Particularité des enjeux de l’euthanasie pour le vétérinaire

Particularité des enjeux de l’euthanasie pour le vétérinaire

L’hôpital vétérinaire d’Alfort

L’école nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA) s’est implantée dès 1766 dans le petit hameau d’Alfort, à deux lieues de Paris. Au cours de ses deux siècles et demi d’existence, elle s’est développée sur les 11 hectares qui formaient son site d’origine et est maintenant au coeur de la ville de Maisons-Alfort (Val-de-Marne). L’école est desservie par la ligne huit du métro de Paris, la rendant facilement accessible pour les habitants de la région parisienne. Des particuliers éloignés de Paris viennent aussi en consultation à l’école vétérinaire pour leur animal de compagnie. Un hôpital vétérinaire regroupe depuis deux ans l’ensemble des consultations : vaccinations, médecine générale, endocrinologie, cardiologie… L’école nationale vétérinaire d’Alfort fonctionne sur un mode similaire à une très grande clinique vétérinaire, avec environ trente cinq mille consultations par an pour les animaux de compagnie (chiens et chats). Après s’être présentés à l’accueil où ils sont orientés vers les services adéquats, les clients sont pris en charge par des étudiants. Les animaux souffrant de pathologies lourdes peuvent rester hospitalisés plusieurs semaines, et une décision d’euthanasie peut être prise suite à ces consultations. Certains clients viennent consulter directement pour une euthanasie de leur animal domestique. Il existe une salle initialement conçue pour les euthanasies, dont l’agencement et le mobilier diffèrent de ceux des autres salles de consultations. Cette salle est malheureusement mitoyenne de la chambre froide de l’hôpital. Des odeurs nauséabondes peuvent se diffuser dans la salle ; pour cette raison, les euthanasies se déroulent dans des salles dont les portes sont équipées de verrous, afin de préserver un environnement calme pendant le déroulement des consultations.

Les acteurs de la consultation d’euthanasie

Les étudiants vétérinaires commencent les consultations à partir de la quatrième année d’enseignement, ils sont pour la plupart âgés d’environ 23 ans. Dans l’hôpital, ils vont chercher les clients pour les faire entrer en salle puis commencent la consultation, seuls ou accompagnés d’un élève de 5ème année, avec le propriétaire de l’animal. Ils présentent ensuite leur cas clinique à un « aîné » qui peut être soit un interne, un assistant de clinique ou un enseignant. Les internes ont terminé leur cursus scolaire de cinq ans et sont en spécialisation pour une année supplémentaire. Ils peuvent ensuite choisir de continuer un an de plus et obtiennent alors le statut d’assistant. Les internes et les assistants constituent un soutien important pour les étudiants car ils possèdent quelques années d’expérience en consultation à l’école vétérinaire. Ils sont en général des interlocuteurs privilégiés pour les étudiants car ils les accompagnent dans la gestion de leurs consultations.

Certaines consultations sont parfois menées seulement par les étudiants et leurs internes ou assistants, lorsque les enseignants ne sont pas disponibles en raison d’un trop grand nombre de consultations. Les profils des clients de l’école nationale vétérinaire sont très variés, certains choisissent de venir consulter à l’école pour le prix modéré des consultations alors que d’autres recherchent les techniques médicales de pointe pour leur animal. Ces deux profils sont très différents et ont des conséquences sur le déroulement de l’euthanasie. Les propriétaires qui recherchent avant tout une médecine vétérinaire abordable n’ont généralement pas les moyens financiers d’offrir des soins lourds à leur animal. La question de l’euthanasie sera donc abordée plus précocement avec ces clients ; les propriétaires qui choisissent de consulter à l’école vétérinaire d’Alfort pour offrir toutes les chances de guérison à leur animal ne l’envisageront que dans un dernier recours.

Types d’animaux

Dans notre étude sur les enjeux psychologiques de l’euthanasie, nous ne nous intéresserons, parmi les animaux domestiques, qu’aux chiens et aux chats. La domestication du chien remonte à environ quinze mille ans. Les loups ont suivi progressivement les chasseurs du paléolithique et se sont fixés près des campements pour profiter de la possibilité de manger les restes alimentaires. Au cours de l’évolution, quelques louveteaux ont été ramenés au campement et familiarisés progressivement au contact de l’homme (Gautier, 1990). L’homme ne se rendit compte qu’ensuite de ces habituations, de l’utilité de posséder un tel animal : son odorat et son endurance en firent alors un allié précieux pour la chasse. Il servit aussi à monter la garde des campements. La proximité croissante entre l’homme et l’animal concourut au développement de sentiments de sympathie envers cet animal qui devenait parfois un compagnon de jeu. Très attentif à ce que fait et dit son maître, en quête permanente d’interactions, le chien se montre capable de décoder un large éventail des comportements de son maître, de ses odeurs, de ses vocalisations et onomatopées, et aussi de ses productions langagières (Filiatre et al., 1988).

Il peut ajuster ses réponses à ses attentes, ses intentions et ses projets, tout en donnant l’impression (ou en renforçant sa certitude) qu’il adhère à ses émotions et ses affects, indépendamment d’un conditionnement explicite, d’un dressage formel ou d’une autre forme d’instrumentalisation. Les chiens sont des coacteurs exceptionnels dans de multiples activités ou tâches humaines : chasse, transport des personnes et des marchandises (chiens de traîneau), « encadrement» des troupeaux d’animaux de ferme, garde et protection des habitats, recherche et découverte des ressources cachées, assistance aux personnes handicapées, opérations de sauvetage… Dans toutes ces interactions, les chiens peuvent et savent moduler leur comportement en tenant compte du contexte, de la situation et du milieu, et en se fondant sur leurs expériences individuelles. Plus généralement, ils sont flexibles par rapport aux événements et à l’environnement. Certains sont capables d’anticiper le comportement du maître. C’est probablement aux chiens que l’homme, quelles que soient sa culture et son appartenance ethnique, attribue les capacités d’attachement et de fidélité les plus développées, tout en leur reconnaissant des « qualités » affectives et cognitives hors pair (Vernay, 2003).

Table des matières

INTRODUCTION
L’euthanasie factuelle
A. Cadre de l’étude : euthanasie en milieu universitaire
A. 1. L’hôpital vétérinaire d’Alfort
A. 2. Les acteurs de la consultation l’euthanasie
A. 3. Types d’animaux
A. 4. Place de l’animal par rapport à l’homme
B. Vers la mort de l’animal
B. 1. Législation de l’euthanasie
B. 2. Etapes préliminaires
B. 3. Déroulement technique de l’euthanasie
Enjeux humains et notions psychologiques relatives à l’euthanasie
A. Les étapes du deuil
A. 1. Déni
A. 2. Colère
A. 3. Marchandage
A. 4. Phase de dépression
A. 5. Acceptation
A. 5.a. Reconstruction de la personne
A. 5.b. Les complications du deuil
B. Particularité des enjeux de l’euthanasie pour le propriétaire
B. 1. Rupture du lien affectif
B. 2. Gestion du corps inanimé
B. 3. Cas particulier de l’enfant
C. Particularité des enjeux de l’euthanasie pour le vétérinaire
III. L’étudiant et les premières consultations d’euthanasie
III. A. L’étudiant : un vétérinaire en devenir
III. B. Enjeux et enseignements
III. B. 1. Anticiper les situations difficiles
III. B. 2. Accepter d’être un étudiant
II.I B. 3. Vivre un échange avec le propriétaire
III. C. Limites de l’étude
CONCLUSION
ANNEXE
BIBLIOGRAPHIE
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