PAUVRETE ET COMMERCE INTERNATIONAL

La capabilité comme fondement théorique du concept de pauvreté

           La justice sociale réside-t-elle fondamentalement dans l’égalité des revenus et dans l’égalité des droits ? Pour Sen, il semble bien que l’égalité des revenus et celle des droits ne conduisent pas automatiquement les individus à une égale aptitude à convertir des moyens en résultats conformes à leur conception de la vie. Ils resteront toujours pauvres, c’est-à-dire privés de leurs capacités, lesquelles incluent notamment la marginalisation de personnes appartenant à des groupes spécifiques, femmes, communautés indigènes, etc. Ces pauvres sont privés de droits d’expression et de possibilités d’exercer une activité productive dans les structures politiques et sociales existantes, en particulier au niveau local. En un mot, une définition plus générale de la pauvreté et plus généralement, du développement suppose, selon Sen, une augmentation des capabilités des personnes. C’est ce qui a donc remis en cause l’ancienne approche adoptée dans la lutte contre la pauvreté, par la « capabilité » de Sen.

L’approche par l’empowerment de la Banque Mondiale

           L’analyse de la pauvreté selon la banque mondiale est fondée essentiellement sur une approche monétaire. En effet, la Banque Mondiale a créé un classement des pays en fonction d’indicateurs de développement (World Bank, 2001). Différents classements sont établis en fonction des indicateurs choisis, et des groupes de pays sont définis soit en fonction de la zone géographique (Afrique subsaharienne pour Madagascar et la Guinée par exemple), soit en fonction des performances économiques du pays. La situation économique du pays donne lieu à deux principaux classements :
– Le premier, en fonction du revenu (low income <745$ , lower middle income 746- 2.975$, upper middle income 2.976-9.205$, high income >2.906$)
– Le second, en fonction de l’endettement du pays: les catégories qui sont sévèrement endettées « severely indebted means either of the two key ratios is above critical levels: present value of debt service to GNI (80%) and present value of debt service to exports (220%) », modérément endettés, et pays moins endettés. Pour un pays donné, le fait d’être très endetté n’implique pas que ce dernier soit très pauvre. Ce qui est justement le cas de la France. A titre d’exemple la Guinée en 2002 appartient au groupe des pays ayant le revenu les plus bas (GNI per capita : 450$ ; GNI : 136e rang avec 3.043 millions de $ (GNI = gross national income ; noté avant 1996 : GNP : Gross National Product ). Elle fait également partie des pays parmi les plus endettés. Ce qui fait la différence entre la France et la Guinée, c’est le niveau de revenu avant l’endettement. La France est un pays riche tandis que la Guinée compte parmi les pays ayant le revenu les plus bas. De ce fait, l’effet de l’endettement sur la France et la Guinée ne peut être le même. L’endettement, du moins à court et moyen terme, ne réduira pas la France dans un état de pauvreté, alors que son effet néfaste sera plus ou moins immédiat pour la Guinée, en raison de la situation déplorable dans laquelle ce pays se trouvait déjà avant son endettement. La Banque Mondiale pour effectuer ses classements utilise des indicateurs de différentes natures : économiques, sociaux, démographiques, environnementaux, dont la liste exhaustive se trouve en Annexe 1. Le profil de la pauvreté élaboré en 1994/1995 avait révélé que 40% de la population vivaient encore en dessous du seuil de pauvreté, évalué à l’époque à environ 300 $ par an (soit à l’époque moins de 1$ par personne) et par personne. On constate que les indicateurs de la Banque Mondiale, présentés en annexe 1, sont très clairement à dominante économique, voir macro-économique. Les indicateurs constitués par des critères sociodémographiques permettent essentiellement d’estimer le niveau de scolarisation et la morbidité. La Banque Mondiale s’appuie sur les travaux d’Amartya Sen pour avancer une conception de la pauvreté reposant sur la liberté de choisir un mode de vie. Dans le premier chapitre du Rapport, la Banque Mondiale présente la conception de la pauvreté qu’elle entend retenir : « Ce rapport accepte la conception désormais traditio nnelle de la pauvreté, en englobant non seulement la privation matérielle (mesurée par un concept adéquat de revenu ou de consommation), mais également des manques en termes d’éducation et de santé. Ces deniers ont un intérêt en soi, mais ils méritent une attention particulière lorsqu’ils accompagnent les privations matérielles. Ce rapport élargit également la notion de pauvreté pour y inclure la vulnérabilité et l’exposition au risque, ainsi que le manque de pouvoir (powerlessness) et l’absence, de fait, du droit à l a parole (voicelessness). Tous ces manques restreignent sévèrement ce qu’Amartya Sen appelle les ‘capabilités’ d’une personne, c’est-à-dire les libertés réelles dont el le jouit pour mener la vie qu’elle valorise (Sen, 1999a, p. 87). » (World Bank, 2000, p. 15). La référence à Sen, à ses concepts et aux thèmes de ses recherches récentes est sans ambiguïté. Ceci étant, c’est dans la partie du Rapport consacré à l’empowerment portant sur les réformes politiques à mettre en œuvre pour que les gouvernements soient « plus à l’écoute des pauvres », ainsi que pour favoriser l’essor de la société civile que Sen est le plus sollicité.

Les points de convergence entre la BM et le PNUD concernant la démocratie

               Le PNUD et la Banque Mondiale accordent une importance considérable dans les politiques de lutte contre la pauvreté qu’elles proposent aux réformes à mettre en œuvre dans le domaine politique. Les mesures qui entrent dans le cadre de la « gouvernance humaine » pour le PNUD, et dans celui de l’empowerment pour la Banque Mondiale consistent, pour l’essentiel, à encourager les pays à décentraliser les structures de l’Etat, à promouvoir la démocratie et la participation des pauvres aux processus politiques. Ce sont précisément au sujet de ces deux derniers éléments qu’elles s’appuient toutes deux sur Amartya Sen. Dans ce qui suit, on se propose d’exposer plus en détail les  arguments de Sen sur lesquels s’appuient les organisations internationales lorsqu’elles recommandent de développer la démocratie et la participation des pauvres aux processus politiques. Le PNUD et la Banque Mondiale invoquent trois arguments développés par Sen dans les textes où il traite de la démocratie : le « lien entre la démocratie et la prévention de catastrophes économiques telles que les famines », la « valeur intrinsèque » de la démocratie, et enfin son « rôle constructif ».

Démocratie et prévention des catastrophes économiques

                Le lien entre la démocratie et la prévention des catastrophes économiques qu’aurait mis en lumière Amartya Sen est un des éléments sur lequel s’appuie le PNUD à de nombreuses reprises. Dans le Rapport 2000, le PNUD écrit : « Des études ont montré des liens de cause à effet entre les droits comme ceux de la liberté de participation et de la liberté d’expression avec le fait d’être libéré de la discrimination et de la pauvreté. Il ne peut y avoir de meilleure illustration de ces liens que l’effet du droit d’expression libre et de participation dans la vie politique sur la prévention et la non-o ccurrence de calamités sociales majeures. Amartya Sen a souligné cela dans son analyse des famines à travers le monde. Son étude, ainsi que d’autres, ont montré qu’aucune famine n’avait persisté dans quelque pays que ce soit riche ou pauvre ayant un gouvernement démocratique et une presse relativement libre. De fortes pressions populaires, à travers les proce ssus politiques et les médias, incitent les gouvernements à agir pour stopper les famines et autre calamités sociales. » (UNDP, 2000, p. 74). Le PNUD s’appuie, deux ans plus tard, sur Development as Freedom pour avancer un argument sensiblement identique : « Les démocraties sont mieux à même d’éviter les catastrophes et de gérer les brusques retournements qui menacent la vie humaine. Comme l’affirme Amartya Sen, l’existence d’institutions et de processus démocratiques incite fortement les gouvernements à prévenir les famines. En l’absence de partis d’opposition, d’une critique publique non censurée et la menace d’être congédiés, les dirigeants peuvent agir en toute impunité. Lorsque la presse n’est pas libre, les souffrances infligées par la famine dans les zones rurales reculées risquent de passer inaperçues auprès des décideurs et du public.‘ Les famines tuent des millions de personnes dans différents pays du monde, mais elles ne tuent pas les dirigeants. Les rois et les présidents, les hauts fonctionnaires et les patrons, les chefs militaires et les leaders, ne me urent jamais de faim’ (Sen, 1999a, p181) » (UNDP, 2002, p58). Citation à l’appui, le PNUD avance donc que les pays ayant un régime politique démocratique (c’est à dire avec des élections, des partis d’opposition, une société civile active, une critique publique non censurée, des médias libres, etc.) parviennent à mieux gérer les crises et les catastrophes économiques. La Banque Mondiale, quant à elle, insiste sur l’importance des droits politiques et civiques et des processus politiques participatifs dans la gestion de ces crises : « Premièrement, ils encouragent l’usage de la parole plutôt que celui de la violence pour négocier les conflits. (…) Deuxièmement, les droits politiques et civiques et une presse libre permettent aux personnes d’attirer l’attention sur leurs besoins et de demander une action appropriée du gouvernement (Sen, 1992a). Ceci est particulièrement important pour éviter ou pour répondre rapidement aux catastrophes majeures. Troisièmement, des élections démocratiques confèrent une légitimité aux gouvernements, encourageant la stabilité sociopolitique et économique » (World Bank, 2000, p. 113). La Banque Mondiale renvoie donc à l’ouvrage Inequality Reexamined pour affirmer sensiblement la même chose que le PNUD : les processus politiques participatifs, passant par l’exercice de droits politiques et civiques, incitent les gouvernements à mieux répondre aux besoins de la population et à répondre aux catastrophes économiques. La référence que fait la Banque Mondiale est inexacte puisque Sen ne traite pas dans cet ouvrage de la démocratie ou de l’exercice des droits politiques et civiques (bien que ce thème figure dans d’autres publications (…). Restent les autres arguments de Sen sur lesquels s’appuient le PNUD et la Banque Mondiale pour proposer des réformes allant dans le sens de la démocratie.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : LA PAUVRETE ET LE COMMERCE INTERNATIONAL : UNE REVUE THEORIQUE
Section I : Le concept de pauvreté
Section II : Le Commerce International : quels enjeux pour la reduction de la pauvrete ?
CHAPITRE II : ETUDE DE CAS MALGACHE
Section I : La SADC
Section II : Analyse d’impacts de la SADC sur la reduction de la pauvrete
CONCLUSION

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