Paradigme de l’enseignement

Résumé

La réforme collégiale de 1993 introduit des changements majeurs dans les curricula. Sont notamment modifiées les modalités des pratiques pédagogiques, avec l’introduction d’une approche par compétences (APC) et la prescription du recours à l’évaluation formative comme pratique d’évaluation. De récents travaux montrent un accroissement de cette évaluation non notée (Bélanger et Tremblay
, 2012; Leroux, 2010). Toutefois, les enseignants, qui ne sont pas nécessairement formés aux pratiques évaluatives, privilégient 1’évaluation formative instrumentée, préparatoire à une évaluation notée (Bélanger et Tremblay, 2012). Ainsi perçue, l’évaluation formative serait peu susceptible de susciter l’engagement cognitif des étudiants (Allal, 1993; Perrenoud, 1998), contrairement à une évaluation formative immédiate, qui se produit dans les interactions entre enseignant et étudiants.

Notre recherche a pour objectif de comprendre comment l’évaluation formative se réalise en classe, dans les interactions entre enseignant et étudiants. Deux aspects sont appréhendés: comprendre l’évaluation formative telle quelle est réalisée en classe; comprendre le sens donné à l’évaluation formative dans les interactions entre enseignant et étudiants. La recherche prend appui sur un cadre de référence inspiré, d’une part, de la régulation interactive située (Allal, 2007; Mottier Lopez, 2012), et, d’autre part, dune perspective ethnométhodologique (Garfinkel, 2007). Enseignant et étudiants partagent un langage naturel qui leur permet d’agir dans les interactions, qui aboutissent à la construction dun sens commun négocié. .Les données recueillies par le biais d’entrevues et dobservations, auprès de SiX enseignants et de leurs étudiants, puis analysées à l’aide de catégories conceptualisantes (Paillé et Mucchielli, 2012), ont permiS de comprendre la réalisation de l’évaluation formative immédiate. Les principaux résultats sont énoncés ci-dessous.

Introduction

Cette recherche porte sur l’évaluation formative en classe, au niveau collégial. Elle vise à comprendre comment est réalisée l’évaluation fonnative, dans les interactions entre enseignant et étudiants. Le chapitre 1 présente ce qui nous a conduit à mener cette recherche. Ce chapitre est constitué par la problématique sous-tendant notre étude et il montre la pertinence sociale et scientifique de cette dernière. Le chapitre II précise le cadre de référence de la présente recherche en défmissant les concepts-clés de celle-ci. Ainsi, est spécifié le sens théorique de la notion d’évaluation fonnative, ce qui nous a mené à privilégier la notion de régulation interactive. De même la notion d’interactions est envisagée selon la perspective ethnométhodologique qui est la nôtre. C’est la raison pour laquelle sont définies les notions de membres, langage naturel, négociation de sens et ethnométhodes.

L’objectif général de la recherche est de comprendre comment est réalisée l’évaluation formative dans les interactions entre enseignant et étudiants. Les objectifs spécifiques sont d’identifier les ethnométhodes des enseignants et des étudiants en jeu dans la régulation interactive; de comprendre comment les activités d’enseignement-apprentissage et les stratégies d’autorégulation sont adaptées à la régulation interactive; de comprendre comment est négocié un sens commun dans la régulation interactive. Le chapitre III décrit la méthodologie retenue pour réaliser la recherche. Nous présentons en premier lieu la perspective ethnométhodologique. Puis, nous décrivons les étapes qui ont été accomplies pour conduire la recherche, qui sont l’échantillonnage, la collecte des données et l’analyse des données.

Le chapitre se clôt sur les critères de rigueur de scientificité qui ont guidé notre démarche. Au chapitre IV sont présentés les résultats de la recherche. Ce chapitre est composé de trois parties, qui respectent les trois objectifs spécifiques déterminés au chapitre II. Ainsi, sont décrits les ethnométh~des des enseignants, puis ceux des étudiants. Ensuite, les résultats portent sur les adaptations réalisées par les enseignants en ce qui concerne les activités d’enseignement-apprentissage. Ces résultats sont suivis par ceux qui concernent les adaptations réalisées par les étudiants de leurs stratégies dautorégulation.

Enfin, les résultats portent sur la négociation dun sens commun lors de la régulation interactive. Le chapitre V contient l’interprétation que nous faisons des résultats. Ce chapitre est divisé en trois sections. La première section montre que la régulation interactive permet une compréhension apparente immédiate. Dans la seconde section,est expliquée comment une négociation implicite est réalisée lors de la régulation interactive, en particulier sur les efforts à consentir lors des tâches scolaires. Enfin, dans la troisième section, est énoncée comment la régulation interactive est pratiquée, en fonction des prescriptions.

Les cégeps et le Renouveau collégial

Créés en 1967, les cégeps ont alors pour objectif d’assurer une accessibilité accrue aux études supérieures au plus grand nombre (Commission royale, 1964).Étant donné les critiques quant à la qualité de l’enseignement dispensé dans les cégeps (Conseil des collèges, 1992), une commission parlementaire entame une réflexion sur leur avenir (Pelletier, 1993). À la suite de la commission, l’existence et l’implantation des cégeps dans le système éducatif sont confirmées, mais le système collégial fait l’objet d’une réforme en 1993, dont les racines se trouvent dans le rapport Nadeau (CSE, 1988). L’esprit de la réforme voulue par le Ministère de l’éducation (MESS, 1993) pose comme objectif du système collégial la réussite du plus grand nombre, tout en respectant les standards internationaux; son application apparaît dans les projets de loi 82 et 83, adoptés en juin 1993 et dans le nouveau8 Règlement sur le régime collégial (RREC), mis en place en 1994 (Robitaille, 2000).Le Renouveau est axé sur quatre cibles : la réussite des études; des programmes d’études cohérents, exigeants et adaptés aux besoins; des responsabilités académiques accrues pour les établissements et, corrélativement, un dispositif d’évaluation plus rigoureux; des partenariats renouvelés et resserrés. (MESS, 1993p. 13).

Paradigme de l’enseignement

Ce paradigme est caractérisé par ce que Tardif nomme « l’encyclopédisme» (1997, p.14). Les enseignants, experts de leur discipline, sont les détenteurs du savoir disciplinaire, qu’ils sefforcent de transmettre, sans tenir compte de la relation pédagogique; l’important est le contenu à dispenser. Les étudiants sont perçus comme des récepteurs passifs du contenu, qu’ils restituent lors des examens. Lapprentissage est considéré comme un cumul de connaissances. Les interactions entre enseignant et étudiants sont réduites à portion congrue (St-Germain, 2007). Au centre de ce paradigme se trouve l’instruction (Barr et Tagg, 1995). Comme le souligne Tardif (1997), ce paradigme comporte des limites, notamment sur le plan cognitif, du fait de « l’inertie des connaissances et le peu de transférabilité des connaissances » et sur le plan affectif, par « le faible niveau de motivation scolaire et une baisse de l’estime de soi » (Tardif, 1997, p.14). Ce sont notamment ces limites qui ont conduit à un changement paradigmatique.

Paradigme de l’apprentissage

Ce paradigme repose sur la centralité de l’élève dans le processus dapprentissage. Il sagit moins pour l’enseignant dinstruire que de favoriser l’apprentissage de tous les étudiants, avec des moyens adéquats et adaptés à leurs besoins (Barr et Tagg, 1995). Lélève a un rôle actif dans le processus dapprentissage, qui résulte dune construction progressive des connaissances (Tardif, 1993). Laccent est mis sur la relation pédagogique, qUI repose sur les interactions entre enseignant et étudiants, et dont la qualité doit favoriser le processus dapprentissage (AstolfI, 2002; St-Germain, 2007). Les connaissances sont perçues comme des ressources à mobiliser pour effectuer une tâche ou résoudre des problèmes dans des contextes différents (St-Germain, 2007). Pour Tardif (1997), l’enseignant met en place les conditions d’une «utilisation judicieuse des apprentissages ».

Le paradigme d’apprentissage en étant centré sur l’élève et la relation pédagogique est une réponse aux limites afférentes au paradigme de l’enseignement (1997). Pour Astolfi (2002), le changement paradigmatique entraîne un changement dans le vocabulaire utilisé, qui traduit une logique différente sous-jacente aux items.

Changement de paradigmes et évaluation

Le changement de paradigme se manifeste par une modification des pratiques et des croyances sur l’évaluation. Ainsi, il y a un passage d’une évaluation sélective de type contrôle a posteriori à une évaluation intégrée aux apprentissages, qui correspond à l’évaluation formative. Il s’agit alors de mettre en place des modalités dévaluation «pour l’apprentissage» et non seulement « de l’apprentissage» (Howe et Ménard, 1993). Les enseignants interviennent pour réguler l’apprentissage et corriger au besoin leur enseignement. L’évaluation fait partie intégrante du processus de l’enseignement et de l’apprentissage (Howe et Ménard, 1993). Hadji (cité par Howe et Ménard, 1993, p.38) utilise l’expression «apprentissage assisté par l’évaluation» pour décrire ce changement de paradigme.

Ce changement entraîne une attitude différente des enseignants : pour réaliser l’évaluation formative, la bienveillance envers les étudiants est de mise, selon les auteurs, qui font nommément référence à l’expression anglaise assessment (Howe et Ménard, 1993). De plus, les pratiques évaluatives déterminent la perception des élèves quant à leur apprentissage (Crooks, 1998; Tardif, 1997). L’apprentissage en profondeur, qui repose sur la mise en liens des concepts et des différents contenus, la recherche d’exemples et de mises en contexte, est favorisé par l’évaluation formative (Romano, 1991; Rushton, 2005); l’apprentissage en surface, caractérisé par la mémorisation de contenus segmentés, est suscité par des évaluations de type test (Romano, 1991; Tardif, 1997). Perrenoud (1998) précise que c’est l’évaluation formative immédiate, donc pendant la situation d’enseignement-apprentissage, qui permet d’identifier les « obstacles cognitifs» que les étudiants peuvent rencontrer. L’évaluation formative instrumentée et a posteriori arrive trop tard, dans la mesure où elle survient après une phase d’enseignement et concerne un «niveau d’acquisition ». L’évaluation formative est intégrée dans la pédagogie et se situe «au cœur du modèle de la pédagogie de la réussite» (Howe et Ménard, 1993, p. 38). C’est cette logique que nous retrouvons dans les textes officiels, comme nous avons pu le voir supra.

Les croyances des enseignants

Howe et Ménard (1994) ont étudié l’évolution des croyances chez les enseignants par rapport aux modalités d’évaluation. Les auteurs montrent que les enseignants conservent des croyances liées à l’ancien paradigme, ont tendance à confondre évaluation et mesure et méconnaissent l’évaluation formative comme modalité possible d’évaluation des apprentissages. L’actualisation de leur étude par Bélanger et Tremblay (2012) permet d’attester de changements de croyances chez les enseignants, près de 20 ans après la mise en place de la réforme collégiale : les enseignants affIrment alors utiliser l’évaluation formative dans leurs pratiques évaluatives -preuve qu’ils ne sont plus dans la méconnaissance de cette modalité d’évaluation-, comme ils semblent adhérer aux principes de l’APc.

Toutefois, ces auteures montrent que les croyances selon lesquelles la note est indispensable pour faire travailler les étudiants demeurent fortes, ce qui correspondrait davantage au paradigme de l’enseignement selon lequel l’étudiant est un récepteur passif qui cumule des connaissances. De plus, cette croyance semble entrer en contradiction avec l’acceptation, par les enseignants, de l’approche par compétences et des modalités d’évaluation y afférant et soulève, de ce fait, une interrogation quant aux pratiques évaluatives effectives des enseignants.

Recherche sur les pratiques évaluatives

Des travaux se sont penchés sur cette dernière interrogation et portent sur l’évolution des pratiques évaluatives depuis la réforme collégiale. Isabel (2000) analyse la mise en place dévaluation intégrée aux apprentissages en français et en philosophie à la suite de la mise en place de l’APC. Son étude confirme la place de plus en plus grande occupée par lévaluation formative dans les pratiques évaluatives et le développement progressif dune évaluation centrée sur l’apprentissage. Ces nouvelles pratiques évaluatives découlent de la collaboration et de la concertation des enseignants au sein des départements concernés par létude. Leroux (2010) s’interroge également sur les pratiques évaluatives d’enseignants du collégial et décrit comment les enseignants se sont adaptés aux nouveaux programmes collégiaux et aux exigences des PIEA mis en œuvre dans leur cégep, et ce, alors que, comme elle le rappelle, le cadre de référence de lAPC nest pas clairement défini dans les textes officiels. La recherche de Leroux répond à un manque de travaux sur les pratiques évaluatives des enseignants. Leroux montre que l’évaluation dans le cadre d’une APC est diversifiée et complexe. Ces deux études reposent sur des pratiques déclarées, les pratiques elles mêmes ne sont pas observées et aucune collecte de données n’a été effectuée auprès des étudiants dans ces recherches.

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Table des matières

Introduction 
CHAPITRE
1 Problématique
1.1. Contexte
général: l’évaluation pour l’apprentissage
1.1.1. Les cégeps et le Renouveau collégial
1.1.2
. Un changement de paradigme
1
.2. Lévaluation formative dans les pratiques effectives des enseignants au niveau collégial
1.2.1. Les croyances des enseignants
1.2.2. Recherche
sur les pratiques évaluatives 
1.2.3. Les croyances et stratégies des étudiants 
1.3. Importance de la recherche
1.4
. Question de recherche

CHAPITRE Il Cadre de référence
2.1. Évaluation formative
2.1.1. Origine théorique de la notion d’évaluation formative 
2.1.2. Régulation des apprentissages
2.2. Interactions
2.2.1. Intersubjectivité
2.2.2. Membres et langage naturel
2.2.3. Ethnométhodes
2.2.4. Négociation d‘un sens commun
2.3. La régulation interactive dans une perspective ethnométhodologique
2.4. Les objectifs de
la recherche 
CHAPITRE III

Méthodologie

3.l.l. Approche épistémologique de l’ethnométhodologie
3
.l.2. Les grandes lignes de cette approche sociologique 
3.1.3. Posture de la chercheure
3.2. Étapes de la recherche

3
.2. 1. Échantillonnage 
3.2.2. Collecte des données 
3.2.3. Analyse des données 
3.2.4. Critères de rigueur de la recherche
CHAPITRE IV Résultats
4.l. Rappel du cadre de référence
4
.l.l. Apport théorique du cadre de référence 
4
.1.2. Notification des données recueillies dans la perspective ethnométhodologique
retenue
4
.2. Identifier les ethnométhodes de l’enseignant et des étudiants enjeu dans la réguration interactive
4
.2. l. Les ethnométhodes des enseignants enjeu dans la régulation interactive
4.2
.2. Les ethnométhodes des étudiants enjeu dans la régulation interactive
4.3
. Comprendre comment les activités d’enseignement-apprentissage et les stratégies d’autorégulation sont adaptées à la régulation interactive
4.3.1. Adaptation des activités d’enseignement-apprentissage
4.3
.2 Adaptations des stratégies d‘autorégulation
4.4
. Comprendre comment est négocié un sens commun dans la régulation interactive
4
.4.1 . Sur le plan social
4
.4.2. Sur le plan cognitif
CHAPITRE V  Interprétation 
5.1. La régulation interactive permet la compréhension apparente immédiate
5.l.1. Les enseignants, experts
et chefs d’orchestre de la régulation interactive
5.1.2
. La régulation interactive entre pairs permet de vérifier la compréhension
apparente immédiate

5.2. La régulation interactive est un moment de négociation entre enseignant et étudiants sur l’effort à consentir dans les tâches scolaires
5
.2. 1. Une négociation implicite sur leffort à consentir dans lapprentissage 
5
.2.2. Un consensus implicite se constrnit sur « ce qui compte» et « ce qui ne compte pas »
5.2.3. Les étudiants tempèrent leur implication en fonction des attentes apparentes liées aux modalités d’évaluation 
5.2.4
. La régulation interactive sert aux étudiants à récolter des indices sur les attentes de l’enseignant plus que sur l’apprentissage souhaité 
5.3. La régulation interactive entre le prescrit et le pratiqué
5.3.1. Une régulation
interactive collective plus que différenciée 
5.3.2. Une adaptation des activités d’enseignement différée plus qu immédiate
5.3.3. La dimension sociale de la régulation interactive
Conclusion
Résultats
en bref
Apports scientifiques
et sociaux
Limites
méthodologiques 
Perspectives de recherche 

Références
Appendice

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