PARLER DE LA MORT EN MEDECINE GENERALE
Matรฉriels et Mรฉthodes
Il sโagissait dโune รฉtude qualitative exploratoire auprรจs de patients. La technique de lโentretien individuel semi-structurรฉ a รฉtรฉ choisie pour favoriser lโexpression subjective approfondie sans influence extรฉrieure dโun tiers.
Choix et recrutement des participants
Le choix a รฉtรฉ fait dโun รฉchantillonnage ciblรฉ de faรงon ร interviewer des personnes ayant abordรฉ la question de la mort avec leur mรฉdecin gรฉnรฉraliste mais nโรฉtant pas nรฉcessairement elles-mรชmes en situation de fin de vie. Le recrutement a dโabord รฉtรฉ effectuรฉ ร partir de mรฉdecins gรฉnรฉralistes du Maine-et-Loire : ils devaient sรฉlectionner dans leur patientรจle, des patients majeurs avec qui, ils se souvenaient avoir eu une discussion prรฉcise autour de la mort. Les caractรฉristiques de ces mรฉdecins ont รฉtรฉ variรฉes sur : lโรขge, le sexe, le mode et le lieu dโexercice et la rรฉalisation de formations ou la pratique dโun exercice spรฉcifique dans le domaine. Aprรจs sรฉlection des patients, une lettre de recrutement leur รฉtait remise, directement par le mรฉdecin si celui-ci le souhaitait ou envoyรฉe par courrier (cf. annexe).
En complรฉment dโun recrutement centrรฉ plus favorablement sur des mรฉdecins gรฉnรฉralistes sensibles ร cette thรฉmatique, un recrutement en chaรฎne (sรฉquentiel) ร partir des premiers patients interviewรฉs a parallรจlement รฉtรฉ menรฉ.
Lโรฉchantillonnage des patients a รฉtรฉ effectuรฉ en variation maximale sur les critรจres suivants : lโรขge, le genre, la catรฉgorie socioprofessionnelle et la croyance religieuse, cette derniรจre variable apparaissant a priori comme signifiante vis-ร -vis du rapport ร la mort.
Recueil des donnรฉes
Le guide dโentretien (cf. encadrรฉ) a รฉtรฉ รฉlaborรฉ en fonction des hypothรจses sous-jacentes (puisquโil nโexistait pas de rรฉfรฉrentiel sur le sujet). Il explorait les cinq thรจmes suivants : contexte de la discussion sur la mort, contenu de lโรฉchange, vรฉcu, libertรฉ dโexpression, initiative de la discussion.
1- Pouvez-vous vous prรฉsenter, s’il vous plaรฎt ?
2- Avez-vous dรฉjร parlรฉ de la mort avec votre mรฉdecin gรฉnรฉraliste ?
3- Pouvez-vous me raconter ?
4- Comment vous sentiez-vous ?
5- Y avait-il d’autres choses dont vous auriez aimรฉ parler ร ce moment mais qui n’avaient pas รฉtรฉ abordรฉes ?
6- Vous sentiriez-vous ร l’aise pour introduire une discussion ร ce sujet avec votre mรฉdecin, pour vous ou l’un de vos proches ?
7- Pouvez-vous me dรฉcrire votre mรฉdecin gรฉnรฉraliste ?
Guide dโentretien
Guineberteau Clรฉment | Parler de la mort en mรฉdecine gรฉnรฉrale : 12 points de vue de patients
Les entretiens ont รฉtรฉ conduits par un interviewer unique, enregistrรฉs sur dictaphone. Le lieu รฉtait choisi par le patient.Chaque personne interviewรฉe a signรฉ une dรฉclaration de consentement pour lโenregistrement des entretiens et lโutilisation des enregistrements ร des fins de recherches (cf. annexes).A lโissue des entretiens, un soutien psychologique a รฉtรฉ systรฉmatiquement proposรฉ soit auprรจs du mรฉdecin gรฉnรฉraliste sโil apparaissait au cours de lโentretien que la relation de soin le permettait, soit ร dรฉfaut en remettant aux patients les coordonnรฉes de psychologues libรฉraux exerรงant dans leur secteur.La retranscription des entretiens a รฉtรฉ proposรฉe ร chaque participant et celui-ci a pu en prendre connaissance seul ou en prรฉsence de lโenquรชteur selon son souhait.
Le projet a obtenu lโaccord prรฉalable du Comitรฉ dโEthique du CHU dโAngers (cf. annexe).
Analyse
Les entretiens ont รฉtรฉ retranscrits en intรฉgralitรฉ sous Word dans leur suite immรฉdiate, anonymisรฉs puis codรฉs. Le codage et lโanalyse faits en parallรจle de la phase de recueil ont permis la modification progressive du guide dโentretien.
Une analyse a รฉtรฉ effectuรฉe de faรงon manuelle, dans une approche par thรฉorisation ancrรฉe(21). Le verbatim a รฉtรฉ codรฉ par un seul chercheur, revu et discutรฉ par un deuxiรจme. Une catรฉgorisation des codages a รฉtรฉ effectuรฉe en commun, puis consolidรฉe, ceci permettant la mise en relation des catรฉgories existantes. Cette รฉtape de conceptualisation a รฉtรฉ travaillรฉe au travers de la construction dโune carte conceptuelle (cf. annexe).
Rรฉsultats
Caractรฉristiques de la population dโรฉtude
Difficultรฉs de recrutement
Le recrutement a รฉtรฉ difficile : sur les seize mรฉdecins gรฉnรฉralistes contactรฉs seulement quatre ont proposรฉ des patients, malgrรฉ plusieurs relances. Nรฉanmoins, toutes les personnes sรฉlectionnรฉes par les mรฉdecins gรฉnรฉralistes ont acceptรฉ de participer ร lโรฉtude. Deux mรฉdecins ont proposรฉ chacun trois personnes, les deux autres une seule. Des refus de participation ont รฉtรฉ rapportรฉs par les personnes interviewรฉes pour le recrutement en chaรฎne, sans que cela soit mesurable.
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Caractรฉristiques des patients (cf. tableau I)
Onze patients ont รฉtรฉ interviewรฉs. Tous les patients recrutรฉs avaient plus de 50 ans. Les personnes
ยซ religieuses ยป รฉtaient de confession catholique. A lโexception dโun patient, tous vivaient ou avaient vรฉcu en couple et avaient des enfants. Plus de la moitiรฉ des personnes รฉtaient issues des catรฉgories socio-professionnelles supรฉrieures.
Plusieurs ยซ couples ยป de patients ont รฉtรฉ inclus : femme et mari (1 et 2, 7 et 8), fille et mรจre (5-10).
Le recrutement dโun membre actif de lโassociation ADMD (Association pour le Droit ร Mourir dans la Dignitรฉ) et lโรฉclairage spรฉcifique sur la question de la mort que cet investissement entraรฎne a nรฉcessitรฉ par symรฉtrie le recrutement par connaissance dโun bรฉnรฉvole de JALMAV (Jusqu’A la Mort Accompagner la Vie). En effet, ces deux associations sโopposaient sur la question de lโeuthanasie qui semblait un รฉlรฉment important de la discussion sur la mort.
Tableau 1 : Caractรฉristiques des patients
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Caractรฉristiques des mรฉdecins (cf. annexes)
Conduite des entretiens et retours
Une charge รฉmotionnelle importante a รฉtรฉ perรงue par lโinterviewer au cours de plusieurs entretiens, ร lโรฉvocation de certains รฉvรจnements de vie personnelle (deuils โ entretiens 4, 7 et 8) ou ร lโanticipation de la perte dโun รชtre proche (entretien 5). Nรฉanmoins, en dรฉpit dโune proposition systรฉmatique en fin dโentretien, aucune personne nโa souhaitรฉ un soutien psychologique.
La quasi-totalitรฉ des patients a souhaitรฉ la relecture des entretiens et environ la moitiรฉ en prรฉsence de lโenquรชteur.
Donnรฉes recueillies
Parler de la mort
Des contenus et des objectifs de discussion trรจs variables
Pour la majoritรฉ des patients, parler de la mort avait surtout pour objectif de dire ce dont ils ne voulaient pas pour leur fin de vie : ยซ jโai bien spรฉcifiรฉ, (…) que si je ne veux pas dโacharnement thรฉrapeutique, je demande ร bรฉnรฉficier de soins palliatifs. Tout ce qui pourrait apaiser la douleur, la souffrance physique, morale, tout รงa ยปP9, ยซ On est maรฎtre de sa vie ; je vois pas pourquoi les autres dรฉcident pour nous ยปP11. Pour dโautres, cโรฉtait lโoccasion de connaรฎtre le point de vue du mรฉdecin, ยซ savoir comment lui, il voyait les choses par rapport ร mon mari (โฆ) pour savoir ร qui on a affaire, quelle sorte de mรฉdecin ยปP3. Pour beaucoup, il รฉtait question dโobtenir un soutien face ร une difficultรฉ psychologique ยซ il mโa beaucoup aidรฉ aprรจs la mort de mon mari ยปP10 pour ยซ pouvoir sentir que les autres sont lร ยปP8. Une patiente inscrivait cette dรฉmarche dans une volontรฉ de construction de sens : ยซ je voulais poser un acte (โฆ) parce que รงa correspondait ร cet accompagnement que jโavais menรฉ. (โฆ) Cโรฉtait une faรงon de clรดturer รงa ยปP4. Dโautres voulaient transmettre un souhait autour des rites funรฉraires ยซ je souhaite aussi me faire incinรฉrer, รงa je lโai signifiรฉ ร mes proches. Un grand dรฉbat avec รงa, sur le sujet, avec mon conjoint qui entend pas du tout la question de lโincinรฉration. ยปP4, sur ce quโils voulaient laisser comme image, comme cette mรจre ร sa fille : ยซ mais, tโas pas peur, si รงa doit arriver, siโฆ ? โ Non, tu mettras ma robe bleue (โฆ ) tu mโenlรจveras mes bijoux ยปP5, ou comme trace : ยซ je voulais pas embarrasser les gens avec mon corps (โฆ) Jean (le mรฉdecin gรฉnรฉraliste) mโa conseillรฉ de donner mon nom ร la science, euh mon corps ร la science ยปP6. Pour certains, si la mort avait pu รชtre รฉvoquรฉe, cโรฉtait au travers dโun tiers : ยซ on a parlรฉ (โฆ) par rapport ร mon mari, en fait, surtout (โฆ) qui รฉtait malade ยปP3.
Pour deux personnes, lโรฉchange avait permis au mรฉdecin de partager des difficultรฉs personnelles autour de la mort, comme avec ce patient qui sโengageait personnellement dans lโaccompagnement de personnes en fin de vie : ยซ il me disait que parfois lui-mรชme (โฆ) trouvait รงa assez pรฉnible. Accompagner, surtout quand il y avait un couple. Accompagner aussi la personne, le conjoint par exemple. (…) il me parlait des soins quโil devait apporter. Des odeurs, des plaies… au domicile des personnes et que cโรฉtait difficile ยปP9.
Malgrรฉ cela, les patients pouvaient tรฉmoigner une rรฉserve sur lโintรฉrรชt de la discussion. Soit parce quโil nโy avait pas de meilleure rรฉponse ร attendre que la sienne propre : ยซ quโest ce que vous voulez qui me dise ? Il sait pas quand est-ce que je vais mourir et pis moi, non plus ยปP10, soit parce que le vรฉcu commun rendait inutile la discussion, comme pour cette patiente dont la fille est dรฉcรฉdรฉe ร domicile en prรฉsence du mรฉdecin :
ยซ jโavais lโimpression quโon nโavait pas besoin dโen parler parce quโon lโavait vรฉcu, toutes les deux ยปP7. Plusieurs mettaient en avant le tabou social ยซ vous faรฎtes un travail donc, jโimagine que vous avez lโouverture dโesprit pour tout entendre, mais on peut pas parler comme รงa… ยปP8 et rappelaient en mรชme temps que ยซ cโest dรฉlicat, on peut pas forcer la conversation ยปP8. De nombreuses personnes insistaient sur une forme dโincommunicabilitรฉ tant le vรฉcu de la mort restait individuel et intime : ยซ je vois avec ma sลur Mireille (qui vient de perdre son fils), on se parle. Je lโai eu au tรฉlรฉphone, y a trois jours, รงa a durรฉ 1h et demi parce quโelle avait envie de parler. Et que je me disais, il faut la laisser parler, mais en mรชme temps, euh, voilร , cโest singulier aussi. Cโest chacun… cโest le mรชme รฉvรจnement, mais on a des รขges diffรฉrents, chacun un tempรฉrament diffรฉrent et chacun aussi, entre guillemets, chacun des ยซ croyances ยป diffรฉrentes pour le vivre ยปP8, ยซ cโest la reprรฉsentation quโon peut avoir les uns et les autres, des valeurs, des rรฉfรฉrences philosophiques des uns et des autres ยปP4.
La thรฉmatique de la finitude nโa pas รฉtรฉ abordรฉe.
Les patients identifiaient facilement les situations oรน ils avaient รฉtรฉ amenรฉs ร en discuter : au cours de la maladie ou suite au dรฉcรจs dโun proche, dans les questionnements dโaccompagnement de fin de vie des proches. Pour deux patientes, lโabsence de maladie grave personnelle expliquait que la discussion autour de leur propre mort nโait pas eu lieu : ยซ me concernant moi, je nโai pas eu lโoccasion parce que (โฆ) jโai pas pour lโinstant รฉtรฉ victime dโun… dโune maladie, en fait, dโune maladie grave ยปP1.Ils identifiaient รฉgalement plusieurs occasions manquรฉes, comme ce patient qui attendait une discussion ร la remise des directives anticipรฉes : ยซ moi cโรฉtait ร mon intention, je pense que jโaurais voulu… bon, je pense que la prochaine fois, je vais lui en parler ยปP9, ou cette autre pour qui le moment semblait opportun : ยซ cโรฉtait le moment de le faire, pour moi, cโรฉtait le moment de le faire ยปP4.En fait, peu dโรฉchange avec le mรฉdecin gรฉnรฉralisteLa plupart des personnes interviewรฉes avaient peu ou pas parlรฉ de la mort avec leur mรฉdecin gรฉnรฉraliste, mรชme si ce nโรฉtait pas leur premiรจre impression ยซ oui. (โฆ) on en a parlรฉ mais sans vraiment, parler rรฉellement en termes dโentretienโฆ On en a pas… enfin, jโai pas souvenir dโune… dโune conversation en particulier ยปP8.Pour certains, la discussion nโรฉtait pas aboutie : ยซ Cโest une dรฉmarche que jโai pas approfondie avec le Dr Dupont, je trouve. Elle รฉtait lร , prรฉsente tout le temps en fait, mais jโai lโimpression aujourdโhui, jโai lโimpression que jโen ai pas vraiment parlรฉ, vraiment, ร 100% ยปP4. Que ce soit ร lโapproche du dรฉcรจs dโun proche ou mรชme ร distance des รฉvรจnements confrontant mรฉdecins et patients ร la mort, il nโy avait pas dโรฉvocation de la mort avec le mรฉdecin. ยซ Et, est-ce quโร certains moments, vous aviez pu reparler de ce qui sโรฉtait fait (Accompagnement du dรฉcรจs de sa fille ร domicile) cette… nuit-lร ? NATHALIE : Non. On nโen a jamais reparlรฉ ยป P7.
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Finalement, lorsquโil sโagissait de repรฉrer ce qui sโรฉtait dit, les patients revenaient sur leur premiรจre impression : ยซeh bien non, cโest รงa que je trouve bizarre. On a dรป en parler, cโest sรปr. (silence) Parce que cโest quand mรชme curieux ยปP3.
Pour plusieurs patients, lโabsence de recours au mรฉdecin gรฉnรฉraliste pour parler de la mort pouvait sโexpliquer par lโaccรจs ร dโautres professionnels de santรฉ : soignants dโEHPAD accompagnant les proches, personnel spรฉcialisรฉ hospitalier. ยซ Cโest vrai quโau niveau des mรฉdecins gรฉnรฉralistes, on en a aussi moins ressenti le besoin parce quโil y avait tout cet encadrement-lร ยปP8. Certains patients insistaient sur les contraintes temporelles : ยซ il nโa pas le temps de toutes faรงons ยปP9, qui dans un cas avait pu รชtre รฉchangรฉes avec le mรฉdecin gรฉnรฉraliste. Et cette femme, secrรฉtaire mรฉdicale, prรฉcisait : ยซ je dirais que les gens qui ont besoin de discuter, cโest avec moi quโils parlent. Cโest pas avec les mรฉdecins, y a pas le temps, (โฆ) je vois ร quel point les gens qui sont concernรฉs, ne peuvent pas en parler avec leur mรฉdecin gรฉnรฉraliste ยปP7. Ces recours ร dโautres soignants au sens large pouvaient facilement รชtre associรฉs aux services dโun psychiatre : ยซ parce que on sait trรจs bien que… un mรฉdecin cโest pas un psychiatre. Un mรฉdecin gรฉnรฉraliste nโest pas un psychiatre. Donc il va falloir quand mรชme ne pas trop prolonger le temps de parole ยปP1.
Et une personne insistait sur les limites de la fonction mรฉdicale : ยซ aprรจs cโest des questions qui regardent pas les mรฉdecins ยปP4.
Mais plutรดt avec les proches
Ils trouvaient plus facilement un lieu de parole auprรจs de leur proches, amis, conjoints ou famille : ยซ jโavais des soupapes pour parler. Je suis dโune famille nombreuse donc avec mes frรจres, deux de mes frรจresโฆ ยปP8. Surtout quand ces proches avaient eux-aussi รฉtรฉ confrontรฉs ร la mort : ยซ jโai rรฉussi ร le dรฉcrypter avec un ami ร moi qui avait vรฉcu cette expรฉrience-lร avec aussi sa mรจre ยปP4.
Plusieurs soulignaient leurs difficultรฉs ร lโaborder lorsque la proximitรฉ augmentait la charge affective, comme cette patiente qui nโarrivait pas ร en parler avec sa mรจre ยซ je sais que je vais me mettre ร … รงa va รชtre terrible. Ce serait un dialogue de larmes ยปP5. Avec pour une patiente lโidรฉe dโune juste-distance : ยซ De cette question-lร , jโavais des difficultรฉs ร en parler avec mon conjoint, pourtant, รงa fait presque trente ans quโon vit ensemble. Je suis allรฉe voir un des mes amis qui est plus,… qui est plus ouvert sur la question pour discuter avec lui. Ca me semblait plus facile. Peut-รชtre aussi plus distant ยปP4.Lโรฉvocation de la mort entre les proches nโรฉtait pas vรฉcue de la mรชme faรงon par les deux interlocuteurs, comme dans ce couple mรจre-fille : ยซ cโest elle qui me dit souvent (โฆ) ยซ Oh, mais tu te rends compte, si je suis plus lร . ยป Je lui dit ยซ mais arrรชte avec รงa ยป ยปP5 et de lโautre cรดtรฉ, ยซ je pense souvent avoir envie de lui (sa fille) en parler maisโฆ soit elle est pas lร , soit elle est partie, ou alors, je voulais lui dire รงa, (โฆ) Pis quand elle revient, on parle dโautres choses et puis bon ยปP10.
Lโimportance de lโexpression de lโautonomie
Une place prรฉpondรฉrante de lโesprit des lois Kouchner et Lรฉonetti
Les prรฉoccupations des personnes rejoignaient les รฉlรฉments des lois encadrant la fin de vie, sans toujours faire rรฉfรฉrence aux dispositifs juridiques. Pour la majoritรฉ des patients, il sโagissait en premier lieu dโexprimer sa volontรฉ : ยซ jโai demandรฉ non seulement quโon ne sโacharne pas, mais quโon me laisse mourir tranquille ยปP6, ยซ moi, je veux dรฉcider de ma mort, jโai pas envie que ce soit les autres qui dรฉcident de ma mort ยปP3. Pour certains, cโรฉtait sโinterroger sur les soins raisonnables pour soi ou ses proches : ยซ faut savoir si on prolonge artificiellement son… sa vie en la nourrissant avec une perfusion ou… ยปP2. Ces deux รฉlรฉments amenaient une grande majoritรฉ des patients ร la rรฉdaction et parfois ร la remise de directives anticipรฉes, quโelle portent ou non cet intitulรฉ, une personne utilisant lโexpression ยซderniรจres volontรฉs ยปP11.
Les limites de la Loi et la question de lโeuthanasie
Une patiente sโinquiรฉtait de lโapplicabilitรฉ de ses directives anticipรฉes ยซ on peut trรจs bien avoir un souci ร 500 kilomรจtres de chez nous et le Dr Dupont, ben, ne sera peut-รชtre pas interrogรฉ. Et puis le Dr Dupont peut trรจs bien avoir un accident et ne pas, euh, s… se… ne pas, si vous voulez, pouvoir produire le moment voulu, euh, ces papiers ยปP1. Pour certains, cette Loi ne sโappliquait que trop tard : ยซ lร , รงa veut dire quโil faut quโil y ait dรฉjร beaucoup de souffrance avant quโils puissent intervenir. (โฆ) Mais je ne voudrai pas attendre ce seuil dโรชtre endormi, parce que je me dis cโest trop tard. Jโaurais pas dรฉcidรฉ vraiment ยปP3. En consรฉquence, certains auraient souhaitรฉ : ยซ aller un petit peu plus loin que la Loi Lรฉonetti. (โฆ) Je demandais le suicide mรฉdicalement assistรฉ ยปP6, pour finalement, avoir ยซ aussi le choix รฉventuellement de pouvoir interrompre ยปP2.
Lโanalyse des propos des deux membres associatifs (JALMAV et ADMD) montrait que lโun comme lโautre avait un intรฉrรชt particulier par rapport au questionnement sur la mort. Lโattachement du membre de lโADMD ร la dรฉfense de lโeuthanasie lui รฉtait spรฉcifique, mรชme si la question de la sรฉdation ยซ pour aider les gens ร mourir ยป paisiblement a รฉtรฉ รฉvoquรฉe par le bรฉnรฉvole de JALMAV. Les deux tรฉmoignages se rejoignaient fortement sur lโimportance que les patients accordaient au respect de leur volontรฉ.
Quelle place pour le mรฉdecin gรฉnรฉraliste ?
Pour certains, le mรฉdecin gรฉnรฉraliste revรชtait le rรดle de garant de la volontรฉ du patient, soit comme personne de confiance : ยซ cโest bien dโavoir un mรฉdecin, une personne de confiance qui puisse respecter tout รงa. ยปP3, soit comme dรฉpositaire des directives anticipรฉes. Pour une patiente, il incombait au mรฉdecin un rรดle dโexpertise juridique dans la vรฉrification de la validitรฉ des directives anticipรฉes. Dans un cas, le mรฉdecin avait รฉtรฉ ร lโinitiative et acteur du recours ร la Loi Lรฉonetti face au souhait du patient : ยซ on en parlait assez rรฉguliรจrement (โฆ) compte tenu de mes exigences, cโest lui qui lโa rรฉdigรฉ ยปP6. Enfin, dans le cas particulier de lโeuthanasie, une patiente plaรงait le mรฉdecin gรฉnรฉraliste comme acteur du geste soit par prescription des drogues : ยซ jโaurai besoin du mรฉdecin parce que je nโai pas tous les mรฉdicaments non plus. Il me manquerait les anti-vomitifs ยป, soit par rรฉalisation du geste en lui-mรชme ยซ je serai plus pour que ce soit le patient… mais tout le monde nโest pas capable. Cโest pour รงa quโil faut une loi, pour que le mรฉdecin puisse aussi pratiquer sur des patients qui ont fait justement toutes leurs… dรฉmarches administratives ยปP3.
Dโaprรจs cette mรชme patiente, cโรฉtait au mรฉdecin dโintroduire la discussion sur lโeuthanasie avec tous les patients, en mettant toutefois en avant, les prรฉcautions quโil devrait prendre pour le faire. ยซ Je pense bien quโil faut bien cerner le patient. Parce quโun mรฉdecin a toutes sortes de patients. Y en a qui sont ร lโรฉcoute, y en a qui sont pour, y en a qui sont contre. Mais je trouve que cโest bien dโaborder le sujet mรชme avec ceux qui sont contre ยปP3.
Lโexpression dโune relation de confiance envers le mรฉdecin gรฉnรฉraliste
Etablie sur la reconnaissance de compรฉtences diverses
Les patients reconnaissaient aux mรฉdecins des connaissances et des savoirs. Mais surtout la plupart tรฉmoignaient des compรฉtences relationnelles des mรฉdecins, dans un ยซ contact assez naturel ยปP8 qui permet de ยซ parler librement et intelligemment ยปP11. Le mรฉdecin รฉtait perรงu comme un ยซ confident ยปP3 et P10, qui tรฉmoignait dโune attention aux autres : ยซ il sโoccupe beaucoup des gens. Cโest quelquโun de trรจs humain ยปP11, de laquelle dรฉcoulait une bonne connaissance de ses patients ยซ Je vois bien aujourdโhui que Gilbert, il a tout en mรฉmoire ยปP8. Plusieurs souhaitaient une รฉcoute large ยซ je me suis fait trรจs trรจs mal au genou. Jโai pas fait du tout soigner ce problรจme-lร pendant toute la pรฉriode dโaccompagnement. (โฆ) Une fois le dรฉcรจs de ma mรจre, tout mโest un peu retombรฉ un peu sur… le genou (โฆ) Donc je suis allรฉe consulter mon mรฉdecin gรฉnรฉraliste pour mon problรจme de genou. (โฆ) Je venais pour quโelle regarde mon genou mais quโelle prenne aussi en compte le genou dans son contexte ยปP4. Lโensemble faisait du mรฉdecin gรฉnรฉraliste un premier recours pour parler de la mort : ยซoui, je pense que ce serait lui qui… que je solliciterai en premier ยปP2.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
MATERIELS ET METHODES
Choix et recrutement des participants
Recueil des donnรฉes
Analyse
RESULTATS
Caractรฉristiques de la population dโรฉtude
Conduite des entretiens et retours
Donnรฉes recueillies
DISCUSSION
Rรฉsultats principaux
Discussion gรฉnรฉrale
Forces et faiblesses
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES TABLEAUX
ANNEXES
Annexe 1 : Lettre de recrutement patients
Annexe 2 : Formulaire de consentement
Annexe 3 : Accord du Comitรฉ dโรฉthique du CHU dโAngers
Annexe 4 : Carte conceptuelle (analyse des rรฉsultats)
Annexe 5 : Caractรฉristiques des mรฉdecins
Annexe 6 : Carte conceptuelle (analyse des rรฉsultats) version prรฉliminaire
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