Lโidentitรฉ est lโensemble des caractรจres physiques, fonctionnels ou psychiques, normaux ou pathologiques qui dรฉfinissent une personne [64]. Selon Piedelieve identifier une personne correspond ร rechercher les indices mรฉdicolรฉgaux suffisamment solides pour รชtre comparรฉs aux critรจres connus dโun individu disparu [81]. En identification humaine le problรจme majeur rencontrรฉ par les enquรชteurs et les mรฉdecins lรฉgistes est la dรฉtermination de lโรขge, du sexe, de la stature, de lโethnie, etc. En effet, dans la vie tous les humains ont une identitรฉ unique, mรชme si les vrais jumeaux peuvent prรฉsenter le mรชme profil dโADN empรชchant certaines enquรชtes judiciaires dโaboutir, mais dโautres รฉlรฉments comme les dents permettent de les diffรฉrencier. Lโidentification de personnes vivantes ou dรฉcรฉdรฉes par les dents et les mรขchoires joue un rรดle important dans les sciences mรฉdico-lรฉgales [1]. Ainsi devant des restes humains ou des corps en รฉtat de dรฉgradation avancรฉe liรฉe aux phรฉnomรจnes de saponification, de putrรฉfaction ou de corps carbonisรฉs, la dรฉtermination de lโรขge et du sexe pose certaines difficultรฉs et repose essentiellement sur lโรฉtude des structures squelettiques (os oxal, crane sacrum) et des dents, car ces structures survivent longtemps aprรจs la mort dโun individu [1, 2, 11]. Si tout le squelette adulte est disponible pour lโanalyse, lโรขge et le sexe peuvent รชtre dรฉterminรฉs jusquโร 100 % de prรฉcision, mais en cas de catastrophe de masse ou seulement des os fragmentรฉs sont disponibles, lโรฉvaluation devient difficile [66]. En identification, les mรฉthodes les plus รฉprouvรฉes pour la dรฉtermination du sexe font appel ร des techniques avancรฉes utilisant lโADN, notamment la protรฉine de lโรฉmail dentaire (amรฉlogรฉnine) les mรฉthodes biologiques (corps de Barr) et celles visuelles ou cliniques (odontomรฉtrie) [35]. La dรฉtermination du sexe ร lโaide de caractรฉristiques dentaires repose principalement sur la comparaison des dimensions dentaires. Ceci est basรฉ sur le fait que, bien que la morphologie de la structure de la dent soit similaire chez lโhomme et la femme, la taille de la dent ne reste pas nรฉcessairement la mรชme. Le ยซdimorphisme sexuel ยป fait rรฉfรฉrence aux diffรฉrences de taille, et de lโapparence entre les hommes et les femmes qui peuvent รชtre appliquรฉes en identification dentaire. Le crรขne est la structure la plus dimorphe aprรจs le bassin pour la dรฉtermination du sexe. Aprรจs le crรขne, la mandibule est lโos le plus fiable pour le dimorphisme sexuel. Au niveau dentaire, la canine mandibulaire sโest rรฉvรฉlรฉe la dent la plus dismorphique. [65]. Plusieurs รฉtudes ont รฉtรฉ menรฉes en utilisant la canine pour la dรฉtermination du sexe [7, 90]. Lโรฉtude d’Anderson et Thompson [4] portant sur 171 sujets amรฉricains, dont 83 hommes et 88 femmes รขgรฉs de 14 ร 17 ans montre que la largeur mรฉsio-distalee des canines mandibulaires, des incisives latรฉrales et de la largeur de l’arc canin (distance inter canine) รฉtait plus grande chez les hommes que chez les femmes et permettait une classification correcte du sexe ร 74,3%. Cependant, aprรจs avoir parcouru diverse s bases de donnรฉes, aucune รฉtude nโa รฉtรฉ menรฉe au Sรฉnรฉgal ร ce jour pour la dรฉtermination du sexe ร partir des dents en utilisant la canine mandibulaire. Devant cette situation, il a รฉtรฉ nรฉcessaire de concevoir la prรฉsente รฉtude pour dรฉterminer le sexe en utilisant la mรฉthode de Dimodent.
IDENTIFICATION ESTIMATIVE ET COMPARATIVE
Historique
L’identification des personnes dรฉcรฉdรฉes est une prรฉoccupation remontant ร l’Antiquitรฉ (1600 av J-C). En effet, ร l’รฉpoque des Romains, le corps d’un sujet non identifiรฉ รฉtait exposรฉ publiquement, tout citoyen avait le droit de donner son avis sur son identitรฉ et/ou la cause de son dรฉcรจs. Dans nos sociรฉtรฉs actuelles, un individu dรฉpourvu d’identitรฉ ne possรฉde aucune existence lรฉgale. Lui rendre son identitรฉ est donc une nรฉcessitรฉ :
– d’un point de vue moral afin de favoriser un travail de deuil par les proches ;
– d’un point de vue civil pour permettre toutes les procรฉdures administratives (succession, assurances, remariage…) ;
– d’un point de vue judiciaire, les causes et les circonstances du dรฉcรจs (accident, meurtre, suicide, mort naturelle…) doivent รชtre recherchรฉes
Lors de la dรฉcouverte d’un squelette humain, mais aussi lors d’une catastrophe de masse, il est donc nรฉcessaire, pour ces raisons, de redonner une identitรฉ au sujet. Selon les donnรฉes initiales et la prรฉsomption de lโidentitรฉ ou pas du cadavre, l’identification sera guidรฉe vers un procรฉdรฉ comparatif ou estimatif [32].
L’identification comparative
Elle est mise en ลuvre chaque fois que l’identitรฉ sera prรฉsumรฉe ou connue et que l’on disposera d’รฉlรฉments ante-mortem prรฉcis. Ainsi, ces indices (dossier dentaire, photo, empreinte…) pourront รชtre comparรฉs aux รฉlรฉments post-mortem issus de l’autopsie ou de l’analyse squelettique. Elle permet d’aboutir ร une identification certaine et positive ou au contraire ร une exclusion dโidentitรฉ.
L’identification estimative ou รฉvaluative
Elle est mise en ลuvre lorsque l’identitรฉ est inconnue et qu’aucune comparaison n’est possible (absence de papiers d’identitรฉ, corps calcinรฉ ou trop endommagรฉ, restes osseux…). Ainsi, la tentative d’identification se fera sur les seules bases morphologiques et particuliรจrement squelettiques. Les objectifs seront d’รฉvaluer les caractรฉristiques anthropo-biologiques du sujet afin d’aboutir ร une identitรฉ prรฉsumรฉe (possible ou probable). Dans tous les cas, elle devra รชtre complรฉtรฉe dans un deuxiรจme temps par une identification comparative afin d’aboutir ร une identitรฉ certaine ou exclue. Dans les deux mรฉthodes dโidentification les รฉlรฉments et structures dentaires sont souvent utilisรฉs .
STRUCTURES DENTAIRES UTILISABLES EN IDENTIFICATION HUMAINE
Dentition et tissus dentairesย
L’homme possรจde deux dentitions successives et trois dentures. On distingue la dentition temporaire et la permanente ; chacune des deux comportant un nombre dรฉfini de dents, avec entre les deux une denture mixte composรฉ ร la fois des dents temporaires et des dents permanentes. Les dents possรจdent une morphologie variรฉe au sein d’une mรชme denture. Elles sont implantรฉes sur le maxillaire et sur la mandibule et leur croissance est limitรฉe dans le temps. Les dents humaines sont scindรฉes en couronne et racine, sรฉparรฉes par le collet. Elles prรฉsentent trois tissus durs minรฉralisรฉs : l’รฉmail, la dentine et le cรฉment ainsi qu’un tissu conjonctif mou : la pulpe, qui remplit la cavitรฉ pulpaire .
La dent est constituรฉe des tissus les plus minรฉralisรฉs de tout l’organisme. L’รฉmail est une structure acellulaire, avasculaire et dรฉpourvue dโinnervation ; et sa couche externe est plus dure que les couches sous-jacentes [27].
La dentine et le cรฉment sont donc des structures moins dures et les diffรฉrences de degrรฉs de minรฉralisation expliquent certaines lรฉsions post mortem comme par exemple la sรฉparation de l’รฉmail et de la dentine par dรฉshydratation.
Modifications dentaires post mortem
A la mort d’un individu, les phรฉnomรจnes physiologiques cessent. L’apposition de dentine et de cรฉment s’estompe ; ainsi l’estimation de lโรขge d’un cadavre correspond ร lโรขge du sujet au moment du dรฉcรจs. Les phรฉnomรจnes pathologiques cessent รฉgalement comme par exemple la carie [27]. Les tissus minรฉralisรฉs ne sont plus sensibles aux atteintes pathologiques du vivant de lโindividu et sont ainsi stabilisรฉs, les tissus mous quant ร eux disparaissent rapidement. Mais les cellules de la pulpe dentaire qui bรฉnรฉficient d’une trรจs grande protection mรฉcanique peuvent รชtre analysรฉes tardivement aprรจs le dรฉcรจs par examen gรฉnรฉtique. Bien que rรฉsistante, la dent subit nรฉanmoins certaines altรฉrations comme des craquelures et des fรชlures post mortem qui doivent รชtre diffรฉrenciรฉes des atteintes ante mortem. Mais cette rรฉsistance fait de la dent un indice de choix dans l’identification des cadavres. Les dents sont parfois lรฉsรฉes par des traumatismes causรฉs lors d’un dรฉcรจs, que ce soit accidentel ou non. Selon Keith-Simpson [70], l’examen de la bouche peut rรฉvรฉler certains dรฉtails indiquant la direction et l’intensitรฉ de la force, ainsi que la nature de l’instrument utilisรฉ. La modification de teinte post mortem peut รชtre physiologique, mais dans les cas de strangulation ou de noyade [70], il existe aussi un rosissement au niveau de la dentine prรจs de la pulpe qui est dรป ร une intense congestion pulpaire associรฉe ร des micros hรฉmorragies. Cette coloration apparait dans un dรฉlai en gรฉnรฉral supรฉrieur ร une semaine, dรฉlai nรฉcessaire ร la survenue de l’hรฉmolyse et ร l’imprรฉgnation des canalicules. Cependant on peut รฉgalement la retrouver sur les dents de cadavres enterrรฉs depuis deux semaines ร 4 ans . Bien que le systรจme dentaire soit bien protรฉgรฉ par les tissus durs et mous qui l’entourent et mรชme si la dent est l’รฉlรฉment le plus rรฉsistant ร l’action du feu grรขce ร son haut degrรฉ de minรฉralisation, il n’en est pas moins vulnรฉrable aux flammes. Ainsi, les dents soumises au feu prรฉsentent, outre une fragilisation considรฉrable, des variations de teinte selon la tempรฉrature atteinte et l’exposition plus ou moins directe aux flammes. A 175ยฐC l’รฉmail est lรฉgรจrement jaune et brillant ; ร 200ยฐC il reste brillant mais un peu grisรขtre et ร 225ยฐC il prend une coloration grisรขtre tachetรฉe de brun rouge. Au-delร de ces tempรฉratures, la dent est morphologiquement atteinte et prรฉsente des fissures et des fractures .
Face aux agressions chimiques, la dent montre une rรฉsistance supรฉrieure ร l’os, ce qui lui permet d’รชtre le dernier รฉlรฉment prรฉservรฉ lors de la dissolution criminelle des corps dans l’acide ou les bases. Cependant cette propriรฉtรฉ a des limites et mรชme l’รฉmail est sensible aux acides. Les dents ayant sรฉjournรฉ dans de l’acide sulfurique concentrรฉ ne sont plus reconnaissables aprรจs un mois d’immersion et sont dissoutes en trois mois. Le comportement des matรฉriaux de restauration est variable : les ciments disparaissent rapidement, la rรฉsine rรฉsiste plus longtemps, l’or rรฉsiste mieux que les matรฉriaux non prรฉcieux qui se corrodent et la cรฉramique reste intacte [43, 84]. De plus l’organe dentaire, du fait de son fort degrรฉ de minรฉralisation, reprรฉsente la partie de l’organisme qui se fossilise le plus rapidement. Cependant, selon la nature du sol, on peut observer des modifications dans la dรฉtรฉrioration des corps et de leurs structures. Par exemple, selon la rรฉgion, si le terrain est riche en oxyde mรฉtallique, on observera une teinte grisรขtre. Par contre s’il est riche en sels ferreux, on aura une couleur jaune ocre. Pour un terrain acide, on pourra noter une importante dรฉminรฉralisation de l’รฉmail jusqu’ร sa disparition totale.
Un terrain sablonneux pourra, lui, conserver les dents intactes pendant des siรจcles.
Mรฉthodes odontologiques de classifications des populations
Odontomรฉtrie
L’idรฉe d’utiliser les dimensions des dents pour classer les populations est trรจs ancienne, รฉtant donnรฉ les qualitรฉs de stabilitรฉ et de longรฉvitรฉ de l’organe dentaire. Maret Delphine, entre autres, distingue trois groupes ethniques selon le rapport entre les indices dentaires moyens et la taille moyenne des individus [68].
– Les microdontes qui regroupent les Europรฉens, les Egyptiens et les Polynรฉsiens ;
– Les mรฉsodontes qui regroupent les Chinois, les Indiens d’Amรฉrique, les Malais et les Noirs d’Afrique ;
– Les macrodontes qui regroupent les Australiens et les Mรฉlanรฉsiens.
Plus rรฉcemment, Schnutenhaus et Rรถsing, en 1998, ont extrait de la littรฉrature et comparรฉ les rรฉsultats d’รฉtudes odontomรฉtriques sur 160 populations ร travers le monde [88]. Ils ont รฉtabli la prรฉsence de biais dans ces รฉtudes (individus non choisis au hasard, techniques utilisรฉes non standardisรฉesโฆ). En effet, la mesure des dents varie suivant les repรจres pris et les opรฉrateurs [58]. Une solution peut รชtre alors d’utiliser des radiographies rรฉtro-alvรฉolaires rรฉalisรฉes ร l’aide d’angulateurs pour diminuer ces biais [87, 95]. Il faut donc retenir le rapport de grandeur des dents les unes par rapport aux autres. Mรชme si des ratios entre les diffรฉrentes mesures dentaires sont calculรฉs pour compenser les dรฉformations liรฉes ร lโagrandissement et ร lโangulation des radiographies, il est maintenant possible de rรฉaliser des mesures volumรฉtriques 3D, permettant une รฉvaluation quantitative plus prรฉcise et donc plus fiable [68].
Cependant, contrairement ร lโestimation de lโรขge, le domaine dโรฉtude des donnรฉes volumรฉtriques nโa pas encore รฉtรฉ utilisรฉ pour รฉtudier et รฉtablir des corrรฉlations รฉventuelles entre volume dentaire et appartenance ร une population. Schnutenhaus et Rosing [88] ont nรฉanmoins remarquรฉ un certain ordre, par exemple les groupes possรฉdant les dents les plus volumineuses proviennent des populations d’Ocรฉanie. Cependant l’utilisation d’informations odontomรฉtriques dans un but taxonomique pour les populations actuelles n’est pas concluante. Ces deux auteurs prรฉconisent l’utilisation d’autres caractรฉristiques telles que les mesures du crรขne, les dermatoglyphes, les pigmentations, ou les analyses de sang.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : PARAMETRES ODONTOLOGIQUES UTILISABLES EN IDENTIFICATION ESTIMATIVE
1. IDENTIFICATION ESTIMATIVE ET COMPARATIVE
1.1. Historique
1.2. Identification comparative
1.3. Identification estimative ou รฉvaluative
2. STRUCTURES DENTAIRES UTILISABLES EN IDENTIFICATION HUMAINE
2.1. Dentition et tissus dentaires
2.2. Modifications dentaires post mortem
2.3. Mรฉthodes odontologiques de classifications des populations
2.3.1.Odontomรฉtrie
2.3.2.Forme des arcades dentaires
2.3.3.Dimensions des arcades
2.3.4.Morphologies des dents
2.3.4.1.Morphologie coronaire
2.3.4.2.Morphologie radiculaire
2.3.4.3.Caractรจres dentaires secondaires
2.3.4.3.1. Tubercule de Carabelli
2.3.4.3.2.Tubercule de Bรถlk
2.3.4.3.3. Perles d’รฉmail
2.4. Mรฉthodes odontologiques dโestimation du sexe
2.4.1.Caractรจres dimorphiques de lโorgane dentaire inhรฉrents ร la formation et ร la croissance
2.4.2.Mรฉthodes odontomรฉtriques
2.4.2.1.Etude de Schranz et Bartha
2.4.2.2.Mรฉthode de Fronty
2.4.2.3.Mรฉthode de Bequain
2.4.2.4.Mรฉthode de Dimodent
DEUXIEME PARTIE : DETERMINATION DU SEXE PAR LA METHODE DE DIMODENT
1. JUSTIFICATION ET OBJECTIFS
2. MATERIEL ET METHODES
2.1.Cadre et population dโรฉtude
2.2.Type et durรฉe de lโรฉtude
2.3.Echantillonnage
2.4.Procรฉdure de collecte
2.4.1.Prise dโempreinte et traitement des modรจles
2.4.2.Mensurations
2.4.Equation de prรฉdiction sexuelle
2.5.Analyse statistique
3. RESULTATS
3.1. Mensurations
3.1.1.Diamรจtre mรฉsio-distale et diamรจtre vestibulo-linguale des canines mandibulaires
3.1.2.Diamรจtre mรฉsio-distale et vestibulo-linguale des incisives latรฉrales mandibulaires
3.2. Prรฉdiction sexuelle
4. DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE