Perception et vécu de la pauvreté par les habitants de « bayye deukke »

Cadre conceptuel

     Nous avons choisi de définir deux concepts qui structurent notre étude. Il s’agit notamment du concept de pauvreté et celui de perception.
 La pauvreté : elle constitue une notion à la fois complexe et vaste voire nébuleuse. Chacun peut en dire et comprendre ce qui lui convient. Toutefois plusieurs acceptations de ce phénomène multidimensionnel ont été fournies par des auteurs et des institutions et dont certains éléments se recoupent. Cette définition donne une vision globalisante, puriforme, et polysémique de la pauvreté. Toujours le domaine de la généralité, l’idée de la pauvreté est véhiculée par des synonymes tel que : indigence, dénuement, impécuniosité, manque, besoin, gène, embarras…. Il n’y a pas de réponse simple à la question « qu’est ce que la pauvreté » ? La pauvreté présente de nombreux aspects d’où son caractère multidimensionnel dont les spécialistes de l’économie, du bien être et de la sociologie appliquée cherchent à comprendre. Or la façon dont on définit la pauvreté est importante, dans la mesure où elle doit déterminer d’abord la nature de la pauvreté, l’incidence sur les populations et les mesures pour la combattre. Aujourd’hui les spécialistes définissent la pauvreté chacun à sa manière. Ainsi nous avons deux notions : la pauvreté absolue et la pauvreté relative.
 la pauvreté absolue : on entend par pauvreté absolue l’impossibilité de répondre aux besoins essentiels pour survivre. Ces besoins essentiels sont : la nourriture, le logement, l’éducation, la santé. Si ces besoins ne sont pas satisfaits, la famille ou la personne ne jouit pas d’une vie minimum acceptable. Nous pouvons en déduire que les familles ou les personnes qui se trouvent dans cette situation ne disposent pas en fait de revenus minimums leur permettant d’acquérir des biens et des services.
 la pauvreté relative : les partisans de la notion de pauvreté relative soutiennent qu’il est impossible de définir les besoins dans l’absolu. Pour eux il y a évolution des besoins notamment avec la stratification croissante et les changements de la division du travail social dans une société. Par conséquent, il serait plus efficace, plus commode, de considérer que la pauvreté correspond à la situation des personnes ou des ménages les plus pauvres c’est à dire poser la pauvreté comme un problème d’inégalité. Lorsqu’on définit la pauvreté de cette manière elle ne pourra jamais être éliminer et pourra même s’aggraver avec la croissance de l’économie du pays. Donc l’objectif que les partisans de la notion de pauvreté relative se fixe est non plus d’éliminer la pauvreté mais de la soulager. Le gros inconvénient qui se dégage ici c’est que les ménages ou les personnes pauvres pourraient mourir de faim de ce fait nous n’auront plus de statistiques capables de nous renseigner sur la pauvreté. En tant que chercheur nous optons pour une définition objectif qui consiste à réunir les deux notions de pauvreté absolue et de pauvreté relative et adopter le juste milieu. Nous allons tenter d’analyser dans cette étude les définitions relatives à la pauvreté et au bien être des habitants de « bayye deukke » que nous commenterons plus tard.
 Les perceptions : qui sont au centre de notre analyse visent à restituer le processus de construction sociale de la pauvreté. Ce sont des attributs que cette population se forge ou des traits et identités qui structurent leurs interactions. C’est dont des « blocs de sentiments »13 qui sont variables selon les situations. Selon J-F. Léa et N. Murard 14 les perceptions : « c’est là ou se nouent toutes les significations », c’est ce qui « captent et tissent le sens ». Or nous dit Akamatou 15 « la perception qui est la primordiale ouverture au monde » est « un acte élaboré inséparable du jugement ». Les sentiments et le sens que cette population pauvre donne à leurs actions et conditions de vie sont donc un variable indispensable à la compréhension de celle-ci.

Le traitement et l’exploitation des données

    Les données recueillies auprès de cette population interrogée ont été diverses et concernent les thèmes évoqués Cette phase correspond à celle de l’analyse des données et s’articule autour de trois points :
 l’analyse des résultats de l’enquête
 la sélection de quelques passages des entretiens pour illustrer notre analyse.
 Le retour aux perceptions relatives à la pauvreté et au bien être par les habitants de « bayye deukke » en vue d’une justification des résultats.

Les échanges et les formes de sociabilité

    La logique dans les formes de sociabilité est un indicateur majeur des types de rapports sociaux entre pauvres. Elle s’exprime par un investissement personnel plus ou moins prononcé dans certaines activités. Cela consiste à procéder par des participations relativement faibles en fonction de ses moyens. A l’occasion par exemple de certaines cérémonies( mariage, baptêmes, décès etc.…)un modeste « ndawtall » (cadeau) est donné et les personnes qui n’ont pas les moyens offrent un soutien physique dans l’organisation des festivités. Le recours aux réseaux familiaux de voisinage et associations sert dans beaucoup de cas à satisfaire des besoins spécifiques sans un investissement monétaire au préalable de l’acteur. Les propos recueillis auprès de M.D. 45 ans, rendent compte de l’utilité de cette forme de Sociabilité « on s’entre aide et cela nous aide beaucoup. C’est à partir de ces cadeaux qu’on s’enrichie en habits, en argent pour réussir la fête s’il s’agit de fête, en ustensiles de cuisine, en lits et armoires etc. » Des séances de thé et de « tours » sont organisées par les jeunes filles et garçons et aussi par les femmes. B. F. 33 ans affirme « nous pratiquons des séances de thé, de tours pour nous défouler et oublier un peu les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Ça nous permet aussi de nous rapprocher de vivre en famille tout en faisant des échanges le plus souvent d’habits » Les femmes font aussi des échanges en procédant à un mélange de bracelets. On tire par deux bracelets et les deux propriétaires sont appelés « ndaye ndikey » . Ces deux personnes vont être des amies, des confidentes et vont entretenir de très bonnes relations allant même jusqu’à donner en homonymes ou en mariage leurs enfants.

Les stratégies économiques de sortie de crise

     En seconde analyse, l’enquête a révélé comme deuxième aspect de stratégie économique des pauvres, le recours à l’investissement où la reconversion dans d’autres métiers où activités comme le commerce surtout de détail (arachide, beignets, couscous, charbon de bois, légumes, fruits, aliments de bétail,….), la restauration, qui sont des procédés simples de captation de ressources ne nécessitent pas de gros investissements. Les cibles visées ont été les jeunes (filles et garçons), les femmes et les hommes d’âge mûr qui, à un moment précis ont basculé dans la précarité, et trouvent dans ces recours, le seul moyen de surmonter la crise. Dans ce quartier les jeunes se sont reconvertis, après l’échec scolaire et à défaut de faire partie du lot des migrants, dans des métiers considérés comme » non rentables » comme la mécanique, la maçonnerie, la menuiserie de bois ou du métal, les apprentis- chauffeurs etc. C’est ce que les jeunes appellent du « japandi » (travail provisoire). En ce qui concerne les jeunes filles l’activité principale est le petit commerce de denrées alimentaires issues du maraîchage, des fruits de saison, mais aussi dans la vente de certains plats tel que le « fondé » (bouillie de mil) le couscous en pot de 50 et 100 francs. Cette situation s’explique par le fait que dans les centres urbains, en raison de la persistance de la crise, beaucoup de jeunes s’émancipent du petit déjeuner et du dîner qui tendent à devenir une affaire individuelle. L’enquête a aussi révélé l’importance du commerce dans les stratégies économiques des pauvres, surtout chez les femmes qui semblent occuper l’essentiel du commerce de détail dans le secteur informel. Le plus souvent, les gares routières, les marchés, sont les lieux privilégiés qui, poussées par la crise, côtoient ces lieux à cause de ce qu’ils appèlent généralement le « lijenti » le « foratou » . Chez les hommes, la reconversion dans d’autres secteurs a été plus notée au cours de l’enquête car ils s’adonnent pendant l’hivernage à l’agriculture. De manière générale, les portées et les limites objectives des différentes stratégies socio-économiques des pauvres demeurent principalement la non prise en compte du long terme dans les activités menées. Les « mbootaay » et « tontines », malgré l’adhésion populaire qu’elles suscitent, ne traduisent pas dans les fait leur efficacité dans les tentatives de lutte ou de réduction de la pauvreté. En effet une fois que les adhérents, ont enlevé leur mise, les gains serviront au règlement rapide d’un ou de plusieurs besoins restés en l’état et tout est à recommencer. Les tontines sont donc des réponses immédiates à des problèmes ponctuels qui se posent à cette population, ce qui fait son caractère aléatoire. En résumé, les stratégies socio-économiques des pauvres sont une réponse aux nombreuses contraintes de la vie que l’ampleur de la pauvreté ne fait qu’accentuer davantage. Une observation rigoureuse de l’évolution du Sénégal fait ressortir de plus en plus une pauvreté féminine dont les causes sont à rechercher au niveau du statut particulier de la femme dans nos sociétés, mais aussi dans le manque d’éducation, de formation et dans le fort taux d’analphabétisme qui prévaut.

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Table des matières

Introduction
1- Contexte et justification
2- Problématique
2-1-Revue de la littérature
2-2-Les objectifs de la recherche
2-3-Hypothèses
2-4-Modèle d’analyse
PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL ET METHODOLOGIE
Chapitre 1 : Cadre théorique et conceptuel
1-1-cadre théorique
1-2-Cadre conceptuel
Chapitre 2 : Méthodologie
2-1- la recherche documentaire
2-2- le type d’étude et le choix des méthodes de collecte
2-3- la population ciblée
2-4- le traitement et l’exploitation des données
2-5- les difficultés rencontrées
DEUXIEME PARTIE : L’ANALYSE DU VECU ET DE LA PERCEPTION DE LA PAUVRETE PAR LES HABITANTS DE « bayye deukke » A MBOUR
Chapitre 1 : les perceptions relatives à la pauvreté et au bien être
1-1- Typologie des définitions relatives à la pauvreté
1-1-1- le recours à la divinité
1-1-2- le recours aux valeurs
1-1-3- le recours à la dignité humaine
1-1-4- le recours au travail
1-1-5- le recours aux réseaux de relations
1-1-6- le recours à la satisfaction divine
1-2- Typologie des définitions relatives au bien être
1-2-1- le recours aux réseaux de relation
1-2-2- le recours aux valeurs
1-2-3- le recours à la santé
Chapitre 2 : les conditions de vie de cette population et les adaptations face à la pauvreté
2-1. les conditions de vie de cette population
2-1-1. le cadre de vie
2-1-2. eau potable
2-1-3. énergie domestique
2-1-4. alimentation
2-1-5. santé
2-1-6. éducation
2-2. les adaptations face à la pauvreté
2-2-1. le mode de vie
Chapitre 3 : les stratégies développées par cette population pour surmonter la crise
3-1- les échanges et les formes de sociabilité
3-2- les stratégies de déguisement
3-3- les stratégies socio-économiques de sortie de crise
3-3-1. les stratégies sociales de sortie de crise
3-3-2. les stratégies économiques de sortie de crise
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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