Dans le contexte actuel, plusieurs pays de l’Afrique sont le théâtre d’une crise politique à savoir la Syrie, la Tunisie, Côte d’Ivoire et Sénégal et également Madagascar. Généralement, le niveau de conscience politique d’une société peut en partie s’évaluer à partir de son capital social. Putnam a souligné que le déclin de la société américaine pouvait se comprendre à partir du déclin de son capital social définit comme « les caractéristiques des organisations sociales telle que la confiance, les normes, et les réseaux qui peuvent accroitre l’efficience de la société en facilitant la coordination des acteurs » .
Social se décline au niveau vertical des relations entre les individus ou les communautés d’individu, appelé aussi capital social civil, une période de crise est évidemment un période de tensions sur le capital social, aussi bien au niveau vertical qu’horizontal.au niveau vertical, la perte de légitimité du gouvernement risque d’affecter la confiance des individus de l’administration ; cette dernière étant aussi affectée directement dans son fonctionnement par la crise. Au niveau horizontal, des tensions peuvent surgir au sein de la population en raison des soutiens plus ou moins marqués ou avérés à un parti ou un autre .Ainsi les fortes tensions qui se sont produites dans la capitale en sont des exemples.
Généralités sur la crise politique à Madagascar
Rappel historique des crises politiques à Madagascar
Crise politique de 1972
Sur papier, Madagascar a eu son indépendance depuis la déclaration de la naissance de la République de Malgache en 1958. A partir du mois d’octobre de cette année, la Grande Ile adoptait sa propre Constitution ainsi que son drapeau (rouge, vert et blanc) et son hymne national (Ry tanindrazanay malala ô). Ce qui fait que théoriquement, Madagascar est devenu un pays autonome et souverain.
Cependant, tous ces symboles étaient considérés comme des mises en scène et des mascarades aux yeux de la population Malagasy en particulier au niveau des intellectuels. Partout où elle va, les français étaient omniprésents. Du palais présidentiel où le secrétaire général était un colon jusqu’au programme de l’éducation de ses citoyens qui était calqué sur programme français. Conscient de cette indépendance de façade, les malagasy se sont révoltés contre le régime Tsiranana. Ainsi, le 1er avril 1971, le parti politique MONIMA dirigé par Monja Jaona fut le premier à défier le pouvoir central. Les raisons de cette insurrection dans le Sud étaient nombreuses. Parmi elles on peut citer les raisons culturelles et économiques. «L’impôt de capitation que les français ont introduit (et de ce fait, une des séquelles de la colonisation) était incompatible avec la culture locale liée étroitement au bétail. Il y a aussi la raison politique » . Si le parti de Monja Jaona est un parti très populaire dans la partie Sud de l’île, il n’avait pas de représentants au sein du parlement. En plus de ces deux raisons, il y a la question environnementale caractéristique du Sud qui accentue la révolte : la sécheresse engendrant la famine.
Si Monja Jaona était l’amorceur de la chute du régime PSD (Parti Social Démocrate), la grève des étudiants en médecine de Befelatanana était décisive pour l’éviction de Tsiranana. Avec cette grève, de 1972 des étudiants de l’université avec les lycéens rejoignaient leurs collègues. Du coup la grève se généralisait. Face à ce problème, le régime décidait d’arrêter les meneurs de la grève ainsi que des centaines des étudiants furent déportés à Nosy Lava. Comme réaction, les manifestants ne se laissaient pas faire car ils étaient descendus dans la rue pour demander la libération des déportés. Décidé à rester au pouvoir, le régime PSD avait donné l’ordre de tiré sur les manifestants. C’est de ce fait que la place symbolique du 13 Mai vit le jour.
On peut alors dire que le facteur éducationnel était au cœur de cette crise. Leur principale revendication était en effet, le départ des français et la réforme du système éducatif qui doit correspondre à la situation Malagasy est non calquée de l’Hexagone. Examiné à fond, la racine de cette crise de 1972 était une crise identitaire. Notons aussi que Rasolo André dans Autour de Mai 1972 : La question du pouvoir, Cahiers des sciences sociales, n°1, Filière Sociologie ESDEGS, Antananarivo, Université de Madagascar, 1984, mentionne « la lutte intestine au sein du PSD comme l’accélérateur de la chute de Tsiranana ainsi que sa politique extérieure avec le régime apartheid de l’Afrique du Sud. » .
Crise politique de 1991
Suite à un long manœuvre dans la transition de 1972 à 1975, Ratsiraka Didier accéda au pouvoir en Décembre 1975. Avec l’avènement du socialisme véhiculé dans le Boky Mena (Livre rouge) devient la mode. Le socialisme était alors considéré comme la solution et réponse aux aspirations des manifestants de 1972. Avec cette politique, il y avait une succession de nationalisations des industries françaises et une « défrancisation » car presque tous les assistants français étaient priés de quitter le pays. En échange, des « experts » soviétique et nord coréens sont venus pour prendre leur place.
« De cette politique socialiste mal conçue, mal gérée et mal comprise traduite par l’interventionnisme de l’Etat et l’économie administrée » il en résulte une forte paupérisation de la population. Les produits de premières nécessités deviennent de plus en plus rares expliquant les longues queux devant la porte des Fokontany pour leurs achats. Un bureau administratif s’est vu transformé en central d’achat.
Une autre conséquence de l’adoption du socialisme est la naissance d’une sorte de parti unique : le FNDR (Front National pour la Défense de la Révolution). Celui-ci est le regroupement des partis politiques adhérant aux « idéologies » du Socialisme Malagasy. Seuls les partis membres de ce front peuvent se porter candidat lors des élections. La pensée unique commence alors à s’installer progressivement et agressivement à Madagascar. Les informations étaient bien contrôlées par le régime. Etouffée par la pauvreté croissante et muselé le Hery Velona Rasalama a vu le jour après la concertation nationale menée par le FFKM (Fiombonan’ny Fiangonana Kristianina eto Madagasikara) en Août 1990. Ce Hery Velona Rasalama devient alors une opposition structurée face au régime.
En instrumentalisant habilement la souffrance de la population, les principaux meneurs de l’opposition ont menée une grève le 1er Mai 1991. C’est au cours de cette manifestation que quelques manifestants ont pu exprimer librement leurs mécontentements envers le régime. Il faut dire que l’opposition est « aidée » par l’évolution du contexte international parce que la Démocratie devient l’une des conditions de toute aide internationale. En plus, la chute du Mur de Berlin en Novembre 1989 et l’éclatement de l’URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques) étaient le signe d’une nouvelle ère mondiale à laquelle Madagascar doit s’adapter.
Le Hery Velona soutenu par une large population et favorisé par le changement mondial était alors en position de force. C’est ainsi qu’il réclamait le changement de la Constitution et le départ de Ratsiraka. Décidé à rester au pouvoir, ce dernier refuse tout compromis. Face à cette persistance de Ratsiraka, le Hery Velona avait mis en place un gouvernement insurrectionnel à la tête duquel se trouvaient le général Rakotoharison et le Premier Ministre Zafy Albert. Et pour mettre un peu plus de pression sur le régime, ils ont organisé une marche vers le Palais présidentiel de Mavoloha le 10 aout 1991.Une marée humaine quitta alors la place du 13 Mai. La garde présidentielle avait alors répliqué par des tirs sur les meneurs et sur la foule. Plusieurs participants furent tués, blessés et des personnes portées disparues. Les champs de rizière environnants furent transformés en champ de mines qui explosèrent sous leurs pieds.
Crise politique de 2002
Après quelques années d’exil en France suite à sa destitution, Ratsiraka revenait à Madagascar en 1997 en vue de se porter candidat à la prochaine élection présidentielle. Elu, il décida de se porter encore candidat lors de l’élection de 2002. Du côté des opposants, ils se sont réunis (Réunion de Manambato, le 3 février 2001) et se sont mis d’accord pour désigner un candidat pouvant faire face à Ratsiraka. A l’issue de cette réunion que le jour est venu d’avoir un président Merina.
Ravalomanana avait sentit l’opportunité en répondant aux « critères » à la fois à la demande de la population et des politiciens, qui était alors le Maire de la capitale, se porta candidat à l’élection présidentielle. La tension montait ainsi d’un cran vu que le Maire fut le favori dans la course à la magistrature suprême. Menacé par la puissance de ce nouvel homme, un « olom-baovao », Ratsiraka, par l’intermédiaire de son réseau faisait tout pour ériger des obstacles à l’encontre de cet outsider. Tout cela n’avait pas le résultat escompté mais donnait encore de plus en plus de poids à Ravalomanana. Son capital électoral fructifiait de jour en jour. De plus, sa puissance économique le mettait en devant de la scène politique, de même que son efficacité et sa performance à la tête de la capitale.
Deux puissants candidats s’affrontaient ainsi le 16 Décembre 2001. Si le candidat sortant, Ratsiraka, avait l’appareil d’Etat comme arme, Ravalomanana quant à lui, avait d’abord son empire Tiko, ensuite l’appui (même implicite) du FFKM et enfin les gourous (dont Rakotonirina Manandafy et Ratsirahonana Norbert Lala) de la politique Malagasy qui voulait le départ illico de Ratsiraka. En procédant à la guerre de nerf, l’administration Ratsiraka d’un côté, publiait les résultats de l’élection selon lesquels aucun candidat n’avait pu obtenir la majorité exigée par la loi électorale. Ce qui signifie que Ratsiraka et Ravalomanana devraient procéder à un second tour. De l’autre côté, Ravalomanana et son équipe avec son propre système de comptage de voix basé à Ankorondrano proclamait qu’ils ont la majorité des voix. C’est ainsi qu’ils ont organisé le Noel de la victoire et des meetings au début du mois de janvier 2002 en signe de protestation des résultats officiels et en effet, du second tour. La tension devenait alors hautement tendue. Une explosion sociopolitique était à craindre.
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Table des matières
INTRODUCTION
Première Partie : Approches théoriques et objet d’étude
Chapitre I : Généralités sur la crise politique à Madagascar et cadre théorique
Chapitre II : Terrain et population d’enquête
Deuxième Partie : Radiographie de la crise politique de 2009
Chapitre III : Dynamique de la perception de la crise politique
Chapitre IV : Mass-médias et crise politique
Troisième partie : Analyses et Prospectives
Chapitre V: De la perception à la fonction des médias
Chapitre VI: Analyses et pistes de réflexion
CONCLUSION GENERALE
Bibliographie
Table des matières
Liste des tableaux
Liste des graphes
ANNEXES