“ Pas de génériques, Docteur ! ” Un point de vue de prescripteurs

Au cours des 25 dernières années, les pays à niveau de revenu élevé ou intermédiaire ont vu leurs dépenses de santé croitre de façon considérable. Comptant jusqu’à 20% de ces dépenses de santé en 2013, les ventes de produits pharmaceutiques en ont été largement responsables. En France par exemple, les dépenses pharmaceutiques représentaient un coût de 10,4 milliards de dollars en 1990, 16 milliards de dollars en 2000 et 36,4 milliards de dollars en 2010 [1]. Le vieillissement des populations, l’augmentation de prévalence des pathologies chroniques, les innovations thérapeutiques, l’évolution des recommandations en matière de pratiques cliniques, et l’extension de la prise en charge des médicaments peuvent l’expliquer.

Dans le contexte de crise économique qui prévaut depuis 2008, l’augmentation des dépenses pharmaceutiques fait courir un risque financier majeur aux États et aux dispositifs d’assurance maladie qu’ils maintiennent. L’effondrement de ces dispositifs entraverait l’accès aux soins pour le plus grand nombre et aurait un impact considérablement délétère sur l’état de santé des populations. Des politiques de maitrise des coûts pharmaceutiques ont dû être rapidement développées. Trois principaux leviers ont été actionnés [2]. Le premier porte sur la réduction de prix des médicaments brevetés. Le deuxième porte sur la baisse du remboursement public des produits, reporté en partie sur les usagers ou les assurances maladie privées. Le troisième a trait aux médicaments génériques.

Un médicament générique est défini par l’Agence Européenne des Médicaments comme un médicament qui a la même composition qualitative et quantitative en substances actives et la même forme pharmaceutique qu’un médicament de référence, et dont la bioéquivalence avec le médicament de référence a été démontrée par des études appropriées de biodisponibilité [3]. Cette définition garantit que les médicaments génériques, ou multi‐sources, respectent les mêmes normes de qualité que les médicaments princeps et qu’ils sont thérapeutiquement interchangeables [4].

Copies de produits tombés dans le domaine public, ils permettent une forte réduction des coûts pharmaceutiques. En France, règlementairement, le prix d’un générique doit être réduit de 60% par rapport au prix du médicament de référence [5]. Les pays à haut niveau de revenu ont diversement investi cette opportunité de réduction des coûts. En 2013 au Royaume‐Uni et en Allemagne, les médicaments génériques représentaient en volume respectivement 83% et 80% du marché des médicaments remboursés. Avec une part des génériques sur le marché limitée à 30%, la France accuse un certain retard [1]. L’étroitesse du répertoire de génériques disponibles, le poids des primo‐ prescriptions, les stratégies de contournement par l’industrie pharmaceutique, les positions critiques prises par certaines sociétés savantes, et l’insuffisante acceptabilité des génériques par les usagers ont été identifiés comme quelques‐uns des freins au développement du marché des génériques [5,6].

Parmi les dépenses pharmaceutiques, près de 80% ont trait aux ventes de médicaments en milieu ambulatoire, et 80% de ces dernières dépendent de prescriptions médicales [2]. Les médecins sont supposés pouvoir jouer un plus grand rôle dans le développement du marché des génériques et la réduction des coûts pharmaceutiques. D’abord parce que l’information qu’ils délivrent aux patients est susceptible d’améliorer l’acceptabilité des génériques parmi ces derniers. Ensuite parce que leurs pratiques de prescriptions, en Dénomination Commune Internationale quand cela est permis, dans le répertoire des génériques quand cela est possible, conditionne la délivrance de médicaments multi‐ sources plutôt que de princeps. En réalité, peu de recherches ont exploré la perception des génériques par les prescripteurs, et la qualité méthodologique de ces recherches est le plus souvent critiquable [7,8]. En France à notre connaissance, seules deux études sont disponibles. Réalisées en 2002 et faisant appel aux méthodes quantitatives, elles portaient sur des populations de médecins généralistes ambulatoires exerçant dans le centre et le sud‐est de la France, avec des taux de réponse limités à 35% et 56% [9,10].

Parmi les départements français, Guadeloupe et Martinique présentent les plus faibles taux de pénétration des génériques sur le marché du médicament. Dix points en dessous de la moyenne nationale, ce taux de pénétration était même en Guadeloupe en recul de cinq points en 2015 comparativement à l’année précédente. En 2014, un quart des usagers de l’assurance maladie y étaient hostiles à la prise de médicaments multi‐sources, et cette hostilité semblait notamment liée aux discours et pratiques des médecins généralistes ambulatoires [11]. En fait, aucune étude n’a jamais porté sur la perception des médecins de premier recours à l’égard des médicaments génériques sur ces territoires.

MÉTHODES 

Nous avons mis en œuvre une étude observationnelle transversale, en Guadeloupe et Martinique d’octobre 2015 à février 2016, en faisant appel à une méthode mixte de type exploratoire [12], avec une première phase qualitative puis une seconde quantitative.

Populations 

La 1e phase, qualitative, a porté sur une population diversifiée en âge, sexe, et zone d’exercice (urbaine ou rurale), de 14 médecins généralistes ambulatoires (7 en Guadeloupe et 7 en Martinique). La 2e phase, quantitative, a porté sur un échantillon aléatoire de médecins généralistes ambulatoires exerçant en Guadeloupe et Martinique. La population source a été identifiée sur annuaire téléphonique (283 médecins en Guadeloupe, et 273 en Martinique en 2015). Ont été d’emblée exclus les praticiens ayant participé à la première phase. Un premier tirage au sort sans remise a permis de sélectionner un échantillon de 198 médecins en Guadeloupe et 191 en Martinique. L’objectif de l’échantillonnage était de parvenir à un effectif minimum de 300 praticiens, pour une précision des estimations d’au moins 3,5%. Les critères d’inclusion étaient : a) une activité de médecine générale en cabinet, b) et une pratique au moins partiellement allopathique. Compte tenu du nombre de médecins injoignables ou ne répondant pas aux critères d’inclusion parmi ceux initialement sélectionnés, un deuxième tirage au sort a été effectué sur les restants pour parvenir à l’objectif de recrutement .

Recueil des données et définitions 

Pour la 1e phase, nous avons mené le recueil des données grâce à des entretiens semi directifs, en face‐à‐face, articulés autour de quatre questions principales abordant les croyances, bénéfices/risques perçus, attitudes de prescription et propositions en vue d’améliorer l’acceptabilité des génériques . Nous avons enregistré et transcrit les entretiens. Les verbatim ont été soumis à la relecture des médecins s’étant prêtés à la recherche.

Trame d’entretien utilisée en phase qualitative

1) Comment définiriez‐vous les médicaments génériques ?
→ Vous‐même, que pensez‐vous des médicaments génériques ?
→ Selon vous, quels sont les aspects positifs des médicaments génériques ?
→ Et selon vous, quels en sont les aspects négatifs ?

2) Quelles sont vos pratiques de prescriptions des médicaments génériques ?
→ Habituellement, prescrivez‐vous des génériques ?
→ Qu’est ce qui influence chez vous leur prescription ou non prescription ?
→ Pour quelles raisons ou dans quelles circonstances êtes‐vous amené à privilégier la prescription de médicaments génériques ?
→ Pour quelles raisons ou dans quelles circonstances êtes‐vous amené à éviter la prescription de médicaments génériques ?

3) Le taux de pénétration des génériques est de 72% en Martinique et Guadeloupe, contre 82% en France métropolitaine. Comment expliquez‐vous cette différence ?
→ Selon vous, quels sont les obstacles à l’acceptation des génériques chez les patients ?
→ Selon vous quels sont les obstacles à la prescription des médicaments génériques par les médecins ?

4) Selon vous comment pourrait‐on améliorer l’acceptation des génériques par les patients ? Et par les médecins ?

Pour la 2e phase, nous avons réalisé le recueil des données grâce à un questionnaire téléphonique essentiellement constitué de questions ouvertes, respectant le plan d’entretien utilisé au cours de la première phase . Le nombre de questions a été minimisé pour garantir le meilleur taux de réponse possible. Les variables explorées étaient : a) le sexe, b) l’âge, c) la définition donnée aux médicaments génériques, d) les aspects positifs et négatifs de ceux‐ci, e) les pratiques de prescriptions à l’égard des génériques, f) et les préconisations pour améliorer le taux de pénétration des génériques.

Nous avons immédiatement saisi les données collectées à la phase quantitative sur formulaire informatique à l’aide de la web‐application Wepi.org, maintenue par la société Epiconcept. La phase qualitative ayant permis l’inventaire des réponses possibles, nous avons codé ces réponses en temps réel. Les réponses non inventoriées ont été codées a posteriori, après discussion avec le coordinateur de la recherche.

Questionnaire utilisé en phase quantitative 

1) Sexe (Donnée déduite de l’identité du répondeur)
2) Dans quelle tranche d’âge vous situez‐vous ? (Question fermée)
a. Moins de 35 ans
b. 35‐44
c. 45‐54
d. 55‐64
e. 65 ans ou plus
3) Sans juger de leurs avantages ou inconvénients, comment définiriez‐vous les médicaments génériques ? (Question ouverte)
4) Selon vous, quels sont les avantages des médicaments génériques ? (Question ouverte)
5) À votre avis, quels sont les inconvénients des médicaments génériques ? (Question ouverte)
6) Dans votre pratique quotidienne, quels sont vos choix de prescription à l’égard des génériques ou des princeps ? (Question fermée)
a. Je prescris exclusivement des médicaments princeps
b. Je prescris exclusivement des médicaments princeps, avec mention « non substituable »
c. Je prescris exclusivement des médicaments génériques ou en DCI
d. Cela dépend de la situation
7) Vous avez répondu « Cela dépend de la situation », pouvez‐vous préciser ? (Question ouverte)
8) Selon vous, quelles mesures pourraient faciliter la prescription et améliorer l’acceptabilité des médicaments génériques ? (Question ouverte) .

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Table des matières

INTRODUCTION
MÉTHODES
Populations
Recueil des données et définitions
Aspects éthiques et réglementaires
Plan d’analyse
RÉSULTATS
Caractéristiques des populations étudiées
Définition des médicaments génériques
Bénéfices perçus
Risques perçus
Pratiques de prescription
Propositions pour améliorer l’acceptabilité des médicaments génériques
DISCUSSION
CONCLUSION
CONTRIBUTIONS DES AUTEURS
RÉFÉRENCES
SERMENT D’HIPPOCRATE

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