Le paludisme est une parasitose due ร un hรฉmatozoaire du genre Plasmodium et transmise par la piqรปre de moustiques du genre Anopheles. Selon les estimations de lโOMS, 207 millions de cas de paludisme ont รฉtรฉ rรฉpertoriรฉs en 2012 dont 627 000 cas de dรฉcรจs. La plupart des cas cliniques et des dรฉcรจs surviennent en Afrique sub-saharienne et cette mortalitรฉ concerne surtout les femmes enceintes et les enfants รขgรฉs de moins de cinq ans. Au Sรฉnรฉgal, le paludisme constitue la premiรจre cause de morbiditรฉ et de mortalitรฉ. Il reprรฉsente plus de 35% des motifs de consultation bien quโon y assiste depuis 2000 ร une diminution de son incidence grรขce aux stratรฉgies nationales et mondiales. Plusieurs รฉchecs ont รฉtรฉ constatรฉs dans la prรฉvention et la prise en charge de lโinfection palustre. Ils sont essentiellement dus aux rรฉsistances grandissantes du parasite aux antipaludiques et du vecteur aux insecticides. Face ร une telle situation, de nouveaux moyens de lutte sโimposent. Lโรฉlaboration dโun vaccin ainsi que lโamรฉlioration des mรฉthodes de diagnostic et de prise en charge des cas cliniques restent encore des urgences. Ces nouvelles stratรฉgies de lutte passent par une meilleure connaissance de la rรฉponse immunitaire anti palustre au cours des diffรฉrents stades du dรฉveloppement parasitaire. Comme beaucoup d’autres pathogรจnes, le Plasmodium induit une rรฉponse immunitaire chez lโhomme. Elle est complexe et varie selon lโendรฉmicitรฉ palustre, les facteurs รฉpidรฉmiologiques, les caractรจres gรฉnรฉtiques, lโรขge de lโhรดte infectรฉ, le stade de dรฉveloppement et lโespรจce parasitaire concernรฉe. Plusieurs facteurs auxquels, il faudra tenir compte dans la mise au point dโun vaccin ou dโune mรฉthode quelconque de dรฉtection des parasites. La prรฉsente รฉtude sโinscrit dans le cadre des investigations permettant une meilleure connaissance de lโimmunitรฉ antipalustre. Un recrutement de patients en milieu hospitalier ร Dakar, nous a permis dโรฉvaluer, les rรฉponses en IgG dirigรฉes contre deux antigรจnes de Plasmodium falciparum : CSP et GLURP, en vue dโidentifier des biomarqueurs immunologiques de gravitรฉ ayant une valeur diagnostique et/ou pronostique, au cours du paludisme clinique.
DEFINITION ET HISTORIQUE DU PALUDISME
Le paludisme (malaria en anglais) est une maladie parasitaire fรฉbrile, hรฉmolysante due ร des hรฉmatozoaires du genre Plasmodium, transmis par des moustiques du genre Anopheles. Cโest lโune des maladies les plus anciennement connue et les premiรจres traces รฉcrites remontent ร lโAntiquitรฉ. Dans la littรฉrature mรฉdicale chinoise, il a รฉtรฉ mentionnรฉ une reprรฉsentation de lโempereur Huang Ti (an 2700 avant J.C.) symbolisant le paludisme par un dragon ร trois tรชtes: la premiรจre รฉtant un marteau en rapport avec les maux de tรชtes ; la deuxiรจme, un sceau dโeau glacรฉe pour les frissons et la troisiรจme, un diadรจme de fer forgรฉe reprรฉsentant la fiรจvre observรฉe au cours de la maladie [1]. En 1600 avant J.C., une description de la maladie รฉtait mentionnรฉe dans les รฉcrits รฉgyptiens. Ces observations ont รฉtรฉ confirmรฉes par lโanalyse de rates de momies qui รฉtaient hypertrophiรฉes et la dรฉcouverte de Plasmodium dans ces momies [1].
Nous avons rรฉsumรฉ quelques dates marquant lโhistoire de lโinfection palustre.
– 1633 – Utilisation de la dรฉcoction dโรฉcorces de quinquina au Pรฉrou pour traiter le paludisme ;
– 1820 – Extraction du principe actif du quinquina par Pelletier et Caventou ;
– 1880 – Dรฉcouverte de lโhรฉmatozoaire responsable par A. Laveran;
– 1897 – Dรฉcouverte par Ronald Ross des kystes parasitaires dans les parois de lโestomac dโanophรจles femelles ayant piquรฉ un patient atteint de paludisme ;
– 1898 – Description par Grassi des mutations subies par le parasite chez lโanophรจle
– 1934 – Mise au point de la chloroquine comme premiรจre amino-4 quinolรฉine ;
– 1939 – Dรฉcouverte de la DDT considรฉrรฉe comme le premier insecticide ;
– 1950 – Lancement des programmes dโรฉradication du paludisme ร lโรฉchelle mondiale, associant des stratรฉgies anti-vectorielles ร des mรฉthodes chimioprophylactiques. Ces programmes ont permis dโune part lโรฉradication de la maladie en Europe, aux รtats-Unis, en Egypte et au Moyen-Orient et dโautre part la rรฉduction de la morbiditรฉ et de la mortalitรฉ dans certaines rรฉgions endรฉmiques.
– 1960 – Description des premiรจres souches de P. falciparum rรฉsistantes ร la chloroquine, recrudescence du paludisme dans de nombreux pays et apparition dโune rรฉsistance des vecteurs ร la DDT [2].
-1969 – Changements de stratรฉgies pour le contrรดle de la maladie surtout dans les pays en voie de dรฉveloppement avec dโ importants investissements octroyรฉs dโune part ร la recherche et au dรฉveloppement de vaccins anti palustres et dโautre part ร lโutilisation des moustiquaires imprรฉgnรฉes dโinsecticides et aux traitements ร base dโArtรฉmisinine.
– 1976 – Mise en culture de P. falciparum par Trager et Jensen ;
– 1987 – Mise au point du premier candidat vaccin: le Spf66 par M E Patarroyo. Plusieurs candidats vaccins ont รฉtรฉ par la suite รฉlaborรฉs cโest le cas du RTS-S [3, 4]. Ce candidat vaccin est en cours dโessai de phase 3 [4, 5].
– 2002 – Sรฉquenรงage du gรฉnome de P. falciparum .
EPIDEMIOLOGIE DE LโINFECTION PALUSTREย
Paludisme dans le monde
Le paludisme est la premiรจre maladie parasitaire mondiale. Selon lโOMS, environ 3,4 milliards de personnes sont exposรฉes ร travers le monde et surtout en Afrique et en Asie du Sud-Est oรน surviennent plus de 80% des cas (Figure 1) [7]. Dans de nombreux pays dโAfrique subsaharienne, lโinfection palustre est la premiรจre cause de mortalitรฉ. Elle reprรฉsente 20 ร 50% des admissions dans les services sanitaires bien que seulement 8 ร 25% des personnes atteintes soient diagnostiquรฉes dans ces services. Sur le plan รฉconomique, la maladie entraรฎne une baisse du taux de croissance allant jusquโร 1,3% dans les pays fortement touchรฉs. La prise en charge des cas et les moyens de lutte mis en ลuvre mobilisent jusquโร 40% des dรฉpenses de santรฉ publique.ย Selon lโOMS, sur 58 pays ayant soumis des donnรฉes suffisamment exhaustives et cohรฉrentes sur les cas de paludisme entre 2000 et 2011, seuls 50 sont en bonne voie pour atteindre les objectifs fixรฉs รฉtant de rรฉduire de 75 % le nombre de cas de paludisme dโici 2015. Toutefois, ces 58 pays ne reprรฉsentent que 15 % des cas estimรฉs dans le monde [7]. En 2012, avec 207 millions de cas cliniques et 627.000 dรฉcรจs / an recensรฉs, le paludisme est toujours la 1รจre cause de dรฉcรจs particuliรจrement en Afrique subsaharienne (Figure 1). Ces dรฉcรจs concernent surtout les enfants de moins de 5 ans (86% des dรฉcรจs) et les femmes enceintes [7]. Sur la base des donnรฉes รฉpidรฉmiologiques, la maladie est qualifiรฉe dโendรฉmique, dโรฉpidรฉmique ou mรชme de sporadique. Il existe des disparitรฉs entre les pays et au sein dโun mรชme pays selon les rรฉgions, villes et campagnes. En outre, du point de vue de la lutte, moins de 25% de personnes utilisent un moyen de protection individuelle dans les zones rurales et cโest dans les grands centres urbains que lโon retrouve les taux les plus รฉlevรฉs dโautomรฉdication avec plus de 60%.
Situation du paludisme au Sรฉnรฉgalย
Au Sรฉnรฉgal, la mise en place du Programme Nationale de Lutte contre le Paludisme (PNLP) en 1995 a permis une meilleure dรฉfinition des politiques et stratรฉgies de lutte contre la maladie ainsi quโune coordination des activitรฉs sur lโรฉtendue du territoire.
Ces stratรฉgies reposent sur la lutte anti-vectorielle avec lโutilisation des insecticides par pulvรฉrisations intra-domiciliaires et des moustiquaires imprรฉgnรฉes, la chimio-prophylaxie et sur lโutilisation de tests de diagnostic rapide depuis 2008 [10]. La combinaison de toutes ces mรฉthodes de lutte est ร lโorigine dโune baisse significative des taux de morbiditรฉ et de mortalitรฉ, passant de 33,57% en 2006 ร 3,1% ร la fin de lโannรฉe 2009 pour la morbiditรฉ proportionnelle et de 18,17% ร 4,4% pour la mortalitรฉ proportionnelle, au cours de la mรชme pรฉriode (Figure 2). Nรฉanmoins, la maladie reste encore un problรจme de santรฉ dans le pays. Elle est endรฉmique tout au long de lโannรฉe, avec un pic saisonnier de transmission pendant la saison des pluies. En moyenne, elle serait responsable dโenviron 35% des motifs de consultation [10]. Pour traduire la dynamique de la transmission en fonction des variations du biotope ; on utilise la notion de faciรจs รฉpidรฉmiologique dรฉfini comme un ensemble de zones dans lesquelles lโinfection palustre prรฉsente les mรชmes caractรฉristiques de transmission, de dรฉveloppement de lโimmunitรฉ et de manifestations pathologiques [11]. Au Sรฉnรฉgal, on distingue deux principaux faciรจs รฉpidรฉmiologiques, le faciรจs tropical et le faciรจs sahรฉlien.
Dans chacun de ces faciรจs, il existe des modifications locales liรฉes ร la prรฉsence d’une vรฉgรฉtation particuliรจre, d’un cours d’eau ou des modifications anthropiques telles que lโirrigation et lโurbanisation [12]. Le niveau de transmission diminue en passant du Nord au Sud du pays. La transmission est hypo ou mรฉsoendรฉmique au Nord et au Centre et hyper ou holoendรฉmique au Sud du pays (Figure 3). Ainsi, le faciรจs tropical est retrouvรฉ au Sud oรน 30 ร 35% de lโensemble de la pathologie fรฉbrile est due au paludisme. Ce taux peut passer de 80%, en saison des pluies, ร 10%, en saison sรจche. Le faciรจs sahรฉlien est prรฉsent au Nord et au Centre du pays, il y existe un caractรจre instable du paludisme. On y observe des รฉpisodes รฉpidรฉmiques au cours des annรฉes de forte pluviomรฉtrie[12]. Sur lโรฉtendue du pays, Plasmodium falciparum reprรฉsente prรจs de 90% des espรจces plasmodiales selon le PNLP.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I – DEFINITION ET HISTORIQUE DU PALUDISME
II – EPIDEMIOLOGIE DE LโINFECTION PALUSTRE
II – 1 – Paludisme dans le monde
II โ 2 – Situation du paludisme au Sรฉnรฉgal
III – BIOLOGIE DU PALUDISME
III โ 1- Le parasite
III โ 2- Les vecteurs
III – 3 – Cycle biologique des plasmodies
III โ 3 โ 1- La phase sexuรฉe ou sporogonie chez lโanophรจle
III โ 3 โ 2- La phase asexuรฉe ou schizogonie chez lโhomme
III โ4 – Quelques antigรจnes du sporozoรฏte et du mรฉrozoรฏte
IV – PATHOLOGIE DE LโINFECTION PALUSTRE
IV โ 1- Lโaccรจs palustre simple
IV โ 2- Les formes palustres graves
IV โ 2 โ 1- Dรฉfinition et critรจres du paludisme sรฉvรจre
IV โ 2 โ 2- Aspects physiopathologiques des formes palustres sรฉvรจres
IV โ 2 โ 3- Manifestations cliniques et biologiques
IV โ 2 โ 3 โ 1 – Atteinte neurologique ou neuropaludisme
IV โ 2 โ 3 โ 2 – Acidose mรฉtabolique
IV โ 2 โ 3 โ 3 – Atteinte rรฉnale
IV โ 2 โ 3 โ 4 – Atteintes hรฉmatologiques
IV โ 2 โ 3 โ 5 – Hyper parasitรฉmie
IV โ 2 โ 3 โ 6 – Atteinte hรฉpatique
IV โ 2 โ 3 โ 7 – Hypoglycรฉmie
V – IMMUNITE ANTI-PALUSTRE
V โ 1- La notion de prรฉmunition
V โ 2- La rรฉponse immunitaire innรฉe antipalusre
V โ 3- Rรฉponse immunitaire acquise antipalustre
V โ 3- 1-Rรดles des lymphocytes T
V โ 3- 2-Rรดles des lymphocytes B et des anticorps
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
I. SITEET CADRE DโETUDE
I.1. Site dโรฉtude : Dakar et sa banlieue
I.2. Cadre dโรฉtude : hรดpital Principal de Dakar et Institut Pasteur de Dakar
II. MATERIEL ET METHODES
II.1. Matรฉriel
II.1.1. Matรฉriel de laboratoire
II.1.2. Tampons de dosage
II.1.3. Matรฉriel biologique
II.1.3.1Anticorps monoclonaux de rรฉvรฉlation
II.1.3.2 Sรฉrums tรฉmoins systรฉmatiques
II.1.3.3. Sรฉrums et population dโรฉtude
II.1.3.4. Antigรจnes รฉtudiรฉs
II.2. Mรฉthodologie
II.2.1. Dรฉtermination des densitรฉs parasitaires
II.2.2. Technique ELISA
II.2.3. Analyses statistiques des rรฉsultats
III. RESULTATS
III.1. Caractรฉristiques de la population dโรฉtude
III.1.1. Donnรฉes gรฉnรฉrales de la population dโรฉtude
III.1.2. Caractรฉristiques biologiques de la population dโรฉtude
III.2. Evaluation des rรฉponses anticorps dirigรฉs contre les antigรจnes
III.2.1. Comparaison globale des rรฉponses IgG entre les antigรจnes testรฉs
III.2.2. Evaluation des rรฉponses Ac suivant la gravitรฉ des accรจs palustres
III.2.2.1. Comparaison des prรฉvalences de rรฉpondeurs
III.2.2.2. Comparaison des niveaux de rรฉponses en IgG
III.2.3. Evaluation des rรฉponses Ac suivant lโissue du paludisme sรฉvรจre
III.3. Interrelations entre les rรฉponses Ac dans les deux types dโaccรจs
III.4. Comparaison des rรฉponses en IgG suivant les densitรฉs parasitaires
III.4.1 Evolution des taux dโIgG suivant la gravitรฉ
III.4.2. Evolution des taux dโIgG selon lโissue du paludisme grave
IV โ DISCUSSION
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES