Oxydation à haute température de la gaine

Oxydation à haute température de la gaine 

Différentes couches présentes 

Dans les conditions normales de fonctionnement en réacteur, la gaine s’oxyde en face externe, où se forme une certaine épaisseur de zircone (ZrO2) ; le métal sous-jacent est présent sous sa forme a-Zr. La zircone formée dans ces conditions est majoritairement de structure monoclinique. À plus haute température (~1 200°C) la zircone devient tétragonale ; cf. la transformation a-ZrO2 ® bZrO2 du diagramme de phases zirconium-oxygène (Kisi and Howard 1998). Cette structure stable à haute température peut être stabilisée à plus basse température, par des contraintes internes de compression par exemple, comme l’observent Gosset et Le Saux (Gosset and Le Saux 2015).

Lors d’une oxydation à HT, le zirconium sous forme métallique se transforme en phase b si la température atteinte est suffisamment élevée. Il y a par ailleurs diffusion anionique de l’oxygène à travers la couche d’oxyde de la surface vers l’interface métal/oxyde. Une partie de l’oxygène permet à la couche d’oxyde de croître, l’autre partie diffuse dans le métal. La phase b se transforme alors progressivement en phase a stabilisée par l’oxygène ; cette phase a, riche en oxygène, est appelée a(O) et forme une couche intermédiaire entre la couche métallique de phase b et l’oxyde (Stern 2007).

Après trempe, la gaine comporte donc schématiquement, dans le cas d’une oxydation via une seule face, trois phases qui sont :

– la zircone, fragile à basse température, contenant près de 30%at d’oxygène (%atO),
– la phase a stabilisée par l’oxygène (de ~10 à 30%atO), elle aussi fragile à basse température mais pouvant néanmoins conserver une certaine ductilité à haute température, d’après par exemple l’étude de Chosson (Chosson 2014; Chosson et al. 2016),
– la phase ex-b la moins enrichie en oxygène (jusqu’à ~3-5%atO), qui correspond à la phase b à HT retransformée en phase a (mais avec une microstructure très différente de celle du matériau en phase a à l’état de réception) lors du refroidissement et qui peut conserver une certaine ductilité même à basse température.

Dans l’épaisseur de la gaine il y a donc un gradient de concentration en oxygène entraînant un gradient de microstructure.

Microstructure après refroidissement depuis le domaine de phase b

La microstructure résultant de la transformation b → a au refroidissement est fonction de la composition chimique ainsi que de la vitesse de refroidissement (θr). Pour une vitesse élevée, supérieure à la vitesse critique de trempe martensitique (θc), la transformation se fait sans diffusion et est de type martensitique. La microstructure générée se présente sous la forme de fines aiguilles ou plaquettes de phase a’, de réseau cristallin a mais légèrement distordu . Des études suggèrent la présence de mâcles à l’issue de cette transformation de type martensitique (Woo and Tangri 1979; Stern 2007).

Pour des vitesses inférieures à θc , le mécanisme de transformation est de type bainitique ou « Widmanstätten » pour lequel la diffusion est possible, formant ainsi une microstructure sous forme de lamelles plus ou moins enchevêtrées.

Au cours du refroidissement et de la transformation de phases b → a, il apparaît des fluctuations microchimiques du fait de la co-ségrégation de l’oxygène d’une part, et des éléments d’alliage d’autre part. Ce « partitioning » conduit par exemple à la présence de phases enrichies et appauvries en oxygène dont les proportions respectives sont dépendantes des teneurs moyennes en oxygène ainsi que du scénario de refroidissement (Stern 2007). Comme les autres éléments bêtagènes (Fe, Cr, Nb,…), l’hydrogène, lorsqu’il est présent dans la gaine, a tendance à enrichir les dernières zones de phase b encore non transformée en phase a au refroidissement et donc à accentuer ce « partitioning »(Brachet et al. 2002).

Ce « partitioning », conduisant à une microstructure hétérogène, a un effet sur la température de transition ductile-fragile des points de vue microscopique et macroscopique. En effet pour une rupture macroscopique ductile, Crépin et al. ont observé sur les faciès de rupture la coexistence de deux modes de rupture différents à l’échelle microscopique (Crépin, Bretheau, and Caldemaison 1995). Ce mécanisme est appelé « fluting » par Aitchison et Cox. (Aitchison and Cox 1972) et Spurrier et Scully (Spurrier and Scully 1972) dans le cas de corrosion sous contrainte. Ce « fluting » se manifeste par la présence de zones de déchirement ductile localisées, aux interfaces de zones très riches en oxygène par exemple, au voisinage de zones de clivage (Roberts et al. 1979; Leech and Garlick 1984).

Ce mode de rupture mixte ductile-fragile à l’échelle microscopique a également été observé pour des matériaux dont le « partitioning » est dû à des teneurs en hydrogène élevées (Pshenichnikov, Stuckert, and Walter 2014). Les zones fragiles sont enrichies en hydrogène. Les ligaments ductiles sont localisés aux interfaces de ces domaines, et sont donc appauvris en hydrogène. Ainsi, ce phénomène assimilable à du « fluting » bien que les mécanismes sous-jacents ne soient pas les mêmes correspond à un endommagement ductile dû à la germination des cavités aux joints de lamelles où précipitent les éléments bêta-gènes d’après les observations de Crépin et al.(Crépin, Bretheau, and Caldemaison 1995), aux interfaces des zones fortement enrichies en oxygène d’après les travaux de Stern (Stern 2007), ou encore aux interfaces des zones à fortes teneurs en hydrogène d’après l’étude de Pshenichnikov et al (Pshenichnikov, Stuckert, and Walter 2014).

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Table des matières

INTRODUCTION
1 ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE
1.1. Introduction
1.2. Gaines des crayons combustibles dans les Réacteurs à Eau Pressurisée
1.3. Accident par Perte de Réfrigérant Primaire et hydruration secondaire
1.3.1. L’Accident par Perte de Réfrigérant Primaire
1.3.2. L’hydruration secondaire
1.4. Les matériaux étudiés : le Zircaloy-4 et le M5®
1.5. Oxydation à haute température de la gaine
1.5.1. Différentes couches présentes
1.5.2. Microstructure après refroidissement depuis le domaine de phase b
1.5.3. Influence de l’oxygène
1.5.4. Influence de l’hydrogène
1.5.5. Influence de la température
1.5.6. Influence du scénario de refroidissement
1.6. Conclusions
2 OBTENTION ET CARACTÉRISATION PRÉLIMINAIRE DES MATÉRIAUX « MODÈLES » PRÉHYDRURÉS
2.1. Introduction
2.2. Procédé et méthodes expérimentales
2.3. Étude paramétrique des conditions de chargement
2.4. Microstructure à l’issue du chargement en hydrogène
2.5. Conclusions
3 CARACTÉRISATIONS MÉTALLURGIQUES AU COURS ET APRÈS REFROIDISSEMENT DEPUIS LE DOMAINE DE PHASE b
3.1. Introduction
3.2. Nature fraction et répartition des phases présentes
3.3. Température de transformation eutectoïde
3.4. Effet de l’hydrogène sur les paramètres de maille
3.5. Conclusions
4 ÉVOLUTIONS DES PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES AU COURS DU REFROIDISSEMENT DEPUIS LE DOMAINE DE PHASE b
4.1. Introduction
4.2. Conditions expérimentales
4.3. Résultats et discussions
4.3.1. Élasticité
4.3.2. Rupture
4.3.1. Plasticité
4.4. Conclusions
CONCLUSION GÉNÉRALE

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