Ce rapport fait suite au stage que j’ai effectué à Nîmes au Laboratoire GIS (Géochimie ISotopique environnementale). Ce laboratoire fait partie de l’Université de Nîmes et du CNRS via le CEREGE (Centre Européen de Recherche et d’Enseignement en Géosciences de l’Environnement (UMR 6635)) localisé à Aix en Provence Depuis 2001, le laboratoire GIS a accueilli successivement la direction de deux Groupements de Recherche avec respectivement pour partenaire l’ANDRA et l’IRSN. Issu d’un partenariat entre le CNRS et l’ANDRA dans le cadre de la loi de 1991 dite « Loi Bataille » sur la gestion des déchets radioactifs, le Groupement de Recherche (GdR) FORPRO, dirigé par J.Lancelot, a été créé en 1998 et s’est achevé en 2007. Depuis le 1er janvier 2008 le laboratoire du GIS devient le centre de direction du nouveau GdR TRASSE associant en partenariat le CNRS et l’IRSN, sur le transfert des radionucléides, avec une application au site de Tchernobyl, où l’équipe GIS est impliquée dans la problématique des temps de transfert de radionucléides dans la nappe phréatique sous jacente aux fosses où les déchets issus de la catastrophe de 1986 ont été enfouis.
Le laboratoire GIS accueille des étudiants dans le cadre de la licence professionnelle 3D (Métiers du Démantèlement, des Déchets et de la Dépollution), de la 3ème année de licence du parcours Environnement ; il entretient des relations avec de nombreuses entreprises concernées par les problèmes environnementaux tant du point de vue de l’enseignement professionnel que de la recherche. La présente étude porte sur les eaux karstiques de la région narbonnaise, et l’extension du biseau salé dans les eaux souterraines du littoral. Des travaux antérieurs (Michel, 1995) réalisés à l’Université de Montpellier II lors d’un DEA ont porté sur la comparaison des signatures isotopiques en Sr des eaux souterraines du littoral et de l’arrière pays perpignanais. Cette étude conclue à une contamination des eaux karstiques littorales présentes dans les calcaires du Crétacé inférieur et du Jurassique supérieur par l’eau de mer du biseau salé. On peut donc supposer que des mélanges ont lieu également dans la région de Narbonne qui présente un environnement géologique et hydrogéologique assez similaire, à celui de la région de Perpignan.
Présentation de la zone d’étude
Contexte géologique régional
La région du Languedoc Roussillon est marquée structuralement par la mise en place de la « Chaîne pyrénéo-provençale ». A partir du Trias l’histoire géologique de ce secteur peut se décrire en 3 grandes phases : Du Trias au Crétacé inférieur (inclus), une sédimentation continentale, puis marine, domine. Au Trias, l’évaporation d’eaux salées dans les lagunes, créée des dépôts de gypse et d’argiles. Au Jurassique l’avancée de la mer induit de puissants dépôts calcaires à l’est des Pyrénées qui se retrouvent actuellement entre autres dans les Corbières et les Grands Causses. De la fin du Crétacé inférieur au milieu du Crétacé supérieur, la plaque Ibérique et Europe se séparent, et se met en place une ride océanique marquant l’axe WNW-ESE du Golfe de Gascogne. Parallèlement de grandes fractures E-W se mettent en place dans les Pyrénées, provoquant des fossés d’effondrement dans lesquels s’accumulent des niveaux sableux et argileux continentaux. Du Crétacé supérieur à l’Eocène supérieur, les plaques Ibérie et Europe se rapprochent et coulissent en un décrochement senestre, entrainant le plissement du matériel pyrénéen. Le mouvement de convergence se développe au cours de l’Eocène, les roches déformées sont rapidement bloquées dans la zone de contact des plaques, la déformation va alors se propager vers le nord, coté français et vers le sud coté espagnol. La chaine pyrénéo-provençale se met en place à partir de – 45 Ma. Le serrage a pour conséquence le plissement des formations et la naissance de chevauchements. Par exemple, le massif de la Clape, maintenant isolé géographiquement des Corbières par les dépôts oligocènes de Narbonne à Sigean et la plaine alluviale de l’Aude, fait néanmoins partie de la nappe des Corbières, et a été déplacé sur une dizaine de kilomètres.
A partir de – 30 Ma, une grande phase de distension s’exprime en particulier par des grabbens orientés NE- SW, remplis de sédiments lacustres et fluviatiles oligocènes (conglomérats, argiles, calcaires). La fin du Miocène est marquée par le retour de la mer, qui va déposer des calcaires fossilifères dans le Languedoc Roussillon. L’épisode messinien (cf. ci-dessous) sera suivi par le dépôt de sables pliocènes, notamment dans la région de Montpellier, où ils constituent une importante nappe aquifère.
Contexte hydrogéologique régional
La fermeture du détroit de Gibraltar (Messinien) a fait de la Méditerranée une mer fermée. Par évaporation, le niveau de la mer est alors descendu de 1 000 à 1 500 mètres. Des canyons se sont formés dans les massifs calcaires karstiques. Plus tard lors de la remontée de la mer ils se sont remplis par endroit d’eau salée, tandis que d’autres ont servi à l’écoulement des eaux douces karstiques. Les principaux aquifères karstiques de la région Languedoc- Roussillon se trouvent dans ces formations jurassiques à crétacées (Hébrard et al, 2001). Dans l’ensemble de ces massifs calcaires karstiques, des émergences fortement chlorurées ont été observées sur deux grandes zones :
– L’Étang de Thau en zone littorale,
– Les Corbières orientales, sur le pourtour des étangs littoraux situés entre Perpignan et Narbonne.
Dans la zone d’étude, le massif de la Clape se compose de deux ensembles calcaires karstifiés d’âge Crétacé inférieur-Jurassique supérieur et Aptien, séparés par les marnes moyennes de l’Aptien. On note des exsurgences au contact des marnes, telles les sources du Rec d’Argent et du Gourp. Au Nord du massif, le gouffre de l’Œil Doux semble représenter un regard sur la nappe, et comme les autres sources il a des fluctuations sensibles à la pluviométrie et aux coups de mer (Fig.3).
Dans la région de Narbonne les changements de ligne de côte ont été étudiés en détail grâce à de nombreux forages et aux documents et vestiges laissés entre autres par les romains (AMBERT, 1993). Entre le Ier et le XIIIème siècle, la mer arrive jusqu’à Narbonne ; Narbonne et le Montlaurés sont des ports et le Massif de la Clape est une île (Fig. 5 et 6).
En ce qui concerne l’Aude, celle-ci prend sa source dans les Pyrénées à Roc d’Aude, le fleuve fait un coude à Carcassonne pour aller se jeter en Méditerranée au Grau de Vendres. Avant l’inondation du 12 octobre 1316, l’Aude coulait uniquement en direction de Narbonne et se jetait dans l’étang de Gruissan ; cette inondation a provoqué un colmatage de la très basse vallée de l’Aude, des canaux ont alors été creusés et l’Aude s’est divisée en deux bras : l’un vers le Sud, l’autre vers l’Est. Ce dernier passe au Nord du Massif de la Clape et se jette dans l’étang de Vendres. En 1755, fut creusé, entre Coursan et Salles-d’Aude, un canal qui deviendra le lit du fleuve actuel (Fig. 5). Jusqu’au XVIIIème siècle la matière en suspension des eaux de l’Aude à contribuer à colmater les divers étangs.
Les éléments majeurs et les éléments en traces
Une partie des échantillons sont partis dans des laboratoires indépendants, qui effectueront les analyses. Les cations sont dosés par ICP-MS (Spectromètre de masse de type quadripôle ou secteur magnétique). Le brome et les anions sont analysés par chromatographie ionique. Les anions, les cations, et les traces (brome et strontium) sont analysés par le Laboratoire Central d’Analyses du CNRS à Lyon (SCA). Suite à plusieurs erreurs relevées dans les données transmises, un deuxième lot a été envoyé pour l’analyse des anions et du brome au laboratoire Sud CERECO habilité COFRAC. (Annexe3) Pour les mêmes raisons, les concentrations en strontium ont été analysées une seconde fois au Centre de Géochimie de la Surface (CGS) à Strasbourg par ICPMS.
Le tritium
Le tritium a été envoyé pour analyse au LSCE (UMR1572) de Saclay. L’analyse du 3H se fait par reconnaissance de 3He. Un volume d’échantillon est enfermé dans un ballon de verre, après un dégazage poussé le ballon est scellé. Il va avoir recroissance de 3He, et après plusieurs mois celui-ci est dosé par spectrométrie de masse. En connaissant le temps de stockage et la masse de l’échantillon, la teneur en tritium se déduit de la quantité d’3He formée. Les essais nucléaires (Bombe H) de 1963 sont un repère précis de la concentration en tritium dans les eaux de pluies. La période de demi-vie de 12,3 ans du 3H permet de dater les eaux souterraines récentes, d’âge inférieur à 100 ans. Les résultats d’analyses de tritium sur les échantillons prélevés ne sont pas connus à l’heure de la rédaction de ce mémoire.
Principe de fonctionnement du spectromètre de masse
Le TRITON T1 est un spectromètre à thermo-ionisation à source solide. Il permet d’avoir une grande précision sur la mesure de composition isotopique en Sr et ne nécessite que de très faible quantité de matière pour l’analyse. Ce spectromètre de masse se compose de plusieurs parties. Dans le bloc-source, sous vide (10⁻⁷ -10⁻⁸), s’effectue l’évaporation et l’ionisation de l’élément à analyser, puis l’accélération par une haute tension de 10kV et la focalisation dans la source au sens strict. Le faisceau ionique formé contenant tous les ions strontium passe dans le tube. Dans l’entre fer de l’électroaimant, au niveau de la courbure du tube, un champ magnétique est appliqué perpendiculairement à la trajectoire des ions qui se séparent en fonction de leur masse pour donner autant de faisceaux ioniques qu’il y a d’isotopes dans l’élément analysé. Ces faisceaux sont dirigés vers des collecteurs ou cages de Faraday. Le signal électrique reçu par chaque collecteur est amplifié et traité directement par un ordinateur qui corrige de la discrimination de masse expérimentale et édite les rapports isotopiques grâce au logiciel Triton Software.
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Table des matières
Résumé
Sigles et Abréviations
I- Introduction
II- Présentation de la zone d’étude
A) Localisation géographique
B) Synthèse climatique
C) Contexte géologique régional
D) Contexte hydrogéologique régional
E) Evolution littorale récente de la zone d’étude narbonnaise
III- Prélèvements et techniques expérimentales
A) Choix des sites de prélévements
B) Campagne de prélèvements
C) Matériel utilisé et méthode de prélèvement
D) Analyse des échantillons
E) L’analyse du strontium au spectromètre de masse
IV- Résultats
A) Evaluation critique des résultats
B) Présentation des résultats
V- Discussion
A) Les éléments majeurs
B) Les éléments en traces
C) Les isotopes du strontium
VI- Conclusions et perspectives de l’étude
Bibliographie
Listes des figures
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