Biosurveillance et évaluation de la qualité de l’environnement
L’évaluation de la qualité d’un écosystème par la simple recherche des contaminants dans le milieu est insuffisante pour caractériser son « état de santé » dans sa globalité. L’étude in situ des interactions entre contaminants et organismes, apporte des informations complémentaires notamment sur la nature et l’intensité de la contamination et sur l’exposition (distribution des polluants dans le milieu et biodisponibilité), et sur les effets toxiques aux différents niveaux d’organisation. En plus de son caractère intégrateur, la réponse mesurée a alors une signification biologique et/ou écologique, même si tous les facteurs causaux ne sont pas connus ou identifiés avec précision (Wittig, 1993). La biosurveillance correspond à l’utilisation d’un système biologique indicateur pour obtenir des informations sur la qualité de l’environnement et sur les effets des polluants sur les organismes exposés (Kettrup et Marth, 1998). Parmi les réponses observées, les programmes de surveillance biologique sont basés sur la mesure des concentrations des contaminants dans les organismes et sur l’évaluation des réponses individuelles, populationnelles, communautaires (Baturo, 1995). Afin de protéger et de conserver les ressources des écosystèmes aquatiques, les recherches se sont orientées vers des programmes de biosurveillance par des approches chimiques et biologiques. Les analyses chimiques permettent la mesure de la concentration des agents xénobiotiques dans le milieu contaminé (Perez-Lopez et al., 2000). Les analyses biologiques intègrent les interactions entre polluants et organismes ; en considérant que les effets des polluants sur les écosystèmes peuvent être précocement observés à des niveaux inférieurs de l’organisation biologiques (cellules, tissus), avant que la communauté ne soit affectée (Huscheck et Hansen, 2005; Duquesne et Kuster, 2010). Les espèces accumulatrices correspondent à celles qui accumulent d’importantes quantités de polluants dans leurs tissus. Les espèces sentinelles représentent toute espèce susceptible d’être utilisée comme indicatrice de la présence et de la toxicité d’au moins un contaminant. Les espèces doivent être choisies en fonction de leur signification écologique pour permettre d’évaluer les effets potentiels des contaminants sur l’écosystème. Enfin, les espèces qui marquent la contamination du milieu par leur abondance ou leur absence sont des bioindicatrices (Amiard et al., 1998). Actuellement, la collaboration entre les scientifiques et les gestionnaires de l’environnement marin a permis le développement d’outils d’évaluation écotoxicologique plus spécifiques, basés sur deux approches complémentaires, les bioindicateurs et les biomarqueurs (Viarengo et al., 2007).
La glutathion S-transférase (GST)
La glutathion-S-transférase a un rôle important dans la détoxication des substances xénobiotique exogènes ou endogènes en catalysant la conjugaison de ces substances avec le groupement thiol du glutathion endogènes (Jakoby et Habig, 1980). Les glutathion Stransférases représentent une famille d’enzymes multifonctionnelles essentiellement cytosoliques, impliquées dans des opérations diverses de transports et de biosynthèses intracellulaires (George, 1990). Elles sont impliquées dans de nombreux processus physiologiques parmi lesquels figure la détoxication de nombreux xénobiotiques (Habig et al.,1974). Mais la fonction des GST la plus étudiée en ce qui concerne la prévention de la pollution dans l’environnement demeure leur activité de catalyse des réactions de conjugaison entre un peptide, le glutathion, et des molécules réactives comportant des sites électrophiles, capables de réagir dangereusement avec des macromolécules comme les acides nucléiques (ARN, ADN). La catalyse de cette conjugaison du glutathion avec certains substrats représente une étape dans la formation de composés qui seront moins toxiques et plus hydrosolubles que les molécules de départ (Chatterjee et Bhattacharya, 1984). Ces enzymes sont généralement solubles (cytosoliques) et présentes sous plusieurs isoformes, dont certaines sont inductibles par les contaminants qu’elles rendent moins toxiques. Cette particularité en a fait une activité intéressante en tant que marqueur biochimique. Les GST ont été mises en évidence dans la plupart des êtres vivants tels que la levure (Foley et Sheehan, 1998), les mollusques (Fitzpatrick et Sheehan, 1993; Fitzpatrick et al., 1995a; Blanchette et Singh, 1999), les vers de terre (Stenersen et al., 1979 ; Borgeraas et al., 1996), les crustacés (Lee et Keeran, 1988; Leblanc et Cochrane, 1987), les insectes (Stenersen et al., 1987; Prapanthadara et al., 1996), les poissons (George Young, 1988; Martínez-Lara et al., 2002; Pérez-López et al., 2002), les mammifères (Habig et al., 1974; Kamisaka et al., 1975; Rouimi et al., 1996; Bolton et Ahokas, 1997 ; Pascal et al., 1998) et les plantes (Hong et al., 1999). Une grande variété de composés chimiques induit les GST, dont certains inducteurs des cytochromes P450 tels que les hydrocarbures polyaromatiques et les PCB. Dans l’état actuel de nos connaissances sur les poissons toutefois, toutes les isoenzymes de la famille des GST n’ont pas encore été individualisées (comme c’est le cas pour les cytochromes P450) et leur activité spécifique demeure mal connue. Leur utilisation comme bioindicateur de pollution caractéristique d’un type de polluant dans l’environnement reste encore à définir et se rapproche encore aujourd’hui plus de celle d’un indicateur non-spécifique, témoin de l’état de santé global des organismes qui peuplent les écosystèmes marins. (Chatterjee et Bhattacharya, 1984). En plus de l’acétylcholinestérase et la glutathion S-transférase, on peut citer aussi les monoxygénase à cytochrome P450 (Yang et al., 2004 ; Behrens et Segner, 2005), la métallothioneine (MT) (Geffard et al., 2005 ; Dendero et al., 2006), et l’éthoxyrésorufine-Odeethylase (EROD) (Benelli et al., 2006 ; Gorbi et al., 2008). Il existe également des biomarqueurs non spécifiques qui ont été largement étudiés et utilisés pour la détection des niveaux de pollution, comme le glutathion réduit (GSH) impliqué dans le système de défense antioxydant (Sureda et al., 2006), la catalase (CAT) (Almeida et al., 2007 ; Bergayou et al., 2009), les vitamines (A, C, E) (Torres et al., 2002) et le malondialdéhyde (MDA) qui est un produit issue de la peroxydation lipidiques des acides gras polyinsaturés des membranes cellulaires lors d’un stress oxydatif important, et qui est utilisé comme un bon biomarqueur des lésions cellulaires et tissulaires (Dewes et al., 2006 ; Oruset Ustra, 2007).
Dosage de la GST
La mesure de l’activité de la glutathion S-transférase (GST), consiste à fournir à l’enzyme un substrat : le 1-chloro-2,4 dinitrobenzène (CDNB), qui réagit facilement avec le glutathion réduit. La réaction de conjugaison de ces deux produits entraîne la formation d’une molécule nouvelle, qui absorbe la lumière à 340 nm de longueur d’onde. La valeur de densité optique mesurée est proportionnelle à la quantité du complexe GSH-CDNB formée dans la température ambiante, elle-même liée à l’intensité de l’activité de la GST(Habig et al., 1974). Le protocole utilisé pour le dosage de l’activité spécifique de la GST est le suivant : le manteau de P. rustica est homogénéisé dans 1 ml du tampon d’homogénéisation (20 ml de tampon phosphate 0,1 M, pH = 6 ; 1,71 g saccharose) pendant quelques secondes à l’aide d’un broyeur à ultrasons (Sonifer B-30). L’homogénat obtenu est centrifugé à 14000 tours/mn pendant 30 mn, et le surnageant servira au dosage de l’activité de la GST. Une fraction aliquote de 0,2 ml est ajoutée à 1,2 ml du mélange CDNB-GSH ; (4,052 mg CDNB ; 30,73 mg GSH ; 0,8 ml d’éthanol ; 20 ml tampon phosphate 0,1 M pH 7). La lecture se fait contre un blanc préparé dans les mêmes conditions avec 0,2 ml d’eau distillée remplaçant le surnageant. La variation de la densité optique due à l’apparition du complexe CDNB-GSH est mesurée toutes les minutes pendant 5 mn à 340 nm dans un spectrophotomètre (SHIMADZI-UV-1202). La quantité en protéines des différents échantillons biologiques a été préalablement déterminée.
RÉSUMÉ
L’objectif de cette thèse est le diagnostic de l’état de santé des eaux du golfe d’Annaba. Ainsi, nous nous sommes intéressés à la structure, la dynamique, cycle reproducteur ainsi que la réponse de quelques biomarqueurs du stress environnemental chez Patella rustica colonisant l’étage médiolittoral des stations : El-Kala, El-Katara et Toche, sur un cycle annuel 2012. A cet effet, nous avons tout d’abord mesurés quelques paramètres physico-chimiques qui conditionnent la distribution des Patellidae dans leur biotope ainsi que leurs répartitions. D’une manière générale, les caractéristiques physico-chimique (température et salinité) des eaux de la frange étudiée, montrent une certaine homogénéité spatiale entre les deux stations de suivi du golfe d’Annaba et la station de référence d’El-Kala. Les fluctuations temporelles sont directement liées aux conditions climatiques saisonnières.La distribution des patelles montre d’importantes fluctuations spatio-temporelle qui seraient en relation avec les facteurs environnementaux d’une part et les différentes pressions que subit le golfe d’Annaba d’autre part. Signalons la présence de cinq espèces appartenant au genre Patella dans le golfe d’Annaba: Patella rustica, P. intermedia, P. caerulea, P.vulgata, P. ulyssiponensis. En plus de ces cinq espèces, la région d’El Kala en compte une sixième avec la patelle noire Patella nigra. Notons que Patella rustica est dominante au niveau des trois stations prospectées. L’analyse faunistique effectuée sur la communauté des patelles montre qu’en terme de densité, El Kala confirme sont statut particulier de station de référence avec une densité maximale en juin. A l’échelle du golfe d’Annaba, les extrêmes des abondances de P. rustica varient entre un minimum enregistré en hiver et un maximum recensé en été. L’analyse des différents histogrammes des fréquences de taille, a permis la mise au point de la structure démographique de P. rustica durant l’année 2012. En effet, on a pu enregistrer la présence des petites classes de taille durant toute la période d’étude avec un pic traduisant un recrutement au mois de mars. L’étude de la sex-ratio, a mis en évidence la dominance de mâles comparés aux femelles pendant le cycle annuel au niveau des trois stations. La longévité de la population étudiée en utilisant le modèle de Battacharya n’excède pas 4 ans à El-Kala et 6 ans dans les stations du golfe d’Annaba. La croissance a été estimée par le modèle classique de Von Bertalanffy qui présente des tailles asymptotiques (L∞) de 34,07 mm, 31,31 mm et 64,94 mm chez les populations de P. rustica d’El-Kala, El-Katara et Toche respectivement. Chez la population d’El-Kala le taux de croissance pondérale est plus important par rapport à celui du golfe d’Annaba. Les variations mensuelles de l’indice de condition, ont montré une augmentation graduelle de cet indice en automne, qui pourrait être liée au cycle reproducteur et à la maturation des gonades. Les résultats du rapport gonado-somatique montre que P. rustica a un seul cycle de reproduction par an avec un pic de ponte qui coïncide avec la période froide de l’année.Selon l’analyse histologique des ovaires, la maturation commence en novembre, et le pic de ponte est enregistré en décembre. La période de repos sexuel est observée entre janvier et avril, suivi par le début d’ovogenèse à partir du moi de mai. Les résultats du dosage des biomarqueurs chez P. rustica, révèlent une inhibition de l’activité spécifique de l’AChE ainsi qu’une induction de l’activité enzymatique de la GST dans les stations du golfe d’Annaba comparativement aux réponses enregistrées chez les patelles de la station témoin.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : GENERALITES
1.Pollution marine
2. Origine de la pollution marine
3. Transport et devenir des polluants dans le milieu marin
3.1. Bioconcentration
3.2. Bioaccumulation
3.3. Bioamplification
4. Biosurveillance et évaluation de la qualité de l’environnement
4.1. Biosurveillance et accumulation
4.2. Biosurveillance et effets toxiques
5. Les effets physiologiques et écophysiologiques des contaminants
6. Littoral algérien
7. Présentation des sites d’étude
7.1. Site d’Annaba
7.1.1. Position géographique
7.1.2. Sources de pollution du golfe d’Annaba
7.2. Site d’El-Kala
7.2.1. Position géographique
7.2.2. Apports continentaux
8. Biologie et physiologie des patelles
8.1. Intérêt et choix de l’espèce
8.2. Présentation et position systématique
8.3. Morpho-anatomie
8.4. Nutrition
8.5. Reproduction et cycle biologique
8.6. Les facteurs influençant la croissance chez les patelles
8.7. Écologie
8.8. Longévité
CHAPITRE II : MATÉRIEL ET MÉTHODES
1. Choix et localisation des stations
1.1. Golfe d’Annaba
1.2. Plage de la vielle Calle (El Kala)
2. Physico-chimie des eaux
3. Collecte des patelles
4. Conservation
5. Traitements des échantillons
5.1. Identification des espèces
5.2. Biométrie
5.3. Structure de la communauté des patelles
5.3.1. Dominance
5.3.2. Densité
5.3.3. Fréquences de taille
5.3.4. Sex-Ratio
5.4. Étude de la croissance
5.4.1. Détermination de l’âge
5.4.2. Analyse de la Croissance
5.4.2.1. Croissance linéaire absolue
5.4.2.2. Croissance pondérale absolue
5.5. Cycle reproducteur
5.5.1. Indice de condition (IC)
5.5.2. Rapport gonado-somatique (RGS)
5.5.3. Histologie des gonades
5.6. Dosage des biomarqueurs
5.6.1. Dosage de l’AChE
5.6.2. Dosage de la GST
5.7. Dosage des protéines
5.8. Analyses statistiques
CHAPITRE III : RESULTATS
1. Paramètres environnementaux
1.1. Température
1.2. Salinité
2. Structure de la communauté des patelles
2.1. Richesse spécifique
2.2. Variation saisonnière de la dominance
2.2.1. Hiver
2.2.2. Printemps
2.2.3. Eté
2.2.4. Automne
2.3. Variation mensuelle de la densité
2.4. Structure des tailles
2.5. Sex ratio
3. Etude de la croissance
3.1. Détermination de l’âge
3.2.Analyse de la croissance
3.2.1.Croissance linéaire absolue
3.2.2.Croissance pondérale absolue
4. Etude du cycle reproducteur
4.1. Indice de condition
4.2. Rapport gonado-somatique
4.3. Histologie des ovaires
5. Analyses biochimiques
5.1. L’acétylcholinestérase
5.2. La Glutathion S-transférase
CHAPITRE IV : DISCUSSION
1. Paramètres physico-chimiques
2. Structure de la communauté des patelles
3. Etude de la croissance
4. Etude du cycle reproducteur
5. Analyses biochimiques
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
RÉSUMÉS
Français
Anglais
Arabe
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
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