Le mariage : une institution en mouvement
Une demande pour le mariage ?
Qualifié de « mariage du siècle » par la presse, le mariage de Kate et William a touché un large public dans le monde, y compris en France : quelques 9 millions de téléspectateurs ont pu vivre en direct à l’échange des consentements, sur l’une des trois chaînes hertziennes couvrant l’événement. S’ils en doutaient encore, 1,3 millions de téléspectateurs ont également pu constater que les deux protagonistes s’étaient finalement dit « oui », grâce au résumé diffusé le soir même sur l’une des chaînes de la TNT. Si les fastes et la tradition ne sont pas étrangers à l’engouement du public français, le mariage princier a suscité une grande curiosité, voire un brin de fascination traduisant l’intérêt que le public français porte encore au mariage et à son rituel. Un mois et demi plus tard, le législateur est appelé à se prononcer quant à la possibilité d’ouvrir le mariage aux couples homosexuels en France . La demande d’ouverture du mariage aux couples homosexuels traduit le fait que l’institution du mariage et sa symbolique revêt une certaine importance auprès de ces couples. Néanmoins, les partisans de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe s’appuie sur la symbolique engendré par la différence de traitement entre les différents couples. La différence de traitement basée sur l’orientation sexuelle du couple est considérée comme une discrimination par les défenseurs du mariage gay, car elle crée une inégalité de droits entre différents couples : l’association SOS Homophobie voit dans l’ouverture du mariage aux couples homosexuels une étape primordiale à la lutte contre l’homophobie . Au contraire, les détracteurs du mariage gay indiquent que la différence de traitement n’est pas discriminatoire car elle s’appuie sur l’idée que le mariage est l’élément constitutif de la famille, elle-même composée d’un homme et d’une femme, et éventuellement d’enfants .
Mariage princier, mariage homosexuel : ces deux événements ont marqué l’actualité du premier semestre 2011 en France. Ils ont en commun de rappeler une certaine symbolique du mariage : si le mariage princier évoque les contes de fées dans lesquels les protagonistes « se marièrent et eurent beaucoup d’enfants », le mariage gay va à l’encontre de celle-ci, en posant la question de la définition et de la signification du mariage aujourd’hui.
Une institution aux contours mouvants
Le mariage : marqueur d’une nouvelle entité juridique et économique
En France, le mariage est inscrit dans le Code Civil : le législateur fixe un certain nombre de règles, qui décrivent les droits et devoirs des partenaires l’un envers l’autre, et par rapport à la société. Il ne propose pas de définition explicite et celle-ci découle de l’interprétation des textes de loi. Une définition du mariage, proposée par le gouvernement fait référence à ces règles : « Le mariage est un acte public, juridique et solennel par lequel un homme et une femme s’engagent l’un envers l’autre dans la durée, devant et envers la société, pour fonder ensemble un foyer. En se mariant, les époux font ensemble une double démarche. Ils acceptent et reconnaissent l’institution du mariage et la loi commune qui la régit, mais en retour, ils demandent à la société de reconnaître l’existence et la valeur de leur engagement mutuel et de leur assurer la protection de la loi. Le mariage civil, qui n’est pas une simple formalité administrative, ne commence et ne s’achève pas le jour de la cérémonie. »
Cette définition traduit l’importance du cadre législatif qui d’une part définit ce qu’est le mariage (« acte public, juridique et solennel »), à qui l’institution s’adresse (« un homme et une femme »), l’objectif du mariage (« pour fonder un foyer ») et d’autre part offre le cadre législatif à la réalisation de cet objectif, en fixant les règles régissant les rapports interpersonnels des conjoints et envers les tiers. La notion de foyer est donc au fondement même de l’institution du mariage, car elle définit ce sur quoi le couple, en se mariant, contracte. Or, celle-ci n’est ni atemporelle, ni universelle. Elle se trouve être la pierre d’achoppement de la question politique du mariage gay. Les anti-mariage gay voient dans le mariage la fondation d’une famille . Les pro-mariage gay voit dans le mariage le cadre législatif permettant de fonder « quelque chose » de stable. La valorisation du mariage comme institution assurant la stabilité du couple est également revendiquée par les opposants au mariage gay . Si les deux camps se rejoignent sur l’idée que le mariage traduit la stabilité du couple, les anti-mariage gay exposent la différence des sexes comme une condition constituant la nature même du mariage et les pro-mariage gay insistent sur le fait que le mariage naît de la volonté de deux personnes de vivre et de construire leur vie ensemble.
En opposant deux définitions du mariage, les débats concernant le mariage gay rappellent que, malgré ses racines millénaires, le mariage n’est pas une institution figée et ses contours sont mouvants. La définition de l’institution du mariage peut être amenée à évoluer, suite à des modifications de la loi, mais cette définition même traduit la nature du contrat. Ainsi, le cadre législatif n’a jamais cessé d’être modifié, pour prendre en compte les évolutions de la société. Les principales évolutions du mariage au cours de la seconde moitié du 20e siècle ont profondément modifié les relations familiales en déconnectant progressivement la famille du mariage. Depuis 1972, il n’est plus possible de distinguer un enfant (en particulier en termes d’héritage) selon le statut matrimonial des parents, en différenciant les enfants légitimes des enfants naturels. De plus, l’autorité paternelle a disparu au profit de l’autorité parentale, mettant les deux conjoints sur un pied d’égalité. Par ailleurs, depuis 2001, les enfants adultérins ne peuvent plus être distincts des enfants légitimes. Ainsi, le statut matrimonial des parents ne permet plus de traiter distinctement les enfants. Ce changement répond à l’accroissement du nombre d’enfants nés hors-mariage et donc au développement de la cohabitation. Celle-ci traduit la déconnexion de la notion de couple de celle de mariage : la cohabitation est aujourd’hui un mode de vie courant, qu’il soit l’antichambre du mariage ou qu’il s’inscrive dans le long terme. Le mariage n’est plus l’acte fondateur du couple.
La cohabitation, également qualifiée d’union libre ou concubinage, est décrite depuis 1999 par l’Article 515-8 du Code Civil : « Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple. »
Union de fait, elle n’est que constatée par la loi, elle n’ouvre aucun droits ou devoirs aux partenaires l’un envers l’autre. Les concubins sont autonomes financièrement et la loi ne leur apporte quasiment aucune protection, en tant que couple. Les droits ouverts aux couples cohabitants peuvent être plus étendus dans certains pays d’Europe, rendant les comparaisons internationales difficiles (Gassen and Perelli Harris, 2011). Ainsi, le mariage permet aux partenaires de passer d’un cadre qui ne reconnaît pas leur union à un cadre législatif lui apportant une existence officielle. Le mariage constitue la mise en place d’une nouvelle entité juridique, qui peut être symbolisée par un nom de famille commun . Cette nouvelle entité est également un acteur économique, puisque le mariage définit une communauté entre les époux qui mettent en commun leur patrimoine et leur ressources , et sont solidaires des dettes. La communauté étant une entité économique et juridique, le divorce est également un acte juridique dont le but est de dissoudre la communauté. Le mariage était la seule façon de rendre le couple officiel et de créer une entité juridique et économique jusqu’en 1999. Depuis, la création du pacs a offert aux couples hétérosexuels une forme alternative de reconnaissance officielle du couple.
La création d’une union alternative : le pacs
En parallèle du développement de la cohabitation hors mariage, l’offre de contrats matrimoniaux s’est diversifiée avec la création du Pacte Civil de Solidarité (pacs) en France le 15 Novembre 1999. Le pacs est défini par l’article 515-1 du Code Civil : « Un pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune. »
Le pacs est né de la revendication des couples homosexuels à voir leur union reconnue légalement et à bénéficier d’un cadre protecteur pour leur couple. Sa création a été l’objet de nombreux débats dont la question centrale était la reconnaissance légale des couples de même sexe. Il est toutefois intéressant de remarquer que la première proposition de loi visant à créer une forme d’union alternative, portée devant le Sénat en 1990, incluait la possibilité d’ouvrir cette union à tous types de duos, y compris fratries et couples hétérosexuels. Cette possibilité a été conservée dans toutes les propositions qui ont suivi : CUC (Contrat d’Union Civile, 1991-1995), CVS (Contrat de Vie Sociale, 1995), CUS (Contrat d’Union Sociale, 1995), PIC (Pacte d’Intérêt Commun, 1995) puis PACS (Pacte Civil de Solidarité, 1998-1999) . Ainsi, dès les premiers débats concernant la mise en place d’une union alternative, la France se distingue de ses prédécesseurs européens : le Danemark (1989), la Norvège (1993) et la Suède (1995) mettent en place des unions exclusivement destinées aux couples homosexuels. Seuls les Pays-Bas (1998) et la Belgique (2000) proposent des unions ouvertes à tous les couples. Il s’agissait donc de créer une union distincte du mariage, pensée également pour apporter une solution aux couples qui ne désirent pas se marier.
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Table des matières
1 Introduction générale
1 Le mariage : une institution en mouvement
1.1 Une demande pour le mariage ?
1.2 Une institution aux contours mouvants
1.3 Le mariage : une institution rétrograde ?
2 Problématique et plan de la thèse
2.1 Problématique générale
2.2 Les méthodes employées
2.3 Plan de thèse
2 Would you civil union me ?
1 Introduction
2 Civil Union, the income tax system in France and the reform in 2005
2.1 The pacs : history and main changes
2.2 The tax system of pacsed couples in France
2.3 The 2005 reform of the pacs
3 Data and preliminary evidences
3.1 Available Data
3.2 Demographic trends
4 The estimation strategy
4.1 Limits of a difference in difference model
4.2 The estimated model
5 The results
5.1 Effect on the pacs rate
5.2 Effects on dissolutions
6 Interpretation
7 Conclusion
8 Annexes
8.1 Identification strategy
8.2 The tax system in France
8.3 Descriptive statistics
8.4 Results
3 Competing marital contracts ?
1 Introduction
2 Marriage and pacs
2.1 Marriage : key historical changes
2.2 The introduction of pacs : a competing contract ?
3 Links between marriage and pacs
3.1 Related literature : the economics of marital contracts
3.2 Theoretical approach
4 Period analysis : marriage trends
4.1 Data
4.2 The long run evolution of marriage
4.3 Period indicators : Marriage rates and mean age
5 Delayed marriages ? A cohort analysis
5.1 Detect delaying and foregone marriages : a quantile approach
5.2 A cohort based approach
5.3 Empirical strategy
5.4 Results
6 Conclusion
7 Annexes
7.1 Period analysis
7.2 Cohort approach
7.3 Quantiles
7.4 Results
7.5 Estimations
4 Do bankers prefer married couples ?
1 Introduction
2 Marriage as a signal
3 Measuring credit constraints
3.1 A general framework defining credit constraints
3.2 Identifying credit constrained households
4 Descriptive statistics
4.1 Data : Housing Survey
4.2 Credit constraints
4.3 Married and unmarried couples
5 Estimation strategy
5.1 Roy-Rubin causal model
5.2 The statistical problem of selection on observables
6 Results
6.1 Estimation of the propensity score
6.2 On declarative credit constraints : constraints at the extensive margin
6.3 On the measure of credit constraints at the intensive margin
7 Conclusion
8 Annexes
8.1 Financial difficulties
8.2 Macro environnement and sub sample selection
8.3 Application process
8.4 Descriptive statistics
8.5 Impact of covariates on credit constraints and estimation of the propensity score
8.6 Results
8.7 Propensity score
8.8 Weights
5 Conclusion générale
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