Paroles tombées du lit

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Les chambres des autres

Afin de mieux comprendre comment fonctionne cet espace, je suis parti relever les chambres des autres. Comment occupe-t-on cet espace ? Qu’estce qu’on y fait ? Une grande partie de notre existence est consacrée à être couché, dans un lit. Alors, quel est le rapport entre le lit et la chambre ?
« L’homme passe environ le tiers de son existence au lit, soit quelque 20 000 heures pour un homme parvenu à l’âge de de soixante-dix-ans. Ce simple objet est le témoin de tous les événements importants de la vie humaine. » Le Lit, page 5.
Je suis donc, parti à la recherche de chambres que je trouvais belles… Sans vouloir me pencher uniquement sur la beauté des choses, il est devenu évident que ces belles chambres étaient celles qui permettaient la pratique de plusieurs activités. Elles étaient remplies, bordéliques et colorées. Elles étaient habitées. L’intérêt s’est alors dirigé vers l’étude de ceux qui n’ont pas de chambre isolée. Ceux qui vivent dans leur chambre en permanence lorsqu’ils sont chez eux. Le fait d’être en constante proximité avec le lit semblerait créer une dynamique différente dans le logement. Quels en sont les effets sur nous ? Le lien intime entre l’habitant et l’espace habité est-il différent lorsqu’un lit est toujours présent ? Pour tenter d’en rendre compte, il s’est avéré important que les chambres relevées ne soient pas habitées par plusieurs. À l’étude, ce sera donc des personnes qui vivent seules dans ces espaces, des jeunes. Nous pouvons donc inclure la typologie du studio au thème de recherche, même si, ce n’est pas le seul format qui nous intéresse. En effet, ce n’est pas uniquement une question de format, mais aussi comment on déploie l’espace du lit à travers son logement. Appartement, studio, loft ou même colocation… Ce qui nous intéresse, c’est l’utilisation de cet espace et comment le lit changerait potentiellement nos comportements. Ce sont plus que des studios, plus que des chambres à coucher – ce sont des chambres de vie.

Protocole

Comment s’introduire chez quelqu’un ? Comment entrer dans la chambre à coucher de quelqu’un tout en respectant son intimité ?
Je m’introduis pendant deux à trois heures dans la chambre d’un ami. Avant qu’il ne se passe quoi que ce soit, nous devons partager un repas ensemble, ensuite, je procède aux relevés et à l’entretien. Rien n’est demandé à l’hôte pour conserver l’authenticité de l’espace. Je réalise un croquis rapide des lieux pour noter les dimensions et rendre compte de la disposition des meubles. Tout est mesuré. Plusieurs photos sont prises, plusieurs ; de la pièce, des meubles, des objets, et du propriétaire de la chambre vaquant à ses occupations. Ensuite, tout en enregistrant la conversation, je demande au chambrelan de me parler de sa chambre.
L’entretien se fait dans sa chambre et nous devons être seuls. C’est un entretien non-directif, je laisse complètement la parole au propriétaire après avoir présenté mon étude. J’explique en quoi consiste ma recherche et pourquoi je m’intéresse à sa chambre, en essayant de garder une certaine neutralité. Dans une première partie, je laisse le sujet me parler de sa chambre. Ensuite, je me permets de relancer la discussion. La dernière partie de l’entretien est plus cadrée : je demande de me décrire une accumulation d’objets signifiants. En effet, j’ai remarqué qu’un certain type de collection prenait place à des endroits spécifiques de la chambre et qu’il était intéressant d’en avoir une description.
Le fait de relever uniquement les chambres de mes amis n’est pas un aspect à négliger. Puisqu’il s’agit de la chambre à coucher, on entre forcément dans l’intimité de la personne qui l’habite. Pour mener le relevé le plus objectif de cet espace, il est donc nécessaire que l’hôte soit à l’aise. Il ne s’agit moins d’une étude de l’espace, mais plutôt du rapport personnel à cet espace. J’ai donc fait le choix de relever uniquement les chambres habitées par mes amis. Ceci, je l’espère, n’est pas censé révéler quelconque tabou autour de cet espace, mais plutôt empêcher l’intrusion.

Paroles tombées du lit

Ce que je définis comme un logement complet, est une habitation où tout se trouve principalement dans une pièce. L’espace de repos est en lien direct avec les autres activités de l’habitation. Tous les éléments nécessaires à une vie domestique saine sont réunis. Cette définition peut se rattacher à plusieurs typologies qui permettent cette façon d’habiter. Trois d’entre elles ont été relevées durant les entretiens. Premièrement : le studio classique. Il peut être simplement très petit comme chez Catherine ; en forme de U comme chez Sarah ; entassé dans un immeuble de résidence comme chez Andrew ; sous les combles comme chez Noémie ; ou issu d’un grand appartement redistribué comme chez Antoine. Dans le studio tout est dans le même espace à l’exception des sanitaires. Deuxièmement : le petit appartement à une pièce, avec cuisine séparée. C’est le cas de Clément, Lila et Pauline. L’élément fondateur étant l’emplacement de la porte principale, qui peut s’ouvrir soit dans la cuisine soit dans la chambre. Troisièmement : l’exception, la grande chambre d’appartement, une telle dimension rend possible la réalisation de sous-espaces. Les cas particuliers de Blanche et Solène m’ont intéressé car elles utilisent leur chambre comme si c’était un studio.
Ce que l’on fait au lit, à part y dormir, c’est pour 63 %, dont 84 % des couples de vingt-cinq à quarante-quatre ans, avant tout l’amour. Lire occupe 53 % d’alités, écouter de la musique 31 %, regarder la télévision 26 %, et pour 24 % qui acceptent de braver les miettes : prendre le petit déjeuner. La « téléphonolit » ne retient que 11 % d’étendus, dont 24 % ont entre dixhuit et vingt-quatre ans et 14 % sont des femmes. Enfin, quand vous saurez que 86 % des Français dont 91 % de femmes n’aiment pas avoir les pieds qui dépassent du lit, peut-être rejoindrez-vous les 60 % d’entre nous qui chaque soir voient avec terreur le règne de la couette s’étendre et émettent le souhait que ce n’est qu’une mode, refusant l’idée que le fonctionnel l’emporte définitivement dans nos chambres, comme il l’a déjà emporté dans nos habitudes alimentaires, au risque, un jour, de poser la question : pourquoi perdre son temps à dormir alors que l’on pourrait produire ?

La place du lit

Le lit permanent

Le lit comme élément central : c’est souvent le cas en studio, il domine, on y fait tout, presque trop. Différentes activités s’y prêtent comme lieu d’accueil, et une sorte de danse du lit s’opère entre le jour et la nuit. Lorsqu’il y a des invités, la présence du lit mettrait le propriétaire en situation d’inconfort par rapport à ce qu’il pourrait s’y passer dessus, comme une occupation non souhaitée ou un tas de manteaux mouillés. Au contraire, dans le cas de Pauline, ce sont ses invités qui deviennent perplexes à comment évoluer dans l’espace. Le lit est tellement imposant, comme si Pauline dominait l’espace. On se retrouve donc toujours dans une ambiance de chambre. Il faut donc faire attention à ne pas passer trop de temps allongé.
« Il y a quelque chose à laquelle je pense, normalement quand t’as une chambre à coucher, ton lit, t’es allongé, tu te lèves, tu te couches… sauf que moi ça devient un meuble à part entière, un meuble où je vais poser des bouquins, mon ordi, des carnets, des fringues un peu en latence – et du coup ça devient une banquette quand tu invites des gens et qu’ils fi nis s e nt t ous pa r s e v a ut re r à la Rom a ine de s s us . Vu que ça fait longtemps que je vis comme ça, je pense que c ’e s t j us t e de v e nu norm a l. » – Pa uline
Le lit décalé : bien qu’il reste central, un lit placé autrement est moins imposant. Dans le cas de Blanche, son lit est sur le côté, avec un couvre-lit. Le fait qu’il ne soit pas central permet de réaliser plus d’activités hors du couchage. Chez Lila, bien que l’espace ne change pas, elle fait une distinction entre le salon et la chambre. Selon ce qui se passe dans la pièce, et combien de personnes sont amenées à y être, l’identité change. Durant le jour c’est un lieu de vie, et le soir quand elle se retrouve seule c’est sa chambre.
« C’e s t m on s a lon, m a is qua nd j e s uis s e ule c ’e s t v ra im e nt m a c ha m bre . » – L ila

Le lit modulable

Chez Antoine et Sarah, le canapé BZ permet de changer l’usage de l’espace. Le lit se transforme : la nuit on l’ouvre pour dormir ; le jour on le ferme discrètement, il devient un canapé et permet de gagner un peu de place. Le fait de replier le lit, enlève le caractère de chambre à l’espace, on passe de la chambre au salon, où on est plus productif, plus à l’aise pour recevoir. Comme si c’était important de cacher son espace privé.
« Je m’oblige à le replier le plus souvent possible, parce que dès que je ne le replie pas, je vais toujours à un moment de la journée finir par m’allonger dessus et m’endormir. C’est un peu une sécurité de pouvoir le faire disparaître de mon champ de vision. Je ne pourrais pas recevoir si le lit était déplié » – Antoine
« Premièrement, ça prend trop de place, ça empiète sur le tapis et quand tu vas dans la cuisine ça gêne, ça bouffe l’entrée de la cuisine. Aussi, c’est comme si je fermais la chambre. Si c’est ouvert, j’aurai tendance à m’allonger dessus à pas me réveiller. J’installe le canapé. Je passe de la chambre au salon. Et puis, je mets des coussins aussi, pour faire le canapé. » – Sarah

Le lit en hauteur

Pouvoir tout voir depuis son lit. Ce lit en mezzanine devient presqu’une chambre séparée, sauf qu’on est en contact avec tout le reste de l’espace. Ce système met à distance l’espace de repos des autres activités qui peuvent se dérouler dans la chambre. Pour Solène, c’était presque une nécessité avec le nombre de personnes qui passait chez elle. L’élévation du lit représente une solution pour ceux qui ont besoin de plus d’espace, ou d’éloigner ce rapport du lit de leurs activités quotidiennes.
« J’ai fini par acheter une mezzanine. Et là . . . tout a été différent. Comme j’ai mis le lit un peu plus en hauteur, j’ai eu plus de place pour faire les espaces. Donc je pouvais mettre une vraie table, un bureau, un c a na pé , l’a t e lie r – donc il y a v a it t ous le s e s pa c e s dont j ’a v a is be s oin. » – Solène

Chambres en représentation

Dans les médias, on a vu cet espace utilisé pour montrer le côté plus vulnérable de nos vedettes. Chansons d’amour, confessions … on met en scène les femmes de l’art populaire dans de somptueux décors de chambres à coucher. On a pu entendre chanter Dalida, Brigitte Bardot, France Gall, Diane Dufresne… Bien que ce genre de mise en scène soit démodé, il permettait une certaine intimité autrement impossible avec ces starlettes. Comme si cet endroit relevait du secret, qu’elles allaient nous dévoiler. En 2002, Catherine Ceylac invite Macha Béranger, qui est assise sur un lit, à discuter. Étonnamment, cette fois elles parlent de l’espace dans lequel elles se retrouvent :
– Est-ce qu’on est plus vulnérable, pensez-vous, au lit ?
– Forcément puisque, on s’allonge. On s’abandonne. Donc, là je vais peut-être m’abandonner dans des paroles que je n’ai jamais dites. Ah oui, on est plus vulnérables. Quelqu’un, qui est allongé malade ou même seul dans un lit, est beaucoup plus vulnérable qu’assis sur sa chaise. Moi, pour moi le lit, pendant des années, enfin quand j’étais très très très enfant, très jeune, c’était la petite mort. Après j’ai changé d’avis.
Dans Opening Night, Gena Rowlands joue une actrice en détresse. Son personnage doit affronter le fait de vieillir à travers un rôle qui ne l’inspire pas. Elle habite un grand appartement semblable à un studio. Dans une grande pièce s’y trouvent trois sous-espaces : le salon, le bar et la chambre qui se résume à un matelas au sol face à une télévision. Lorsqu’elle entre, elle doit traverser ce grand espace pour rejoindre l’arrière. Derrière une ouverture au fond il y a trois pièces séparées : la cuisine, la salle de bain, et le boudoir meublé d’un lit, qui semble servir plus souvent. C’est intrigant comment ces deux espaces se confrontent. Une moitié du logement est ouverte et exposée, le lit est rouge, presque dominant. L’autre moitié du logement est compartimentée et cachée. Comme si, les troubles de son personnage étaient reflétés par l’espace. D’un côté ses propres bouleversements, de l’autre ceux du rôle qu’elle doit jouer sur scène. La représentation totale contre l’intimité et le confinement.

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Table des matières

Origines
Ma chambre à coucher
Les chambres des autres
Protocole
Paroles tombées du lit
– La place du lit
– Chambres en représentation
– Espaces superposés
– Échelle
– Les objets
– L’idéal
Sortons du lit
Bibliographie

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