Le bâti ultra vide et les échantillons
Le bâti ultra vide
L’ensemble des expériences menées au sein à l’INSP a été effectué dans un bâti ultravide (Figure 2.1). Tous les transferts se font à l’aide de cannes magnétiques compatibles avec les porte-échantillon Omicron. L’ensemble est pompé par des pompes ioniques (Varian StarCell) dont les vitesses de pompage sont 500 l/s et 300 l/s, secondées par des sublimateurs de titane et des pompes turbo moléculaires (Pfeiffer, vitesse de pompage 200 l/s) en série avec des pompes à palettes. Après un étuvage de la structure pendant une vingtaine d’heures à 410 K et un dégazage soigneux de l’ensemble des éléments chauffants, la pression résiduelle mesurée par des jauges de type Bayard-Alpert est systématiquement inférieure à 2.10-10 mbar. Le bâti ultra-vide est composé de 4 parties dont seuls les éléments utilisés pendant ce travail seront décrits (Figure 2.1) :
• un sas d’introduction rapide des échantillons, pompé grâce à un « by-pass » par la pompe turbomoléculaire de la chambre de préparation. Un « bol » directement relié au sas permet l’exposition des échantillons à des pressions élevées c’est-à-dire au-delà du régime moléculaire (p > 10-4 mbar) sans nuire aux conditions ultra-vide des chambres principales grâce à un système de pompage rapide.
• une chambre de préparation dans laquelle s’effectue le dépôt de zinc qui comprend:
o une cellule d’évaporation de zinc chauffée par effet joule et régulée en température ; tous les dépôts de zinc ont été effectués en portant la cellule à 498 K. Le flux métallique auquel l’échantillon est exposé est donc constant. Il a été estimé à 2,45 Å/min (soit 1,0 MC/min, si une monocouche (MC) de zinc est égale à 1,62.10¹⁵ atomes Zn/cm2 , ce qui correspond à une couche atomique d’orientation basale) d’après la vitesse de croissance du zinc déposé sur ZnO (cf. section [5.2.3]) ;
o un four à bombardement électronique utilisé pour le traitement thermique des échantillons à des températures supérieures à 1500 K (mesure pyrométrique) ;
o un spectromètre de masse rétractable dont la tête est pompée par un groupe turbomoléculaire pour les mesures de désorption thermique (cf. section [2.4]) ;
o un manipulateur (UHV-Design) avec cinq degrés de liberté pouvant chauffer résistivement (1200 K) l’échantillon et le refroidir (100 K) par circulation d’azote liquide. La température est mesurée par un thermocouple de type N mis en en contact par effet ressort sur l’arrière du porte-échantillon ;
o le montage optique de spectroscopie de réflectivité différentielle UV-visible de surface (SDRS) qui permet le suivi in situ des évaporations ou des expositions à des gaz (voir description [2.3]). Un logiciel GranFilm [Lazzari2002(2)] [Granfilm] a été développé pour le calcul des coefficients de Fresnel pour des couches formées de nanoparticules. Lors des dépôts de zinc, les échantillons d’alumine sont alignés par rapport à l’axe de la mesure optique.
• Une chambre d’analyse blindée µ-métal dédiée aux mesures de spectroscopie de photoélectrons. Elle comprend :
o un analyseur hémisphérique (EA125 Omicron) comportant cinq channeltrons pour la détection ;
o une source X non-monochromatée à anticathode Al (hν = 1486,6 eV) ou Mg (hν = 1253,6 eV) refroidie à l’eau.
o un diffractomètre d’électrons lents (LEED, Specs) à quatre grilles retardatrices muni d’un canon à électrons à incidence normale ;
o un manipulateur motorisé cinq axes (UHV Design) pouvant chauffer l’échantillon à 1200 K.
• Un ensemble de lignes de gaz directement connecté aux chambres par l’intermédiaire de vannes de fuite permet l’exposition contrôlée des surfaces soit, dans le cas présent, à de l’oxygène moléculaire ou de la vapeur d’eau. Cette dernière provient d’une réserve dont l’eau est purifiée par des cycles de pompage/refroidissement.
La surface α-Al2O3 (0001) et ses reconstructions
Avant de décrire la structure de l’alumine, quelques informations sont à apporter au sujet du zinc. Ce métal, dernier de la série des métaux de transition ([Ar] 3d10 4s²), cristallise selon un réseau hexagonal compact de groupe d’espace P63/mmc. Les paramètres de maille valent a = b = 2,66 Å et c = 4,95 Å [Wyckoff1963]. En ce qui concerne l’alumine, il existe de nombreuses variétés d’oxyde d’aluminium : (i) une phase (α), la plus stable thermodynamiquement [Manassidis1993], (ii) des phases métastables (η, γ, θ, δ, κ) et amorphes. Suivant la nature du précurseur utilisé (cristallinité, présence d’impuretés,) et le traitement thermique associé, les domaines de stabilité des différentes alumines et leurs séquences de transformation de phases diffèrent ; chaque transformation est irréversible. A titre d’exemples [Levin1998] :
• Boehmite [γ-AlO(OH)] → γ-Al2O3 → δ-Al2O3 → θ-Al2O3 → α-Al2O3 573-773 K 973-1073 K 1173 -1273 K 1273-1373 K
• Bayèrite[α-Al(OH)3] → η-Al2O3 → θ-Al2O3 → α-Al2O3 473-573 K 873-1073 K 1273-1373 K
L’α-alumine, la plus stable, est couramment synthétisée sous forme de cristaux de haute pureté, de structure corindon : groupe d’espace R3c. Les paramètres de mailles valent a = b = 4,75 Å et c = 12,99 Å [Thompson1987]. Le sous-réseau d’oxygène est décrit par une structure hexagonale compacte selon l’axe ?⃗ [0001] de 18 anions oxygène et de 12 cations aluminium occupant 2/3 des sites octaédriques. Cette maille unitaire contient six unités structurales Al2O3. La grande valeur de la bande interdite du matériau, 8,8 eV [French1990], résulte d’un faible recouvrement orbitalaire et d’une forte ionicité.
La découpe d’un cristal suivant un plan cristallographique donné génère par rapport aux positions atomiques de volume un certain nombre de distorsions du réseau, l’orientation polaire étant un cas bien particulier. De plus, les surfaces n’étant pas parfaites, la présence de défauts doit être également considérée (marches, crans, lacunes, impuretés etc…). Il existe trois types de déplacements collectifs conservant la périodicité au réseau bidimensionnel de surface. Ces distorsions de surfaces se produisent afin d’abaisser l’énergie de surface et ainsimodifier la stabilité relative de celles-ci.
• La relaxation traduit un changement d’écartement entre le dernier plan atomique et le plan sous-jacent ; cet effet se propage sur plusieurs plans au voisinage de la surface. La relaxation est dite vers l’intérieur lorsque l’écartement inter-planaire est réduit sinon elle est dite extérieure. Ces effets de relaxation viennent perturber la stabilité relative des différentes faces d’un matériau. Le classement des faces par énergie de surface croissante pour les plans non relaxés donne pour l’alumine :
(10-12) < (11-20) < (10-11) < (0001) < (10-10)
et après relaxation:
(0001) < (11-20) < (10-10) < (10-11)
Cette hiérarchie fournit une des raisons pour laquelle l’orientation (0001) a été étudiée ici. De plus, cette face (0001) de l’alumine a grandement été utilisée comme substrat pour la croissance de films minces de semi-conducteur ou de couches métalliques dans le cadre d’études de catalyseurs modèles [Henrich1992], [Henry1998]. Des études théoriques et expérimentales s’accordent à démontrer que cette surface est terminée par un cation aluminium qui relaxe fortement vers l’intérieur au niveau du plan anionique des atomes d’oxygène [Noguera1993], [Tasker1979]. Une description plus aboutie de cette surface d’alumine sera faite dans la partie [6] « simulation numérique ».
• L’ondulation de surface correspond à une distorsion des plans mixtes, à la fois composés d’anions et de cations, qui vient s’ajouter à la relaxation. Une ondulation de surface se crée suite au déplacement, le plus souvent, des anions vers l’extérieur et des cations vers l’intérieur. Des forces différentes s’exercent sur ces deux types d’ions d’un même plan. Ce phénomène se produit sur toutes les surfaces constituées de plus d’une sorte d’atome.
• La reconstruction de surface entraîne une différence de périodicité entre les atomes du plan de surface et ceux des plans sous-jacents. La notation de Wood décrit de combien la maille de surface est multipliée dans les deux directions a et b du cristal ainsi que l’angle de désorientation par rapport à la maille volumique.
L’étude par diffraction des électrons lents (LEED) de la stabilité de l’alumine au cours de traitements thermiques sous vide à températures croissantes met en évidence une succession de reconstructions de surfaces non stœchiométriques induites par un déficit progressif en oxygène [French1970], [Renaud1994], [Renaud1998]:
(1×1) (T < 1280 K) ; (2×2) ; (2√3 × 2√3)?30° (T < 1380 K) ;
(3√3 × 3√3)?30° (T < 1520 K) ; (√31 × √31)? ± 9° (T > 1620 K) .
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Table des matières
1. Introduction générale
2. Outils d’analyse d’interfaces zinc / α-Al2O3 (0001)
2.1 Le bâti ultra vide et les échantillons
2.1.1 Le bâti ultra vide
2.1.2 La surface α-Al2O3(0001) et ses reconstructions
2.1.3 La préparation des échantillons
2.1.4 L’hydroxylation de l’alumine
2.2 La spectroscopie de photoémission X (XPS)
2.2.1 Principe
2.2.2 Montage expérimental
2.2.3 Paramètres caractéristiques des raies de photoémission
2.2.4 Quantification
2.3 La spectroscopie de réflectivité différentielle de surface
2.3.1 Principe général
2.3.2 Montage expérimental
2.3.3 Sphère et spéroïde tronqués
2.3.4 Modes propres de polarisation et inversion des spectres optiques
2.3.5 Le comportement diélectrique du zinc et de l’alumine
2.3.6 Intérêt de la SDRS pour l’étude du mouillage du zinc
2.3.7 Le zinc : « plasmonique » sur les transitions interbandes
2.3.8 Réponse optique du zinc et lien avec le mode de croissance
2.4 La spectrométrie de désorption thermique
2.4.1 Principe expérimental
2.4.2 Théorie de la désorption thermique
2.4.3 Analyse des données
3. Méthodologie des calculs ab initio
3.1 Méthodes ab initio
3.1.1 Equations de Schrödinger
3.1.2 Approximation de Born Oppenheimer
3.1.3 Approximation de Hartree Fock
3.2 Théorie de la fonctionnelle de la densité électronique (DFT)
3.2.1 Théorèmes d’Hohenberg et Kohn
3.2.2 Equations de Kohn Sham
3.2.3 Le potentiel échange-corrélation et ses approximations (LDA-GGA-hybrides)
3.2.4 Organigramme de fonctionnement
3.3 Mise en œuvre des calculs : implémentation à la DFT
3.3.1 Théorème de Bloch et échantillonnage en k-points
3.3.2 Base d’ondes planes
3.3.3 Méthode des Pseudo potentiels
3.3.4 Formalisme PAW
3.4 Choix du code de calcul, méthodologie et calculs préliminaires
3.4.1 Le code de calcul VASP
3.4.2 Maillage en k-points
3.4.3 Méthode de la supercellule
3.4.4 Energies caractéristiques
4. Oxydation sélective : de la formation d’un film d’oxyde d’aluminium en surface d’alliages binaires Fe-Al
4.1 Le procédé industriel de la galvanisation à chaud en continue
4.1.1 Principe et historique de la protection galvanique
4.1.2 Le recuit
4.1.3 Composition du bain de zinc et couche d’inhibition
4.2 Oxydation sélective
4.2.1 Position du problème
4.2.2 Caractérisations du phénomène d’oxydation sélective
4.3 Caractérisation de l’oxydation sélective d’alliages binaires Fe-Al recuits dans des conditions quasi-industrielles
4.3.1 Les échantillons : composition et préparation
4.3.2 Le recuit : cycle thermique, point de rosée et flux de gaz
4.3.3 Identification de la nature chimique des espèces présentent en surface à l’issu du recuit
4.3.4 Morphologie de surface
4.3.5 Cristallinité de l’alumine (MET)
4.4 Conclusion
5. Etude expérimentale de l’adsorption du zinc sur un monocristal d’α-alumine (0001)
5.1 Etat d’oxydation du zinc
5.1.1 Spectre de photoémission du zinc
5.1.2 Profils des raies Auger Zn L3M45M45
5.1.3 Déplacements chimiques associés à l’oxydation du zinc
5.1.4 Paramètre Auger
5.1.5 Analyse quantitative des recouvrements Zn/alumine
5.2 Suivi du dépôt de zinc par spectroscopie de réflecttivité différentielle sur les surfaces d’alumine
5.2.1 Les surfaces sèches (1×1) et reconstruites
5.2.2 Les surfaces hydroxylées
5.2.3 La croissance du zinc sur une couche de ZnO
5.3 Stabilité thermique des dépôts de zinc : suivi par photoémission et spectrométrie de masse
5.3.1 Recuits successifs, désorption et nature chimique du zinc supporté
5.3.2 Suivi de la désorption thermique d’un dépôt de zinc
5.4 Conclusion
6. Etude de l’interaction zinc/α-alumine (0001) par simulation numérique ab initio (DFT)
6.1 Préambule sur l’aspect de polarité de surface
6.1.1 Classification de Tasker
6.1.2 Compensation de polarité
6.1.3 Polarité des surfaces d’alumine : α (0001) et γ(100)
6.2 De l’adsorption du zinc sur des surfaces sèches d’α-alumin (0001)
6.2.1 Les surfaces nues de l’α-alumine (0001)
6.2.2 Adsorption d’un atome isolé de zinc sur une surface sèche d’α-alumine (0001)
6.2.3 De l’alumine α à l’alumine γ
6.3 De l’adsorption du zinc sur des surfaces hydroxylées
6.3.1 Adsorption du zinc sur une surface neutre d’α-alumine (0001) hydroxylée
6.3.2 Adsorption du zinc sur la surface d’α-alumine (0001) polaire (3O) hydrogénée
6.3.3 Stabilité thermodynamique relative des différentes configurations
6.4 Extension de l’étude à d’autres métaux
6.4.1 Interaction des métaux avec les surfaces sèches d’alumine
6.4.2 Adsorption sur des surfaces hydroxylées
6.4.3 Domaines de stabilité
6.5 Des atomes isolés aux interfaces
6.5.1 Préliminaires: Construction de l’interface
6.5.2 Des énergies d’adsorption aux énergies de séparation
6.5.3 Identification de la zone de séparation
6.5.4 Influence d’une couche interfaciale de titane sur le profil d’énergie de séparation
6.6 Conclusion
6.7 Discussion : entre théorie et expériences
7. Conclusion générale
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