Particularités du métabolisme calcique chez la truie
Influence de l’alimentation en calcium de la truie sur les performances.
La teneur en calcium et en phosphore de la ration de la truie gestante n’a pas de conséquences sur la taille et le poids de porté, ni sur la proportion de morts nés ou de foetus momifiés (Harmon et al., 1971 ; Kornegay et Kite, 1982 ; Kornegay et al., 1985 ; Mahan et Fetter, 1982 ; Mahan et Vallet, 1997 ; Miller et al, 1994 ; Wuryastuti et al., 1991). Le poids des truies à la saillie, à dix jours de gestation, à la mise bas et lors du sevrage ne sont pas affectés non plus par la quantité de calcium ingéré pendant la gestation (Harmon et al., 1971 ; Mahan et Fetter, 1982).
En revanche, la taille et le poids de portée ont des conséquences sur les besoins phosphocalciques des truies. La teneur en matière sèche de leurs os est plus faible si elles allaitent une plus grande portée, ce qui signifie qu’elles se déminéraliseraient pour couvrir les besoins en calcium des porcelets (Maxson et Mahan, 1986). Il peut donc être judicieux d’ajuster les apports à la productivité des truies (Mahan et Newton, 1995). Selon certains auteurs, la fertilité* des truies n’est pas affectée par l’apport en Ca et en P durant la gestation et la lactation, les truies les plus carencée de cette études recevant 11,7 g de Ca/jour et 9 g de P/jour (Mahan et Fetter, 1982). Pour d’autres, la fertilité, la fécondité* et le nombre de truies gravides par rapport au nombre de truies saillies sont affectés par un faible niveau d’apport phosphocalcique soit 10,3 g de Ca/jour et 11 g de P/jour (Kornegay et al., 1973). Les niveaux d’alimentation minérale sont comparables entre les deux essais, en revanche, les rapports phosphocalciques sont différents puisque Mahan et Fetter (1982) visent un rapport Ca : P de 1,3 : 1 contre 0,9 : 1 pour Kornegay et al. (1973).
Le rapport phosphocalcique influence donc plus la fertilité qu’un déficit d’apports en Ca et P. En ce qui concerne l’influence du rationnement en Ca et P sur la production laitière chez la truie, les avis sont partagés. Miller et al. (1994) observent que la teneur en calcium du lait à 7 jours de lactation est significativement corrélée aux apports en Ca de la truie durant les deux derniers tiers de la gestation et la lactation. Cette relation disparaît au milieu de la lactation. Evert et al. (1998) constatent que le rationnement en Ca et P de la truie allaitante a une influence sur la quantité de Ca excrété dans le lait mais pas sur la rétention de Ca par les porcelets.
Au contraire, d’autres auteurs considèrent qu’il n’y a pas d’influence du rationnement en Ca et P de la truie sur la composition du lait (Harmon et al., 1971 ; Mahan et Fetter, 1982). Wuryastuti et al. (1991), constatent que la calcémie des porcelets est affectée par le rationnement en Ca et P de la mère au cours de la gestation et de la lactation. Dans cet essai, les truies étaient rationnées en gestation et nourries ad libitum en lactation. Pour calculer les apports en Ca maximums en lactation on va faire l’hypothèse qu’une truie peut ingérer jusqu’à 6 kg de MB/ jour. Les niveaux de rationnement étaient de 10-12,5 ; 16-20 et 22-27,5 g de Ca/jour en gestation et jusqu’à 30 ; 48 et 66 g/jour maximum en lactation.
Les calcémies des porcelets sont similaires à la naissance quel que soit le régime de la mère (respectivement 94,42 ; 96,32 et 97,05 μg/mL). Mais ensuite, les porcelets dont la mère reçoit un des deux régimes pauvres en calcium ont du mal à maintenir leur calcémie au cours de leurs dix premiers jours de vie (80,12 ; 87,27 et 102,80 μg/mL à 10 jours). Les recommandations donnent un ordre de grandeur. Il n’est pas exclu de supplémenter légèrement en calcium les truies anorexiques, les cochettes et les truies particulièrement prolifiques. En revanche, il serait inutile voire néfaste pour les performances de l’élevage de dépasser systématiquement ces recommandations.
Intérêt des sources minérales.
Les sels minéraux sont des éléments minéraux ou des sels organiques. Dans les sources minérales de calcium, on a un déséquilibre du rapport phosphocalcique en faveur du calcium. Ce déséquilibre permet de rééquilibrer les régimes des porcs, à base de céréales grains et de graines, naturellement carencés en calcium. Dans les compléments minéraux pour porcs il est conseillé de prévoir plus de 20% de calcium et moins de 10% de phosphore (Guéguen, 1970). La biodisponibilité du calcium dans différentes sources selon divers critères est détaillée en annexe 4.
Les coquillages, bien que d’origine animale, ont été placés parmi les sources minérales, car ils sont utilisés de la même manière en alimentation. L’influence de la taille des particules de la source minérale utilisée sur la biodisponibilité du calcium est inconnue. Sur une étude menée sur l’utilisation de craie de granulation différente dans l’alimentation, les porcelets ont assimilé le calcium de la même manière (Soares, 1999). Dans les AR en annexe 3, l’eau n’est pas évoquée. Pourtant les eaux minérales calciques (bicarbonatées ou sulfatées) constituent des sources intéressantes de calcium (150 à 600 mg/L) dont l’absorption intestinale est bonne et comparable à celle du calcium du lait (Guéguen, 1998).
De plus, les truies consomment beaucoup d’eau, au minimum 10 litres par jour en gestation et 20 litres par jour en lactation (INRA, 1989). Selon les critères de l’INRA (1989), une eau très minérale pourrait donc fournir environ le quart des AR en calcium en gestation (600 mg * 10 L = 6 g de Ca/jour) et le tiers des AR en lactation (600 mg * 20 L = 12 g de Ca/jour). On l’a vu plus haut, il est parfois conseillé de donner aux truies allaitantes au moins 40 litres d’eau par jour (Réseau Cristal, 1997).
Les grains et leurs sous produits.
Les céréales constituent la majeure partie de la ration des truies. En effet, les grains constituent 500 g/kg à 700 g/kg des aliments composés complets utilisés en élevage (ITP, 2000). Comme pour les volailles, les céréales les plus énergétiques plutôt sont recherchées. Les grains les plus utilisés sont le maïs et le blé. Ces deux céréales présentent l’avantage d’être régulières, leur valeur énergétique (par rapport à la matière sèche) varie peu d’une année à l’autre (Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon, 2002). Dans une moindre mesure, l’orge est souvent incorporé dans les rations de truies, à raison de 15 à 30% en gestation et 40 à 60% en lactation, car il contribue à l’apport de fibres (ITP, 2000). Les céréales en général sont pauvres en calcium et ce calcium est réputé peu digestible : le CUDa du calcium dans un aliment à base de céréales grain est seulement de 42% chez le porc de 25 kg (Soares, 1999).
Dans les gains, le rapport Ca : PT est très déséquilibré, il est compris entre 0,07 : 1 et 0,29 : 1. Par ailleurs une grande partie du phosphore (45 à 75%) des grains se trouve sous forme d’acide phytique. Le blé possède l’avantage d’avoir un phosphore dont l’assimilation est bonne (> 50%) du fait de l’existence de phytases endogènes. L’utilisation digestive du Ca contenu dans les céréales est améliorée lorsque les céréales sont broyées. Cependant, une mouture trop fine, surtout avec le maïs, favorise l’apparition d’ulcères gastrooesophagiens responsables de pertes importantes dans l’élevage.
Les céréales, mélangées avec les autres ingrédients de la ration, peuvent être distribuées sous forme de farine sèche, de soupe (2 à 4 L d’eau/kg de farine) ou de granulés. L’influence du traitement physique sur le CUDa du calcium a déjà été traitée (page 16). On retrouve le déséquilibre phosphocalcique des grains dans les sous produits des céréales (annexe 5). Le son a presque me même rapport phosphocacique que le blé, respectivement 0,14 : 1 et 0 13 : 1. Cependant le rapport phosphocalcique peut changer, par exemple, le rapport Ca : P des drêches de brasserie (0,55 : 1) est moins déséquilibré que celui de l’orge (0,17 : 1).
Autres sources végétales utilisées dans l’alimentation de la truie.
Parmi les protéagineuses, le soja et le tourteau de soja présentent un rapport phosphocalcique favorable (annexe 5). Le tourteaux de soja est incorporé dans l’alimentation des porcs de façon généralisée à hauteur de 430 à 480 g/kg d’aliment (ITP, 2000). Le CUDa du calcium dans le tourteau de soja est de 45 à 55% chez le porcelet de 27 à 30 jours (Matsui et al., 1997). Cependant, la présence de phytases dans la farine de soja a tendance à réduire l’absorption du calcium (Pointillard et al., 1999). Les fourrages et les tubercules constituent une bonne source de calcium, surtout les légumineuses, les crucifères et les pulpes de betterave. L’apport de matières premières riches en fibres est préconisé chez les femelles gestantes afin de limiter les problèmes de 54 constipation.
Cependant, l’incorporation de ce type d’aliment dans l’alimentation du porc appartiennent plutôt au passé sauf dans le cas de productions alternatives comme l’élevage bio, plein air ou fermier (ITP, 2000). Les fourrages sont relativement pauvres en phosphore. Dans la farine de luzerne, le calcium est complexé par des oxalates à 20 à 33 % (Soares, 1999). Sa digestibilité est estimée à 22% chez le porc charcutier. La biodisponibilité des minéraux de la farine de luzerne est donc moins intéressante que celle d’une source minérale comme le carbonate de calcium. Walker et al. (1993) comparent deux rations pour truie gestante dont les apports en Ca et en P sont assurés par de la farine de luzerne ou du carbonate de calcium. La teneur en matière sèche des os est moindre dans le premier cas. Certaines crucifères peuvent concurrencer le lait en terme de coefficient d’utilisation digestive du calcium. Chez l’homme, le calcium du chou est parfois aussi bien absorbé que le calcium du lait et des produits laitiers (Guéguen, 1997).
Les besoins varient selon le stade physiologique des animaux, l’aliment et la quantité distribuée varient donc au cours du cycle biologique de la truie. Les rations de truies sont élaborées à base de céréales grains et de graines donc l’instar de ces matières premières, la ration de base est carencée en calcium et nécessite l’adjonction de compléments alimentaires riches en minéraux. L’évaluation de la biodisponibilité des minéraux dans ces compléments est difficile et fait appel à des techniques différentes utilisées dans des conditions variables (types d’animaux, rationnement antérieurs), c’est pourquoi il faut rester très circonspect dans la comparaison des résultats. Les erreurs alimentaires s’accompagnent souvent de complications. Dans le chapitre suivant, nous allons voir les pathologies de la truie liées au métabolisme calcique. Il sera l’occasion de discuter de l’intervention de l’alimentation en Ca et en P dans certaines maladies où ce rationnement est incriminé de façon abusive.
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Table des matières
Introduction
I. Particularités du métabolisme calcique chez la truie
A. Métabolisme général du calcium dans l’espèce porcine.
1. Absorption intestinale.
a) Mécanismes et sites d’absorption.
b) Facteurs alimentaires influençant l’absorption du calcium
c) Facteurs zootechniques jouant sur l’absorption du calcium.
d) Influence du facteur animal sur l’absorption du calcium
2. Distribution.
a) Formes circulantes.
b) Facteurs biochimiques à considérer pour l’interprétation de la calcémie. c) Variations physiologiques de la calcémie chez la truie
3. Utilisation.
a) Le calcium dans la cellule
b) Le calcium osseux
c) Le calcium durant la gestation.
d) Le calcium durant la lactation.
4. Pertes
a) Excrétion urinaire.
b) Elimination fécale.
B. Régulation de la calcémie.
1. Régulation hormonale
a) La parathormone.
b) La vitamine D et ses dérivés.
c) La calcitonine.
d) Autres.
2. Régulation non hormonale.
a) Le phosphore b) Le magnésium
c) L’acidose et l’alcalose
d) Le bilan électrolytique.
e) Les vitamines.
II. Apports recommandés et mise en oeuvre.
A. Du besoin aux recommandations.
1. Evaluation des besoins en calcium chez la truie.
a) Besoins d’entretien.
b) Besoins de croissance.
c) Besoins de gestation.
d) Besoins de lactation.
2. Coefficient d’utilisation digestive.
a) CUDr des animaux en croissance.
b) CUDr de la truie reproductrice
3. Rapport phosphocalcique.
a) Rapport phosphocalcique préconisé.
b) Carence relative en phosphore ou effet d’une augmentation du rapport Ca : P.
c) Carence relative en calcium ou effet d’une diminution du rapport phosphocalcique.
B. Les recommandations.
1. Modalités de rationnement.
a) Classifications des animaux en catégories.
b) Consommation des animaux.
2. Apports recommandés chez les cochettes en croissance et finition.
a) Généralités.
b) Comparaison des recommandations usuelles (INRA, 1989 ; ITP, 1998 ; NRC, 1998 3. Apports recommandés chez la truie reproductrice.
a) Généralités.
b) Comparaison des recommandations usuelles (INRA, 1989 ; ITP, 1998 ; NRC, 1998
c) Influence de l’alimentation en calcium de la truie sur les performances.
C. Les Sources de calcium.
1. Appréciation de la biodisponibilité.
a) Réponse zootechnique
b) Disponibilité digestive.
c) Accrétion osseuse.
2. Les aliments d’origine animale et leur disponibilité chez la truie.
a) Lait et produits dérivés.
b) Farines animales.
2. Sources minérales.
a) Intérêt des sources minérales.
b) Eléments minéraux.
c) Eléments organiques.
3. Sources végétales.
a) Les grains et leurs sous produits.
b) Autres sources végétales utilisées dans l’alimentation de la truie
III. Troubles observés en relation avec le calcium chez la truie.
A. Anomalies du squelette.
4. Rachitisme.
a) Etiologie.
b) Symptômes et lésions.
c) Traitement et prévention.
5. Ostéomalacie
a) Etiologie.
b) Les symptômes et les lésions.
c) Traitement et prévention.
6. Ostéofibrose ou ostéodysplasie fibreuse.
a) Etiologie.
b) Symptômes et lésions.
c) Traitement et prévention.
7. Ostéoporose
a) Etiologie.
b) Symptômes et lésions
c) Traitement et prévention.
8. Ostéochondrose
a) Etiologie.
b) Symptômes et lésions.
c) Traitement et prévention.
D. Hypocalcémie en péripartum.
1. Symptômes.
a) Forme aiguë.
b) Forme subclinique
c) Biochimie.
2. Traitement et prévention.
a) Traitement
b) Prévention.
E. Autres troubles.
1. Hypervitaminose D.
a) Circonstances des hypervitaminoses et sensibilité des porcs à la vitamineD
b) Symptômes et lésions.
c) Traitement
2. Intoxications par des plantes à oxalates.
a) Plantes en cause.
b) Symptômes et lésions.
c) Physiopathologie
d) Traitement et prévention.
2. Carences secondaires.
a) En métaux divalents.
b) En phosphates.
c) En vitamine K.
Conclusion
Bibliographie.
Annexes.
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