En quoi cette méthodologie doit-elle permettre de répondre à la problématique de recherche ?
En provoquant des situations de tutorat à travers la constitution de binômes d’élèves aux niveaux de compétences différents, cette méthodologie se focalise sur les interactions entre élèves et cherche à déterminer simultanément les caractéristiques des procédures de l’élève-tuteur et les caractéristiques des procédures de l’élève-tutoré, mises en jeu au sein de ce dispositif. Nous mesurerons l’investissement de chaque élève dans ce dispositif et les liens de coopération éventuels que chacun tisse avec son binôme.
Dans cette logique, nous pourrons ainsi déterminer le rôle de chaque individu dans son binôme, de sorte que l’on puisse mesurer l’éventuelle prédominance du tuteur par rapport au tutoré, au sein du groupe (Hypothèse 1). En étudiant la manière dont les élèves interagissent, nous pourrons également vérifier que le dispositif du tutorat entre élèves bénéficie à l’élève-tuteur, qui, en recevant l’aide de l’élève-tuteur sous différentes formes (explications, illustrations), dépasse certaines difficultés et parvient en ce sens, à comprendre le raisonnement permettant de résoudre la tâche prescrite et de réduire son retard sur les autres élèves de la classe (Hypothèse 2). Sans leur imposer de manière de procéder et en observant les réactions des élèves, leur(s) comportement(s) et leur organisation de travail au sein des binômes, nous évaluerons si ce dispositif demeure contraignant ou s’il facilite l’acquisition des apprentissages (Hypothèse 3).
Présentation du dispositif d’enquête
Description du terrain d’enquête
Le contexte de l’école
Le « terrain d’enquête » est une école située au cœur du bocage vendéen. Créée très récemment (en 2007), cette école publique a bénéficié très récemment d’un nouvel aménagement : le bâtiment où se trouve actuellement l’école maternelle date d’un an.
Les bâtiments qui abritent cette école primaire publique n’ont pas été conçus pour elle à la base. Auparavant, l’école privée de la commune résidait en ces lieux. Avec l’augmentation de la population de la commune, les bâtiments sont devenus trop petits pour cette école, qui a donc été contrainte de déménager. Restant désaffectés pendant quelques années, l’école publique, en accord avec la mairie, a décidé de s’installer dans ces bâtiments. Elle regroupe six classes : une classe de TPS-MS-GS, une classe de MS-GS, une classe de CP, une classe de CE1-CE2, une classe de CE2-CM1 et une classe de CM1-CM2.
Cette école dispose de bonnes conditions de travail, notamment en ce qui concerne les conditions matérielles. Certaines classes, dont celle de de CM1-CM2, sont dotées d’outils numériques comme le Tableau Blanc Interactif (TBI), le Vidéo Projecteur Interactif (VPI) et des ordinateurs portables en libre accès pour les élèves. De plus, les classes sont très spacieuses et très accessibles.
Concernant l’équipe pédagogique, le personnel demeure stable : les enseignants sont tous anciens dans l’école. Cette dernière est constituée presque intégralement de femmes. Seul l’enseignant de la classe de CM1-CM2 est un homme. Au niveau du public accueilli, le projet d’école recense environ 65 % d’élèves issus de familles ouvrières ou sans emploi, constat plus élevé que la moyenne nationale. Par ailleurs, on constate, une diminution continuelle du nombre d’élèves. L’effectif d’élèves de cette année est donc assez faible, ce qui expose l’école à la menace d’une éventuelle fermeture de classe l’année prochaine.
Le contexte de la classe
Au sein de cette école, la classe de CM1-CM2 est celle qui constitue la source des données de ce travail de recherche. Constituée de huit CM1 et de dix-sept CM2, cette classe à double-niveau réunit des élèves qui habitent plusieurs communes aux alentours, car la commune où est située l’école fait en réalité partie d’un regroupement de plusieurs communes. Un seul enseignant est responsable de cette classe (pas de décharge). Concernant son organisation spatiale, la classe est répartie en cinq îlots de travail avec une séparation par niveaux : deux îlots de CM1 et trois îlots de CM2. Au niveau des élèves, certains étaient déjà dans la classe de cet enseignant l’année dernière (l’école regroupe quasi-exclusivement des classes à double-niveau). D’après l’enseignant, la classe est assez facile à mener dans le sens où il n’y a pas de problèmes de comportements.
De manière générale, le niveau de la classe est globalement moyen et revêt une grande hétérogénéité. L’enseignant relève un manque de tête de classe et remarque que les CM1 ont de meilleurs résultats que les CM2. Il constate également que beaucoup d’élèves ont un besoin d’aide dans divers domaines, qui s’explique par de très grandes difficultés scolaires. L’enseignant reste donc attentif aux besoins de ces élèves pour que ces derniers puissent suivre la progression prévue dans le socle commun de connaissances de compétences et de culture. Statistiquement, au moins huit élèves sur vingt-cinq ont de grandes difficultés dont deux qui ont un an de plus (redoublement par le passé). Malgré leurs difficultés, les élèves n’hésitent pas à participer oralement. L’écrit pose beaucoup plus de soucis aux élèves (beaucoup n’arrivent pas à faire le lien entre l’oral et l’écrit).
Concernant le niveau de compétences des élèves de CM2 en Histoire, l’enseignant classe ses élèves en deux groupes distincts :
– la moitié de la classe se situe dans un groupe que l’enseignant qualifie d’élèves avec de solides compétences en Histoire (c’est le cas des élèves 1 et 2 qui seront interrogés par la suite dans les entretiens retranscrits en Annexes 4 et 5).
– l’autre moitié qui possède des difficultés plus ou moins affirmées, notamment en ce qui concerne la capacité de construction des repères historiques et les liens entre les différents événements produits.
Choix et description de la population enquêtée
Notre enquête porte exclusivement sur les pratiques menées par les élèves, en tâchant d’étudier spécifiquement la manière dont ils interagissent ensemble, dont ils coopèrent au sein de ce dispositif de tutorat pour parvenir à la résolution d’une tâche prescrite par l’enseignant. C’est pourquoi ce travail de recherche ne se focalise que sur les élèves de CM2 de cette classe et exclue les apports de l’enseignant, qui sont susceptibles de biaiser les procédures « spontanées » des élèves. L’observation du travail réalisé par ces élèves ainsi que l’entretien mené avec certains d’entre eux tenteront de déterminer les caractéristiques des procédures utilisées dans le cadre de ce travail et de révéler les enseignements qui affirmeront ou infirmeront les hypothèses de recherche.
L’observation menée prend en compte l’ensemble des élèves de la classe de CM2, tandis que l’entretien ne concerne que quatre élèves sélectionnés dans la classe. Le choix d’observer l’ensemble de la classe tient au fait que pour dégager des enseignements, il convient d’avoir une vue d’ensemble des différents binômes qui n’occulte aucune procédure de travail et qui synthétise les données d’observation de chaque binôme de tutorat. Cibler quatre élèves de la classe pour l’entretien se justifie par le fait que parmi ces élèves, on distingue à la fois deux élèves au statut du tuteur et deux élèves au statut de « tutoré ». Le choix de mener un entretien avec ces élèves n’est pas prédéterminé : la sélection s’est faite à partir de l’observation des procédures menées par ces élèves et sur la base de trois critères.
Exposition du dispositif d’enquête
Le cadre de communication et les modalités techniques
J’ai mis en place le tutorat entre élèves, sans évoquer ses enjeux aux élèves.
L’objectif de ce dispositif n’est pas d’imposer une certaine procédure de travail mais d’étudier la procédure propre à chaque binôme et en cela, d’identifier la procédure de chacun des élèves au sein même des différents binômes.
La consigne de l’activité leur est préalablement expliquée. Dans cette séance, les élèves doivent notamment répondre à un questionnaire (voir Annexe 1), à partir d’un cahier multimédia accessible sur e-primo (voir Annexe 2). Chaque élève dispose du même questionnaire. Une seule contrainte est imposée : celle de donner le questionnaire rempli en même temps que celui du binôme de l’élève. Par cette contrainte, on cherche à réduire, au maximum, le travail individuel et à favoriser les situations de coopération, qu’elles soient sous la forme d’aide ou d’entraide.
J’ai ainsi constitué les binômes de travail en exposant les noms des élèves à l’oral, dans l’objectif que les élèves puissent se mettre ensemble et instaurer d’emblée une procédure de travail qui correspond à chacun. Ainsi, dès le début, on peut déjà observer les réactions des élèves et l’organisation de chaque binôme.
Les contraintes organisationnelles
A l’origine de ce dispositif, seule une mise en groupe par binôme était envisagée afin de générer implicitement chez les élèves une forme de coopération indispensable pour optimiser leurs chances de résolution de la tâche. Cependant, dix-sept est un nombre impair, ce qui signifie qu’un élève se retrouverait tout seul. Or, le tutorat entre élèves est conçu sur la base de la coopération entre élèves. Il a donc été nécessaire de former un groupe de trois élèves. En s’adaptant de cette manière au nombre d’élèves de CM2 de cette classe, on prend également en considération l’éventualité d’une absence d’un élèvetuteur quel qu’il soit. Autre contrainte organisationnelle, la limitation du nombre d’ordinateurs en libre-accès. En effet, repartir un ordinateur pour chaque élève demeure impossible puisque seulement huit ordinateurs sont disponibles dans la classe. Cette contrainte matérielle s’est finalement transformée en un atout pour pouvoir faire travailler les élèves par deux. De plus, organiser un tel dispositif implique, en amont, un travail de repérage des difficultés / facilités de chaque élève pour pouvoir associer un élève-tuteur et un élève-tutoré, car le tutorat entre élèves n’existe que s’il met en interaction deux élèves de niveaux de compétences différents. L’hétérogénéité de cette classe qui peut paraître comme un obstacle à la progression des élèves permet de mettre en application ce dispositif.
En outre, cette séance de mise en application du tutorat entre élèves, consacrée à la vie de Napoléon Bonaparte, mobilise l’usage d’e-primo, un espace numérique de travail accessible aux élèves sur Internet, à partir de codes d’accès propres à chacun.
Cependant, d’après l’enseignant titulaire de la classe, un grand nombre d’élèves ont tendance à oublier leurs codes. Ainsi, en mettant les élèves par binôme, le risque qu’aucun n’ait accès à e-primo a été considérablement diminué. Chaque groupe a pu se connecter à e-primo.
Présentation de la méthode de recueil de données
L’observation participante
Observer le travail des élèves, c’est pour moi comprendre leurs processus de réflexion, leurs interactions, sans leur imposer de « bonne » méthode de résolution de la tâche. L’observation participante permet d’avoir un regard critique par rapport à l’organisation de chaque binôme et de décrire la manière de procéder de chacun d’entre eux. Pratiquer l’observation participante est une manière de savoir moi-même ce que je veux observer (le rôle de chaque élève et la coopération entre eux) pour pouvoir ensuite l’analyser. Par l’observation participante, je peux ainsi identifier la procédure de l’élèvetuteur et son rôle dans le dispositif mais également identifier la procédure de l’élève-tutoré et son rôle au sein du dispositif.
De plus, un enseignant est toujours mobile : je peux donc analyser les méthodes de travail de chaque binôme et les comparer entre elles, pour pouvoir dégager des enseignements globaux. Privilégier cette méthode de recueil de données accentue la vision générale que je souhaite avoir du travail de chaque binôme, tout en étant proche de chacun d’eux.
L’observation constitue la principale source de données traitées lors de ce travail de recherche, car elle traduit réellement les manières de faire des élèves. C’est pourquoi, après avoir regroupé leurs résultats du questionnaire effectué durant la séance, l’observation participante relèvera l’ensemble des procédures de travail de chaque binôme (travail coopératif, interactions entre les membres de chaque binôme).
L’entretien avec quatre élèves
L’entretien est « une technique d’enquête adaptée à la recherche concernant une petite population, qu’il s’agisse d’un groupe restreint par nature ou d’un groupe réduit par le choix de l’enquêteur » (Leselbaum, 1987, p.39). Les données recueillies lors de l’entretien réalisé avec quatre élèves de CM2 sont des données supplémentaires , qui ,viennent compléter les données de l’observation participante. En croisant les données de l’observation avec celles de l’entretien, on peut ainsi dégager des enseignements en vue de répondre à la problématique de recherche. Réaliser un entretien avec quatre élèves a pour effet de confirmer les enseignements des observations dans l’idée de répondre aux hypothèses de recherche :l’entretien « convient donc plus particulièrement à la vérification des informations ou des hypothèses du chercheur » (Leselbaum, 1987, p.42). Cette technique d’enquête permet également de lever « ce qui est implicite dans la recherche » (Leselbaum, 1987, p.42), à savoir, ici, les raisonnements implicites des élèves.
Par l’entretien, on peut viser directement les axes de réflexion de l’étude de ce dispositif en adaptant les questions en fonction des hypothèses de recherche et en interrogeant, en présentiel, les élèves sur les actions qu’ils ont pu mener durant le questionnaire. En tenant compte des caractéristiques de chaque type d’entretiens (non directif, semi-directif et directif), l’entretien de type directif a été privilégié. « Il comporte une série de questions qui devront être posées dans le même ordre et dans les même termes à chacun des enquêtés. Ceux-ci sont conduits à répondre en fait de façon relativement courte et précise. » (Leselbaum, 1987, p.42). Dans un entretien, les questions posées aux élèves sont les pistes de réflexion de l’étude. Elles portent sur les interactions entre élèves au sein d’un même binôme. L’entretien permet également à l’élève de faire un retour réflexif sur sa propre procédure, tout en exprimant ce qu’il a pensé du travail en binôme.
S’entretenir avec deux tuteurs et deux tutorés possède l’avantage de pouvoir comparer les procédures des tuteurs et celles des tutorés, tout en les considérant dans un contexte de travail avec leur binôme associé. Il est ainsi intéressant que l’élève détermine, lui-même, le rôle qu’il tenait au sein de ce dispositif. Suivant les réponses des élèves et en lien avec l’observation de leur méthode de travail au sein du binôme, je pourrais ainsi valider ou invalider les hypothèses de réponse à la problématique de recherche.
Résultats
Dans cette partie, nous présenterons successivement les résultats des élèves au questionnaire qu’ils ont effectué en binôme de tutorat ; les résultats des observations prélevées pendant la réalisation du questionnaire ; et, les résultats des entretiens avec les quatre élèves précédemment mentionnés dans ce travail de recherche.
Les résultats du questionnaire
Comme le stipulait la consigne de cette activité, chaque élève de CM2 m’a rendu sa production, en même temps que celle de son camarade avec qui il était en binôme de tutorat. D’un point de vue général, les notes de ce questionnaire sont globalement homogènes comme le montre le graphique suivant.
Ainsi, on relève que sur l’ensemble des productions des CM2, douze élèves ont réussi à répondre correctement à dix questions sur douze et cinq élèves sont parvenus à répondre correctement à onze questions sur douze. Les résultats étant donc extrêmement satisfaisants,il semble que le dispositif de tutorat entre élèves ait une influence positive sur l’hétérogénéité de la classe, dans le sens où chaque élève-tutoré a pu dépasser l’obstacle que constituait ce questionnaire.
En étudiant les résultats de ces productions, on remarque que les élèves au statut de « tuteur » possèdent exactement la même note que leur binôme tutoré, à une exception près, le binôme B3, où l’élève-tutoré a une note légèrement inférieure à son tuteur. On constate donc que le dispositif de tutorat, qui associe deux élèves de niveaux de compétences différents, apporte un bénéfice net au tutoré.
Les contraintes imposées aux élèves pour cette activité ont clairement été respectées puisque chaque élève m’a rendu son questionnaire en même temps que celui de son binôme, en déclarant : « On l’a fait à deux. ».
Concernant les erreurs commises par les élèves, les questions 3 (sur la cause de la nomination de Napoléon Bonaparte au grade de général, commandant de l’armée d’Italie) et 11 (sur la période des Cent Jours) ont systématiquement posé des problèmes. On constate que ce dispositif renseigne une forme d’homogé néité qui s’identifie également dans les réponses erronées des élèves, toutes répertoriées aux mêmes questions.
On peut donc d’ores et déjà dire que l’hypothèse n°2 de ce travail de recherche se vérifie : le tutorat est un dispositif coopératif qui réduit l’effet de l’hétérogénéité présente au sein de la classe dans la mesure où il bénéficie à l’élève-tutoré, qui, du fait de son association avec son tuteur, dépasse l’obstacle du questionnaire qu’il n’aurait pas pu franchir seul.
Les résultats de l’observation participante
D’après la grille de l’observation participante (voir Annexe 3 ), associée au déroulement du questionnaire dans le cadre du dispositif de tutorat entre élèves, on observe globalement plusieurs manières de procéder des binômes, synthétisées à travers le graphique suivant.
Réponses des élèves aux questions 2, 3 et 4
En analysant les différentes constructions des réponses des élèves (voir Annexes 4, 5, 6 et 7), on relève que chaque élève a rencontré une ou plusieurs questions qui lui ont posé des difficultés. Certains élèves mentionnent qu’ils n’en ont pas eu dans le sens où lorsqu’ils en avaient, la présence du tuteur ou les informations du cahier multimédia ont permis d’élucider les quelques éléments d’incompréhension.
On remarque que les élèves ont dépassé leurs difficultés à travers deux types de procédure de coopération : une procédure d’entraide des membres des binômes associée à une demande d’aide effectuée à l’enseignant titulaire de la classe et une procédure d’aide (l’élève-tuteur aide son binôme tutoré). Ces réponses renvoient précisément aux procédures identifiées dans l’observation participante. L’entretien de l’élève 1 (tuteur, binôme B3) illustre particulièrement ce fait (voir Annexe 4). Cet élève fait explicitement référence aux sous-procédures 1 et 2 liées à la procédure d’entraide, susnommée dans les résultats de l’observation participante. C’est-à-dire que, d’après l’élève, lui et son binôme (tutoré, binôme B5) ont établi une demandé d’aide à leur l’enseignant et n’ont pas hésité à confronter leurs réponses pour choisir celle à retenir à la fin de leur réflexion (malgré une progression des questions non-similaire entre eux).
Réponses des élèves aux questions 5 et 6
Les quatre élèves interrogés ont apprécié travailler avec leur binôme soit parce que la procédure de coopération tuteur-tutoré a plu à l’élève interrogé soit parce que les membres des binômes constitués par l’enseignant avaient déjà des affinités dans la classe, en amont de ce travail. La dimension affective de la relation tuteur-tutoré est une donnée supplémentaire que n’avait pas spécifiquement relevée l’observation participante (car elle aurait nécessité au préalable une observation attentive des relations développées par les élèves entre eux). D’autre part, un seul élève (un élève-tutoré) souligne que le travail en binôme réduit les opportunités d’apprentissage par rapport à un travail individuel où l’élève construit ses apprentissages par son contact avec les sources de savoir comme le cahier multimédia.
Trois élèves sur quatre soulignent les apports bénéfiques du travail en binôme soit pour l’aide apportée par son binôme de travai l, soit pour l’entraide générée à travers le travail en binôme de tutorat (voir Annexes 4, 5 et 7). Les justifications émises par les élèves, viennent rejoindre les données de l’observation participante, dans le sens où les binômes ont arboré deux types de procédures coopératives : l’entraide ou l’aide.
Discussion des résultats
Dans cette partie, nous allons reconsidérer les apports théoriques de ce travail de recherche en les repensant d’une manière différente, au regard des résultats obtenus à travers l’observation participante (voir Annexe 3) et les entretiens (voir Annexe 4, 5, 6, et 7).
En quoi cette étude permet-elle d’envisager différemment….
… le cadre théorique et les concepts mobilisés ?
Dans la littérature et les travaux de recherche sur le sujet, on observe systématiquement la mise en avant d’une opposition tuteur-tutoré, dans le sens où la relation formée à travers le dispositif de tutorat entre élèves est une relation dite « interindividuelle dissymétrique » (Connac, 2017, p.36). Dans cette logique, le tutoré symbolise « celui qui ne sait pas encore mais qui souhaite savoir » et le tuteur « celui qui sait et qui aide le tutoré à savoir » (Connac, 2017, p.38). Or, cette étude démontre que l’élève-tuteur ne sait pas tout et qu’il peut, pour une même activité, passer momentanément du statut d’élève qui sait au statut d’élève qui ne sait pas . La présence du tutoré est alors nécessaire pour dépasser ensemble l’obstacle imposé.
Ce constat, observé dans quelques micro-situations, révèle qu’un tel dispositif ne repose pas uniquement sur un processus coopératif basé sur l’aide du tuteur mais bien sur l’entraide tuteur-tutoré, de sorte que l’un procure une plus-value dans l’acquisition des apprentissages de l’autre.Dans ce sens, il ne faut pas oublier que le tuteur est, au même titre que le tutoré, un élève qui poursuit la construction de ses apprentissages. Il ne se substitue en aucun cas à un enseignant ou à une quelconque source de savoir.
Aussi, le dispositif de tutorat entre élèves ne doit pas négliger la progression des apprentissages du tuteur. Ce doit être un dispositif majorant pour l’ensemble des élèvesde la classe de CM2. Le tutorat n’est pas seulement « une forme plus élaborée d’aide », mais également une forme d’expression d’une aide mutuelle que chaque élève se procure à travers ce dispositif. La relation qui unit le tuteur au tutoré ne se noue pas seulement dans une logique de reconnaissance ou d’aide du tuteur envers son tutoré. Cette modalité pédagogique ne se réduit donc pas à la dépendance du tutoré à son tuteur. D’autant plus lorsque le tuteur se contente de répondre à la tâche prescrite par l’enseignant, sans expliquer sa procédure à son tutoré. Il y a dans le tutorat une forme de partage des savoirsentre le tuteur et le tutoré : même minimes, l’élève-tutoré possède certains savoirs qui font progresser la réflexion et qui contribuent à résoudre un problème rencontré par le binôme.
Les pratiques coopératives effectuées par les huit binômes pour répondre au questionnaire sur la vie de Napoléon Bonaparte ont eu un « effet positif »(Connac, 2017) notamment sur les résultats des élèves. En ce sens, elles revendiquent une forme de solidarité entre les membres du binôme puisque les procédures de travail des groupes d’élèves se caractérisent sous différentes formes, en lien avec ce dispositif :
– l’aide exécutive où le tuteur se contente de fournir directement la réponse à son tutoré (Connac, 2017).
– l’aide élaborée où le tuteur illustre sa procédure par des explications et fait analyser son processus de réflexion et ses stratégies (Connac, 2017).
– l’entraide des membres du binôme, qui, malgré leur écart de niveaux, tentent de dépasser conjointement un obstacle commun (Connac, 2017).
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Table des matières
Remerciements
Introduction
1 – Le cadre théorique
1.1 Présentation général du tutorat
1.1.1 L’étymologie
1.1.2 Historique du dispositif
1.1.3 Un terme polysémique
1.1.4 Les caractéristiques du tutorat entre élèves
1.1.5 Être tuteur et non moniteur
1.1.6 Être tutoré et non dépendant du tuteur
1.2. La coopération comme « moteur » du tutorat entre élèves
1.2.1 Coopérer : un intérêt commun
1.2.2 Le tutorat : une forme de « de relation coopérative »
1.2.3 Les autres formes de relations coopératives
1.2.3.1 L’aide
1.2.3.2 L’entraide
1.2.3.3 Le travail en groupe
1.3. Un dispositif relevant de la différenciation pédagogique
1.3.1 Définition
1.3.2 Origine des pratiques pédagogiques différenciées
1.3.3 Pédagogie différenciée vs pédagogie traditionnelle
1.3.4 Différencier pour prendre en compte les besoins de tous les élèves
1.4. … qui prend acte de l’hétérogénéité en classe
1.4.1 Définition de la notion d’hétérogénéité en milieu scolaire
1.4.2 Hétérogénéité : à la fois problème et atout
1.4.3 Les facteurs favorisant l’hétérogénéité
1.5 Problématique
1.6 Hypothèses
2 – Le cadre méthodologique
2.1 Justification de la méthodologie choisie au regard de la problématique
2.1.1 Les éléments indispensables que la méthodologie doit prendre en compte pour répondre à la question
2.1.2 En quoi cette méthodologie doit-elle permettre de répondre à la problématique de recherche ?
2.2 Présentation du dispositif d’enquête
2.2.1 Description du terrain d’enquête
2.2.1.1 Le contexte de l’école
2.2.1.2 Le contexte de la classe
2.2.1.3 Choix et description de la population enquêtée
2.2.2 Exposition du dispositif d’enquête
2.2.2.1 Le cadre de communication et les modalités techniques
2.2.2.2 Les contraintes organisationnelles
2.3 Présentation de la méthode de recueil de données
2.3.1 L’observation participante
2.3.2 L’entretien avec quatre élèves
3 – Résultats
3.1 Les résultats du questionnaire
3.2 Les résultats de l’observation participante
3.2.1 La procédure majeure : l’entraide des membres du binôme
3.2.2 La procédure mineure : l’aide du tuteur envers son tutoré
3.3 Les résultats des entretiens
3.3.1 Réponses des élèves à la question 1
3.3.2 Réponses des élèves aux questions 2, 3 et 4
3.3.3 Réponses des élèves aux questions 5 et 6
3.4 Synthèse des résultats et réponses contextualisées à la problématique et aux hypothèses de l’étude
4 – Discussion des résultats
4.1 En quoi cette étude permet-elle d’envisager différemment
4.1.1 … le cadre théorique et les concepts mobilisés ?
4.1.2 … la formulation de la problématique et des hypothèses ?
4.2 Élargissement de la réflexion au-delà du terrain d’enquête
Conclusion
Bibliographie
Annexes
Annexe 1 : Questionnaire donné aux élèves sur la vie de Napoléon Bonaparte
Annexe 2 : Pages du cahier multimédia (support du questionnaire)
Annexe 3 : Grille de l’observation participante
Annexe 4 : Entretien du premier élève (Élève 1)
Annexe 5 : Entretien du deuxième élève (Élève 2)
Annexe 6 : Entretien du troisième élève (Élève 3)
Annexe 7 : Entretien du quatrième élève (Élève 4)
Annexe 8 : Grille d’analyse des entretiens
Annexe 9 : Guide d’entretien
Annexe 10 : Formulaire adressé aux quatre élèves pour les entretiens
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