La surpêche pour le caviar, la mise en place des barrages infranchissables, la dégradation des habitats par l’extraction des granulats et la pollution des eaux ont essentiellement causé le déclin des stocks d’esturgeons vers le début de XXème siècle (CHARPY, 1951 ; BROSSE et al., 2000 ; BILLARD, 2002 ; BROSSE, 2003 ; WILLIOT, 2009). Pour remédier à ce problème, diverses interventions ont été menées parmi lesquelles l’aquaculture. Selon WILLIOT (2004), l’aquaculture d’esturgeons a été mise en œuvre initialement pour pallier les conséquences négatives des activités anthropiques et comme maintien, voire développement, de l’activité de pêche. Cependant, face aux demandes de plus en plus croissantes des produits acipenséricoles, la seule alternative pour combler cette requête tant en quantité qu’en qualité est d’élever les esturgeons en système intensif (CORINA et al., 2015). En ce sens, l’élevage d’esturgeons présente une importance économique et écologique considérable (KÖKSAL et al., 2000). Actuellement, cette pratique et ses technologies commencent à se répandre un peu partout dans le monde : en Turquie (KÖKSAL et al., 2000), en Russsie (CHEBANOV et BILLARD, 2001), en Republique Tchèque (ADEMAK et al., 2007), en France, en Amérique, en Allemagne, en Hongrie et en Roumanie (WILLIOT, 2009 ; CORINA et al., 2015). Elle a été également initiée à Madagascar par l’intermédiaire de la société ACIPENSER SA depuis l’année 2013. Afin d’assurer la pérennité et la rentabilité d’une pisciculture, RAD et al. (2003) et WILLIOT (2009) ont mis un point sur l’importance de la maîtrise de l’alimentation et de la nutrition avec la reproduction et les pathologies. En effet, l’apport alimentaire intervient à tous les stades d’élevage. Une bonne alimentation permet non seulement d’optimiser la croissance des poissons mais aussi de minimiser les rejets qui sont des sources de pollution du milieu d’élevage (BLÉI et al., 2008). Dans un élevage intensif, le poste alimentaire occupe une part importante du coût de production (AZAZA et al., 2006). Selon BLÉI et al. (2008), le coût de l’aliment représente plus de 50 % du coût total de production. Par conséquent, une conversion correcte de l’aliment constitue l’une des priorités majeures.
Esturgeon sibérien
Systématique et description
Systématique de l’espèce
Les esturgeons appartiennent à l’embranchement des Vertébrés, au sous-embranchement des Poissons, à la classe des Ostéichthyens, à la sous-classe des Actinopterygii (dotés d’écailles contenant de la ganoïde), au super-ordre des Chondrostéens et à l’ordre des Acipensériformes (CHEBANOV et GALICH, 2013). Parmi les Acipensériformes, il est possible de distinguer deux familles : les Acipenseridae (esturgeons) et les Polyodontidae (spatules) (BROSSE, 2003). Les Acipenseridae regroupent 24 espèces dont 17 sont du genre Acipenser, 2 du genre Huso, 3 du genre Pseudoscaphirhynchus et 2 du genre Scaphirhynchus. L’esturgeon sibérien ou Acipenser baerii (Brandt, 1869) est une espèce affiliée à la famille des Acipenseridae qui sont caractérisées par leur rostre conique, leur corps revêtu de 5 rangées longitudinales d’écussons osseux et leur queue hétérocerque. Cette espèce appartient à la sous-famille des Acipenserinae et au genre Acipenser (ROCHARD et al., 1991).
Description de l’espèce
D’après ROCHARD et al. (1991), Acipenser baerii (Brandt, 1869) est le synonyme d’Acipenser stenorhynchus (Nikolskij, 1939). L’esturgeon est un poisson de grande taille dont le squelette est en partie cartilagineux. Sa morphologie générale est très caractéristique : le corps est allongé et pour la plupart d’entre eux, la partie ventrale est aplatie expliquant leur mode de vie benthique (BILLARD, 2002). Son ossification se limite d’une part à la base du crâne et d’autre part aux plaques osseuses qu’il porte sur 5 rangées (1 dorsale, 2 latérales et 2 ventrales) en guise d’écaille (DARLET et PRIOUX, 1950 ; BILLARD, 2002). Le nombre d’écussons se présente comme suit : 11 à 20 dorsaux, 34 à 56 latéraux et 8 à 14 ventraux. Ce spécimen porte un long éperon cartilagineux précédant la tête. La bouche est en forme de tube extensible, elle est précédée de 2 paires de longs barbillons palpeurs très sensibles . La forme de la queue es hétérocerque. La longévité maximale de l’esturgeon sibérien est d’au moins 60 ans avec une longueur totale maximale de 3 m et de poids de 100 kg voire 200 kg (CITES, 2000) .
Biologie
Les esturgeons sont des poissons lucifuges migrateurs de l’hémisphère Nord. Ils peuvent effectuer leur croissance entièrement en eau douce (espèces potamodromes) et/ou en eau salée (espèces diadromes) (BILLARD, 2002). D’après BROSSE (2003), il est possible de distinguer trois grandes catégories de cycles écologiques :
– Ensemble du cycle en eau douce ;
– Partage du cycle entre l’eau douce et les estuaires ;
– Les migrateurs amphihalins qui utilisent trois compartiments différents au cours de leur cycle.
Acipenser baerii est essentiellement dulçaquicole (ROCHARD et al., 1990). Dans le milieu naturel, sa maturité sexuelle est atteinte vers 11 à 13 ans pour les mâles et vers 17 à 18 ans pour les femelles, correspondant à une taille respective de 75 à 80 cm et 85 à 90 cm de longueur totale (HOLCIK, 1989 in BILLARD, 2002). La reproduction a lieu pour les mâles tous les 1 à 4 ans et pour les femelles tous les 3 à 6 ans (WILLIOT, 2002). Les géniteurs migrent au printemps vers l’amont des rivières pour frayer dans des zones de courants rapides (1-4 m/s) relativement profondes (6-8 m), à fond rocheux (graviers, pierres) et sous une température comprise entre 9 à 18°C (JATTEAU, 1998 ; WILLIOT, 2002). Les quelques jours suivant l’éclosion (2 à 3 jours), les larves développent une activité natatoire en pleine eau, nageant vers la surface en position verticale et sont caractérisées par un phototropisme positif (JATTEAU, 1998). À partir du 3 ème ou 4ème jour, les larves acquièrent un comportement benthique et c’est dans cet environnement qu’intervient la première prise alimentaire (BILLARD, 2002).
Qualité de l’eau requise pour une acipensériculture
Il n’y a pas de structure type pour l’élevage des esturgeons mais quel que soit le matériau, le fond doit être lisse. L’élevage peut être pratiqué dans des cages flottantes (ABRAMENKO, 1999), des étangs ou des bassins (KÖKSAL et al., 2000 ; CHEBANOV et BILLARD, 2001 ; ADEMAK et al., 2007). Par contre, une qualité de l’eau est à exiger car la dégradation de la qualité de l’eau stresse les poissons. Ce phénomène influe directement le taux de survie, la croissance et l’état de santé des animaux. Selon MORIN (2012), ce sont les effluents d’élevage qui sont les principaux agents responsables de cette dégradation.
Température
La température de l’eau est un facteur déterminant de la croissance des poissons accompagnée d’une bonne alimentation. Elle influe le métabolisme des êtres Poïkilothermes et par conséquent leur croissance. Chaque espèce d’esturgeons dispose en fonction de son stade de développement, des optima thermiques. Pour l’esturgeon sibérien, il peut vivre dans une large gamme de températures allant de 1 à 27°C (WILLIOT, 2002). Les embryons de cette espèce sont viables entre 8 et 20 °C mais les températures de 12,5 à 20°C sont les plus favorables pour leur développement (GISBERT et WILLIOT, 2002a). Ainsi, ces derniers ont recommandé une température située entre 13 et 14 °C pour l’incubation. D’après WILLIOT (1989), une température audessus de 14 °C pendant cette phase favorise le développement des maladies fongiques. Après l’incubation, la température de l’eau est augmentée progressivement. L’élévage larvaire se déroule entre 17 et 18°C (GISBERT et WILLIOT, 1997) et la température optimale pour le grossissement tourne autour de 20 à 26 °C (MIMS et al., 2002). PYKA et KOLMAN (2003) ont mis en évidence que la croissance de l’esturgeon sibérien est stoppée en dessous de 13 °C.
Oxygène dissous
Une concentration insuffisante en oxygène dissous dans l’eau affecte le poisson qui a de la difficulté à respirer. A. baerii peut résister à de basses teneurs en oxygène dissous, mais leur croissance en est ralentie. Afin d’optimiser la croissance, il convient de gérer l’oxygène dissous de telle sorte que sa teneur en sortie ne soit pas inférieure aux seuils critiques du métabolisme d’activité . D’après WILLIOT (1989), la teneur en oxygène dissous de l’eau durant le développement embryonnaire doit être maintenue au-dessus de 6 mg/l. Une basse concentration en oxygène dissous de l’eau (3-4 mg/l) diminue le taux de développement embryonnaire, augmente les malformations (hypertrophie de la tête, œdème dans le péricarde) et donne des larves de petite taille et de faible poids (GISBERT et WILLIOT, 2002b). Pour une croissance optimale, la teneur en oxygène dissous de l’eau doit être maintenue au-dessus de 5 mg/l (MIMS et al., 2002).
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Table des matières
INTRODUCTION
1 ETUDES BIBLIOGRAPHIQUES
1.1 Esturgeon sibérien
1.1.1 Systématique et description
1.1.2 Biologie
1.2 Qualité de l’eau requise pour une acipensériculture
1.2.1 Température
1.2.2 Oxygène dissous
1.2.3 pH
1.2.4 Composés azotés
1.3 Alimentation de l’esturgeon sibérien
1.3.1 Besoins nutritionnels
1.3.2 Type d’aliments
1.4 Performance de croissance et utilisation alimentaire de l’A. baerii
1.4.1 Performance de croissance
1.4.2 Indice de conversion alimentaire et taux de rationnement
2 MATERIELS ET METHODES
2.1 Matériels
2.1.1 Site d’étude
2.1.2 Dispositifs expérimentaux
2.1.3 Outils d’analyse et de traitement des données
2.2 Méthodes
2.2.1 Collecte des données
2.2.2 Traitement des données
3 RESULTATS
3.1 Caractéristique et structure de la population
3.1.1 Caractéristique de la population
3.1.2 Structure de la population
3.1.3 Corrélation entre la longueur totale et le poids
3.2 Relation taille – poids
3.2.1 Nature de la croissance
3.2.2 Etat du milieu
3.3 Indicateurs technico-économiques
3.3.1 Croissance pondérale
3.3.2 Performance de croissance et utilisation alimentaire
4 DISCUSSIONS
4.1 Caractéristique et structure de la population
4.2 Relation taille – poids
4.2.1 Nature de la croissance
4.2.2 Embonpoint des poissons
4.3 Indicateurs technico-économiques
4.3.1 Croissance pondérale et gain de poids
4.3.2 Taux de croissance spécifique
4.3.3 Indice d’utilisation alimentaire
4.3.4 Taux de survie
5 CONCLUSION
6 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES