Les programmes de réhabilitation améliorée après chirurgie (RAAC) ont permis d’améliorer la récupération des patients et de réduire leur séjour hospitalier. En chirurgie thoracique et pulmonaire, la gestion post-opératoire des drains est un sujet de discussion. Il existe encore une absence de recommandation précise (1), (2). La Société Française d’Anesthésie Réanimation (SFAR) recommande de retirer ces drains dès l’arrêt de la fuite gazeuse afin de réduire le séjour et les coûts hospitaliers (3). Cependant, French an al. (1) ont montré que 6% des patients nécessitaient un nouveau drainage après un retrait inapproprié. Cette complication pouvait alors doubler la durée de séjour.
Les praticiens ont besoin d’examens simples et fiables pour prendre des décisions adaptées et sécuritaires. Historiquement, la radiographie thoracique était l’examen de routine pour évaluer les pneumothorax post-opératoires après les résections pulmonaires. Elle était même parfois réalisée quotidiennement. Cependant, certains auteurs ont remis en cause ces pratiques devant le coût, le temps nécessaire, l’exposition aux irradiations pour une aide négligeable à la décision de retrait (1), (4), (5). L’intérêt pour l’échographie pleurale dans les pathologies pulmonaires est croissant. Elle a prouvé sa supériorité diagnostique dans les pathologies pleuro pulmonaires traumatiques comparée à la radiographie (6), (7), (8). Dans cette population, elle permet aussi un retrait des drains thoraciques sans complication (9), (10), (11).
Les patients opérés d’une chirurgie de résection pulmonaire ne sont pas comparables à la population traumatisée. Les résultats obtenus ne peuvent pas être extrapolés (12). Il n’existe que peu d’études comparant les performances diagnostiques de l’US et de la radiographie thoracique dans cette population. Celles de l’US pour le diagnostic des complications après le retrait du drain sont variables selon les études (13), (14), (15). En effet, les VPP et VPN varient entre 54 et 70% et entre 58% et 100% respectivement. Quelques études montrent des résultats comparables pour le diagnostic des complications post retrait de drain que l’on utilise une stratégie basée sur la radiographie ou sur l’US (13), (16). L’US pourrait même aider les praticiens à retirer les drains thoraciques précocement (17). Cependant, aucune étude ne compare les deux examens pour assurer le retrait du drain thoracique sans complication après une chirurgie de résection pulmonaire. La radiographie en SSPI souffre de nombreuses limites : mauvaise qualité d’image des patients alités, mobilisation des manipulateurs radiologiques, exposition à l’irradiation pour les patients et le personnel.
Matériel et Méthodes
Design de l’étude et population étudiée
Il s’agissait d’une étude observationnelle, prospective et monocentrique (Hôpital d’Instruction des Armées de Saint Anne, Toulon, France). Dans le respect de la loi française (18), les données utilisées étaient collectées prospectivement, intégrées dans un registre et déclarées à la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL, N°0011873- 2021-01). Ce registre a aussi été approuvé par le comité d’éthique de l’institution (IRB Autorisation n°0011873-2021-01).
De Janvier à Octobre 2020, tous les patients admis pour une chirurgie de résection pulmonaire ont été inclus dans cette étude. Les critères d’exclusion étaient les suivants : Chirurgie thoracique en urgence, absence de drain thoracique en post-opératoire et patient mineur.
D’après un protocole institutionnel écrit, tous les patients étaient évalués avec une échographie pleurale en suivant le protocole BLUE (19) et une radiographie thoracique, en SSPI, après extubation, en proclive à 45°. L’US était effectuée par un médecin anesthésiste senior expérimenté. La radiographie était interprétée par un radiologue. Comme décrit par Lichtenstein et al (19), un pneumothorax était retenu si l’US ne retrouvait pas de glissement pleural (profil A’) et qu’il était associé à la présence d’un point poumon (figure 3). L’analyse échographique du poumon comprenait un passage de la sonde vasculaire sur la ligne médioclaviculaire, dans le sens cranio-caudal, jusqu’à l’apparition du diaphragme, la sonde étant orienté verticalement. Le même geste était réalisé sur la ligne médio-axillaire. Les résultats étaient comparés à l’analyse du poumon controlatéral, non opéré. Le mode 2D était d’abord utilisé. Puis le mode Temps-mouvement confirmait l’absence de glissement pleural et l’existence d’un point poumon.
Le retrait du drain thoracique était laissé à la discrétion du chirurgien, en aveugle des résultats de l’US. Les données collectées de manières prospectives étaient les suivantes : démographiques, abord chirurgical (thoracotomie ou vidéo-thoracoscopie), type de résection (Wedge, segmentectomie, lobectomie, bi-lobectomie ou pneumonectomie), résultats de l’US et de la radiographie post-opératoires, apparition de complication post-opératoire (pneumopathie, complication cardiologique, décès, complication au retrait du drain thoracique (épanchement pleural de plus de 300 ml, pneumothorax), date du retrait du drain et durée de séjour hospitalier.
Critères de Jugement
Le critère de jugement principal était l’évaluation des performances diagnostiques de l’US post-opératoire pour prédire les complications survenant après le retrait du drain. Les critères secondaires étaient la durée de séjour, l’apparition d’autres complications et des analyses en sous-groupe selon le type de résection pulmonaire.
Analyses statistiques
Les analyses statistiques ont été effectuées via le logiciel SPSS 25 (IBM Corp). Tous les résultats sont exprimés via des médianes et des interquartile (25ème et 75ème percentile). Les variables non paramétriques ont été comparées avec un test de Mann-Whitney. Les variables nominales sont rapportées avec des effectifs et des proportions (pourcentage). Le test exact de Fisher nous a permis de comparer celles-ci. Les performances de l’US et de la radiographie thoracique pour la prédiction des complications après le retrait du drain sont estimées pas les sensibilité, spécificité, valeurs prédictive positive et négative, le rapport de vraisemblance et la précision diagnostique. Les résultats sont présentés avec un intervalle de confiance à 95% (95%CI). Toutes les comparaisons sont effectuées avec des tests bilatéraux. Pour exclure l’hypothèse nulle, il fallait une valeur P<0,05.
Résultats
Cent huit patients ont été opérés d’une résection pulmonaire durant le période, 106 ont été inclus : 35 Wedge (33%), 9 segmentectomies (8,5%), 56 lobectomies (52,8%), 5 bi-lobectomies (4,7%) et 1 pneumonectomie (0,9%). Deux patients ont été exclus (une chirurgie annulée car la tumeur était trop extensive et un patient n’a pas reçu de drain thoracique). La thoracotomie représente 51,9% des abords chirurgicaux et la vidéo-thoracoscopie 48,2%. Concernant la population étudiée, elle était majoritairement masculine (58 hommes soit 54,7%), avec un âge médian à 71 ans (62,8 – 77).
Critère de jugement principal
Parmi les 106 patients inclus, l’US réalisée en SSPI montrait 27 pneumothorax, 11 épanchements pleuraux de plus de 300 ml alors que la radiographie thoracique ne montrait qu’un pneumothorax et 8 épanchements. Des complications après le retrait du drain thoracique ont été observées chez 19 patients (18,1%, 16 pneumothorax, 3 fuites prolongées, 4 épanchements pleuraux de plus de 300 ml et un emphysème). Dix-sept d’entre eux (89,5%) avait un pneumothorax diagnostiqué via l’US faite en SSPI. Dix-huit (94,7%) ont eu recours à une nouvelle pose de drain. Il y avait une corrélation entre la présence d’un pneumothorax à l’US en post-opératoire immédiat et l’apparition d’une complication après le retrait du drain (R²=0,47).
Comme attesté par la courbe ROC (Figure 1), les pneumothorax diagnostiqués par l’US en SPPI prédisent de manière satisfaisante les complications après le retrait du drain thoracique avec une aire sous la courbe à 0,89 (IC 95% : 0,80 – 0,98) p< 0,001. Les performances diagnostiques (Tableau 2) de l’US pour le pneumothorax après retrait du drain montrent une sensibilité de 0,89 (IC 95% : 68 – 97), une spécificité de 0,88 (IC 95% : 80 – 93), une VPP de 62% (IC 95% : 54 – 72), une VPN de 97% (IC 95% : 95 – 100), un ratio de vraisemblance (LR) positif de 7,8 (IC 95% : 4,3 – 14,2), un LR négatif de 0,12 (IC 95% : 0,03 – 0,44) et une concordance diagnostique de 89% (IC 95% : 83 – 95). Le risque relatif de complication après le retrait du drain quand un pneumothorax était visible sur l’US en SSPI était de 24,9% (IC 95% : 6,1 – 100).
Critères de jugement secondaires
La médiane de retrait des drains thoraciques était d’un jour (1 – 2) (Tableau 3). La durée de drainage était significativement plus longue chez les patients avec un pneumothorax à l’US pour 4 (2 – 10) jours versus 1 (1 – 2), p < 0,001. La durée médiane de séjour à l’hôpital était de 5 (3 – 7) jours. Elle était aussi significativement plus longue chez les patients avec un pneumothorax à la l’US à savoir 8 (6 – 14,8) jours versus 4 (2 – 6) jours, p < 0,001 (Tableau 3) Les Wedges présentaient moins de complications après le retrait du drain thoracique (1 (2,9%)) par rapport aux autres types de résections (2 (22,2%) pour les segmentectomies ; 15 (26,8%) pour les lobectomies et 1 (20%) pour les bi-lobectomies).
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Table des matières
Résumé
Abstract
Introduction
I. Matériel et Méthodes
I.1. Design de l’étude et population étudiée
I.2. Critères de Jugement
I.3. Analyses statistiques
II. Résultats
II.1. Critère de jugement principal
II.2. Critères de jugement secondaires
III. Discussion
Conclusion
Annexes
1. Références
2. Tableaux et iconographies
3. Article soumis en anglais
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