Pathogénie de la môle hydatiforme

Pathogénie de la môle hydatiforme

Il existe deux types de môle hydatiforme : la môle partielle (môle embryonnée, syndrome triploïde) et la môle complète composée exclusivement de vésicules môlaires. La môle hydatiforme se développe à partir du trophoblaste villeux. Elle représente une malformation placentaire secondaire à des aberrations chromosomiques survenues lors de la gamétogenèse et/ou de la fécondation [4]. La môle complète est diploïde, provenant de la fécondation d’un ovocyte anucléé par un spermatozoïde. Le caryotype est de type 46 XX dans 90% des cas. L’œuf secondaire à la fécondation d’un ovocyte vide par un spermatozoïde haploïde (22N+X dans 90% des cas) se duplique secondairement pour aboutir à un œuf de caryotype 46 XX. Les 10% restants, de caryotype 46 XY, résultent d’une dispermie (Figure 1) [4].

La môle partielle est triploïde et provient en général de la fécondation d’un ovocyte porteur d’un jeu chromosomique maternel (22+X) par deux spermatozoïdes à noyau haploïde, chacun amenant un jeu de génome paternel (22N+X ou 22N+Y), ou par un spermatozoïde à noyau diploïde pourvu de deux jeux identiques de génome paternel. Le caryotype est 69 XXX ou 69 XXY ou 69 XYY [51, 52]. L’anomalie peut également être secondaire à une digynie par  non-disjonction méiotique de l’ovocyte qui contient deux jeux chromosomiques maternels. Cette absence de disjonction est  suivie de la fécondation par un spermatozoïde à noyau haploïde (22N+X ou 22N+Y)[57].

Anatomie pathologique de la môle hydatiforme

Aspects macroscopiques 

La môle complète est volumineuse (300 à 500cc), distendant toute la cavité utérine. Dans la majorité des cas, l’aspect macroscopique est caractéristique : la môle hydatiforme se présente sous la forme d’un amas de vésicules de tailles très diverses, atteignant souvent 2 à 3 mm de diamètre. Ces vésicules môlaires sont blanchâtres, translucides, reliées les unes aux autres par des pédicules grêles.

L’ensemble se compare assez bien à une grappe de raisins. Chacune des vésicules correspond à une villosité fortement tuméfiée. En règle générale, on ne retrouve ni membrane amnio-choriale, ni placenta normal, ni embryon (figure 4). Parfois, on reconnaît au sein de la masse môlaire, le sac chorionique (amnios et chorion) et exceptionnellement un embryon en voie de dégénérescence. Très rarement et quand une partie seulement du tissu placentaire a subi la transformation môlaire, un embryon vivant et même viable peut accompagner la môle.

Aspects microscopiques
Trois modifications principales des villosités caractérisent la môle hydatiforme :
– l’œdème du stroma,
– l’absence ou la pauvreté de la vascularisation,
– l’hyperplasie trophoblastique.

Le stroma ou basale conjonctive des villosités est lâche car œdémateux et sa substance fondamentale est myxoïde. Cet état myo-oedémateux aboutit souvent à la formation de lacunes kystiques. L’axe des villosités est dépourvu de vaisseaux sanguins. La prolifération du revêtement trophoblastique varie considérablement d’un endroit à l’autre : en règle générale, on trouve des villosités partiellement ou entièrement recouvertes de plusieurs assises de cellules cytotrophoblastiques et syncytiotrophoblastiques, formant parfois de larges bourgeonnements cellulaires. Cependant, les éléments cellulaires n’infiltrent pas le myomètre et n’envahissent pas les vaisseaux utérins. Le volume de la môle partielle ne dépasse pas en général 200cc. Les vésicules môlaires, mêlées à des villosités normales sont repérables par leur taille. Cependant, elles peuvent être microscopiques. Dans presque tous les cas, la môle partielle s’accompagne d’un reliquat d’embryon ou de fœtus parfois malformé dont l’évolution s’arrête entre 8 et 9 semaines d’aménorrhée. L’examen anatomopathologique d’une môle hydatiforme partielle retrouve un mélange de villosités môlaires et non môlaires avec parfois une hyperplasie cellulaire. Les villosités sont vascularisées et les vaisseaux peuvent contenir des hématies nucléées. Une cavité amniotique associée à des débris fœtaux est fréquemment observée [42, 56] (figure 5).

Facteurs de risque

Môle hydatiforme complète (MHC) 

Age maternel
L’âge maternel représente le facteur de risque le plus documenté. En effet le risque augmente avec l’âge. Il est plus élevé aux âges extrêmes, avant 20 ans et après 40 ans. Les femmes âgées de plus de 40 ans ont 5 à 10 fois plus de risque de contracter une MHC. Chez les femmes de plus de 50 ans, une grossesse sur 3 est môlaire [5]. Ce risque est légèrement plus élevé chez les femmes âgées de 15 à 20 ans, et 20 fois plus élevé chez les adolescentes enceintes à un âge inférieur à 15  ans [12].

Antécédent de môle hydatiforme
Un antécédent de môle hydatiforme semble être le second facteur de risque bien identifié. On peut situer le risque de récidive autour de 1% après une môle hydatiforme et autour de 25% après un antécédent de plus d’une môle [12].

Les facteurs reproductifs
Les antécédents d’avortement spontané et une histoire d’infertilité apparaissent également comme facteurs de risque de grossesse môlaire. Les ovocytes des femmes âgées sont plus susceptibles aux ovulations anormales conduisant aux môles hydatiformes complètes [5]. Le risque de môle hydatiforme paraît augmenté après insémination artificielle par sperme de donneur [28].

Facteurs socio-économiques
Des études cas-témoins ont prouvé que l’incidence de la môle hydatiforme complète augmente avec la diminution de la consommation de carotène et de graisse animale [5]. La pauvreté par les déficits nutritionnels (carotène, vitamine A) qu’elle occasionne accroit le risque de môle hydatiforme.

Autres
Le groupe sanguin de la patiente serait également un facteur important avec un risque plus élevé pour les patientes de groupe A ou AB par rapport aux patiente de groupe B ou O [42]. Les couples dont la femme est du groupe A et l’homme du groupe O ou A ont un risque plus élevé de môles comparativement aux autres combinaisons possibles [12]. Cependant aucun mécanisme physiopathologique n’est avancé pour expliquer cette observation [42]. La consanguinité pourrait jouer un rôle dans nos régions où l’endogamie reste forte. Une fréquence importante a été retrouvée dons certaines communautés tribales.

Môle hydatiforme partielle

Les caractéristiques épidémiologiques de la môle hydatiforme partielle ne sont pas superposables à ceux de la môle hydatiforme complète. La môle hydatiforme partielle est plus fréquente chez des femmes ayant des cycles menstruels irréguliers et des antécédents de contraception orale de plus de 4 ans, et ne semble pas être liée à des facteurs diététiques [5]. La Vecchia a rapporté dans une étude faite sur 132 cas de maladies trophoblastiques gestationnelles un risque de môle hydatiforme élevé quand l’âge paternel excède 45 ans, mais généralement ces types d’étude, qui sont rares, sont non concluantes [56].

Diagnostic de la môle hydatiforme 

Môle hydatiforme complète 

➤ Signes fonctionnels
Le diagnostic peut être fait devant les signes suivants :
– métrorragies sur aménorrhée d’environ 3 mois qui sont spontanées, faites de sang rouge, récidivantes, capricieuses, d’abondance croissante, amendées par le repos parfois mêlées à un écoulement séreux,
– douleurs abdomino-pelviennes peu marquées à type de pesanteur ou parfois de coliques expulsives,
– exagération des signes sympathiques de la grossesse,
– dans certains cas, c’est après expulsion de produits vésiculaires que le diagnostic est posé.
➤ Signes généraux
Les signes généraux sont variables : pâleur des muqueuses, altération de l’état général.
➤ Signes physiques
L’utérus est plus développé que ne le voudrait le terme de la grossesse. Il est trop mou avec par endroit des plaques de blindage : c’est le signe d’Andérodias. Il existe aussi une variation du volume utérin d’un jour à l’autre : on parle « d’utérus accordéon » de Jeannin. L’examen au spéculum confirme l’origine endo-utérine de l’hémorragie. Au toucher vaginal, le col est ramolli, béant ; l’examinateur, en combinant toucher vaginal et palper abdominal, peut trouver des masses latéro-utérines bilatérales : ce sont des kystes ovariens (kystes lutéiniques). Les signes cliniques classiques de la môle complète apparaissent souvent après le premier trimestre comme les vomissements incoercibles, les saignements génitaux, l’augmentation de la taille utérine, et plus rarement des signes d’anémie ou de pré éclampsie. L’hyperthyroïdie, autrefois rapportée, est devenue exceptionnelle [12].
➤ Signes paracliniques
Le diagnostic de la môle hydatiforme est habituellement effectué par :
-l’échographie du premier trimestre et
-le dosage des β hCG.
L’échographie retrouve un utérus anormalement gros pour le terme de la grossesse et contenant des images floues, diffuses, floconneuses donnant l’aspect en « tempête de neige » ou en « nids d’abeilles » caractéristique de la pathologie (figure 6) [42]. Cet aspect classique en tempête de neige correspond à de multiples kystes de taille variable, à parois fines, associés à des plages échogènes et à des zones liquidiennes hémorragiques. Un diagnostic précoce est parfois possible avec des sondes à haute fréquence, dès 8SA, devant une masse multikystique intracavitaire qui peut être confondue avec un endomètre hypertrophique. Le Doppler est silencieux (absence de vascularisation) dans la masse trophoblastique, un signal maternel étant seulement retrouvé en périphérie dans la caduque et dans le myomètre.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
1. Définition
2. Epidémiologie
3. Pathogénie de la môle hydatiforme
4. Anatomie pathologique de la môle hydatiforme
4.1. Aspects macroscopiques
4.2. Aspects microscopiques
5. Facteurs de risque
5.1. Môle hydatiforme complète
5.2. Môle hydatiforme partielle
6. Diagnostic de la môle hydatiforme
6.1. Môle hydatiforme complète
6.2. Môle hydatiforme partielle ou môle embryonnée
6.3. Evolution de la môle hydatiforme
6.3.1. Evolution favorable
6.3.2. Diagnostic des néoplasies trophoblastiques gestationnelles
6.3.3. Classification des néoplasies trophoblastiques gestationnelles
7. Prise en charge des maladies trophoblastiques gestationnelles
7.1. Prise en charge de la môle hydatiforme
7.2. Prise en charge des néoplasies trophoblastiques gestationnelles
7.3. Place de la chirurgie
7.4. Cas des grossesses multiple
8. Surveillance
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
1. Objectif
2. Cadre d’étude
2.1. Site de l’étude
2.2. Ressources humaines
3. Patientes et méthodes
3.1. Type et durée de l’étude
3.2. Critères d’inclusion
3.3. Critères de non inclusion
3.4. Paramètres étudiés
3.5. Définitions des paramètres opérationnelles
3.6. Collecte et analyse des données
4. Résultats
4.1. Résultats descriptifs
4.1.1. Fréquence
4.1.2. Caractéristiques socio-démographiques des patientes
4.1.3. Données cliniques et paracliniques
4.1.4. Prise en charge
4.1.5. Evolution
4.2. Résultats analytiques
4.2.1. Rémission avant le traitement selon β hCG initial
4.2.2. Rémission selon la gestité
4.2.3. Rémission selon la parité
5. Discussion
5.1. Limites de l’étude
5.2. Prise en charge initiale de la môle hydatiforme
5.3. Surveillance post-môlaire
5.4. Rémission et taux initial de β hCG
5.5. Rémission, gestité et parité
5.6. Place de la chirurgie
5.7. Durée du suivi
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES

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