Paludisme grave : Evolution des phénotypes cliniques et biologiques

Le paludisme est une érythropathie provoquée par le développement dans les hématies d’un protozoaire du genre Plasmodium. Il est transmis par la femelle du moustique du genre Anopheles.

Parmi les cinq espèces plasmodiales responsables du paludisme humain, trois sont strictement spécifiques à l’homme: P. falciparum, P. vivax et P ovale, et les deux autres P malaria et P knowlesi sont communes à l’homme et à des singes. P.falciparum est l’espèce la plus répandue et la plus redoutable. Elle est responsable de la majorité des décès liés à l’infection palustre. En 2011, 216 millions de cas cliniques de paludisme ont été recensés à travers le monde avec environ 655 000 décès. Cette mortalité concerne surtout les femmes enceintes et les enfants âgés de moins de cinq ans. Selon l’OMS, une diminution de 25% de la mortalité a été observée au niveau mondial par rapport à 2000[9]. Cette baisse serait le résultat d’une application plus large des stratégies de lutte contre la maladie et d’une amélioration de la prise en charge des cas, mais aussi une conséquence du développement. Pour autant le paludisme se classe au deuxième rang des causes de mortalité derrière la tuberculose et demeure encore un vrai problème de santé publique particulièrement en Afrique sub-saharienne. En raison des résistances grandissantes du parasite aux antipaludiques et du vecteur aux insecticides classiques, l’élaboration d’un vaccin reste une urgence [29]. Après plus de 40 années d’intenses investigations en vaccinologie, aucun vaccin anti-palustre permettant de prévenir la maladie n’est disponible. La complexité des interactions hôte parasite est à l’origine d’un tel échec [5]. Au Sénégal, sa transmission s’effectue principalement pendant la saison des pluies. En moyenne, il est responsable de 35% des motifs de consultation [57]. Les formes graves sont encore très fréquentes en milieu de réanimation tropical et sont souvent corrélées à une morbi-mortalité élevée, en raison des défaillances multi viscérales qu’elles entrainent. Il n’existe pas une définition universelle des formes sévères de l’infection palustre et les critères dits de gravité ont profondément évolué ces dix dernières années.

APPELS SUR LE PALUDISME 

Définition

Le paludisme est une maladie parasitaire endémo-épidémique et cosmopolite. Il est provoqué par des hématozoaires du genre Plasmodium. C’est un véritable problème de santé publique dans les pays en développement. Cependant, il reste une maladie au diagnostic relativement simple.

Historique

Trois mille ans avant Jésus Christ, les Egyptiens en souffraient et en mourraient déjà. Cette certitude est issue de la découverte de Plasmodiums dans des momies [46]. A peu prés même époque, soit à partir de 2700 ans av J-C, des cas d’accès palustres sont décrits en Chine. En 1630, le premier traitement à base d’écorce de Quinquina a été découvert par Don Francisco Lopez et l’agent pathogène fut découvert en 1880 par Laveran [39]. En 1897, les moustiques Anopheles furent reconnus comme étant les vecteurs de la maladie et en 1922, quatre espèces de Plasmodium infectant l’homme ont été alors décrites. Il faudra alors prés de 60 ans pour comprendre entièrement le cycle parasitaire et ses caractéristiques. En 1944, la chloroquine et l’amodiaquine, deux antipaludiques de synthèse très utilisés font leur apparition. Malheureusement, dès 1960, des souches de P. falciparum résistantes à la chloroquine sont découvertes en Asie et en Amérique latine. L’apparition sur le marché d’antipaludiques dérivés de l’artémisinine qui est issu de la pharmacopée chinoise apporte un regain d’espoir dans le cadre de la chimiothérapie antipaludique. Il existe cependant une pression de sélection qui tend à l’apparition de chimiorésistance [36]. C’est pour cette raison que l’OMS a recommandé en 2005 que ces dérivés d’artémisinine soient utilisés en bithérapie dans le but de limiter l’apparition du phénomène de chimiorésistance [54].

Epidémiologie

En 2012, selon les estimations de l’OMS, environ 207 millions de cas (intervalle d’incertitude : 135Ŕ287 millions) et 627 000 décès (intervalle d’incertitude : 473000Ŕ789 000) étaient imputables au paludisme. Il y a une diminution de la mortalité de 25 % au niveau mondial par rapport à 2000 et de 33 % dans la région africaine de l’OMS. Toutefois, 80 % des cas cliniques et 80% des décès dus au paludisme sont observés seulement dans 14 à 17 pays endémiques. La maladie est fortement associée à la pauvreté et les taux de mortalité sont plus élevés dans les pays où le revenu national brut par habitant est le plus faible [28].

➤ En Afrique sub-saharienne, le paludisme est très largement répandu et l’espèce prédominante est le Plasmodium falciparum. On y retrouve P ovale et P malariae répartis de manière plus sporadique. En Afrique de l’Est, on retrouve P vivax comme en Afrique du Nord où sa transmission est très faible. A Madagascar, toutes les espèces coexistent avec une transmission assez intense, seul P knowlesi est absent.
➤ En Amérique du Nord, le paludisme a été éradiqué, mais il existe des zones de transmission à P. vivax en Amérique centrale. P. falciparum et P. vivax sévissent toujours en Amérique latine.
➤ En Asie, la situation est identique à celle de l’Afrique. L’Asie du Sud-est est principalement concernée ; dans cette zone en plus de la présence de P. falciparum on note celles de P. vivax et de P. knowlesi.
➤ L’Europe est une zone où le paludisme a été éradiqué et il y existe une surveillance attentive des cas importés. Dans des régions telles que la partie européenne de la Fédération Russe, il y a une transmission du paludisme à P. vivax.
➤ L’Australie et la Nouvelle-Zélande sont indemnes. On note cependant une transmission hétérogène avec certaines îles atteintes et d’autres totalement dépourvues.
➤ Au Sénégal, le paludisme est endémique et représente la principale cause de morbidité et de mortalité chez les jeunes. Sa prévalence est passée de 32,5 % en 2005 à 5,7 % en 2009 chez les enfants âgés de moins de 5 ans. P. falciparum est la principale espèce parasitaire retrouvée. Elle est transmise par les moustiques du complexe Anophèles gambiae. Il s’agit d’une transmission saisonnière ayant lieu de Juin à Décembre selon les localités. Les femmes enceintes, les enfants de moins de 5 ans ainsi que les sujets non immuns comme les voyageurs sont plus susceptibles de développer les formes cliniques de l’infection palustre du fait de facteurs immunologiques, parasitaires ou environnementaux [57].

Etiopathogénie

Le parasite et son vecteur 

Les agents pathogènes responsables du paludisme sont des protozoaires parasites du genre Plasmodium appartenant au phylum Apicomplexa [76]. Le Plasmodium est un parasite intracellulaire obligatoire caractérisé par la présence d’un complexe apical formé d’organites spécifiques (anneaux polaires, rhoptries, micronèmes, granules denses) qui jouent un rôle essentiel dans l’invasion des cellules hôtes. Cinq espèces plasmodiales peuvent infecter l’homme : P. falciparum, P. vivax, P. ovale, P. malariae et P. knowlesi [32].

Les vecteurs des Plasmodium sont des arthropodes du genre Anopheles. Une soixantaine sont vecteurs « compétents » du paludisme humain dont : Anopheles arabiensis, Anopheles. gambiae et Anopheles funestus. Seule la femelle d’anophèle est hématophage, car les protéines du sang de vertébrés comme l’homme sont nécessaires au développement de ses ovaires. C’est à cette occasion qu’elle ingère puis transmet des pathogènes dont les Plasmodium. Les anophèles ont une longévité moyenne de trois à quatre semaines dépendant beaucoup de la température, avec un optimum entre 20 et 30 °C [50].

Cycle du Plasmodium falciparum

Le cycle biologique des Plasmodium se déroule obligatoirement chez deux hôtes. Un hôte intermédiaire l’homme chez qui a lieu la phase asexuée. Un hôte définitif et vecteur qui est un moustique du genre Anopheles hébergeant la phase sexuée. Chez l’homme, le cycle est divisé en deux phases :
➤la phase hépatique ou pré-érythrocytaire (exo-érythrocytaire) correspondant à la phase d’incubation qui est cliniquement asymptomatique ;
➤la phase sanguine ou érythrocytaire correspondant à la phase clinique de la maladie.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. RAPPELS SUR LE PALUDISME
I.1. Définition
I.2. Historique
I.3. Epidémiologie
I.4. Etiopathogénie
I.4.1. Le parasite et son vecteur
I.4.2. Cycle du Plasmodium falciparum
II. RAPPELS SUR LE PALUDISME GRAVE
II.1. Définition
II.2. Physiopathologie
II.2.1. La théorie mécanique
II.2.1.1. Modifications de la membrane érythrocytaire
II.2.1.2. Séquestration
II.2.1.2.1. Phénomène de rosetting
II.2.1.2.2. Adhésine plasmodiale ou PfEMP-1
II.2.2. La théorie humorale ou cytotoxique
III. ASPECTS CLINIQUES
III.1. Type de description : Paludisme grave de l’adulte semi-immun
III.1.1. Phase de début
III.1.2. Phase d’état
III.1.2.1. Dysfonctions d’organes
III.1.2.1.1. Troubles neurologiques
III.1.2.1.2. Troubles hématologiques
III.1.2.1.3. Au plan respiratoire
III.1.2.1.4. Au plan rénal
III.1.2.1.5. Au plan hémodynamique
III.1.2.1.6. Au plan hépatique
III.1.2.2. Dysfonctions métaboliques
III.1.2.2.1. Hypoglycémie
III.1.2.2.2. Acidose métabolique et acidose lactique
III.2. Autres tableaux
III.2.1. Paludisme de l’enfant
III.2.2. Paludisme de la femme enceinte
IV. ASPECTS PARACLINIQUES
IV.1. Diagnostic spécifique
IV.1.1. La goutte épaisse
IV.1.2. Frottis mince
IV.1.3. Test QBC
IV.1.4. Tests de diagnostic rapide (TDR)
IV.2. Diagnostic de présomption
IV.2.1. Hémogramme
IV.2.2. Bilan hépatique
IV.2.3. Bilan rénal
V. DIAGNOSTIC POSITIF
VI. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
VII. TRAITEMENT
VII.1. Traitement étiologique
VII.1.1. Quinine
VII.1.2. Arthemeter
VII.1.3. Antibiotiques
VII.2. Le traitement symptomatique
VII.2.1. Troubles neurologiques
VII.2.2. Anémie grave
VII.2.3. Hypoglycémie
VII.2.4. Acidose
VII.2.5. Défaillance cardio-vasculaire
VII.2.6. Hyponatrémie
VII.2.7. Insuffisance rénale
VII.2.8. Hyperthermie
VIII. SURVEILLANCE DU TRAITEMENT
IX. EVOLUTION SOUS TRAITEMENT
CONCLUSION

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