Les maladies infectieuses constituent aujourd’hui la deuxième cause de mortalité dans le monde, et frappent inégalement les pays selon leur localisation géographique et leur niveau de développement. Elles sont responsables de 45% des décès dans les pays à faibles revenus. Les infections bactériennes représentent 70% des cas de mortalité causés par les microorganismes [157]. La fréquence de certaines infections bactériennes peut varier selon les régions et selon les périodes. En effet la capacité pour les bactéries pathogènes de se répandre dans la population peut être influencée par le niveau socioéconomique, par le statut immunitaire de la population, par des conditions climatiques, par l’effet des traitements curatifs ou par l’acquisition de résistances aux antibiotiques [103].
Une lutte efficace contre ces maladies passe par le diagnostic précoce des cas dans un intérêt, à la fois individuel par la prise en charge thérapeutique, mais aussi collectif par la mise en place des mesures barrières (lutte contre la transmission, protection du sujet réceptif). Malheureusement, les moyens diagnostiques sont insuffisants précisément dans les pays à faible revenu où ces maladies émergent, notamment loin des capitales. Les méthodes de référence font souvent appel à la culture, technique dont les moyens de laboratoire sont trop contraignants sur le plan logistique [69]. L’infection bactérienne pose donc un problème de santé publique. L’émergence et l’accroissement de la résistance bactérienne aux antibiotiques viennent en compliquer davantage la prise en charge.
Définitions
Infection bactérienne
L’infection bactérienne est le résultat de l’agression d’un organisme par une bactérie. Il en résulte une réponse inflammatoire liée à la présence de cette bactérie où à l’invasion des tissus [47].
Septicémie
Septicémie est un terme passé dans le langage courant pour désigner un état infectieux grave dans lequel les germes ont essaimé dans le sang provoquant une fièvre élevée et une altération de l’état général marquée [158].
Bactériémie
La bactériémie est la présence de germes viables, des bactéries, dans le sang. Elle est prouvée devant une hémoculture positive à un germe potentiellement responsable. Les frissons soutenus sont un bon signe clinique contemporain de la bactériémie [158].
Classification des états infectieux
• Le SRIS : est un syndrome de réponse inflammatoire systémique à différentes agressions cliniques (non infectieux comme une pancréatite par exemple) et comprend au moins 2 des signes suivants : une élévation de la température > 38°C ou une diminution < 36°C, un rythme cardiaque > 90 battements/min, un rythme respiratoire > 20 /min ou une PaCO2 < 32 mmHg, des leucocytes > 12 000/mm3 ou < 4000 /mm3 ou la présence de > 10% de formes immatures.
• Le sepsis : C’est un SRIS lié à une infection confirmée au moins cliniquement, au mieux aussi microbiologiquement.
• Le sepsis sévère ou sepsis grave ou encore syndrome septique grave (SSG) est un sepsis associé à une dysfonction d’organes (hypoxémie, insuffisance rénale aiguë, coagulopathie type CIVD, acidose métabolique), une hypo perfusion (acidose lactique, oligurie, encéphalopathie aiguë) ou une hypotension. Les marbrures cutanées, le refroidissement des extrémités et l’augmentation du temps de recoloration cutanée sont des signes précoces de choc, mais ne sont pas spécifiques d’une infection.
• Le choc septique est une évolution possible du syndrome septique grave quand le traitement de première intention ne répond pas et qu’un état de choc réfractaire se développe. En pratique, il s’agit d’une hypotension qui ne se corrige pas malgré un remplissage vasculaire adapté, accompagné ou non de signes d’hypoperfusion [158].
Épidémiologie
Les infections bactériennes peuvent être transmises par voies aérienne, digestive, transcutanée, conjonctivale ou génitale. La transmission est le plus souvent interhumaine. Les pathogènes des voies respiratoires sont transmis par la toux. D’autres pathogènes sont transmis par contact direct. Les pathogènes des voies digestives contaminent les mains du sujet infecté. Ils peuvent alors être transmis soit par contact direct, soit par l’intermédiaire d’aliments manipulés par le sujet contaminé.
Incidence ou prévalence
Les maladies infectieuses constituent la deuxième cause de mortalité dans le monde [157]. Les maladies diarrhéiques constituent encore aujourd’hui un problème majeur de santé publique dans les pays en développement. Elles touchent près de 400 millions de personnes dans le monde [59]. L’incidence des pneumopathies non tuberculeuses quant à elle est estimée entre 4,7 et 11,7 pour 1000 habitants [41]. Au Sénégal, une étude faite dans le service de pneumologie du CHNU de Fann en 2005 montre que les BPP aiguës représentaient 4,8% des hospitalisations [55]. En France, les infections urinaires communautaires sont le deuxième motif de consultation et de prescription d’antibiotiques au cabinet du médecin et dans les Services d’urgences (SAU), mais elles sont probablement la première cause d’infections bactériennes dans le pays. L’incidence annuelle française, estimée à4–6 millions de cas repose sur le fait que les infections urinaires représentent de1 % à 2,1 % de l’activité des médecins généralistes et que ces derniers en géreraient, avec les SAU, près de 90% [62].
En Afrique, la prévalence de l’ITU était de 8,7 % avec une incidence de 7,84 % au service de pédiatrie du CHU-Campus de Lomé en 2001[8].
Létalité
Les maladies infectieuses sont responsables de 45% des décès dans les pays à faibles revenus. Les infections bactériennes représentent 70% des cas de mortalité causés par les microorganismes [157]. Les maladies bactériennes sont indéniablement parmi les pathologies les plus fréquentes et les plus graves. À titre d’illustration : En France, la pneumonie communautaire représente la première cause de mortalité d’origine infectieuse et la cinquième cause de mortalité globale [7]. Au Sénégal, la mortalité est de 15,4% selon l’étude de Dia [55]. Quant aux méningites purulentes, la létalité varie entre 3% et 19% dans les pays développés mais reste plus élevée (37-60%) dans les pays en voie de développement où les conditions de prise en charges sont souvent précaires [115]. Cette infection fait partie des dix infections les plus mortelles et est responsable d’environ 135 000 morts annuels, les survivants présentant relativement souvent des séquelles neurologiques importantes (30%) [96, 146]. La létalité au Sénégal était comprise entre 7,3% et 25% selon l’étude de Tall .
Facteurs favorisants
L’affaiblissement des défenses de l’hôte est un facteur majeur de risque pour les infections microbiennes à germes opportunistes souvent à virulence faible. Cette diminution de la résistance aux infections peut être liée à des facteurs physiologiques (âge, grossesse, nutrition), environnementaux (traumatismes, agressions), ou à des maladies sous-jacentes affectant directement le système immunitaire (déficits immunitaires congénitaux ou acquis).
❖ L’âge :
Il influence considérablement la sensibilité aux infections. Les raisons pour lesquelles les nourrissons et les vieillards sont plus sensibles aux infections sont complexes et multifactorielles :
-immaturité du système immunitaire du nouveau-né et le déclin fonctionnel du système immunitaire chez le vieillard.
-le vieillissement qui est la cause d’un processus dégénératif généralisé qui altère la structure tissulaire des organes vitaux.
❖ La grossesse :
La sécrétion massive d’hormones stéroïdes (progestérone, cortisone, estrogènes) au cours du 3eme trimestre de la grossesse, est probablement une cause majeure de l’immunodépression.
❖ La nutrition :
L’état nutritionnel de l’hôte influence considérablement la sensibilité aux infections. En effet, un état de carence protéique ou vitaminique a des répercussions directes sur le système immunitaire, d’autant plus dommageables qu’ils surviennent sur des enfants en phase de croissance.
❖ Diabète et obésité :
On connait la fréquence et la gravité des infections bactérienne du diabétique chez qui il semble exister un affaiblissement de la fonction phagocytaire portant sur les différentes étapes de la phagocytose, associé à une baisse de l’immunité cellulaire T. Les obèses présentent une fréquence anormalement élevée d’infections pulmonaires. Cela serait dû aux effets antagonistes des dérivés du métabolisme des acides gras sur la fonction phagocytaire et surtout à une diminution de la capacité respiratoire.
❖ SIDA :
La multiplication du HIV dans les lymphocytes helper T4 et l’action lytique du virus sur ces cellules entraine une destruction progressive et complète du système immunitaire. Cela favorise de très nombreuses infections opportunistes.
❖ Splénectomie :
La rate est un organe immunitaire qui joue un rôle important d’épuration du courant sanguin et de synthèse d’anticorps opsonisants. Cet organe peut être absent ou détruit fonctionnellement à la suite de certains processus pathologiques : asplénie congénitale, infarctus spléniques au cours de la drépanocytose, maladie de Hodgkin. Le risque infectieux est considérablement augmenté après splénectomie. Il serait multiplié par 60 par rapport aux sujets normaux.
À côté de ces facteurs, de nombreux états pathologiques rendent l’hôte de plus en plus sensible aux infections. Il peut s’agir des maladies du système immunitaire lui-même (déficits immunitaires congénitaux, lymphome, leucémie…) de situations de stress (traumatismes, intoxications, infections) ou de thérapeutique immunosuppressives (chimiothérapie, radiothérapie).
Physiopathologie
À la suite d’agressions de tous types et particulièrement infectieuses, s’effectue chez l’hôte une série de réactions complexes dans le but de limiter les dégâts tissulaires, de détruire l’agent infectieux et d’activer les processus de réparation nécessaires pour récupérer un fonctionnement normal. L’inflammation désigne l’ensemble de ce processus homéostatique. On décrit à l’heure actuelle et de façon sans doute provisoire quatre stades à ce processus :
Phase d’initiation
Elle est déclenchée par divers facteurs de pathogénicité ou de virulence des agents infectieux (LPS, protéoglycans etc.). Cette étape aboutit à l’activation des facteurs protéolytiques et des cellules phagocytaires avec comme première conséquence une activation de cellules endothéliales, une augmentation de la vasodilatation, de la perméabilité vasculaire et le recrutement par les facteurs chimiotactiques des cellules à activité pro-inflammatoire. En même temps l’activation des cellules et en particularité les macrophages entraine la sécrétion et la libération de médiateurs préformés (leucotriènes, prostaglandines, thromboxane), à fort potentiel pro-inflammatoire.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. DEFINITIONS
I.1. Infection
I.2. Septicémie
I.3. Bactériémie
I.4. Classification des états infectieux
II. ÉPIDEMIOLOGIE
II.1. Incidence ou prévalence
II.2. Létalité
II.3. Facteurs favorisants
II.4. Physiopathologie
II.4.1. Phase d’initiation
II.4.2. Activation des cellules endothéliales
II.4.3. Activation des cellules
II.4.4. Syndrome de réponse inflammatoire systémique
II.5. Bactéries
III. INFECTIONS SELON LES SITES
III.1. Bactériémies
III.2. Localisation pulmonaire
III.2.1. Les pneumopathies
III.2.1.1. Pneumonies aiguës communautaires
III.2.2. Les pleurésies
III.3. Localisation cardiaque
III.3.1. Péricardite aiguë
III.3.2. Endocardites
III.4. Localisation urinaire
III.4.1. Cystite aigüe non compliquée
III.4.2. Pyélonéphrite aiguë non compliquée
III.4.3. Prostatite aigüe
III.5. Localisation méningée
III.5.1. Méningite
III.6. Localisation cérébrale
III.6.1. Encéphalites aigues diffuses
III.6.2. Suppurations intracrâniennes
III.6.2.1. Abcès cérébral
III.6.2.2. Empyème sous-dural
III.6.2.3. Empyème extradural
III.6.2.4. Thrombophlébite cérébrale
III.7. Localisation ostéo-articulaire
III.7.1. Arthrite septique
III.7.2. Spondylodiscite infectieuse
III.7.3. Ostéite- ostéomyélite aiguë
III.8. Localisation digestive
III.8.1. Diarrhée aiguë
III.9. Localisation cutanée
III.9.1. Cellulites infectieuses
III.9.1.1. Dermo-hypodermite non nécrosante : l’érysipèle
III.9.1.2. Dermo-hypodermite nécrosante : la fasciite nécrosante
III.9.2. Infections folliculaires
III.9.2.1. Folliculites superficielles
III.9.2.2. Furoncle, anthrax, furonculose
III.9.2.3. Staphylococcie maligne de la face
III.9.3. Infections superficielles non folliculaires
III.10. Localisation génitale
III.10.1. Chez l’homme
III.10.1.1. Orchi-épididymites aiguës
III.10.2. Chez la femme
III.10.2.1. Vaginites
III.10.2.2. Cervicite
III.10.2.3. Endométrite
III.11. Localisation oculaire
III.11.1. Conjonctivite bactérienne
III.11.2. Blépharite staphylococcique
III.11.2.1. Orgelet
III.11.2.2. Chalazion
III.11.2.3. Kératite
IV. EXAMENS MICROBIOLOGIQUES
IV.1. Hémoculture
IV.1.1. L’examen macroscopique
IV.1.2. Examen microscopique
IV.2. Localisation pulmonaire
IV.2.1. Examen cytobactériologiques des crachats
Examen microscopique
Culture
IV.2.2. Recherche des antigènes urinaires
IV.2.3. Sérologies
IV.2.4. PCR
IV.3. Localisation cardiaque
IV.3.1. La péricardite
IV.4. Localisation urinaire
IV.4.1. Test rapide indirect qualitatif par bandelette urinaire
IV.4.2. Examen cytobactériologique des urines (ECBU)
IV.4.2.1. Examen direct
IV.4.2.2. Culture
IV.5. Localisation cérébro-méningée
IV.6. Localisation ostéo-articulaire
IV.6.1. Arthrite septique
IV.6.2. Ostéite-ostéomyélite-spondylodiscite
IV.7. Localisation digestive
IV.7.1. Examen cytobactériologique des selles
IV.8. Localisation cutanée
IV.9. Localisation génitale
IV.9.1. Examen cytobactériologique des prélèvements génitaux
V. ANTIBIOTHERAPIE
V.1. Principes généraux
V.1.1. Caractéristiques essentielles des antibiotiques
V.1.1.1. Données microbiologiques
V.1.1.1.1 Activité antibactérienne
V.1.1.1.2. Résistance bactérienne
V.1.1.2. Caractéristiques pharmacocinétiques
V.1.1.3. Caractéristiques pharmacodynamiques
V.1.2. Modalités d’utilisation des antibiotiques
V.2. Effets indésirables
V.2.1. Manifestations cutanées
V.2.2. Choc anaphylactique
V.2.3. Manifestations neurologiques
V.2.4. Manifestations rénales
V.2.5. Manifestations pulmonaires
V.2.6. Manifestations hématologiques
V.2.7. Manifestations digestives
V.2.8. Manifestations hépatiques
V.2.9. Manifestation rhumatologiques
V.2.10. Troubles de la coagulation
V.2.11. Manifestations cardiaques
V.3. Classification des antibiotiques
V.4. Indications
CONCLUSION