Le cholestéatome de l’oreille moyenne est une otite chronique qualifiée de dangereuse en raison des risques évolutifs de complications potentiellement graves, justifiant pleinement le recours exclusif à un traitement chirurgical [4]. Les principales avancées récentes sont représentées par la généralisation de l’utilisation du cartilage comme matériel de reconstruction du cadre et de la membrane tympanique, par l’utilisation d’otoendoscopie dans certaines localisations [120] et par les progrès de l’imagerie (TDM et IRM) qui permet de mieux cerner les extensions du cholestéatome en préopératoire ainsi qu’un suivi moins invasif en postopératoire .
Rappel historique
Le cholestéatome est une pathologie sévère de l’oreille moyenne touchant l’adulte et l’enfant. Sa première description semble être le fait de De Verney en France en 1683 qu’il dénomma Stéatoma. Puis en 1829, l’anatomopathologiste français Cruveilhier le décrit comme une tumeur perlée de l’os temporal. C’est en 1838 avec les travaux du physiologiste allemand Johannes Müller qu’apparaît le terme de cholestéatome. Ce terme consacré est cependant incorrect du point de vue étymologique puisque cette tumeur bénigne (« ome ») ne contient ni cholestérine (« chol ») ni graisse (« stéa »). En 1855, Virchow classe le cholestéatome parmi les carcinomes épidermoïdes et l’athérome, mais il faudra attendre les travaux de Von Troeltsch en 1861 pour considérer son origine épidermique. De 1855 à 1888, avec les travaux de Gruber, Wendt et Roki- tansky, la physiopathologie du cholestéatome réside dans une métaplasie malpighienne de la muqueuse de l’oreille moyenne en réponse à une inflammation chronique. La fin du XIXe siècle et les travaux de Bezold et Habermann vont bousculer cette théorie. Ils démontrent que le cholestéatome semble provenir de la migration de la peau du conduit auditif externe (CAE) au sein de l’oreille moyenne sous l’influence de processus inflammatoires chroniques. De nos jours, malgré de nombreuses recherches, la physiopathologie du cholestéatome n’est pas encore élucidée. Chez l’enfant, il existe deux types différents : le cholestéatome acquis, qui touche également l’adulte et le cholestéatome congénital propre à l’enfant. Les dernières avancées concernent l’imagerie avec l’introduction de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) au début des années 2000 puis le développement récent de nouvelles séquences. A l’inverse, le traitement n’a pas fait de progrès remarquable récent et reste avant tout chirurgical : Le développement de la chirurgie du tympan s’est réalisé sur 150 années d’expériences chirurgicales et à travers de nombreuses innovations médicales et technologiques. La première chirurgie de l’oreille pour infection mastoïdienne fut réalisée avec succès par Jean Petit de Paris au 18ème siècle. Un siècle plus tard, la technique de mastoïdectomie va s’affiner et devenir le traitement de choix de la mastoïdite. En parallèle, la compréhension de la physiologie du système tympano-ossiculaire comme moyen de transmission du son et son amplification à la fenêtre ovale et de protection de l’oreille moyenne et interne fut décrite pour la première fois par Herman von Helmotz en 1853 et améliorée en 1952 par les travaux de Wullstein et Zollner. De son application, découlent les fondements de la chirurgie fonctionnelle tympano-ossiculaire. Les progrès techniques ont également joué un rôle majeur dans l’évolution de l’otochirurgie. En 1921 Nylén utilise pour la première fois un microscope lors d’une opération d’oreille. Dans les années 50, son utilisation ainsi que celle d’instruments microchirurgicaux se banalisent. La reconstruction tympanique a commencé bien avant la chirurgie de l’oreille, puisqu’en 1640 Banzer utilisa un morceau de vessie de porc pour refermer une perforation. Pendant deux siècles, plusieurs types de tympan artificiel ont été utilisés tels qu’une boule de coton, des patchs de papiers et du latex de préservatifs. Le premier véritable concept de tympanoplastie chirurgicale est attribué à Berthold qui décrivit en 1878 l’exérèse de la couche épidermique par un plâtre, suivie de la mise en place d’une greffe de peau. La technique sera remise à jour et affinée en 1944 par Schulhof et Valdez, publiée et popularisée par Wullstein en1952 .Le type de greffe évolua avec le temps. Les greffes cutanées intactes ou amincies de Wullstein et Zollner donnaient d’importants problèmes d’épaississement tympanique et de desquamation chronique.
Les greffes de peau de conduit auditif externe pédiculées ou libres furent introduites dans les années soixante par House, Sooy et Sheehy. Les résultats initiaux étaient excellents mais les problèmes de desquamation persistaient et à long terme l’absence de robustesse entraînait une perforation tardive. Shea et Tabb démontraient par ailleurs l’efficacité de l’utilisation d’un greffon veineux, mais outre la difficulté de prélèvement, les résultats se dégradaient également avec le temps. Bocca et Claros employaient du périoste avec de bons résultats mais l’utilisation du fascia temporal décrit par Hermann en 1960 va vite montrer sa supériorité par sa facilité de prélèvement, et ses résultats anatomiques et auditifs à long terme dans les études comparatives de Cody et Tailor en 1973, et plus tard de Sheehy et Anderson. En 1960, Goodhill va prouver que le périchondre donne des résultats semblables au fascia temporal avec comme désavantages sa localisation et sa surface de prélèvement réduite. Marquet sera l’initiateur de l’homogreffe tympanique donnant d’excellents résultats anatomiques mais pouvant être la source de transmission virale, raison pour laquelle elle est actuellement éthiquement proscrite.
Rappel anatomique
L’oreille moyenne est une cavité aérienne tripartie comprise entre les trois constituants de l’os temporal, essentiellement constituée d’une cavité osseuse : la caisse du tympan contenant le système tympano-ossiculaire qui véhicule l’onde sonore du monde extérieur jusqu’à l’oreille interne, prolongée en arrière par l’antre mastoïdien et en avant par la trompe d’Eustache. Elle est séparée en dehors de l’oreille externe par la membrane tympanique. En dedans, elle s’ouvre sur l’oreille interne par la fenêtre ronde et la fenêtre ovale. Elle contient à sa partie supérieure une chaîne d’osselets qui s’articulent entre eux et réunissent le tympan en dehors à la fenêtre ovale en dedans. Les trois cavités de l’oreille moyenne : antre mastoïdien, caisse du tympan et trompe d’Eustache sont situées dans le prolongement les unes des autres selon un axe sensiblement parallèle à l’axe du rocher. Normalement remplies d’air, ces cavités s’ouvrent au niveau du naso-pharynx par l’orifice de la trompe; elles sont tapissées par une muqueuse qui continue la muqueuse pharyngée [14].
L’os temporal :
L’os temporal est un os pair et symétrique qui forme les parties latérales et inférieure du crâne, il est situé en arrière et en dehors de l’os sphénoïdal, en avant et en dehors de l’os occipital et au-dessous de l’os pariétal. C’est un os complexe, formé de trois pièces qui se sont soudés au cours du développement :
La partie pétreuse ou rocher : C’est la portion la plus complexe, elle a la forme d’une pyramide quadrangulaire dont le grand axe est oblique en avant et en dedans. Elle est située à la limite de l’étage postérieur et de l’étage moyen de la base du crâne, dont il forme l’un des principaux arcs-boutants. Sa base externe forme l’apophyse mastoïde.
La partie squameuse ou écaille : Elle se présente sous la forme d’une lame osseuse aplatie de forme grossièrement semi-circulaire qui comprend un segment vertical et un segment horizontal qui se fusionne avec le rocher.
La partie tympanique de l’os temporal : C’est le plus petit élément de l’os temporal, elle a la forme d’un demi cornet ouvert vers le haut et dirigée selon le même axe que le MAE. Elle forme les parois antérieures, inférieures et une portion de la paroi postérieure du MAE. Son extrémité antérieure forme l’apophyse tubaire qui prend part à la constitution de la trompe d’Eustache et qui forme le condyle et la cavité glénoïde du temporal.
La caisse du tympan
C’est une cavité cylindrique en forme de tambour aplati dans le sens transversal, d’un diamètre de 13 à 15 mm, d’une épaisseur moindre au centre (l à 2 mm) qu’à la périphérie (3 à 4 mm). On lui décrit habituellement une paroi externe ou tympanique, une paroi interne ou labyrinthique, et une circonférence subdivisée artificiellement en quatre parois : antérieure, supérieure, postérieure et inférieure .
La paroi externe ou tympanique
Elle est formée essentiellement par la membrane du tympan enchâssée dans un cercle osseux qui atteint son maximum de développement à sa partie supérieure où il constitue le mur de la logette.
a- Le tympan :
C’est une membrane fibreuse, formée d’une couche interne de fibres circulaires et d’une couche externe de fibres radiaires, tapissée à sa face externe par la peau du conduit auditif externe, à sa face interne par la muqueuse de la caisse du tympan. De forme assez régulièrement circulaire, d’un diamètre de 10 mm, inclinée à 45° sur I ‘horizontale, déprimée à sa partie centrale, la membrane du tympan s’épaissit à sa partie périphérique pour former le bourrelet annulaire de Gerlach. Ce bourrelet s’interrompt à la partie toute supérieure de la circonférence du tympan en formant deux cornes: l’une antérieure et l’autre postérieure. De chacune de ces deux cornesnaît un prolongement fibreux qui se dirige vers la petite apophyse du marteau: ces deux prolongements forment les ligaments tympano-malléaires antérieur et postérieur, qui sont longés par la corde du tympan. Au-dessus des ligaments tympano-malléaires et de la petite apophyse du marteau, la membrane du tympan devient plus mince et plus lâche; elle forme la membrane flaccide de Schrapnell (Pars flaccida).
La membrane flaccide forme sur la paroi externe de la caisse une zone déprimée, la poche supérieure de Prussak. Au-dessous des replis tympanomalléaires, la membrane du tympan contient dans son épaisseur le manche du marteau.
b- Le segment osseux de la paroi externe de la caisse :
Sa hauteur ne dépasse pas 2 mm, elle atteint son maximum de développement à sa partie supérieure où elle forme un coin osseux séparant la partie supérieure de la caisse du conduit auditif externe : le mur de la logette. La trépanation de ce dernier permet d’avoir un accès par le conduit auditif externe sur l’étage supérieur de la caisse qui contient la chaîne des osselets.
B- La paroi interne ou labyrinthique:
Sépare la caisse du tympan des cavités de l’oreille interne, elle présente à l’union de son tiers antérieur et de ses deux tiers postérieurs, une saillie arrondie dont le sommet est situé approximativement en regard de l’ombilic du tympan : le promontoire qui correspond à la saillie que fait dans la caisse le premier tour de spire du limaçon. En avant du promontoire, une saillie osseuse antérosupérieure légèrement recourbée en dedans : le bec de cuiller qui prolonge en arrière le canal du muscle du marteau. En arrière du promontoire, la paroi interne de la caisse présente de haut en bas, la saillie du canal semi-circulaire externe, la saillie du deuxième segment de l’aqueduc de Fallope, immédiatement au-dessous s’ouvre la fenêtre ovale dont l’aqueduc de Fallope forme en quelque sorte le linteau.
Normalement obturée par la platine de l’étrier, la fenêtre ovale fait communiquer la cavité de la caisse avec la cavité vestibulaire. Plus bas et plus en arrière, la fenêtre ronde normalement obturée par une membrane fibreuse, le tympan secondaire, établit une communication entre la caisse et la rampe tympanique du limaçon. Tout à fait en arrière se trouve une dépression: la cavité sous-pyramidale .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPEL
I. Rappel historique
II. Rappel anatomique
1. Os temporal
2. Caisse du tympan
3. Cavités mastoïdiennes
4. Trompe d’Eustache
III. Anatomopathologie
1. Aspects macroscopiques
2. Aspects microscopiques
3. Différences histopathologiques entre le cholestéatome de l’adulte et de l’enfant
4. Avancée histologique
IV. Pathogenèse
1. Résorption osseuse
2. Formation de kératine
V. Etiologie
1. Cholestéatome congénital
2. Cholestéatome acquis
VI.Traitement
1. But
2. Les moyens
3. Les indications
DEUXIEME PARTIE : MATERIELS ET METHODES
I. Matériel d’étude
4. Type d’étude
5. Critères d’inclusion
6. Critères d’exclusion
II. Méthodes d’étude
III. Analyse statistique
IV. Considérations éthiques
RESULTAT
V. Epidémiologie
7. Age
8. Sexe
9. Antécédents
VI. Données cliniques
10. Délai de consultation
11. Motifs de consultation
12. Complications
13.Topographie
14. Examen clinique
5-1 Examen sous microscope
5-2 Examen vestibulaire
5-3 Examen rhinologique
5-4 Examen neurologique
VII.Données paracliniques
15. Audiogramme
16. TDM
VIII.Traitement
17. Médical
18. Chirurgical
19. Données per opératoires
IX. Evolution postopératoire
20. Suites immédiates
21. Suites à distance
DISCUSSION
X. Epidémiologie
22. Age
23. Sexe- ratio
24. Antécédents
XI. Etude clinique
25. Motif de consultation et signes cliniques
26. Délai de consultation
27. Diagnostic
XII. Complications et évolutions
28. Complications
29. Evolution
XIII. Examens complémentaires
30. Audiométrie
31. Imagerie
32. Cholestéatomes congénitaux
33. Cholestéatomes acquis
34. Exérèse
XIV.Traitement Chirurgical
RESULTATS
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES