PAUVRETE MULTIDIMENSIONNELLE
l’approche par capabilité d’Armatya Sen
Armatya Sen va présenter de manière illustrée cette approche, en fondant tout d’abord sur la notion de bien-être avant de parler cette approche par capabilté.
La notion de bien-être
Le niveau de vie des individus est certainement la première information dont doit disposer un gouvernement ou une institution pour mettre en place une politique. Le le fondement de cette information porte parfois des ambigüités entre : Le revenu par tête ou la qualité de la vie. Chacune de ces réponses concrètes repose sur une conception plus globale du bien-être individuel, liée à une conception de ce qu’est une société juste. Ainsi, une importance est alors accordée à la notion de bien-être. Dans l’usage courant, on associe spontanément le bien-être à l’état de santé de la personne. Le bien-être que procure une action est mesuré à travers l’utilité (Welfarisme). « L’utilité est un terme abstrait. Il exprime la propriété ou la tendance d’une chose à préserver de quelque mal ou à procurer quelque bien. Mal, c’est peine, douleur ou cause de douleur.
Bien, c’est plaisir ou cause de plaisir d’une part. Ce qui est conforme à l’utilité ou à l’intérêt d’un individu, et qui tend à augmenter la somme totale de son bien-être d’autre part. Ce qui est conforme à l’utilité ou à l’intérêt d’une communauté, c’est ce qui tend à augmenter la somme totale du bien-être des individus qui la composent » .
Par contre, Sen propose de distinguer le fait d’évaluer le bien-être individuel à l’aune de l’utilité, comme bonheur ou satisfaction des préférences (« welfarisme »), de la doctrine utilitariste. Ainsi, le bien-être réside dans l’établissement de listes objectives décrivant, de manière exhaustive, l’ensemble des composantes du bien- être : l’amitié peut, par exemple, être prise en compte. Le caractère élitiste d’un tel projet qui reviendrait à établir ce qui est bon pour les individus et ce qui ne l’est pas peut être atténué, d’une part, par la prise en compte de critères de bien-être tels que l’autonomie et, d’autre part, par le fait que de telles théories n’ont pas d’implications morales.
L’approche par les capabilités
L’approche par les capabilités offre un cadre d’analyse pour évaluer la qualité de vie des individus. Sen propose en effet un cadre pour penser et évaluer certaines questions normatives en mettant en avant les informations nécessaires à de tels jugements. Cette base informationnelle permet de surcroît d’identifier les contraintes sociales qui influencent et restreignent le bien-être d’une personne mais aussi l’exercice d’évaluation de son bien-être. Si l’approche par les capabilités peut être un élément constitutif important d’une théorie de la justice, elle n’est pas une théorie de la justice. Sen lui-même (1995) remarque que cette approche ne propose qu’un espace d’évaluation. Or, une théorie de la justice doit, selon lui, inclure des considérations d’agrégation mais aussi de distribution, alors que l’approche par les capabilités ne spécifie aucun principe d’agrégation.
Fonctionnements et capabilités
Une comparaison avec les autres concepts utilisés pour analyser le niveau de vie d’un individu permettra d’introduire les notions de fonctionnements et de capabilités qui fondent cette approche. Prenons l’exemple d’un bien tel que le pain : il sera appréhendé de différentes manières, selon l’angle de vue théorique adopté. Une lecture utilitariste soulignera le fait que le pain, par sa consommation, crée de l’utilité, comprise comme bonheur ou satisfaction de désirs. La théorie du consommateur, quant à elle, considèrera le bien comme un ensemble de caractéristiques. Le bien sera donc analysé d’après ses caractéristiques nutritionnelles (calories, glucides, sels minéraux…) ou autres (conventions sociales, facteur de rapprochement entre personnes…). Une « caractéristique » d’un bien est donc un trait caractéristique de ce bien. En revanche, un « fonctionnement » est un trait caractéristique de la personne, en relation avec le bien. Ainsi dans une approche par les capabilités, le pain sera apprécié par les capacités de fonctionner particulières dont il dote la personne : par exemple, être affranchi de la faim, ne pas avoir de carences nutritionnelles… Les fonctionnements de la personne reflètent ainsi les caractéristiques de la personne : ce qu’elle fait ou est. En revanche, les capabilités de fonctionner reflètent ce qu’une personne peut faire ou peut être. « Un fonctionnement est une réalisation tandis qu’une capabilité est une aptitude à la réalisation. Un fonctionnement est, en ce sens, plus directement lié aux conditions de vie dans la mesure où il constitue différents aspects des conditions de vie. Les capabilités, au contraire, sont des notions de liberté, dans le sens positif : de quelles opportunités réelles disposez-vous au regard de la vie que vous pouvez mener » Sen définit ainsi « le bien-être d’une personne comme la qualité de son existence. Une vie est faite d’un ensemble de ‘fonctionnements’, liés entre eux, composés d’états et d’actions. Les fonctionnements pertinents peuvent aller de l’élémentaire Ŕ avoir suffisamment à manger, être en bonne santé, échapper aux maladies évitables et à la mortalité prématurée, etc. Ŕ au plus complexe Ŕ être heureux, rester digne à ses propres yeux, prendre part à la vie de la communauté, etc. La thèse, c’est que les fonctionnements sont constitutifs de l’existence de la personne, et que l’évaluation de son bien-être doit nécessairement prendre la forme d’un jugement sur ses composantes » . Les fonctionnements représentent donc différents types de vie possibles et l’ensemble de capabilité est l’ensemble de tous ces différents modes de vie possibles : l’ensemble de capabilité reflète ainsi la liberté qu’a une personne de choisir entre des modes de vie possibles.
La valeur qu’un individu accordera à un bien ou à la possession d’un bien ne sera considérée que dans la mesure où ce bien permet de réaliser une chose à laquelle cet individu accorde de l’importance, c’est-à-dire à sa capabilité. Ainsi la possession d’une bicyclette n’at-elle de valeur pour un individu qu’à travers, par exemple, le fonctionnement de « mobilité » qu’elle lui permet d’acquérir. La possession d’une bicyclette par un individu ne donnera donc pas lieu à une évaluation monétaire en vue d’apprécier son niveau de vie mais sera, si la mobilité est importante aux yeux de cet individu, appréciée comme la réalisation d’un fonctionnement pertinent pour appréhender la qualité de vie de cet individu.
définition de la pauvreté en termes de capabilité
L’approche par les capabilités vise à offrir un cadre d’évaluation non seulement du bien-être individuel mais aussi de la qualité de vie des individus. Une personne peut en effet accorder de la valeur à la réalisation de certains éléments sans pour autant que ceux-ci améliorent son bien-être personnel. D’un point de vue éthique, l’individu peut être appréhendé sous l’angle de son action (il est alors analysé d’après son aptitude à concevoir des buts, des engagements ou des valeurs) ou de son bien-être. Pour Sen, si l’on pose comme hypothèse que les individus ne sont mus que par leur intérêt personnel, leurs doivent être entièrement consacrées à l’amélioration de leur bien-être. L’utilitarisme repose sur une telle hypothèse comportementale : en ce sens, le concept de capabilité offre une évaluation plus fine de la qualité de vie.
Indicateurs de la pauvreté multidimensionnelle
Définition
Il ne suffit pas de s’entendre sur la signification du terme “pauvreté“ pour enfin pouvoir identifier les pauvres. Il n’est pas sûr que ce nous voulions mesurer soit effectivement mesurable. En fait, ni le bien-être économique, ni la satisfaction des besoins, ni les capacités d’un individu ne sont directement observables. Dans ces conditions, le recours à des variables observables qui permettent d’inférer approximativement la réalité à laquelle nous référons par le terme pauvreté est nécessaire. Ces dites variables portent le nom d’indicateur. Un indicateur de pauvreté peut être défini comme suit:
Un variable “proxy“ mesurable et aussi près que possible d’une dimension particulière spécifiée dans l’espace de pauvreté. Des « proxy » sont requis parce qu’une dimension pure n’est soit pas directement observable, soit trop coûteuse à mesurer. Plus d’un indicateur peuvent être nécessaires pour décrire une dimension de la pauvreté. Deux exemples illustrent cette définition de l’indicateur.
Exemple 1 : lorsque la Dimension de la pauvreté est le revenu permanent d’un ménage, l’Indicateur est donc les dépenses totales annuelles d’un ménage .
Exemple 2 : si la Dimension de la pauvreté est : être adéquatement nourri. Alors, l’Indicateur est : consommation journalière de denrées de base comme le riz.
Dans l’exemple 1, un indicateur est requis car le revenu permanent n’est pas directement mesurable. Dans l’exemple 2, l’utilisation d’un indicateur peut se justifier par le coût très élevé de réaliser à grande échelle une enquête nutritionnelle détaillée.
Caractéristiques
Pour être utile à un cadre conceptuel centré sur la mesure de la pauvreté, la notion d’indicateur doit être développée autour d’une typologie des indicateurs de pauvreté, ce qui requiert l’attribution d’un ensemble de caractéristiques à chaque indicateur. Évidemment, plusieurs caractéristiques peuvent être considérées. Pour des visées opérationnelles, nous n’allons en retenir que quatre : le domaine, le niveau, la fréquence, le groupe d’âge et le sexe.
Les domaines :
Par un domaine d’un indicateur de pauvreté, nous entendons un domaine de la vie privée ou sociale par où la pauvreté est révélée. Une classification par domaine est étroitement liée aux dimensions de la pauvreté. Nous retenons ici les vingt domaines suivants : Nutrition et sécurité alimentaire, Santé et hygiène, Revenu, Contrôle des naissances, Actifs, Éducation et Information, Habitat, Propriété terrienne et agriculture, Sécurité civile, Dignité personnelle, Services et dépenses publiques, Crédit, Implication sociale, Vulnérabilité aux crises, Travaux ménagers, Infrastructure économique, Travail, Droits et liberté, Perceptions de la pauvreté, Habillement.
Les niveaux :
Par le niveau d’un indicateur, nous entendons la plus petite unité statistique pour laquelle l’indicateur est significativement observé et révélateur de l’aspect de la pauvreté qu’il représente. Les différents niveaux sont: L’individu, Le ménage, La communauté (hameau, village, commune, etc.), La région, Le pays.
Évidemment, un indicateur pour un certain niveau, fournit, par agrégation, son homologue à un niveau supérieur: la production agricole au niveau du ménage génère la production moyenne au niveau du village, etc. En fait ces indicateurs “induits“ vont généralement appartenir à la catégorie des indices définie plus haut. Le fait qu’un indicateur soit observable à un certain niveau ne signifie pas pour autant qu’il soit révélateur de la pauvreté à ce niveau. Par exemple, nous pouvons observer s’il y a eu une mortalité d’enfant dans un ménage, mais cela ne signifie pas que le ménage soit pauvre. Par ailleurs, le taux de mortalité des enfants dans une communauté est signifiant de la pauvreté de la commune. Un individu pourrait donc être considéré pauvre, relativement à la dimension particulière, s’il vit dans une communauté où le taux de mortalité des enfants est élevé (pauvreté par appartenance à un groupe).
La fréquence :
On appelle la fréquence d’un indicateur de pauvreté, la périodicité attendue de sa mesure, en tenant compte de sa variation à travers le temps (sensibilité) :
1. Court-terme : un an ou moins
2. Moyen terme : d’un an à moins de cinq ans
3. Long-terme : plus de cinq ans.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : APPROCHE THEORIQUE SUR LA PAUVRETE
INTRODUCTION PARTIELLE
CHAPITRE I : PAUVRETE MULTIDIMENSIONNELLE
Section 1- l’approche par capabilité d’Armatya Sen
a- La notion de bien-être
b- L’approche par les capabilités
b-1 Fonctionnements et capabilités
b-2 Définition de la pauvreté en termes de capabilité
Section 2- Indicateurs de la pauvreté multidimensionnelle
a- Définition
b- Caractéristiques
CHAPITRE II : PAUVRETE MONETAIRE
Section 1- Formes de pauvreté monétaire
a- Pauvreté monétaire relative et minima sociaux
b- les caisses d’allocations familiales (CAF)
b-1 conception
b-2 Importances
Section 2 solutions adoptées de caractère monétaire
a- revenu minimum d’insertion (RMI)
b- La minimum vieillesse
c- L’allocation aux adultes handicapés (AAH)
d- L’allocation de parent isolé (API)
PARTIE II : ANALYSE SUR L’EFFICACITE DE LA POLITIQUE DE PROTECTION SOCIALE A MADAGASCAR VIS-A-VIS DE LA PAUVRETE
INTRODUCTION PARTIELLE
CHAPITRE I : PAUVRETE A MADAGASCAR ET LA POLITIQUE APPORTEE PAR LE GOUVERNEMENT
Section 1 : Etats de lieux de la pauvreté à Madagascar
a- Nutrition et sécurité alimentaire
b- Santé et hygiène
c- Revenu
d- Actifs
e- Éducation et Information
f- Pauvreté spatiale
Section 2 La protection sociale à Madagascar
a- La bourse familiale ou « vatsin’ankohonana »
a-1 Modalités opérationnelles
a-2 Zones concernées
a-3 Montant du transfert et paiement
b- L’Argent Contre Travail Productif (ACTP)
b-1 Objectifs du projet
b-2 domaine du projet
CHAPITRE II : LA PORTEE DE LA POLITIQUE DE PROTECION SOCIALE A MADAGASCAR
Section 1 La protection sociale en Brésil
a- Historique
b- Les contenues de la protection sociale en Brésil
c- Les récents résultats du système de protection sociale
Section 2 l’étude comparative de la politique de protection sociale appliquée en Brésil et à Madagascar
a- Les différences
a-1 du point de vue historique
a-2 le financement du projet
a-3 réalisation du projet
a-4 facteurs déterminants de la pauvreté
b- Ressemblance
Section 3 Les recommandations
a- Financement de la politique de protection sociale
b- Estimation du seuil de pauvreté
CONCLUSION
ANNEXES