaux
2.1.2.4. SCV et Striga dans le Moyen-Ouest
2.1.2.5. L’implication économique de certains opérateurs : un conflit d’intérêt potentiel ?
2.2. Typologie des exploitations agricoles du Vakinankaratra et de l’Amoron’i Mania
2.2.1. Construction de la typologie opérationnelle
2.2.2. Types de systèmes de production et stratégies paysannes associées
2.2.2.1. Type 1
2.2.2.2. Type 2
2.2.2.3. Type 3
2.2.2.4. Type 4
2.2.2.5. Type 5
2.2.2.6. Type 6
2.2.2.7. Type 7
2.2.2.8. Type 8
2.2.2.9. Type 9
2.2.3. Des caractéristiques de type qui diffèrent dans les Hauts-Plateaux et le Moyen-Ouest
2.2.4. Présentation dichotomique de la typologie et seuils-frontières entre types
2.2.5. Trajectoires d’évolution : comment passer d’un type à l’autre ?
2.2.6. Typologie et systèmes SCV : les contraintes freinant la diffusion des innovations
2.2.6.1. SCV et types 1, 4 et 7 pratiquant l’élévage
2.2.6.2. Types fragiles quant à la sécurité alimentaire : 6 à 9
2.2.6.3. Types les plus réceptifs pour l’adoption des SCV : 2 et 3
2.2.7. Critique de la typologie
3. Mise en place du Réseau de Fermes Référence
3.1. Le RFR : définition, objectifs et étapes de sa mise en place
3.1.1. Définition
3.1.2. Les objectifs du RFR
3.1.3. Les étapes de la création du RFR modélisé
3.1.3.1. Les itinéraires « observés »
3.1.3.2. Les itinéraires « standards »
3.1.3.3. Les itinéraires « recommandés »
3.1.4. Analyse critique de l’utilisation des bases de données pour le RFR
3.2. L’outil associé : Olympe, logiciel de simulation des exploitations agricoles
3.2.1. Présentation du logiciel Olympe
3.2.2. Cahier des conventions spécifiques au RFR Hauts-Plateaux/Moyen-Ouest
3.2.3. Exemples de simulation et d’aide au choix des itinéraires techniques par type
3.2.4. Analyse critique de l’outil en comparaison avec les outils PRACT et GANESH
Conclusion
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