Pédophilie : causes et origines

Statut légal

La pédophilie n’est en soit pas illégale. D’ailleurs, le terme n’apparaît pas dans le code pénal Suisse (1937). Celui-ci fixe par contre, dans quel contexte une relation sexuelle est légale et dans quelles circonstances, elle ne l’est plus. Il définit donc l’abus sexuel sur mineur. Selon les juridictions nationales, qu’il soit de nature pédophile ou qu’il soit motivé par d’autres facteurs, l’acte d’ordre sexuel est qualifié d’abusif, s’il transgresse des normes légales définies par des critères d’âges.

Ce sont elles qui fixent le permis et l’interdit et à partir de quel âge, ou à partir de quelle différence d’âge une relation sexuelle est qualifiée d’illégale. Ces limites d’âges qui fixent l’acceptabilité d’un rapport sexuel entre adulte et enfant diffèrent sensiblement d’un Etat à un autre. En effet, alors que certaines juridictions fixent cette limite à 21ans, d’autres l’ont fixée à 12 ans (Graupner, 2002). Notons aussi que ces normes ont beaucoup évolué dans le temps. Actuellement, en Suisse, le code pénal situe dans son article 187, les infractions dans les cadres suivants : 1. Celui qui aura commis un acte d’ordre sexuel sur un enfant de moins de 16 ans, celui qui aura entraîné un enfant de cet âge à commettre un acte d’ordre sexuel, celui qui aura mêlé un enfant de cet âge à un acte d’ordre sexuel, 2. L’acte n’est pas punissable si la différence d’âge entre les participants ne dépasse pas trois ans. (Code pénal suisse, 1937, art.187) .

Si l’âge est un critère qui peut paraître arbitraire, en particulier à la lumière de la grande diversité de rythme dans le développement physique des individus, c’est lui qui a été choisi. Facilement applicable, ce critère ne permet aucune zone floue dans l’interprétation. Rappelons que ces normes cherchent à préserver le développement psychologique des jeunes en développement et non à déterminer si le corps d’un enfant est physiologiquement apte à vivre une sexualité.

Pédophilie : population concernée Nous l’avons vu dans le chapitre précédent. L’utilisation des termes « pédophile » et « pédophilie » est confuse et ne prend pas le même sens selon les milieux. Ainsi, si l’on s’approche des données statistiques rendues disponibles par la police ou la justice, on trouve de nombreuses infractions qualifiées de pédophiles, même si l’auteur n’a pas été l’objet d’un diagnostic formel posé par un spécialiste de la santé.

Les données statistiques liées aux infractions ne sont donc pas suffisamment fiables. De plus, elles ne prennent potentiellement en considération que la population de pédophiles qui auraient commis des abus sexuels à caractère pédophile. Les pédophiles abstinents en seraient oubliés. Pour conclure cette observation, rappelons encore qu’une partie importante des victimes ne dénoncent pas leurs auteurs (Halperin et al., 1997). Tenter d’estimer la population des pédophiles en utilisant des données liées aux infractions n’a donc que peu de validité scientifique. Nous allons présenter maintenant quelques tentatives de sondages à large échelle.

Bien que n’utilisant systématiquement ni le terme « pédophilie » dans l’autoidentification, ni le recours à un diagnostic établi par un professionnel de la santé, ces méthodes de recherche semblent être les seules capables de fournir, à ce jour, des données utilisables. Ce constat a été fait en 2015 par une équipe de recherche d’Hanovre (Tenbergen et al., 2015). Quelques études sur la population générale ont été conduites, mais elles portaient sur les attirances sexuelles envers les enfants.

Ces études permettent de mesurer le nombre de personnes qui confient avoir des attirances sexuelles envers des enfants, mais la pédophilie n’est pas strictement nommée dans les questions posées aux participants. En 2015 une autre équipe de recherche (Tozdan et Briken, 2015) met en évidence une deuxième précaution nécessaire à l’estimation de cette population. Selon cette équipe et dans le cadre de recherches utilisant l’auto-identification comme critère, le phénomène des troubles obsessionnels compulsifs doit être pris en considération. Cet élément est difficile à évaluer dans les études.

Pourtant, la peur d’être porteur d’attirances sexuelles identifiées comme déviantes, peut créer chez certaines personnes, des tocs qui génèrent des angoisses infondées. Ainsi, la peur d’être pédophile peut créer l’impression d’avoir ce type d’attirances. Notons toutefois que même si les personnes qui s’identifient comme pédophiles ne sont médicalement pas toutes porteuses du trouble, elle n’en demeurent pas moins affectées par la détresse que l’identification de ces attirances peut générer. Ces populations sont donc des groupes sensibles auquel une attention particulière doit également être portée.

Une fois ces constatations établies, les résultats des études présentées ci-après méritent un survol. Vers la fin des années 80, Briere et Runtz (1989) font passer un questionnaire à 193 étudiants de l’université de Manitoba. Parmi eux, 21% rapportent avoir une attirance sexuelle envers de jeunes enfants, 9% décrivent des fantasmes sexuels impliquant des enfants, 5% admettent s’être masturbés en faisant appel à ces fantasmes et 7% indiquent avoir un intérêt à entretenir des relations sexuelles avec des enfants s’ils pouvaient éviter d’être repérés ou punis. En 2006, Becker-Blease et Freyd réitèrent cette étude en construisant un modèle similaire (cités par Ancona et Boillat, 2015). Cette fois, il s’agit de 531 étudiants : 18% rapportent avoir eu des fantasmes impliquant des enfants et 8% admettraient s’être masturbés en faisant appel à ces fantasmes. Parmi eux, 2.5% confessent avoir commis au moins un abus sexuel sur un enfant. Au regard de ces différentes enquêtes, il apparaît qu’estimer la population pédophile n’est donc pas chose facile, Michael Seto (2008) a compilé les résultats présentés ci-dessus et plusieurs autres recherches. Selon lui entre 3 et 9% de la population mâle pourrait être considérée comme pédophile. Il y a donc un réel et conséquent terrain d’enquête.

Pédophilie : causes et origines

Le chapitre précédent a permis de mettre en évidence la difficulté à définir les contours de cette problématique complexe et l’ampleur de ce phénomène. Ce chapitre tentera de synthétiser l’état de la recherche visant à comprendre les causes et les origines de ce trouble. Les ouvrages de psychopathologie actuels rappellent qu’aucun facteur de risque pur ne peut être isolé ; Ils adhèrent tous à des modèles explicatifs multifactoriels. Cette section ne présentera donc aucun résultat qui expliquerait pour quelle raison unique, un individu expérimenterait ce trouble. Nous chercherons donc à présenter les principaux facteurs de risque mis en évidence par la communauté scientifique. Dans un premier temps, nous présenterons les limites de la théorie de « la victime d’abus qui devient à son tour auteur d’abus » souvent évoquée comme l’origine du trouble. Dans un second temps nous présenterons l’état actuel de la recherche ainsi que la synthèse d’une équipe interdisciplinaire qui s’est récemment penchée sur l’état de la recherche et ses freins. La théorie de l’ancienne victime d’abus, qui reproduit sur d’autres, ce qu’elle a vécu, revient régulièrement comme une explication de causalité. Cette approche est limitée. D’une part, elle ne peut pas s’appliquer aux personnes qui s’identifient comme pédophile, mais qui n’ont pas été victimes d’abus durant leur enfance.

D’autre part, ce facteur est difficile à prendre en compte de manière fiable lorsqu’il est collecté auprès de personnes condamnées pour abus sexuel comme cela est souvent le cas. En effet, les personnes condamnées (pédophiles ou non) peuvent voir un intérêt à mettre en avant une potentielle position d’abusées afin obtenir davantage de clémence dans leur jugement. C’est d’ailleurs ce qu’ont essayé de prouver Hindman et Peters (2001). Ils ont mené une recherche bien curieuse auprès d’abuseurs sexuels avérés sur enfants. L’étude ne nous dit pas si les sujets avaient des profils de pédophiles ou d’abuseurs sexuels sans pédophilie. Dans un premier temps, ces derniers étaient invités à partager leur vécu, puis dans un deuxième temps ils devaient répéter leur récit, mais, cette fois-ci, avec un détecteur de mensonge. Au premier passage, les chercheurs ont rapporté que 67% des sujets avaient raconté avoir été eux-mêmes abusés, alors qu’avec le détecteur de mensonge, seulement 29% continuaient à maintenir cette version. Si cette méthode de recherche est discutable, on ne peut pas exclure ce biais dans la recherche auprès des personnes en contact avec la justice. Pourtant, pour l’instant, c’est souvent cette population qui a été choisie dans le cadre d’études sur la pédophilie.

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Table des matières

Résumé
Introduction
Engagement et principes éthiques
I. Cadre théorique
1.1 Pédophilie
1.1.1 Pédophilie versus abus sexuels sur mineurs
1.1.2 Statut légal
1.1.3 Sens commun et définitions littéraires
1.1.4 Définitions scientifiques
1.1.4.1 CIM-10 et CIM-11
1.1.4.2 DSM-V
1.1.4.3 CFTMEA
1.1.4.4 Pédophilie et hébéphilie
1.1.5 Etat de la recherche
1.1.5.1 Pédophilie : population concernée
1.1.5.2 Pédophilie : causes et origines
1.1.6 Définition de la pédophilie pour ce travail
1.2 Mineurs auto-identifiés pédophiles
1.2.1 Age des premières attirances : état de la recherche
1.2.2 Témoignages de mineurs auto-identifiés pédophiles
1.2.3 Conséquences probables d’une telle découverte
1.2.4. Le poids de la différence et ses conséquences : l’exemple des LGBT
1.3 Accompagnement
1.3.1 Normes juridiques internationales et régionales
1.3.1.1 Convention de Lanzarote
1.3.1.2 Recommandations pour une meilleure santé des enfants et des adolescents
1.3.2 Etat des lieux de l’offre en matière d’accompagnement
1.3.2.1 Accompagnement formel et informel
1.3.2.2 Accompagnement formel
1.3.2.2 Accompagnement informel
1.3.3 Discussion
II. Méthodologie
2.1 Questions de recherche
2.1.1 Réalité et expérience de la découverte
2.1.2 Type d’accompagnement vécu et degrés de satisfaction ou absence d’accompagnement
2.1.3 Pistes d’amélioration
2.2 Sujets
2.2.1 Caractéristiques des sujets
2.2.2 Diffusion
2.2.2.1 Choix du mode de diffusion
2.2.2.2 Espaces de diffusion choisis
2.3 Ethique de recherche de terrain
2.3.1 Evaluation et prévention des préjudices potentiels
2.3.2 Partenariat et hébergement exclusif par l’ESPACE DIS NO
2.3.3 Terminologie visant à respecter la dignité des participants
2.3.4 Ouverture du questionnaire à des personnes mineures
2.3.5 Confidentialité
2.3.6 Limites des offres conséquentes à la participation de l’enquête
2.4 Questionnaire : support technique
III. Résultats
3.1 Données démographiques
3.2 La réalité et les expériences de la découverte
3.2.1 Age des premières attirances
3.2.2 Ressenti et réaction à l’adolescence
3.2.2.1 Confusion
3.2.2.2 Honte
3.2.2.3 Peur
3.2.2.4 Tristesse
3.2.2.5 Comportement à risques
3.2.2.6 Acceptation
3.2.3 Explication donnée
3.2.4 Connaissance de la problématique durant l’adolescence
3.3 Type d’accompagnement vécu ou non et degrés de satisfaction
3.3.1 Partages avant l’adolescence
3.3.2 Partages après l’adolescence
3.4. Pistes d’amélioration
3.5 Autres commentaires
IV. Discussion des résultats
4.1 La réalité et les expériences de la découverte.
4.2 Les types d’accompagnement sollicités et leurs degrés de satisfaction.
4.3 Les pistes d’amélioration selon les principaux concernés.
4.3.1 Accès à l’information de qualité
4.3.2 Possibilités de s’exprimer librement dans un cadre confidentiel
4.3.3 Accès à des soins sans discrimination
4.4 Limites de la recherche
4.5 Recommandations
V. Conclusion
VI. Références bibliographiques
VII. Annexes
7.1 Annexe 1: questionnaire version francophone
7.2 Annexe 2: questionnaire version anglophone

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