Panorama historique de la capoeira
La capoeira est un art martial dโorigines afro-brรฉsiliennes. Elle est nรฉe au XVIe siรจcle, avec lโarrivรฉe des esclaves angolais au Brรฉsil. Lโorigine du mot capoeira nโest pas dรฉfinie avec certitude. Lโexplication la plus rรฉpandue est celle que ce mot vient de la langue des indiens Tupi-Guarani et signifierait ยซ clairiรจre ยป, ยซ forรชt fraichement dรฉfrichรฉe ยป, lieu oรน les esclaves rรฉfugiรฉs sโentraรฎnaient en cachette. Nรฉe au Brรฉsil de lโesclavage, de lโesprit de rรฉsistance dโhommes enchaรฎnรฉs, elle est le rรฉsultat de diverses influences. Les esclaves utilisaient la musique et la danse pour masquer le travail du corps et les techniques : ยซ Nโayant droit ni au maniement des armes ni mรชme ร quelque forme de lutte, les esclaves auraient forgรฉ leurs corps pour la guerre sous le masque pacifique de la danse. ยป (Lรฉzy, 2001, p. 298). Ce cรดtรฉ de danse et aussi la musique avaient pour but de prรฉvenir lโarrivรฉe du contremaรฎtre et dโautres autoritรฉs, de diffuser un message de rรฉvolte et dโexprimer la souffrance, lโhistoire et les รฉmotions. Dans ce chaos de la soumission aux Blancs, de la violence et du dรฉsespoir des Africains au Brรฉsil, la capoeira est devenue une dignitรฉ des hรฉros, mais aussi des voleurs.
Des esclaves รฉchappรฉs et enfuis dans la forรชt tropicale fondaient des sociรฉtรฉs autonomes, appelรฉes quilombos, oรน ils dรฉveloppaient la capoeira. Jusquโau XIXe siรจcle, elle รฉtait ainsi partenaire de tous les combats pour la libertรฉ, dans un pays ร lโhistoire tourmentรฉe. A cause de crimes commis ร lโaide de la capoeira, elle fut interdite par le biais dโune loi contre le vagabondage et la capoeira vers la fin du siรจcle prรฉcรฉdent. Lors de lโinstauration de la Rรฉpublique Brรฉsilienne, la capoeira est alors devenue une activitรฉ des marginaux et a รฉtรฉ repoussรฉe et chassรฉe jusquโร un seul Etat du Brรฉsil, ร Salvador de Bahia : ยซ Partout, dโanciens esclaves, livrรฉs ร eux-mรชmes, mettent alors la capoeira au service de la dรฉlinquence et de la violence de rue, dรฉveloppant le sentiment populaire que la capoeira est โaffaire de nรจgres vagabondsโ ยป. (Lรฉzy, 2001, p. 301) Le rรฉtablissement de cet art martial a รฉtรฉ principalement introduit dans les annรฉes 1930 par le grand maรฎtre Bimba, le fondateur de la capoeira ยซ rรฉgionaleยป.
Il remet donc en cause des รฉlรฉments du systรจme quโon lui a enseignรฉ. Jusquโalors, on apprenait la capoeira en assistant aux nombreuses rodas et en sโy joignant petit ร petit. Mais sous lโรฉgide de Bimba, elle devient une รฉducation physique et une lutte trรจs dangereuse. Il ouvre la premiรจre acadรฉmie de ยซ lutte rรฉgionale de Bahia ยป (Lรฉzy, 2001, p. 301). Bimba prรดne lโentraรฎnement rรฉgulier, la musculation et le respect dโune bonne hygiรจne de vie. Bimba y insรจre des รฉlรฉments de Boxe, de Lutte et de Ju Jitsu. Selon Lรฉzy (2001), il a รฉtรฉ accusรฉ de renier les racines de son art, mais en revanche, ces mesures ont permis lโexpansion de la capoeira dans tout le Brรฉsil et bien plus tard aussi au monde entier.
Lโart de la capoeira ยซ Capoeira est un jeu, un jouet dโenfant, elle est le respect dรป ร la peur, elle est lโart de doser le courage, elle est lutte. Capoeira, cโest lโadresse du mandingueiro, cโest le vent dans le voilier, les lamentations dans la senzala, les cheveux qui se dressent sur la tรชte. Capoeira est lโenvol dโun petit oiseau. Sauter comme le cobra-corail, sentir dans sa bouche le goรปt amer du danger, sourire ร lโennemi et serrer sa main, se relever de sa chute avant mรชme de toucher le sol. Capoeira cโest le cri de Zumbi7 qui sโรฉcoute au quilombo. Cโest la haine et lโespoir qui naรฎt. Capoeira est une nacelle secouรฉe par les vagues de la mer. ยป La capoeira – deux joueurs communiquent ร lโaide de leur corps dans une roda, cercle formรฉ par leurs collรจgues, qui les encouragent en scandant le rythme et frappant les mains. Sandy Etter (2007, p. 15) lโa illustrรฉe dans son mรฉmoire : Dans le jeu de la capoeira, on donne des coups de pieds, des acrobaties et des pas rythmiques. Le capoeiriste valorise la proximitรฉ du sol. Il esquive les coups de pied et les coups de tรชte tant en dรฉfense quโen attaque โ ร lโรฉpoque, les esclaves portaient des fers et des chaรฎnes autour des mains et du cou, mais les jambes รฉtaient laissรฉes libres. Sur le plan tactique, ยซ lโart de lโesclave est celui de la ruse, de la feinte, de lโimprรฉvisibilitรฉ : le corps acrobate au service dโun sens extraordinaire de rythmes et de distances. Voilร ce que cache la danse traditionnelle des rodas accompagnรฉe du berimbau et des tambours, faux ballet improvisรฉ et vrai dรฉfi technique proposรฉ ร lโadversaire-partenaire oรน toute erreur est sanctionnรฉe dโune ruade ou dโun coup de tรชte. ยป (Charlot et Denand, 1999, p. 110)
Pour apprendre cette malice susmentionnรฉe, lโรฉlรจve doit dโabord maรฎtriser son propre corps. Il se rend familier avec les coups de pied, avec les techniques de dรฉfense et รฉgalement avec quelques acrobaties. Lors de lโinitiation, lโรฉlรจve dรฉcouvre รฉgalement le pas de base : la ginga. Ce balancement suit le rythme de la musique en un certain balancement dโun cรดtรฉ ร lโautre, toujours en protรฉgeant le visage ร lโaide dโun bras. Encadrรฉe dans la philosophie de cet art martial, la ginga est une gestuelle rythmรฉe, moins un pas de danse et quโun vrai dรฉplacement de combat. Aprรจs que lโรฉlรจve a saisi les mouvements รฉlรฉmentaires de cet art, il va se rapprocher de son vis-ร -vis. Tout ร coup, il faut rรฉagir vite sur les coups de pieds et bien observer son adversaire. Sans le respect envers lโautre, le jeu et la communication ne peuvent pas se mettre en place. Les joueurs restent en permanence en harmonie – il se crรฉe un ensemble dโaction et de rรฉaction, de questions et de rรฉponses par des coups de pied, des entrรฉes, des esquives, des acrobaties adaptรฉes et des expressions corporelles en gรฉnรฉral. ยซ Si la musique est le coeur battant de la dimension mystique de la capoeira, elle est avant tout ce qui transforme le mouvement en plaisir, lโagression en rencontre et le combat en danse. ยป (Lรฉzy, 2001, p. 306). Elle joue alors un rรดle essentiel dans la capoeira. Selon le type de la musique et la faรงon dont le maรฎtre chante et joue au berimbau8, le jeu des athlรจtes devient plus rapide, plus technique, plus acrobatique ou plus combatif. Elle est rรฉalisรฉe ร lโaide dโinstruments de percussion dโorigine africaine. On y trouve habituellement : le berimbau, le pandeiro (tambourin ร clochettes), et lโatabaque (tambour). La musique et le chant sont cycliques. Le chanteur improvise souvent aprรจs avoir prรฉsentรฉ un rรฉpertoire de tradition orale. Il va rรฉagir au jeu et, par le choix de ses chants et lโenvie de chanter quโil transmet au choeur, il donne le contexte musical au jeu.
ยซ Corps et mouvement ยป La capoeira est bรฉnรฉfique autant pour le corps que pour lโesprit. Du point de vue physique, nous pouvons nous rรฉfรฉrer au tableau synthรฉtisรฉ du PER. Elle fait appel ร la coordination, la souplesse, la force et lโรฉquilibre. Elle travaille le corps dans son entier, sans que lโon se rende compte de lโeffort que lโon fait. Elle muscle le tronc, les jambes et aussi le haut du corps puisquโon est par exemple amenรฉ ร porter son propre poids en se dรฉplaรงant au sol. Dans le domaine de la coordination, il est important de trouver la juste distance entre soi et son partenaire, de se rapprocher suffisamment, mais pas trop prรจs pour ne pas risquer de ramasser un balayage. La diffรฉrenciation, lโรฉquilibre pendant un coup de pied giratoire, lโorientation dans la roda, la rรฉaction sur les gestes de lโadversaire et le rythme sont ainsi entraรฎnรฉs et finalement indispensables pour un capoeiriste. Les perceptions sensorielles sont รฉgalement stimulรฉes par lโobservation des gestes de son vis-ร -vis et des informations de rythme et de cadence que donnent les instruments de musique. La combinaison ou lโenchaรฎnement des mouvements dans la roda fait preuve du potentiel de crรฉativitรฉ de chacun. Mรชme avec un rรฉpรฉrtoire de trรจs peu de gestes maรฎtrisรฉs, on peut prรฉsenter un jeu complet, si on les applique au bon moment et de faรงon fluide. Lโaspect qui peut faire peur aux prรฉ-adolescents est sans doute le fait quโils doivent agir face au regard des autres (voir analyse du questionnaire). Le fait quโon doit jouer pendant que tous les autres regardent, placรฉs dans un cercle fermรฉ, tapant les mains et parfois commentant les exploits des acteurs, peut tout ร fait semer la panique chez certains. Si lโenseignant attire lโattention sur des tรขches spรฉcifiques ร exรฉcuter (sur une tactique de jeu ou mรชme un ยซ match ยป entre une รฉquipe contre lโautre), les รฉlรจves peuvent oublier quโils sont exposรฉs et se concentrent plus sur leur vis-ร -vis.
Finalement, le jeu est lโessence de la capoeira. Il y faut des rรจgles claires, implicites et explicites pour que la roda se dรฉroule sans incident ni danger. La hiรฉrarchie et le respect y sont primordiaux, comme dans tous les arts martiaux. Plus lโรฉlรจve amรฉliore ses capacitรฉs de jeu, plus il apprend ร feinter un mouvement pour attaquer dans lโautre sens, plus il adapte son jeu face ร lโadversaire et crรฉe des tactiques pour ne pas se faire avoir. Mรชme si la capoeira est entraรฎnรฉe parfois en individuel, elle doit รชtre pratiquรฉe ร deux, pour apprendre ร esquiver et ร rรฉagir ร lโautre. Une roda ne peut pourtant que fonctionner, si lโesprit de groupe y est prรฉsent. Comme dans un match de foot, lโรฉquipe doit se soutenir mutuellement, sโencourager en chantant trรจs fort et en tapant dans les mains et intervenir, dรจs quโun joueur dans la roda se fatigue ou ยซ ramasse ยป trop de coups de pied.
Si nous nous concentrons plus spรฉcifiquement sur les capacitรฉs et le dรฉveloppement psychomoteur dโun enfant de 10-12 ans, cette pรฉriode peut รชtre nommรฉe ยซ lโรขge dโor ยป de la motricitรฉ et de lโapprentissage rapide de nombreux automatismes. Cโest lร que ยซ les apprentissages moteurs sont les plus complexes, l’exercice rend le corps plus vigoureux. Et les expรฉriences motrices les plus diversifiรฉes favorisent la maturation du cerveau ยป. (CEMEA, consultรฉ en mai 2013, p. 4) Les enfants accรจdent ร une image corporelle prรฉcise, leur รฉquilibre sโassure et la coordination des mouvements est en fin dโacquisition. La capoeira avec ses mouvements complexes est un dรฉfi, mais les bases sont relativement vite apprises, mรชme si la force dโun enfant de 10 ร 12 ans nโest pas encore aussi dรฉveloppรฉe que chez les adolescents. Un immense avantage des enfants prรฉ-adolescents est aussi, quโils ne se gรชnent pas encore autant que les adolescents au moment de sโexposer devant les autres. Ils sont ouverts aux dรฉcouvertes, aux aventures et aussi ร la compรฉtition.
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Table des matiรจres
1. Introduction
1.1. But du travail : vรฉrifier la lรฉgimitรฉ de lenseignement de la capoeira ร lรฉcole dans le cadre du PER.
1.2. Cadre de travail
1.3. Intรฉrรชt et parcours personnel dans la capoeira
1.4. Question de recherche
2. Cadre thรฉorique
2.1. Dรฉfinition des concepts thรฉoriques รฉtudiรฉs
2.2. Tour dhorizon de la capoeira
2.2.1. Panorama historique
2.2.2. Les huit sรฉquences de Mestre Bimba
2.2.3. Lart de la pratique de la capoeira
2.2.4. Lenseignement de la capoeira en Suisse
2.3. PER : ยซ Corps et mouvement ยป et les ยซ capacitรฉs transversales ยป
2.4. La capoeira et les รฉlรฉments du PER face aux besoins des enfants de 10-12 ans
2.4.1. ยซ Corps et mouvement ยป
2.4.2. ยซ Capacitรฉs transversales ยป
3. Problรฉmatique
4. Hypothรจses de recherche
4.1. Hypothรจses pouvant รชtre confirmรฉes ou infirmรฉes grรขce au questionnaire proposรฉ avant la pratique de la capoeira
4.2. Hypothรจses pouvant รชtre confirmรฉes ou infirmรฉes grรขce au questionnaire proposรฉ aprรจs la pratique de la capoeira
5. Mรฉthodologie de recherche
5.1. Les participants
5.2. Procรฉdures
5.3. Explication de la construction des questionnaires
5.4. Le recueil des donnรฉes
6. Rรฉsultats et analyse des donnรฉes des rรฉsultats
6.1. Explication du traitement des donnรฉes
6.1.1. Analyse quantitative des questionnaires
6.1.2. Comparer deux รฉchantillons apparรฉs)
6.2. Presentation des rรฉsultats par rapport aux hypothรจses
7. Discussion
7.1. Hypothรจses du questionnaire avant la pratique de la capoeira
7.2. Hypothรจses du questionnaire aprรจs la pratique de la capoeira
8. Limites et prolongements
9. Conclusion
10. Rรฉfรฉrences bibliographiques
Annexes
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