Particularités de la physiopathologie de l’athérosclérose chez la femme
L’athérosclérose se manifeste différemment chez les femmes par rapport aux hommes en termes de taille, de composition et de risque de rupture de la plaque d’athérosclérose. (43) En général, les femmes présentent des artères carotides plus petites, avec moins de plaques mais plus de sténoses apparentes qui peuvent être liées à des différences de remodelage. (44) En outre, les femmes présentent plus souvent une maladie coronaire non obstructive, qui est associée à des anomalies de la microvascularisation coronaire. (45) Le débit sanguin coronaire paraît plus élevé dans les artères coronaires des femmes, avec un stress de cisaillement endothélial plus important, ce qui a des effets sur la fonction endothéliale et le développement de l’athérosclérose.
Avant la ménopause, les œstrogènes ayant des effets sur les médiateurs endothéliaux, (47) ils exercent un effet protecteur sur le développement de la plaque, passant par une diminution de l’oxydation et de la fixation des LDL ainsi qu’une augmentation de la prolifération des cellules endothéliales. (47) De faibles taux de LDL et des taux élevés de lipoprotéines de haute densité (HDL) chez les femmes jusqu’à la ménopause peuvent également expliquer certaines des différences observées. (24) Les femmes, en particulier les femmes préménopausées, pourraient avoir plus d’érosion de la plaque comparativement à la rupture de plaque observée chez les hommes.
Particularités de l’expression clinique de l’athérosclérose chez la femme
L’athérosclérose peut être à l’origine d’une MC pouvant se présenter chez les femmes sous la forme d’une cardiopathie ischémique stable, d’un SCA (angor instable (AI), IDM sans élévation du segment ST (NSTEMI) et IDM avec élévation du segment ST (STEMI)) ou d’une mort subite (19) (Figure 3). Toutefois, les femmes diffèrent des hommes dans les symptômes, les procédures de diagnostic et le pronostic de la MC. (8) En cardiologie clinique, le modèle obstructif masculin de la MC domine dans l’évaluation des risques, l’évaluation des symptômes, les tests diagnostiques et la thérapie. (48) Les femmes ont tendance à avoir une prévalence plus élevée de coronaropathie non obstructive, avec une plus grande variabilité des symptômes, une cardiopathie ischémique et des résultats indésirables probablement liés à une réponse vasomotrice coronarienne anormale, un dysfonctionnement microvasculaire et une érosion / embolisation coronarienne distale.
Les femmes semblent plus susceptibles de signaler une douleur thoracique atypique ou non caractéristique (jusqu’à 30% (50)) accompagnée d’une augmentation de la transpiration, d’une dyspnée, de nausées et de vomissements, ce qui peut ne pas conduire à envisager une MC. (51) En outre, il a été montré que les femmes de plus de 75 ans prédominaient parmi les patientes asymptomatiques, ce qui peut être associé à leur faible activité physique (AP) ou à la présence de diabète. Mais avec l’âge, les douleurs thoraciques semblent plus typiques et comparables aux symptômes rapportés par les hommes. (52) La prévalence de l’angine a augmenté de 5-7% chez les femmes âgées de 45 à 64 ans à 10-12% chez celles âgées de 65 à 84 ans et de 4-7% chez les hommes âgés de 45 à 64 ans à 12-14% chez ceux âgés de 65 à 84 ans. (53) Les femmes souffrant d’angor stable ont souvent des artères coronaires normales à la coronarographie, mais des tests supplémentaires peuvent indiquer qu’elles souffrent d’une coronaropathie microvasculaire. (47) Dans le SCA, l’âge moyen du premier IDM est de 65.6 ans chez les hommes et de 72 ans chez les femmes, (2) le risque étant plus élevé chez les hommes. (54) L’incidence de l’IDM augmente progressivement chez les femmes après 45 ans, (30) et semblent présenter plus souvent un AI/NSTEMI que les hommes (82% des femmes contre 77% des hommes, p <0.0001). Bien qu’elles paraissent présenter moins de caractéristiques angiographiques à haut risque par rapport aux hommes avec des niveaux inférieurs de biomarqueurs cardiaques et des résultats d’électrocardiogramme (ECG) moins classiques (55)), elles continuent d’avoir des taux plus élevés de complications hospitalières, notamment des saignements et des complications vasculaires. (47,56) Néanmoins, le pronostic paraît meilleur chez les femmes présentant un NSTEMI par rapport à celles atteintes de STEMI, en ce qui concerne la mortalité post-hospitalière. (57) Dans une étude récente, les femmes souffrant de STEMI avaient un risque significativement plus élevé de mortalité à 1 an que chez les hommes (odds ratio (OR) ajusté : 1.31 (1.09-1.57), p<0,003), alors qu’aucune différence significative n’a été observée dans le cas d’AI/NSTEMI. (56) L’âge plus avancé, le profil de risque CV accru, les différences dans le délai de reperfusion et de traitement, les complications hémorragiques et les différences dans la physiopathologie des STEMI chez les femmes pourraient expliquer leur taux de mortalité plus élevés que chez les hommes.
Une meilleure compréhension des symptômes féminins typiques et atypiques de l’angine de poitrine conduira à une reconnaissance plus précoce, un traitement optimal et de meilleurs résultats dans la prise en charge médicale de la cardiopathie ischémique chez les femmes. (48) Les femmes semblent plus susceptibles de subir des délais préhospitaliers plus longs que les hommes. (59) Des études antérieures ont montré que le retard à la prise en charge des femmes présentant un SCA a différentes origines en lien avec les patientes et les prestataires de soins de santé. (59,60) Réduire le délai entre l’apparition des symptômes ischémiques et la présentation à l’hôpital est de la plus haute importance, en particulier pour les femmes, qui semblent plus vulnérables à une ischémie prolongée non traitée.
Diagnostic différentiel des maladies coronaires par athérosclérose
La cardiomyopathie de Takotsubo est caractérisée par un dysfonctionnement ventriculaire gauche transitoire résultant d’un stress émotionnel sévère et se résout généralement avec un pronostic favorable. Le syndrome de Takotsubo ne représente qu’environ 1 à 3% de tous et 5 à 6% des patientes atteintes de STEMI, parmi lesquels les femmes ménopausées sont le plus souvent touchées. En effet, les femmes de plus de 55 ans ont un risque cinq fois plus élevé de développer le syndrome de Takotsubo par rapport à celles de moins de 55 ans. (62) La dissection spontanée des artères coronaires (DSAC) se caractérise par une séparation spontanée des couches artérielles coronaires conduisant finalement à un hématome intra-mural et à une obstruction des artères coronaires. (63) Des séries épidémiologiques récentes suggèrent que la DSAC survient dans 1 à 4% des cas de SCA dans l’ensemble et peut être la cause de SCA dans environ 35% des IDM chez les femmes de ≤50 ans et dans 43% des IDM liés à la grossesse. (63) Bien que les taux de mortalité hospitalière par DSAC soient faibles, jusqu’à 14% des patients nécessitent une revascularisation urgente à l’hôpital, généralement en raison de l’étendue de la dissection. Les complications reconnues de la DSAC dépendent de la stratégie thérapeutique initiale. Des taux élevés de récurrence de DSAC ; son association avec le sexe féminin, la grossesse et les déclencheurs de stress physique et émotionnel ; et les artériopathies systémiques concomitantes, en particulier la dysplasie fibromusculaire, mettent en évidence les différences dans les caractéristiques cliniques de la DSAC par rapport à la maladie athéroscléreuse. (63) Les ischémies sans coronaropathie obstructive à la coronarographie, connues sous le nom d’INOCA, sont de plus en plus reconnues, (64) avec une prévalence relativement plus élevée chez les femmes (65% chez les femmes contre 32% chez les hommes) (65). Le taux d’événements CVs majeurs est 3 fois plus élevé chez les femmes atteintes de coronaropathie non obstructive que chez les hommes et 2.55 fois plus élevé que chez les femmes ayant des artères coronaires normales au cours de la première année. (66) Les données de suivi à plus long terme du projet Women’s Ischemia Syndrome Evaluation (WISE) ont confirmé le pronostic défavorable des femmes présentant un INOCA stable ; dont les taux de décès à 10 ans, toutes causes confondues et cardiaques, étaient respectivement de 17% et 11% chez les femmes présentant une coronaropathie non obstructive et de 10% et 6% chez les femmes présentant des artères coronaires normales.
Prise en charge thérapeutique de la MC chez la femme
Le but du traitement de la MC est de réduire les symptômes de l’angine de poitrine et d’améliorer le pronostic grâce à la pharmacothérapie ou à la revascularisation. L’efficacité des différents moyens de traitement est comparable chez les hommes et les femmes. (68) Selon les directives actuelles de l’ESC (European Society of cardiology) pour la prise en charge du SCA, les indications des procédures de diagnostic invasives/non invasives et les stratégies de traitement doivent être mises en œuvre de la même manière pour les hommes et les femmes, en tenant compte du poids et/ou des posologies à ajuster pour les anti-aggrégants plaquettaires et anticoagulants, de manière à réduire le risque de saignement qui est plus élevé chez les femmes. (69) Les mesures hygiéno-diététiques et le contrôle des FDRs sont essentiels dans la prise en charge de la MC chez les femmes. (22). Les femmes semblent présenter des résultats plus favorables lorsqu’elles sont traitées par angioplastie coronaire transcutanée (ACT) par rapport à un traitement thrombolytique. (59) Selon les directrives de l’ACC/AHA (American College of Cardiology / American Heart Association) pour le NSTEMI, une stratégie invasive précoce est une recommandation de classe I, chez les femmes présentant une élévation des biomarqueurs sanguins de nécrose cardiomyocytaire. (69,70) L’étude COURAGE (Clinical Outcomes Utilizing Revascularization and Aggressive drug Evaluation) a révélé que les femmes assignées à l’ACT présentaient un avantage plus important que les hommes, avec une diminution des hospitalisations pour insuffisance cardiaque et la nécessité d’une revascularisation future. (71) En raison d’un retard dans la présentation de leurs symptômes, les traitements médicamenteux sont fréquemment retardés et utilisés de manière moins intensive chez les femmes. (22) Les données de l’étude de surveillance du risque d’athérosclérose dans les communautés (ARIC) ont révélé que les femmes avaient une probabilité inférieure de 13% de recevoir des hypolipidémiants (risque relatif (RR) =0.87, Intervalle de confiance à 95% (IC 95%) : 0.80- 0.94), de 17% de recevoir des antiplaquettaires (RR=0.83, IC 95% : 0.75-0.91), de 7% de bénéficier une angiographie (RR=0.93, IC 95% : 0.86-0.99) et de 21% de bénéficier une revascularisation (RR=0.79, IC 95% : 0.71-0.87) que les hommes. (72) Par ailleurs, le traitement hormonal substitutif (THS) ne doit pas être instauré en tant que nouveau médicament pour la prévention secondaire des événements coronariens chez les femmes ménopausées après un SCA ou angor stable, et ne doit pas être poursuivi chez les utilisatrices précédentes à moins que les avantages ne l’emportent sur les risques estimés.
La prévention secondaire et la réadaptation cardiaque font partie intégrante de la prise en charge après revascularisation, car de telles mesures réduisent la morbidité et la mortalité futures de manière rentable et peuvent encore améliorer les symptômes. (74) Or, les femmes bénéficient moins de la réadaptation cardiaque et semblent moins susceptibles d’augmenter leurs capacités d’exercice physique après une revascularisation myocardique. (75,76) (76) En général, les femmes sont traitées de manière significativement moins invasive et sont davantage orientées vers un traitement pharmacologique, car l’angioplastie et le pontage sont plus fréquemment utilisés dans le traitement des hommes que des femmes.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1. Introduction et revue de la littérature
Introduction
I. Maladies coronariennes
I.1 Définition
I.2 Épidémiologie
I.3 Athérosclérose
I.3.1 Définition
I.3.2 Physiopathologie
I.3.3 Particularités de la physiopathologie de l’athérosclérose chez la femme
I.3.4 Particularités de l’expression clinique de l’athérosclérose chez la femme
I.4 Diagnostic différentiel des maladies coronaires par athérosclérose
I.5 Prise en charge thérapeutique de la MC chez la femme
II. Facteurs de risque des maladies coronaires
II.1 Facteurs de risque CV traditionnels
II.1.1 Facteurs de risque CV non modifiables
II.1.1.a Vieillissement
II.1.1.b Antécédants cardiovasculaires familiaux
II.1.2 Facteurs de risque modifiables
II.1.2.a Dyslipidémie
II.1.2.b Hypertension artérielle
II.1.2.c Diabète sucré
II.1.2.d Surcharge pondérale, obésité
II.1.2.e Tabagisme
II.1.2.f Inactivité physique, sédentarité
II.1.2.g Déséquilibre nutritionnel
II.1.2.h Syndrome métabolique
II.1.2.i Syndrome d’apnées obstructives du sommeil
II.2 Autres facteurs de risque CVs
II.2.1 Inflammation chronique
II.2.1.a Maladies auto-immunes systémiques
II.2.1.b Marqueurs biologiques de l’inflammation
II.2.2 Dépression et autres facteurs psychosociaux
II.2.3 Données économiques et sociales
II.2.3.a Statut socio-économique
II.2.3.b Qualité de vie
II.2.4 Pollution
II.2.5 Facteurs iatrogènes
II.2.5.a Radiothérapie
II.2.5.b Thérapeutiques médicamenteuses
II.3 Facteurs de risque CVs spécifiques aux femmes
II.3.1 Syndrome des ovaires polykystiques
II.3.2 Grossesse
II.3.2.a Pré-éclampsie
II.3.2.b Interruptions spontanées de grossesses récurrentes
II.3.2.c Diabète gestationnel
II.3.3 Ménopause, thérapie hormonale substitutive (THS)
Chapitre 2. Objectifs de l’étude
Chapitre 3. Méthodologie
I. Conception de l’étude, éthique de la recherche
II. Population de l’étude
III. Collecte des données
IV. Taille de l’échantillon
V. Variables étudiées
V.1 Données socio-démographiques
V.2 FDRs cardiométaboliques
V.3 Facteurs liés au mode de vie
V.4 Facteurs nutritionnels
V.5 Facteurs psychologiques, comportementaux
V.6 Qualité de vie
V.7 Facteurs environnementaux
V.8 Variables évaluées 3 mois après la sortie de l’hôpital
VI. Analyse Statistique
Chapitre 4. Résultats
I. Facteurs de risque de maladie coronarienne chez les femmes libanaises : une étude castémoins
I.1 Introduction
I.2 Objectif de l’étude
I.3 Résultats
I.3.1 Article
I.3.2 Abstract
I.3.3 Communication affichée
I.3.4 Conclusion
II. Activité physique et risque de maladie coronarienne chez les femmes libanaises
II.1 Introduction
II.2 Objectif de l’étude
II.3 Résultats
II.3.1 Article
II.3.2 Revue
II.3.3 Abstract
II.3.4 Communication affichée
II.3.5 Conclusion
Conclusion