Origine du mot et definitions successives du concept d’autisme

Les troubles envahissants du développement forment un ensemble hétérogène de troubles parmi lesquels se trouve l’autisme infantile qui en est le prototype.

Historiquement, le terme d’autisme a d’abord été emprunté à Bleuler (qui décrivait un des signes présents dans la schizophrénie) et utilisé par Kanner pour décrire le repli sur eux-mêmes et l’isolement d’un groupe de onze enfants. L’autisme a été intégré dans les classifications parmi les troubles du développement et le terme de trouble envahissant du développement (TED) a été officiellement utilisé pour la première fois dans le DSM-III en 1980. Le concept de TED [1] se réfère à l’idée que les troubles de la socialisation et de la communication « envahissent » tous les aspects de la vie de ces enfants.

Les prévalences actuellement estimées sont de 1,7/1 000 à 4/1 000 pour l’autisme infantile et de 3 à 7/1 000 pour l’ensemble des troubles envahissants du développement [2] soit environ 10 fois plus que les estimations antérieures basées sur les études publiées avant 1990. En Afrique, peu d’études ont été rapportées, ainsi au Sénégal, en 2000 Bronsard [3] décrivait 3 cas d’enfants autistes consultés au centre de pédopsychiatrie « ker xaleyi » de Dakar.

Beaucoup de choses ont été dites sur les origines de l’autisme ; ce que l’on peut affirmer aujourd’hui est que le trouble du spectre autistique (TSA) a de multiples causes. Il est évident que la génétique joue un rôle majeur mais complexe. Il n’existe pas un gène universel de l’autisme mais plusieurs gènes qui en accroissent la susceptibilité de survenue. Ces prédispositions génétiques peuvent être modulées par des facteurs épigénétiques et environnementaux. L’autisme infantile se caractérise par la présence de perturbations qualitatives de la socialisation et de la communication ainsi que par le caractère restreint, répétitif, stéréotypé des comportements, des intérêts, des activités [4].

Ces caractéristiques sont présentes avec une sévérité variable depuis la petite enfance et durent toute la vie. On y trouve fréquemment associés également à des degrés variables des troubles cognitifs, d’apprentissages, de langage, de motricité, émotionnels, ainsi que des troubles du comportement (anxiété, automutilation, agressivité), des troubles du sommeil et de l’alimentation. Ainsi en 1991, Seck [5] compare ce tableau clinique occidental à celui rencontré en Afrique chez l’enfant dit «Nit Ku Bon». La rareté des données africaines, la grande diversité symptomatologique ainsi que l’impact de cette pathologie sur le plan familial justifient l’intérêt d’une étude portant sur les aspects épidémiologiques et cliniques de l’autisme infantile au centre pédopsychiatrique Ker Xaleyi du CHU de Fann à Dakar. Plus spécifiquement de décrire les caractéristiques sociodémographiques de ces enfants autistes; de ressortir leurs antécédents personnels et familiaux; de décrire les signes cliniques et enfin d’évoquer la prise en charge.

ORIGINE DU MOT ET DEFINITIONS SUCCESSIVES DU CONCEPT D’AUTISME 

Origine du mot « autisme »

Le terme autisme est dérivé du grec « autos » qui signifie « soi-même ». Il fût employé la première fois en 1911 par le psychiatre suisse Eugen Bleuler dans son article intitulé « Dementia preacox oder Gruppe der Scizophrenien » (« Démence précoce ou le groupe des schizophrènes ») pour décrire dans la schizophrénie adulte le trouble caractéristique qui « intéresse la relation de la vie intérieure au monde extérieur, c’est à dire l’évasion de la réalité et en même temps la prédominance absolue ou relative de la vie intérieure » qui rend difficile ou impossible toute communication avec l’autre. Plus tard, d’autres auteurs décriront l’autisme comme un trouble non spécifique de la schizophrénie adulte et le considèreront ainsi comme une pathologie à part entière.

L’autisme de Kanner

C’est dans cette acceptation plus précise que le psychiatre américain Léo Kanner dans son article original intitulé « Autistic disturbances of affective contact» (« Troubles autistiques du contact affectif ») décrivit pour la première fois en 1943 sous le terme d’ « autisme infantile précoce » le cas clinique de onze enfants âgés de deux ans et demi à huit ans. Kanner insiste sur la spécificité de ce symptôme et a le souci d’en faire un syndrome clinique à part entière spécifiant que son mode d’apparition et son évolution sont radicalement distincts de ceux de la schizophrénie. Pour lui sont appelés « autistes » : « les enfants qui ont une inaptitude à établir des relations normales avec autrui et à réagir normalement aux situations ». En 1956, Kanner et Eisenberg reviennent sur la position initiale de 1943 et déterminent les symptômes essentiels du diagnostic d’autisme à savoir l’isolement intense (aloneness) et le besoin de maintenir l’immuabilité de l’environnement (sameness). Ils reviennent également sur le caractère inné du symptôme tel que l’avait suggéré Kanner et notent ainsi que le syndrome peut se dévoiler, après un développement apparemment normal, dans la première ou la seconde année de la vie.

La tétrade classique de Rutter 

C’est dans ce cadre qu’en Angleterre Rutter propose une organisation des symptômes autour d’une tétrade classique, conservant les deux symptômes considérés comme fondamentaux par Kanner et Eisenberg en 1956 (besoin d’immuabilité et isolement autistique) et ajoutant à cela la présence d’un retard et des distorsions de la communication verbale et non verbale .

Définition actuelle (CIM 10)
L’autisme est donc un trouble du développement caractérisé par des perturbations dans les domaines des interactions sociales réciproques, de la communication et par des comportements, intérêts et activités au caractère restreint, répétitif et stéréotypé [4].

EPIDEMIOLOGIE 

Prévalence 

Une étude de 2012 évalue la prévalence globale des TSA à une médiane de 62 cas pour 10 000 personnes [6]. Selon les dernières études épidémiologiques menées aux États-Unis depuis 2000 par les CDC (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies) [7], sur des centaines de milliers d’enfants : la prévalence de l’autisme atteindrait désormais un enfant sur 150.

Au Canada, en 2003 la prévalence de l’autisme était de 1 pour 450 naissances. Une étude effectuée en 2008 à Hong Kong indique un taux d’incidence comparable à ceux observés en Australie et en Amérique du nord. La prévalence publiée est de 1,68 cas pour 1 000 enfants de moins de 15 ans [8]. En France, l’autisme est en 2012 grande cause nationale. Le ministère de la santé évalue le taux à 67 pour 10000 (1/150) ; en Angleterre elle s’élève à 62,6 pour 10 000 en 2001 [9]. La prévalence de l’autisme sur le continent africain est méconnue [10]. Le sexe ratio est de 4 garçons pour 1 fille [7, 11]. Au Sénégal, 3 cas d’enfants présentant des traits autistiques ont été décrit par Bronsard en 2000 [3]. Plus tôt en 1991, Seck [5] faisait une étude comparative entre l’enfant autiste en occident et l’enfant Nit Ku Bon (« la personne qui est mauvaise ») en Afrique. Le nombre d’enfant concerné par l’autisme a augmenté de façon très importante depuis les années 1980, en partie en raison des changements dans le dépistage et le diagnostic, sans qu’il soit possible de dire si la prévalence a effectivement augmenté, des facteurs environnementaux encore non-identifiés ne pouvant pas être exclus.

Facteurs de risques génétiques
Les différents troubles liés à l’autisme semblent le plus souvent d’origine «multifactorielle, avec une forte implication de facteurs génétiques » et de nombreux facteurs de risques concomitants [12]. La modification de gènes liée à la maturation synaptique semble principalement en cause et oriente ainsi les études neurobiologiques vers les modifications de la connectivité et des neurones induites par l’expression de ces gènes. Des travaux sur l’héritabilité de l’autisme suggèrent que 90 % de la variabilité est attribuable à des facteurs génétiques [12]. Selon une étude parue en mai 2014 [13] ; l’une des plus vastes réalisées, l’autisme n’est génétique qu’à hauteur de 50%, à part égale avec les facteurs environnementaux. Il est cependant difficile de distinguer les facteurs génétiques et les facteurs environnementaux, l’autisme étant un caractère phénotypique issu d’interactions complexes. Selon une étude de 2015, 50% des cas d’autisme s’expliquerait par des mutations de novo. Les structures cérébrales caractéristiques de la maladie étant acquises durant la grossesse, il n’est pas possible d’isoler l’effet de l’environnement en étudiant les jumeaux monozygotes qui sont exposés aux mêmes conditions de développement prénatal [14]. Dans les années 1990, l’autisme était considéré comme une maladie polygénique de 5 à 15 gènes à transmission non mendélienne. Or, depuis les années 2000, plusieurs centaines de gènes à transmission mendélienne impliqués dans l’autisme ont été mis en évidence [15]. L’autisme serait lié à 1 034 gènes différents, et les effets de mutations spontanées ne sont pas négligeables.

Facteurs de risques non génétiques 

1) L’acide valproïque, un médicament antiépileptique, pris chez la femme enceinte semble favoriser la survenue d’un autisme (ou de troubles apparentés) chez l’enfant [16].
2) Si la mère a consommé des boissons alcoolisées pendant la grossesse, même en faible quantité, ce peut être la cause d’un trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF) dont des symptômes peuvent être à tort interprétés comme ceux du spectre autistique [17].
3) Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) pris durant la grossesse [18].
4) Les troubles respiratoires périnatals.
5) L’exposition à la pollution atmosphérique durant la grossesse [19].
6) Le fait que la mère ait subi des maltraitances durant son enfance [20].
7) Les naissances prématurées, par césarienne et les nouveaux nés de petit poids ont plus de risques.
8) Déficiences nutritionnelles de la mère, notamment en vitamine et en acide folique[21].
9) Les liens entre une concentration élevée de testostérone durant la vie fœtale et l’apparition de traits autistiques font l’objet de diverses études.
10) L’exposition fœtale à l’hyperglycémie lors d’un diabète gestationnel augmente le risque de développer un autisme.
11) Autisme et vaccination : les docteurs Singh et Andrew Wakefield ont tenté d’avancer comme cause possible de certains type d’autisme le vaccin ROR et ils sont à l’origine d’une polémique sur la vaccination. Leurs conclusions ont, d’ailleurs, été contredites par d’autres études dont, notamment, celle effectuée par Fombonne [22].

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I. ORIGINE DU MOT ET DEFINITIONS SUCCESSIVES DU CONCEPT
D’AUTISME
I.1. Origine du mot « autisme »
I.2. L’autisme de Kanner
I.3. La tétrade classique de Rutter
I.4. Définition actuelle (CIM 10)
II. EPIDEMIOLOGIE
II.1. Prévalence
II.2. Facteurs de risques génétiques
II.3. Facteurs de risques non génétiques
III. CLASSIFICATION
IV. NOSOGRAPHIE DE L’AUTISME
IV.1. L’autisme au niveau comportemental
IV.2. L’autisme au niveau biologique
IV.2.1. Le mythe psychodynamique
IV.2.2. Evidence pour une origine organique
IV.2.3. L’autisme est-il héréditaire ?
IV.2.4. Une voie commune
IV.3. L’autisme au niveau cognitif
IV.3.1. La socialisation
IV.3.2. La communication
IV.3.3. L’imagination
IV.3.4. Une théorie cognitive
V. THEORIES DE L’AUTISME
V.1. Déficit de la théorie de l’esprit
V.2. Déficit de la cohérence centrale
V.3. Déficit des fonctions exécutives
V.4. Théories des neurones miroirs
VI. DIAGNOSTIC
VI.1. Clinique
VI.1.1. Repérage individuel des troubles
VI.1.2. Interrogatoire des parents
VI.1.3. Symptomatologie clinique
VI.1.4. Examen physique
VI.1.5. Outils diagnostiques
VI.1.6. Repérage des anomalies, troubles ou maladies associés à l’autisme
VI.2. Paraclinique
VI.3. Diagnostic différentiel
VII. PRISE EN CHARGE
VII.1. Méthode éducative
VII.2. Méthode psychosociale
VII.3. Méthode comportementale
VII.4. Méthode développementale
VII.5. Parent training (formation parentale)
VII.6. Méthode médicale
VIII. PRONOSTIC ET EVOLUTION
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I- PATIENTS ET METHODES
I.1. Type d’étude
I.2. Période d’étude
I.3. Cadre d’étude
I.3.1. Site
I.3.2. Organisation
I.3.3. Fonctionnement interne
I.3.4. Méthodes diagnostique et thérapeutique
I.3.5. Collaborations médicales
I.4. Population d’étude
I.4.1. Critères d’inclusion
I.4.2. Critères de non inclusion
II. DÉROULEMENT DE L’ÉTUDE
II.1. Collecte
II.2. Définition des variables
II.3. Enregistrement des données
III. RESULTATS
III.1. Population
III.2. Caractéristiques sociodémographiques
III.3. Antécédents personnels et familiaux
III.4. Clinique
III.5. Prise en charge
IV. DISCUSSION
IV.1. Prévalence
IV.2. Caractéristiques sociodémographiques des enquêtés
IV.3. Aspects cliniques
IV.4. Outil diagnostic
IV.5. Prise en charge globale
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE

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