Origines de la citoyenneté

CITOYENNETÉ

Que ce soit dans la bouche des politiques, des animateurs socioculturels ou des organisateurs d’évènements, l’usage de la notion de citoyenneté est aujourd’hui largement répandu. Le nombre de significations placées derrière ce mot rend sa définition difficile. Bouguerra déclare d’ailleurs concernant la définition de la citoyenneté qu’«elle ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes: ses acceptions sont nombreuses (citoyenneté juridique, statutaire, effective…), son aire sémantique et notionnelle fort complexe tant elle tient à la fois à la nationalité, à la nation, à la patrie, à la communauté de destin, au droit, voire aux représentations.» (Bouguerra, 1999) Schnapper s’étonne quant à elle de la popularité que rencontre à nouveau cette notion: «Le terme de citoyen, dont la Révolution avait déjà fait un usage enthousiaste et parfois excessif, est revenu à la mode depuis quelques années d’une manière insistante, sinon obsédante, dans les pays démocratiques. Sous forme d’adjectif, on la voit accolé à toutes sortes de mots, on parle ainsi sans sourire de rencontre citoyenne, d’action citoyenne ou même de café citoyen.» (Schnapper, 2000, p.9) L’utilisation de ce terme à tout va implique qu’on lui attribue plusieurs significations, certaines élargies, voire erronées.

Toutefois, deux acceptations principales semblent se distinguer: celle, officielle, définie par les dictionnaires, l’État et une majorité des auteurs ayant écrit sur le sujet et celle, plus populaire, utilisée dans le langage courant. Afin de définir de quelle «citoyenneté» il sera fait état dans ce travail, il semble intéressant de passer en revue les origines de ce mot. Le premier chapitre de ce travail permettra de comprendre comment ce mot a acquis la signification qui est la sienne aujourd’hui. Le chapitre suivant s’intéresse à la définition de la citoyenneté et à ses caractéristiques, au sens officiel du terme. Dans le troisième chapitre, une définition «élargie» de la citoyenneté sera proposée.

ORIGINES DE LA CITOYENNETÉ

La citoyenneté n’a pas de définition figée dans le temps. Schnapper l’explique ainsi: «La citoyenneté n’est pas une essence donnée une fois pour toutes, qu’il importerait de maintenir et de transmettre. C’est une construction historique.» (Schnapper, 2000, p.139) La citoyenneté de l’époque grecque n’est pas la même que la citoyenneté romaine et toutes deux ne partagent que certaines caractéristiques avec celle d’aujourd’hui. La signification que prend ce mot est donc liée au contexte dans lequel il est utilisé. Au fil du temps, le sens de ce mot a profondément évolué. Les chapitres suivants permettront de passer en revue quelques-unes des grandes étapes de la construction de ce concept. La structure et une partie du contenu de ces chapitres se basent sur l’ouvrage de Schnapper, «Qu’est-ce que la citoyenneté». (2000) 0000000000000000000 Grèce antique : Il est possible d’attribuer la paternité de la citoyenneté au peuple grec. En effet, c’est l’invention de leur système politique qui a permis l’avènement de la notion de citoyen. Schnapper l’explique ainsi: «L’invention de la Cité grecque, ou polis, c’est l’invention de l’idée de citoyen.

Les Grecs ont pensé, à travers la Cité, l’émergence du politique comme domaine autonome de la vie collective. Ils ont conçu l’idée d’une société politique abstraite distincte de la société réelle, formée d’individus concrets.» (Schnapper, 2000, p.12) Dans la Grèce antique, les citoyens étaient donc les membres de la cité, ceux qui prenaient part à la vie politique de celle-ci. L’un des aspects positifs de cette vision de la citoyenneté est le fait que les citoyens étaient considérés comme égaux les uns par rapport aux autres.

Ce principe porte le nom d’isonomie et est expliqué ainsi par la philosophe Meheut: «C’est l’égalité de tous, l’idée de remettre les choses au départ comme si chacun n’avait pas d’avantage par rapport aux autres, égalité d’ordre politique et non pas sociale. Quand il s’agit des affaires communes, chacun est considéré comme ayant autant de jugement que tout autre pour savoir ce qui convient au bien commun.» (Meheut, 2000, p.66) Bien que ce système comporte plusieurs avantages, ses limites apparaissent également assez rapidement.

En effet, une très grande part de la société se voyait refuser l’accès à la citoyenneté. Les femmes, les étrangers, les esclaves, un grand nombre d’habitants ne pouvaient être considérés comme citoyens. De plus, le statut de citoyens se transmettait de père en fils. Il est évident que la participation politique était dès lors réservée à une forme d’élite, formée des descendants des grandes familles de la cité. Les citoyens évoluaient entre eux, dans un cercle très fermé. Si l’idée de définir la citoyenneté comme étant le fait d’appartenir à une cité, à un Étatnation, peut se rapprocher de la définition que l’on en fait aujourd’hui, la forme très exclusive pratiquée par les Grecs s’en éloigne tout autant.

Rome antique : Bien que les Grecs aient «fondé» la notion de citoyenneté, les Romains ont le mérite d’en avoir proposé une vision plus ouverte. En effet, dans leur système d’organisation politique, le citoyen n’était plus simplement un membre de la cité, il était un sujet de droit. Il avait, à ce titre, un certain nombre de droits et de devoirs. Le système politique romain était entièrement organisé par le droit, la loi devenant le moyen de régulation au sein de l’Empire. Schnapper explique cela ainsi: «Dans l’Empire devenu immense, il ne s’agissait plus d’organiser la vie et les conflits entre des groupes d’individus réels, mais de régler les relations entre des sujets de droit.» (Schnapper, 2000, p.15) Ce système se révélait également plus ouvert puisqu’il s’était détaché de la notion de lien de filiation, nécessaire à l’obtention de la citoyenneté grecque. Schnapper détaille cela en ces termes: «Dès lors était posé le principe que les étrangers pouvaient accéder à une société politique définie en terme juridique.

La nature juridique du statut de citoyen permettait, par définition, d’inclure progressivement les éléments étrangers.» (Schnapper, 2000, p.15) Cette vision romaine de la citoyenneté, plus universelle, détachée du critère unique de filiation en vigueur chez les Grecs, se rapproche passablement de la définition actuelle de la citoyenneté.

Époque moderne : En ce qui concerne l’évolution du terme de citoyenneté après cette époque romaine, Schnapper la résume ainsi: «La vocation universelle de la citoyenneté a été reprise sur un autre plan et portée par le message universaliste de la chrétienté.» (Schnapper, 2000, pp.15-16) Et pour ce qui est de son développement au cours de l’époque moderne, Martiniello l’explique de la façon suivante: «La notion de citoyenneté s’est développée en même temps que se développait et que se propageait l’État-nation à partir du 18e siècle.» (Martiniello, 1999, p.13) Schnapper avance que cette citoyenneté moderne serait inspirée de la forme romaine et que «ce qui caractérise la citoyenneté moderne, par rapport à d’autres organisations politiques fondées sur des principes religieux, dynastiques ou ethniques, c’est son ouverture potentielle.» (Schnapper, 2000, p.148) La conception moderne de la citoyenneté se veut plus universelle, plus ouverte que par le passé. Elle n’est plus réservée à une élite, ou à la gent masculine.

Les propos de Martiniello viennent toutefois contredire quelque peu cette vision. Il affirme ainsi que «les droits associés à la citoyenneté et à la participation citoyenne sont fondés sur l’appartenance de l’individu à une communauté politique nationale: l’État nation. En d’autres mots, la citoyenneté est en principe réservée par chaque État à ses ressortissants, à ses nationaux et à eux seuls.» (Martiniello, 1999, pp.13-14) La suite de ce travail va plutôt dans le sens de Martiniello. En effet, la définition ci-dessous montre que, même si sur le papier l’accès à la citoyenneté semble très ouvert, une partie de la population se voit toujours refuser l’accès à la citoyenneté ou alors ne parvient pas à exercer son action de citoyen. Pour comprendre cela, il faut se pencher sur la définition moderne de la citoyenneté.

DÉFINITION STRICTE

La définition de la citoyenneté donnée par le dictionnaire le Robert apporte un résumé de la définition officielle de la citoyenneté puisqu’elle y est présenté comme la «qualité de citoyen». Pour ce qui est de la définition du citoyen, le Robert se montre un peu plus précis et en dit: «Personne jouissant, dans l’État dont il relève, des droits civils et politiques, et notamment du droit de vote (par opposition aux étrangers).» (Le Robert, 2010) La Constitution fédérale de la Confédération Suisse donne une définition allant dans le même sens puisqu’elle déclare: «A la citoyenneté suisse toute personne qui possède un droit de cité communal et le droit de cité du canton.» (Constitution fédérale, Art. 37, al. 1) Au vu de ces deux définitions, il apparaît rapidement que derrière le terme de citoyenneté se cachent différentes composantes, différentes facettes qui se complètent et qui, ensemble, forment la signification stricte de la citoyenneté. Marshall (1950), considéré comme l’un des auteurs majeurs sur le sujet, et cité dans le document «Éducation à la citoyenneté mondiale» en identifie trois : une composante juridique, une composante politique et une composante sociale. (Marshall, 1950, cité dans Fondation Éducation et Développement, 2010, p.9) Pour lui, chacune de ces composantes est rattachée à des droits et des responsabilités spécifiques. Schnapper propose la même structure en mettant toutefois un sens légèrement différent sur la composante sociale. Martiniello (1999), reprenant Leca (1991), utilise également cette classification puisqu’il déclare: «Pour l’heure, considérons que la citoyenneté moderne se caractérise par un ensemble de trois traits énoncés par Jean Leca.» (Martiniello, 1999, p.13) Ces trois traits se résument par un statut juridique, un rôle politique et un ensemble de qualités morales.

La définition stricte de la citoyenneté s’appuiera donc sur cette classification en trois catégories. Toutefois, chacun des auteurs ayant utilisé un terme différent pour nommer ces catégories, il a été fait le choix, pour ce travail, de parler d’«aspects» de la citoyenneté.

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Table des matières

1INTRODUCTION
1.1Motivations personnelles
1.2Motivations professionnelles
1.3Question de recherche
1.4Objectifs de la recherche
2CADRE THÉORIQUE
2.1Citoyenneté
2.1.1Introduction
2.1.2Origines de la citoyenneté
2.1.3Définition stricte
2.1.4Définition élargie
2.2Théâtre
2.2.1Définition
2.2.2La pratique du théâtre
2.2.3Ressources pouvant être acquise par le biais du théâtre
2.3Démocratie participative
2.3.1Définition
2.3.2Historique
2.3.3Objectifs
2.3.3Outils
2.3.4Apports et critiques de la démocratie participative
3MÉTHODOLOGIE
3.1Hypothèses
3.2Terrain
3.3Population
3.4Méthode de recherche
3.5Limites de la recherche
3.6Cadre éthique de la recherche
4DÉROULEMENT DE LA RECHERCHE
4.1Prise de contact
4.2Déroulement des entretiens
5ANALYSE DES DONNÉES RECUEILLIES
5.1Motivations
5.2Hypothèse 1
5.2.1Savoirs théoriques
5.2.2Savoirs procéduraux
5.2.3Savoir-faire procéduraux
5.2.4Savoir-faire expérientiels
5.2.5Savoir-faire sociaux
5.2.6Savoirs cognitifs
5.2.7Valeurs et attitudes
5.3Synthèse de l’hypothèse 1
5.4Hypothèse 2
5.4.1La vie quotidienne
5.4.2La vie professionnelle
5.4.3La vie en société
5.4.4La vie associative
5.5Synthèse de l’hypothèse 2
5.6Hypothèse 3
5.6.1Éléments en lien avec la citoyenneté
5.6.2Synthèse des éléments en lien avec la citoyenneté
5.6.3Éléments en lien avec la démocratie participative
5.6.4Synthèse des éléments en lien avec la démocratie participative
5.7Synthèse générale
6BILAN DE LA RECHERCHE
6.1Évaluation de la méthode et des outils
6.2Apprentissages réalisés
7CONCLUSION
8SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES
8.1Ouvrages
8.2Articles et supports de Cours
8.3Sites internet
9ANNEXES
9.1Canevas d’entretien
9.2Grille d’analyse
9.3Retranscriptions des entretiens

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