INTRODUCTION
La production mondiale de la pêche et de l’aquaculture a régulièrement augmenté au cours des cinq dernières décennies jusqu’à atteindre 158 millions de tonnes en 2012. La pêche de capture occupe à elle seule, 57,78 % de cette production, dont la pêche maritime en constitue 87,29 % des totaux des captures (FAO, 2014).Avec 5603 km de côte, une ZEE de 1 140 000 km², un plateau continental d’une superficie de 117 000 km2; et une superficie des mangroves évaluée à 300 000 hectares ; le secteur pêche est l’un des trois principaux secteurs porteurs avec le secteur minier et le tourisme sur lesquels Madagascar compte asseoir son développement économique (ANDRIANTSOA et RANDRIAMIARISOA, 2013). La production halieutique nationale en 2010 est de 129 245 tonnes dans laquelle la pêche maritime représente 73 % de cette production (RALISON, 2012). Avec des recettes d’environ 160 millions d’USD par an (RALISON, 2012), les produits de la pêche constituent une source importante de recettes en devises pour le pays, dont laquelle, la filière crevette a contribué 53 % de la valeur des exportations en 2012 (ANONYME in Journal Newsmada.com).Lors des pêches crevettières, les engins de pêche sont peu sélectifs.
Les captures ne sont pas constituées uniquement de crevettes, mais également par des espèces non ciblées appelées prises accessoires ou espèces d’accompagnements ; et dont laquelle les poissons figurent en grande quantité. Auparavant au cours de la collecte et du triage, ces derniers sont sujets à des rejets ou sont gardés à bord en petite quantité. La raison est que cela constitue un gaspillage de place pour les crevettes à haute valeur marchande. (RANDRIARILALA et al., 2008) Lorsque la production des pêches crevettières de 7 198 tonnes en 2005, a chuté à 3 227 tonnes en 2010 (RALISON, 2012) soit une baisse de 50 %, les opérateurs de la filière ont commencé à ramener les poissons d’accompagnements en grande quantité. De ce fait, ces poissons peuvent être assujettis à une menace de surexploitation également. Cependant, ils approvisionnent le marché local et constituent des moyens de lutte contre l’insécurité alimentaire.
C’est une source de protéines abordable pour les consommateurs nationaux. Ainsi, pour pouvoir prendre des mesures et de stratégies de gestion rationnelle de ces poissons d’accompagnements, des études approfondies doivent être entreprises au préalable. Parmi les poissons d’accompagnements commercialisés figurent le Pomadasys kaakan. Il occupe une place importante au niveau de la consommation journalière de la population en ville avec un total vendu de 50 937 kg en 2014 (Donnée SOPROMER, 2015). En effet, Antananarivo est la première destination de vente des produits halieutiques au niveau national, avec 35,34 % de volume en 2011 (OEPA, 2012). Egalement, en tant que espèce dominante des poissons d’accompagnements crevettières, des informations doivent être collectées pour Pomadasys kaakan MARIN (2009). Il représente 5,5 % en poids total du poisson by catch (RAZAFINDRAINIBE, 1990).Dans la pratique, les études en biologie des populations se basent le plus souvent sur l’analyse du génome et l’examen de l’aspect extérieur des individus. Les approches les plus utilisées sont de loin la biométrie et l’analyse biochimique des protéines (KRAIEM, 1994). L’approche morphométrique faisant partie de la biométrie a été choisie dans la présente étude en raison de sa facilité d’application et de son faible coût de réalisation
Caractéristiques générales de la population
La comparaison de Pomadasys kaakan à une espèce de la même famille a donné le tableau suivant. En effet, il s’agit de l’espèce Pomadasys maculatus appartenant à la même zone de pêche que l’espèce étudiée.
Pomadasys maculatus (n = 397) | Pomadasys kaakan (n = 791) | |||
[Min-Max] | Moyenne ± ? | [Min-Max] | Moyenne ± ? | |
Poids (g) | [14-68] | 31,32 ± 0,43 | [45-2361] | 525,70 ± 592,26 |
LT (cm) | [8.0-15.0] | 11,07 ± 0,06 | [12,6-56,1] | 28,49 ± 11,80 |
LS (cm) | [7,0-12,5] | 9,17± 0,05 | [11,2-46,0] | 23,13 ± 9,60 |
Lte (cm) | [2,1-4,8] | 3,32± 0,02 | [3,9-15,4] | 7,85 ± 3,04 |
DO (cm) | [0,8-1,6] | 1,10 ± 0,007 | [0,9-2,4] | 1,59 ± 0,37 |
Hte (cm) | [1,9-4,2] | 3,002 ± 0,02 | [3,2-11,9] | 6,41 ± 2,37 |
HC (cm) | [2,8-5,2] | 3,93 ± 0,02 | [4,1-15,6] | 8,35 ± 3,12 |
HPC (cm) | [0,7-1,5] | 1,11 ± 0,006 | [1,2-4,6] | 2,49 ± 0,94 |
E (cm) | [1,4-2,8] | 1,97 ± 0,02 | [1,9-7,4] | 4,06 ± 1,57 |
Source | RAKOTOARIVONONA, 2014 | Présente étude, 2015 |
LT : longueur totale ; LS : longueur standard ; Lte : longueur de la tête ; DO : diamètre de l’œil ; Hte : hauteur de la tête ; H : hauteur ; HPC : hauteur du pédoncule caudale ; E : épaisseur.Ainsi, quel que soit le paramètre étudié, l’espèce de la présente étude possède des valeurs supérieures par rapport à son cousin. P.kaakan a un poids moyen de 525,70 g alors que le P.maculatus de 31,32 g, soit un poids moyen 18 fois plus grand que ce dernier. Pour les différentes longueurs, si on se réfère toujours à la moyenne, le rapport existant entre ces deux espèces avoisine le 1/3 (11,07 ± 0,06 cm et 28,49 ± 11,80 cm pour la longueur totale). Quant aux différentes hauteurs et épaisseur du corps, Pomadasys kaakan possède des valeurs moyennes, environ double de celle de Pomadasys maculatum. La littérature renseigne que P kaakan est plus grande, c’est-à-dire présente des valeurs morphométriques supérieures par rapport à P.maculatus. En effet, P. maculatus a une longueur commune de 15 cm (BURHANUDDIN et IWATSUKI, 2012) et P. kaakan, une longueur commune de 50 cm (FISHBASE, 2014). Ceci est alors bien vérifié dans cette étude. Ce qui signifie qu’on est vraiment face au P. kaakan.
Ce sont les deux espèces de la famille de Haemulidae rencontrées en grand pourcentage dans les eaux malagasy (RANDRIARILALA et al., 2008).Autrement, la description de la population de P. kaakan étudiée a montré une hétérogénéité importante surtout au niveau du poids. En effet, cela est dû à la présence des individus de divers stades notamment des juvéniles, des jeunes en maturation et des adultes (PAULY, 1982). Longueur totale et poids sont les paramètres essentiels pour apprécier la valeur commerciale d’un poisson (PENEIRO et al., 1991). Pour une comparaison des résultats descriptifs de la présente étude à celle effectuée antérieurement (Tableau n°18), la longueur totale est la seule retenue du fait que plusieurs références ne fournissent pas des valeurs pour le paramètre poids.
La taille moyenne enregistrée dans la présente étude, sur un effectif de 791 individus, est de 28,49 cm. Cette valeur est sensiblement identique de celle de RAESI et al. , 2011 (30,77 cm) mais très éloignée de celle de FAKHRI et al., 2011 b (43 ± 3 cm). Cela peut s’expliquer par la différence d’échantillonnage, de même avec le cas de FRONTIER-ABOU, 1969 où n = 13, et également avec une profondeur de pêche seulement de 2 à 5 m. L’étude de RAESI et al., 2011 présente un nombre d’individus très faible (94), alors que la deuxième est très élevée (3498), par rapport à la présente étude. Aussi, la valeur trouvée par FAKHRI et al., 2011 b a conduit à adopter une bonne méthode de sélectivité des engins de pêche. Cela ne retient que les individus de taille moyenne et grande. L’étude d’AZHIR (2005) rejoigne cette hypothèse avec une variation de LT de [24-60] cm.La longueur minimale a été trouvée en Malaisie (5,6 cm) par MANSOR et al., 2012 ; et la valeur maximale (73 cm) par AL-HUSAINI et al., 2002 à l’Est du Golfe Persique. La valeur enregistrée en Malaisie est supposée due à la maille du filet de pêche utilisé qui est très réduite, et ne laisse pas échapper les petits spécimens. Ainsi, les juvéniles de petites tailles sont les plus capturés.
En outre, cette étude en Malaisie a présenté également la plus petite longueur maximale rencontrée (15,6 cm). Cela indique que la pêche effectuée a été spécialement chez les juvéniles. Ces derniers se localisent à des faibles profondeurs. Selon PAULY (1982), les poissons adultes préfèrent le large et les grandes profondeurs, alors que les jeunes immatures et les juvéniles préfèrent se concentrer dans les eaux de moindre salinité et de faible profondeur. Pour la longueur maximale, les conditions environnementales (caractères physicochimiques, habitat, alimentation,…) des grondeurs javelots à l’Est du Golfe du Persique, sont identifiés plus propices à leur développement. Ainsi la valeur observée est très proche de la valeur asymptotique de 75,6 cm posée par BADE (1989). Pour la zone de pêche Ouest de Madagascar, la longueur maximale trouvée avoisine celle des autres pays. Cela signifie alors, que l’intensité de pêche des grondeurs de Madagascar jusqu’ici leur permettent d’atteindre une certaine taille.La caractérisation morphométrique de l’espèce étudiée, d’un pays à un autre ou d’une pêcherie à une autre, présente ainsi des différences notables. La variation des descripteurs métriques chez les poissons est liée à leur environnement. Elle est à l’origine du changement morphologique des individus. Selon FROESE (2006), cela est dû à la différence d’échantillonnage, de profondeur de pêche, des caractéristiques du milieu, de la pression de pêche, des engins de pêche, de la disponibilité en nourriture et de la santé des populations.
Corrélation entre les variables
Les degrés de corrélation entre les diverses variables morphométriques de l’étude menée sont tous positifs et très élevés. Ils indiquent ainsi une très forte liaison entre les diverses variables mêmes avec le DO. Le profil commercial de l’espèce n’est donc pas influencé et attribué seulement par les paramètres essentiels d’habitudes (Poids et Longueur). Mais, il peut être aussi influencé par d’autres variables morphométriques (longueur standard, hauteur du corps,…) avec une valeur de corrélation avoisinant les 90 %. Selon CAUSSINUS (1990), l’importance du coefficient de corrélation marque bien la capacité à donner un degré de précision d’une valeur d’un paramètre par rapport à un autre. Comme les autres paramètres sont fortement corrélés avec le poids, la prédiction du poids peut donc être faite par n’importe quel paramètre.
Typologie de la population
La typologie de la population est en relation étroite avec les valeurs des corrélations qui sont fortement élevées. Elle a révélé huit groupes bien distincts qui, au fur et à mesure qu’on passe d’un groupe à un autre, la moyenne d’une variable augmente.Aucune publication d’étude typologique n’a été menée sur l’espèce. Cela renseigne que les groupes commerciaux de Pomadasys kaakan de la Société SOPROMER est seulement en fonction des poids des individus, alors que dans les groupes typologiques formés, tous les 9 paramètres morphométriques étudiés sont considérés. De ce fait, certains groupes commerciaux de SOPROMER possède un coefficient de variation élevé, supérieur au 15 %. Cela indique en effet, une hétérogénéité des individus au sein de leur population. Et c’est ainsi que la catégorie de petite taille (inférieure à 250 g) fixé par SOPROMER a été subdivisée en 3 groupes dans la présente étude et de même pour les autres catégories.La connaissance que cette espèce a une longue saison de ponte (BADE, 1989 ; FALAHATIMARVAST et al., 2011), avec deux pics de pontes bien distingués (BADE, 1989) peut justifier la formation de plusieurs groupes au sein de la population étudiée. Pour SOPROMER, il est mieux de garder les quatre groupes commerciaux au dépend des huit groupes identifiés. Cela du fait que, malgré une large gamme de taille que procurent les huit groupes avec des nouvelles références de prix, cela conduit à une importante main d’œuvre en ce qui concerne le triage et ainsi à une augmentation du coût de production.
CONCLUSION
L’espèce étudiée joue un rôle important dans l’alimentation des habitants de la ville d’Antananarivo, surtout pour les foyers à niveau de vie faible et moyen. Il figure parmi les poissons d’accompagnement les plus commercialisés par SOPROMER. Leur importante embarcation, ces dernières années, est liée aux problèmes des investisseurs crevettiers actuellement. Par conséquent, l’espèce peut être sujette à une surexploitation. Une hétérogénéité de la population surtout en poids avec un coefficient de variation de 113,2 % a été identifiée au sein de cette étude. Huit groupes typologiques bien distincts sont ainsi formés. Ils présentent des individus de plus petite conformation jusqu’à la plus grande. Aussi, une allométrie minorante de la croissance de la population avec une valeur de « b » de 2,89, un milieu favorable de l’espèce avec une valeur de K = 1,53 ± 0,13, et une dominance des formes sveltes et normales des individus, ont été trouvés. Les résultats de cette étude sont alors concordants avec la littérature. Par ailleurs, l’analyse de la structure en taille de la population a montré une abondance considérable des petites tailles (44, 12 % se trouve [16- 21,5] cm).
La pêche crevettière au chalut favorise alors la capture des individus de faible taille, probablement immatures. Des mesures de contrôle ainsi que de gestion doivent ainsi être entreprises. Cela afin d’éviter une taille moyenne faible des captures. L’hypothèse générale énonçant que l’étude morphométrique est un outil de caractérisation de l’espèce est ainsi confirmée. Par conséquent, l’objectif général de cette étude à la caractérisation morphométrique de Pomadasys kaakan est atteint.
Les contraintes rencontrées lors de cette étude ont abouti aux propositions et perspectives suivantes concernant l’espèce dans la zone maritime malagasy:
Extension de l’étude de la biologie de l’espèce à des domaines plus poussés : la reproduction, l’alimentation, et la croissance ;
Etude considérant le paramètre sexe des individus, de même que la détermination de l’âge avec les différentes méthodes et moyens existants ;
Etude des caractères physico-chimiques et biologiques des zones de pêche :
Nord Ouest de Madagascar ;
Etude plus approfondie depuis la période d’ouverture de pêche jusqu’à sa fermeture, pour bien observer les effets saisonniers sur l’espèce et ;
Etude plus approfondie d’une population provenant de différentes profondeurs de pêche où on peut rencontrer l’espèce. Ainsi, tout cela va contribuer à la réalisation d’une étude sur la dynamique de population de Pomadasys kaakan originaire de Madagascar. C’est le principal outil de gestion de la pêche.
|
Table des matières
INTRODUCTION
I. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
1. Pêche maritime crevettière
1.1. Zones et méthodes de pêche
1.2. Produits de la pêche, vente et importance
1.3. Circuit de commercialisation
2. Prises accessoires crevettières
2.1. Description et composition
2.2. Variation de la production
2.3. Variétés des poissons d’accompagnements
2.4. Classification
2.5. Vente et importance
3. Pomadasys kaakan
3.1. Classification
3.2. Caractéristiques morphologiques
3.3. Ecologie
3.4. Répartition mondiale
3.5. Alimentation
3.6. Reproduction
3.7. Importance de l’espèce
II. MATERIELS ET METHODES
1. Matériels
1.1. Matériels humains
1.2. Matériels biologiques
1.3. Matériels de pesage et mesures
2. Méthodes
2.1. Collecte de données
2.2. Traitement des données
2.3. Synthèse méthodologique
III. RESULTATS
1. Caractéristiques générales de la population
2. Corrélation entre les variables morphométriques
3. Typologie de la population
4. Relation d’allométrie
5. Etude du milieu
6. Indices biométriques
7. Structure en taille de la population
IV. DISCUSSIONS
1. Caractéristiques générales de la population
2. Corrélation entre les variables
3. Typologie de la population
4. Relation d’allométrie
5. Etat du milieu
6. Indices biométriques
7. Structure en taille de la population
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
Télécharger le rapport complet