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MECANISME DE L’ALLERGIE ALIMENTAIRE
Chez la majorité des individus, les protéines alimentaires induisent une tolérance immunitaire. Les mécanismes mis en œuvre permettent ainsi d’éteindre toute réponse immunologique spécifique contre ces protéines, assurant finalement le maintien de l’intégrité de l’organisme (absence de réaction inflammatoire), tout en permettant l’absorption des nutriments nécessaires à sa survie. La rupture ou le manque d’induction de cette tolérance entraîne une sensibilisation pour un ou plusieurs allergènes alimentaires et c’est à ce moment que l’allergie proprement dite se développe chez le sujet atopique.
Les acteurs impliqués dans le mécanisme de la réaction allergique
Le développement d’une allergie alimentaire médiée par les IgE nécessite la coordination de différents acteurs de type cellulaire et moléculaire. Certains de ces acteurs seront définis avant de détailler les mécanismes immunologiques de l’allergie alimentaire.
Les immunoglobulines de type E et leurs récepteurs
Il existe cinq classes d’immunoglobulines ou anticorps (IgD, IgM, IgA, IgG et IgE) produits par les plasmocytes en réponse à une stimulation par un antigène.
Les IgE (Epsilon) sont les marqueurs de la sensibilisation allergique. Elles se distinguent des IgG par la présence d’un domaine constant supplémentaire et font partie des immunoglobulines les moins abondantes. Chez l’adulte normal leur concentration sérique varie de 0,05 à 1µg/ml contre 10mg/ml pour les IgG. Malgré cette faible concentration, les IgE peuvent occuper en permanence une grande proportion de leurs récepteurs grâce à la haute affinité de leur liaison avec ces récepteurs (KD= 10-9 à10-10M) (Kinet 1999). Les parties C-terminales constantes des chaînes lourdes contiennent le site de liaison aux récepteurs pour les IgE (FcεR).
Il existe deux types de récepteurs pour les IgE : le récepteur de haute affinité (FcεRI) et le récepteur de faible affinité (FcεRII ou CD23). Ces récepteurs exprimés à la surface de cellules cibles, assurent la connexion entre les composants humoraux (anticorps) et cellulaires du système immunitaire (Daëron 1997). Le FcεRI est un complexe membranaire tétramérique composé d’une chaîne α (site de fixation des IgE), d’une chaîne β et d’un dimère de chaînes γ (Blank et al. 2003). Chez la souris le FcεRI n’est exprimé qu’à la surface des mastocytes et des basophiles alors que chez l’homme, il existe aussi une forme trimérique (αγ2 sans chaîne β) qui est exprimée par les cellules présentatrices de l’antigène (monocyte/macrophage, cellules dendritiques) ainsi que par les éosinophiles et les plaquettes (Lin et al. 1996), (Maurer et al. 1996). Selon certaines études, la chaine β, aurait un rôle amplificateur de l’expression et de la capacité de signalisation du FcεRI (Donnadieu, Jouvin and Kinet 2000, Lin et al. 1996, Dombrowicz et al. 1998). Le récepteur FcεRII (ou CD23) est un homotrimère membranaire existant sous deux formes: CD23a et CD23b. La forme CD23a est exprimée par les lymphocytes B et l’autre forme (CD23b) est induite par l’IL-4 sur les lymphocytes T, les cellules de Langerhans, les monocytes, les macrophages et les éosinophiles (Yokota et al. 1988). Ce second récepteur est également capable de lier des IgE mais présente une plus forte affinité pour les complexes immuns IgE-antigène comparée aux IgE libres.
Le système immunitaire associé à l’intestin
Les muqueuses du tractus gastro-intestinal représentent en moyenne, une surface comprise entre 200 et 300 m2 (Hao and Lee 2004), ce qui représente une importante zone de contact entre les cellules de l’organisme et le milieu extérieur notamment les aliments ingérés ainsi que les bactéries de . On considère que l’intestin est le premier organe immunitaire de l’organisme humain car 60 à 70% des cellules immunes sont présentes dans la muqueuse intestinale. Les sites inducteurs et effecteurs d’une réponse immunitaire spécifique sont composés par les structures lymphoïdes décrites comme étant des tissus ayant différents niveaux d’organisation.
Les plaques de Peyer (PP) et les ganglions mésentériques (MLN : Mesenteric Lymph Nodes) sont des structures organisées en follicules alors que la lamina propria est une structure diffuse. Ces différents éléments forment le « Gut-Associated Lymphoid » Tissue (GALT) (Figure 5).
Les PP contiennent de nombreux lymphocytes T et B naïfs apportés par les vaisseaux nommés HEV (High Endothelial Venule). Les ganglions mésentériques centralisent la réponse immunitaire intestinale. Un ganglion est irrigué par une lymphe afférente qui draine les PP et la lamina propria. Ce type de lymphe transporte différentes cellules dendritiques qui permettent d’initier la réponse immunitaire et la lymphe efférente assure la mise en circulation des cellules activées (LT et LB) dans le compartiment sanguin. Ces tissus sont composés de différentes cellules immunocompétentes qui participent aux mécanismes de défense contre les pathogènes, tout en permettant une tolérance face aux antigènes alimentaires mais également face à la grande diversité des bactéries du microbiote intestinal. Les réponses immunes protectrices comprennent entre autre la production des IgA sécrétoires (sIgA). Ces immunoglobulines adaptées à l’intestin, participent à l’inhibition de la translocation bactérienne et de la multiplication virale dans les entérocytes. Elles peuvent également neutraliser les toxines et bloquer l’adhésion des bactéries à la muqueuse intestinale.
Les cellules M (microfold cells ou cellules membraneuses)
Ces cellules recouvrent les PP (Figure 6) qui constituent un site important pour l’initiation de la réponse immunitaire intestinale car elles contiennent de nombreux lymphocytes naïfs.
Les cellules M peuvent intercepter des macromolécules présentes dans la lumière intestinale pour les transmettre de façon intacte au niveau du site d’induction de la réponse immune où elles seront prises en charge par les cellules présentatrices de l’antigène (CPA). Ce passage par les cellules M représente une étape clef dans l’induction d’une réponse locale et systémique spécifique (Neutra 1998). Cependant, il existe des études qui contestent le rôle potentiellement actif de ces cellules dans la capture des antigènes aboutissant au développement d’une hypersensibilité alimentaire (Untersmayr and Jensen-Jarolim 2006). De plus, leur capacité de prise en charge de protéines solubles n’a pas réellement été démontrée (Chehade and Mayer 2005).
Les cellules présentatrices d’antigènes (CPA)
Ces différentes cellules constituent un groupe hétérogène. Elles peuvent être des cellules dendritiques, des macrophages activés ou des lymphocytes B activés. Ces cellules sont responsables de la dégradation intracellulaire des antigènes et de leur présentation à la surface cellulaire sous forme de peptides associés aux molécules du complexe majeur d’histocompatibilité de classe II (CMH II). La formation du complexe CMH-peptide antigénique est un élément clé de la présentation car ce complexe pourra être reconnu de façon spécifique par un lymphocyte T naïf via son récepteur à l’antigène (T Cell Receptor, TCR) déclenchant l’activation de ce lymphocyte (Figure 7).
Les CPA expriment également des molécules de co-stimulation indispensables à l’activation des lymphocytes ainsi que des récepteurs de reconnaissance de motifs antigéniques (pattern recognition receptor, PRR) incluant les récepteurs de type Toll (Toll Like receptor, TLR) et les récepteurs de type NOD (nucleotide-biding oligomerization domain) (Untersmayr and Jensen-Jarolim 2006).
Les cellules dendritiques sont appelées CPA professionnelles car leur principale fonction est la présentation d’antigène. Leurs dendrites ramifiées augmentent la capacité de captation de l’antigène. Ces cellules appartiennent à trois populations différentes selon leur localisation dans l’organisme : les cellules de Langerhans dans la peau et les épithéliums muqueux, les cellules dendritiques myéloïdes dans les tissus interstitiels et le derme ainsi que les cellules dendritiques plasmacytoïdes dans les organes lymphoïdes et le sang.
Les entérocytes
Ce type de cellules épithéliales est le plus répandu au niveau de la muqueuse intestinale et est caractérisé par sa fonction d’absorption de nombreux nutriments. Ces cellules possèdent également des activités enzymatiques qui interviennent dans la digestion des glucides et des protéines. Des études indiquent que ces cellules pourraient influencer l’induction de la tolérance ou le développement de l’allergie alimentaire. Ces cellules seraient capables de phagocyter des antigènes alimentaires puis après dégradation cellulaire par voie lysosomiale, de les présenter en association avec des molécules du CMH II, fonctionnant ainsi, comme des CPA (Yu and Perdue 2001). De plus une étude indique que le récepteur de haute affinité pour les IgE est exprimé à la surface de cellules de l’épithélium intestinal humain, plus précisément au niveau du colon et de l’intestin grêle (Untersmayr et al. 2010).
Les lymphocytes
Ces cellules jouent un rôle majeur dans le système immunitaire en agissant selon un mécanisme dépendant du type de lymphocyte. Elles sont produites au niveau de la moelle osseuse mais le lieu de leur maturation diffère en fonction du type de lymphocyte. Elles sont présentes dans le sang, dans la lymphe et dans tous les organes lymphoïdes. Ces cellules se caractérisent par l’expression de marqueurs membranaires de différentiation (Clusters of differentiation (CD)), permettant leur identification. Les lymphocytes T sont impliqués dans l’immunité à médiation cellulaire tandis que les lymphocytes B sont responsables de la production d’anticorps (immunité humorale).
Les lymphocytes T (LT)
Les lymphocytes T immatures migrent de la moelle osseuse vers le thymus afin d’acquérir l’immunocompétence. Les lymphocytes T périphériques sont caractérisés par la présence de marqueurs membranaires spécifiques comme les récepteurs pour les antigènes (TCR) dont la liaison au complexe CMH II-antigène entraîne l’activation cellulaire. On distingue deux grands groupes de cellules T : les cellules effectrices (LT cytotoxiques ou LT CD8+) qui agissent contre l’ « agresseur » et les cellules modératrices (LT auxiliaires, Th pour T helper ou LT CD4+) qui contrôlent le fonctionnement des cellules effectrices. Les LT CD4+ activés sont des piliers de la mise en place de la réponse spécifique car ils peuvent réguler l’activation, la prolifération et la différentiation d’autres cellules immunes qui agiront de manière plus directe. Il existe différentes sous-populations de LT CD4+ qui dérivent toutes d’un même précurseur, le LT naïf (Th0).
Ces différences sont établies en fonction de la nature des cytokines sécrétées et du type de réponses induites (Figure 8). Les cytokines sont des glycoprotéines spécialisées dans la communication intercellulaire, produites en réponse à une activation cellulaire. On distingue plusieurs familles de cytokines (interleukines (IL), interféron (IFN)…) qui exercent leur action en se fixant sur des récepteurs présents sur des cellules cibles.
La différenciation des LTh0 en LTh1 est induite en présence d’IL-12 via l’activation de STAT-4 (Signal Transducer and Activator of Transcription), pour lutter contre les pathogènes intracellulaires (bactéries ou virus). Le facteur de transcription T-bet (T-box expressed in T cells) joue un rôle important dans le développement et le maintien des LTh1, caractérisés par la production d’IFN-γ (Murphy and Reiner 2002). Ces cellules favorisent l’immunité à médiation cellulaire.
Les LTh2 sont induits en présence d’IL-4 via l’activation de STAT-6. Ils sont impliqués dans les processus d’élimination de pathogènes extracellulaires, dont certains parasites comme les Helminthes. Ils sécrètent de l’IL-4, de l’IL-5 et de l’IL-13 qui favorisent l’immunité à médiation humorale (Romagnani 1994, Akdis, Blaser and Akdis 2004a). L’activation du facteur de transcription GATA-3 induit le développement d’une réponse de type Th2 (Zhu et al. 2006).
Les LTh17 ont été identifiés en 2005 (Harrington et al. 2005, Langrish et al. 2005, Park et al. 2005). Les données d’une revue récente indiquent que chez l’homme, les cytokines qui induisent la différenciation vers le profil Th17, sont l’IL-6, l’IL-21, l’IL-23 et l’IL-1β. Le TGF-β aurait un rôle potentiellement synergique du fait de sa capacité à stopper la différenciation vers le profil Th1 (Marwaha et al. 2012). Les LTh17 produisent principalement de l’IL-17 mais aussi d’autres cytokines comme l’IL-21 et L’IL-22. Ils peuvent intervenir en cas d’infection et sont également impliqués dans l’autoimmunité et l’immunodéficience. Le facteur de transcription RORγt (Retinoïd-related Orphan nuclear Receptor) contrôle la différenciation de ces cellules (Ivanov, Zhou and Littman 2007).
Les lymphocytes T régulateurs sont chargés de maintenir l’homéostasie de l’organisme en agissant sur les réponses immunitaires induites. Il s’agit de plusieurs types de cellules exprimant toutes le CD4 : les cellules Th3, Tr1 et Treg. Les LTh3 sont notamment induits suite à l’administration orale d’antigène et exercent leur activité suppressive via la production de TGF-β (Weiner 2001, Ozdemir, Akdis and Akdis 2009). Les LTr1 sont induites en présence d’IL-10 et exercent leur activité suppressive non spécifique, indépendamment du CMH via la production d’IL-10 (Wu et al. 2007). Les LTreg expriment le récepteur de l’IL-2 (CD25+) à leur membrane et le facteur intracellulaire de transcription Forkhead box p3 (Foxp3) (Romagnani 2006). Ce facteur de transcription semble jouer un rôle majeur dans le développement et la fonctionnalité des Treg (Ozdemir et al. 2009). Ces LTreg (CD4+ CD25+Foxp3+) se différencient sous l’effet du TGF-β et de l’IL-2 et agissent par contact direct avec d’autres cellules via le TGF-β lié à leurs membranes (Nakamura, Kitani and Strober 2001). Elles expriment des molécules CTLA-4 (cytotoxic T lymphocyte antigen-4) et GITR (Glucocorticoid Induced TNF Receptor) qui sont impliquées dans l’action immunosuppressive des Treg.
Il existe une relation entre les LTreg et les LTh17 (Figure 9). Le TGF-β peut induire l’expression des facteurs de transcriptions Foxp3 et RORγt, mais en présence de cytokines pro-inflammatoires comme l’IL-6 ou l’IL-2, la différenciation sera orientée vers le profil Th17 (Ivanov et al. 2007).
Les lymphocytes B
Les lymphocytes B terminent leur développement dans la moelle osseuse. Les cellules matures expriment un récepteur membranaire spécifique (BCR pour « B cell receptor ») qui peut reconnaitre directement les antigènes natifs, en solution ou à la surface des CPA. Cette reconnaissance conduisant à l’activation du lymphocyte B est le support de la spécificité de la réponse humorale. L’activation du lymphocyte B va aboutir à sa différenciation en plasmocyte, capable de produire des anticorps spécifiques de l’antigène. Cette différenciation est régulée par le profil des cytokines produites par les lymphocytes T. Dans le cas d’une réaction suite à l’ingestion d’une protéine alimentaire, l’IFN-γ produit par les cellules Th1, favorise la différenciation des lymphocytes B en plasmocytes producteurs d’IgG2a chez la souris. Les cytokines de type Th2 comme l’IL-4, l’IL-13 et l’IL-5 induisent la prolifération des lymphocytes B et favorisent une commutation de classe du lymphocyte B vers la production d’IgE et d’IgG1 (Ngoc et al. 2005). La production d’IgA par les lymphocytes B peut être stimulée par les cellules régulatrices via la sécrétion de TGF-β (Spellberg and Edwards 2001, Cerutti and Rescigno 2008).
Les cellules effectrices
Les mastocytes
Il existe deux types de mastocytes en fonction de leur localisation et de leurs propriétés. Ces cellules sont situées au niveau des tissus muqueux ou conjonctifs à proximité 28
des vaisseaux sanguins. Elles sont des acteurs majeurs de la réaction allergique car elles sont caractérisées par leur forte capacité d’expression de la forme tétramérique du FcεRI. Leur cytoplasme contient de nombreuses granules renfermant des médiateurs chimiques. Parmi les médiateurs chimiques préformés on retrouve notamment l’histamine, des enzymes (tryptase, carboxypeptidase A…) ainsi que des protéoglycanes comme l’héparine et les sulfates de chondroïtine. Les médiateurs néoformés comprennent la prostaglandine D2 (PGD2), les leucotriènes et les facteurs activant les plaquettes (Platelet Activating Factor (PAF)) (Greenberger and Ditto 2012). L’activation de ces cellules via les récepteurs aux IgE déclenche la libération du contenu des granules dans le milieu extracellulaire et la synthèse des médiateurs néoformés. Ces cellules peuvent également produire des chimiokines et des cytokines comme l’IL-4 et l’IL-13 qui vont entretenir la réponse Th2. Elles sont aussi impliquées dans les réactions anaphylactiques observées au cours des réactions allergiques non médiées par les IgE. Dans ce cas, la libération du contenu des granules est indépendante de la présence d’IgE spécifiques, on peut citer l’exemple des produits radiographiques de contraste dont certains sont capables d’activer le FcεRI. D’autres conditions non-immunologiques peuvent être à l’origine de la libération des médiateurs chimiques comme l’exercice physique, l’exposition à de faibles températures ou à des médicaments (Greenberger and Ditto 2012).
Les basophiles
Les basophiles sont des cellules circulantes (localisation principalement sanguine) se différenciant sous l’influence de l’IL-3 (Arock 2004). Leurs inclusions cytoplasmiques contiennent de nombreuses molécules chimiques, et en particulier l’histamine, la sérotonine et l’héparine. Ils expriment fortement le FcεRI (30000 FcεRI / cellule) (Malveaux et al. 1978). Des études indiquent que leur nombre est corrélé avec la sévérité des maladies allergiques (Knol et al. 1996).
Les éosinophiles
Ces cellules jouent un rôle important dans l’inflammation allergique. Leur localisation est surtout tissulaire. L’IL-5 et l’éotaxine stimulent la différenciation et la migration de la lignée éosinophile. Ces cellules renferment des substances participant à l’amplification de la réponse allergique. Des médiateurs de l’inflammation peuvent en effet être libérés suite à leur activation par la fixation de complexes IgE-allergène sur les récepteurs de faible affinité (FcεRII). Elles peuvent également produire des cytokines capables d’accentuer les réponses de type Th2 au niveau local.
Le système immunitaire inné associé à l’intestin
Les défenses mises en place au niveau de l’intestin comprennent l’activité de cellules appartenant à l’immunité innée. L’immunité innée est une première ligne de défense qui contrôle l’agent indésirable et contribue à son élimination avant le développement de l’immunité adaptative spécifique (LT et LB).
Ce composant immunitaire regroupe les mécanismes cellulaires (cellules épithéliales, cellules Natural Killer (NK), polynucléaires, cellules dendritiques) et humoraux (complément, peptides antimicrobiens, protéine C réactive, lectine) non spécifiques de l’antigène (Turvey and Broide 2010, Schroder 2009, Metz and Maurer 2009).
L’immunité innée est mise en jeu via l’identification de la nature et du risque de l’agression à l’aide de récepteurs spécifiques. Ce composant immunitaire peut neutraliser les microorganismes grâce à la phagocytose, l’action de molécules comme les petides antimicrobiens et le complexe de lyse du complément ou par la production de facteurs antiviraux. La réponse innée permet l’induction de la réponse adaptative spécifique de l’antigène adéquate pour protéger l’hôte. Elle participe à l’orientation de la réponse adaptative notamment selon le degré de maturation des CPA (Pichavant et al. 2003).
Les acteurs de la réponse innée tels que les cellules dendritiques et les macrophages sont activés par des motifs moléculaires conservés au sein de différents types de microorganismes (PAMP : Pathogen Associated Molecular Pattern) via leurs récepteurs de reconnaissance de motifs antigéniques PRR (Toll-like receptors, NOD-like receptors). Dès 1989, Janeway a évoqué l’existence de PRR reconnaissant ces PAMPs et activant la réponse immunitaire (Janeway 1989). Ces PRR peuvent également réagir aux signaux des bactéries du microbiote intestinal permettant ainsi une étroite relation entre le microbiote intestinal et le système immunitaire de l’hôte (Cf paragraphe II-6-3).
L’immunité innée comprend également l’effet de barrière dû aux cellules de l’épithelium intestinal ainsi que les lymphocytes T Natural killer et les lymphocytes T γδ. D’autres cellules de l’immunité innée semblent jouer un rôle important dans l’orientation de la réponse immunitaire. Les nuocytes par exemple, sont des leucocytes effecteurs récemment identifiés comme étant impliquées dans le développement de réponses cytokiniques de type Th2 (Neill et al. 2010, Saenz et al. 2010).
Description du mécanisme de l’allergie alimentaire
Le mécanisme fondamental de la réaction allergique immédiate dépendante des IgE, s’effectue en deux phases : la sensibilisation et le déclenchement.
Exposition à l’allergène
Il existe différentes voies de sensibilisation à des allergènes alimentaires. Dans le cas des allergies alimentaires dites de classe 1, la sensibilisation se produit au niveau du tractus gastro-intestinal (Han, Kim and Ahn 2012). Les aliments concernés (lait de vache, œuf…) se caractérisent entre autres par leur résistance aux processus digestifs. Ce type d’allergie alimentaire affecte particulièrement les enfants. La voie respiratoire est impliquée dans le développement des allergies alimentaires de classe 2. Ce type d’allergie alimentaire est responsable du Syndrome Oral Croisé (SOC ou OAS : Oral Allergy Syndrom) retrouvé majoritairement chez des adultes sensibilisés à des aliments (carotte, céleri, pomme poire…) dont les protéines présentent des similitudes avec celles d’aéro-allergènes notamment l’allergène majeur du pollen de bouleau (Bet V1 : Betula verrucosa 1) (Breiteneder and Ebner 2000). La sensibilisation par voie cutanée a également été suggérée. Selon les données publiées par Lack en 2008, de façon générale l’exposition cutanée conduirait au développement de l’allergie alimentaire tandis que l’exposition orale induirait le plus souvent la tolérance à l’allergène (Lack 2008). Cette voie a été mise en évidence dans des études effectuées à partir de modèles animaux (Adel-Patient et al. 2007, Strid et al. 2005).
Ces différentes voies de sensibilisation mènent toutes au développement de l’allergie alimentaire qui par définition se déclenche suite à une consommation d’aliments.
Première étape : la phase de sensibilisation
Lors de la sensibilisation allergique, les CPA du GALT captent l’antigène alimentaire, et après la lyse intracellulaire, associent les peptides dérivés de l’antigène aux molécules du CMH II à leur surface. Les CPA ainsi activées migrent ensuite vers les ganglions lymphatiques « locaux » (PP ou MLN), où elles interagissent avec les cellules T CD4+ naïves. Cette interaction cellulaire va induire la différenciation des cellules naïves en cellules Th2, sécrétant des cytokines dont l’IL-4, l’IL-5, l’IL-10 et l’IL-13. Ces cytokines vont notamment induire la transformation des lymphocytes B en plasmocytes producteurs d’IgE spécifiques. Les IgE spécifiques de l’allergène se répartissent ensuite dans l’ensemble de l’organisme, via la circulation sanguine, et se fixent sur des « cellules cibles » de la peau et des muqueuses (mastocytes) ainsi que sur des « cellules cibles » circulantes (basophiles) exprimant le récepteur pour la partie constante des IgE. Cette première étape, appelée phase de sensibilisation, muette cliniquement, prépare l’organisme à réagir de façon immédiate lors d’un second contact avec l’allergène (Figure 10).
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
I. L’ALLERGIE ALIMENTAIRE
I.1. HISTORIQUE
I.2. DEFINITIONS ET CLASSIFICATIONS
I.3. EPIDEMIOLOGIE ET PREVALENCE
I.4. MECANISME DE L’ALLERGIE ALIMENTAIRE
I.4.1. Les acteurs impliqués dans le mécanisme de la réaction allergique
I.4.1.1. Les immunoglobulines de type E et leurs récepteurs
I.4.1.2. Le système immunitaire associé à l’intestin
I.4.1.2.a. Les cellules M (microfold cells ou cellules membraneuses)
I.4.1.2.b. Les cellules présentatrices d’antigènes
I.4.1.2.c. Les entérocytes
I.4.1.2.d. Les lymphocytes
I.4.1.2.d.i. Les lymphocytes T
I.4.1.2.d.ii. Les lymphocytes B
I.4.1.2.e. Les cellules effectrices
I.4.1.2.e.i. Les mastocytes
I.4.1.2.e.ii. Les basophiles
I.4.1.2.e.iii. Les éosinophiles
I.4.1.3. Le système immunitaire inné associé à l’intestin
I.4.2. Description du mécanisme de l’allergie alimentaire
I.4.2.1. Exposition à l’allergène
I.4.2.2. Première étape : la phase de sensibilisation
I.4.2.3. Deuxième étape : la phase de déclenchement
I.4.3. Régulation du mécanisme
I.5. SYMPTOMES CLINIQUES DE L’ALLERGIE ALIMENTAIRE
I.6. ASPECTS THERAPEUTIQUES
I.7. FACTEURS DE RISQUES
I.7.1. Les allergènes alimentaires
I.7.1.1. Généralités
I.7.1.2. Les protéines et allergènes du lait de vache
I.7.2. Facteurs génétiques
I.7.3. Influence de l’âge et du sexe
I.7.4. Influence de l’environnement
I.7.4.1. Facteurs épigénétiques
I.7.4.2. Influence de l’allaitement
I.7.4.3. L’hypothèse hygiéniste
II. LE MICROBIOTE INTESTINAL
II.1. DEFINITION
II.2. METHODE D’ANALYSE DU MICROBIOTE INTESTINAL
II.2.1. Méthodes basées sur la culture
II.2.2. Les méthodes moléculaires
II.2.2.1. Les méthodes d’empreintes
II.2.2.2. L’hybridation in situ couplée à la cytométrie en flux
II.2.2.3. La PCR quantitative (qPCR)
II.2.2.4. Les méthodes de séquençage
II.2.2.4.a. La technique de séquençage complet
II.2.2.4.b. La technique de pyroséquençage
II.2.2.5. La métagénomique
II.3. COMPOSITION DU MICROBIOTE INTESTINAL
II.4. ORIGINE ET DEVELOPPEMENT DU MICROBIOTE INTESTINAL
II.5. FACTEURS AGISSANT SUR LA COLONISATION BACTERIENNE
II.5.1. Influence du terrain génétique
II.5.2. Influence du terme de naissance
II.5.3. Influence du mode d’accouchement
II.5.4. Influence de l’alimentation
II.5.5. Influence des traitements médicamenteux
II.5.6. Influence des conditions d’hygiène
II.6. FONCTIONS DU MICROBIOTE INTESTINAL
II.6.1. Fonctions métabolique et nutritionnelle
II.6.2. Fonction protectrice
II.6.3. Fonction immunologique
II.6.3.1. Immunité anté-natale
II.6.3.2. Immunité post-natale
II.6.3.3. Interactions hôte-microbiote et stimulation de l’immunité innée
III.CONTEXTE DU SUJET DE THESE : MICROBIOTE INTESTINAL ET ALLERGIE
III.1. MICROBIOTE INTESTINAL ET PATHOLOGIES
III.2. RELATIONS ENTRE MICROBIOTE INTESTINAL ET ALLERGIES ALIMENTAIRES
III.2.1. Microbiote intestinal et maladies allergiques
III.2.2. Données expérimentales sur l’influence du microbiote intestinal dans le développement de l’allergie et l’acquisition de la tolérance aux aliments
III.3. MODELES EXPERIMENTAUX
III.3.1. Méthodes d’études du microbiote intestinal
III.3.2. Méthodes d’études de l’allergie alimentaire
III.3.2.1. Les modèles murins
III.3.2.2. Sensibilisation expérimentale
III.3.2.3. Déclenchement expérimental de la réation allergique (challenge)
IV.OBJECTIFS SCIENTIFIQUES RESULTATS DES TRAVAUX DE THESE
I.Mise en évidence du potentiel allergénique et immunogénique de la β-lactoglobuline et des caséines bovines chez la souris BALB/c, en absence d’adjuvant
I.1. CONTEXTE DES TRAVAUX
I.2. OBJECTIFS ET METHODOLOGIE
I.3. PRINCIPAUX RESULTATS ET CONCLUSIONS
II. Impact de la colonisation du tractus digestif à l’âge de 6 semaines sur la sensibilisation au lait de vache
II.1. CONTEXTE DES TRAVAUX
II.2. OBJECTIFS ET METHODOLOGIE
II.3. PRINCIPAUX RESULTATS ET CONCLUSIONS
III .Impact de la colonisation du tractus digestif au moment du sevrage sur la sensibilisation au lait de vache
III.1. INTRODUCTION
III.2. MATERIELS ET METHODES
III.2.1. Milieux et réactifs
III.2.2. Souris : Origine et conditions d’élevage
III.2.3. Protocole expérimental
III.2.4. Hybridation in situ couplée à la cytométrie en flux (FISH : Fluorescent In Situ Hybridization)
III.2.5. Dosage des anticorps spécifiques dans les échantillons sanguins et fécaux… 1499
III.2.6. Dosage des protéases mastocytaires de type 1 (mouse Mast Cell Protease 1 (mMCP-1))
III.2.7. Réactivation des cellules issues des rates et des ganglions mésentériques et dosage des cytokines
III.2.8. Analyses statistiques
III.3. RESULTATS
III.3.1. Analyse de la composition du microbiote fécal
III.3.2. Réponses anticorps induites par la sensibilisation expérimentale
III.3.3. Réponses induites par le challenge oral
III.3.4. Réponses cellulaires (sécrétion de cytokines après réactivation in vitro)
III.4. DISCUSSION
IV.Impact de la colonisation néonatale du tractus digestif par la souche Lactobacillus Casei BL23 sur la sensibilisation au lait de vache
IV.1. INTRODUCTION
IV.2. MATERIELS ET METHODES
IV.2.1. Milieux et réactifs
IV.2.2. Souris : origine et conditions d’élevage
IV.2.3. Observation des caractéristiques physiologiques des souris Ax, Mx et CV
IV.2.3.1. Prélèvement d’organes
IV.2.3.2. Coupes histologiques d’intestin et marquages immunohistochimiques
IV.2.4. Protocole expérimental de sensibilisation
IV.2.5. Dosage des anticorps spécifiques dans les échantillons sanguins et fécaux
IV.2.6. Dosage des cytokines
IV.2.7. Analyse des populations lymphocytaires par cytométrie en flux
IV.2.8. Analyses statistiques
IV.3. RESULTATS
IV.3.1. Caractéristiques physiologiques des souris Ax, Mx et CV
IV.3.2. Réponses anticorps induites par la sensibilisation expérimentale
IV.3.3. Réponses cellulaires (sécrétion de cytokines après réactivation in vitro)
IV.3.4. Analyse des populations lymphocytaires chez les souris sensibilisées
IV.4. DISCUSSION
CONCLUSIONS GENERALES ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQU
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