DÉBAT SUR L’ORIGINE DE LA CIRCONCISION ET DE L’EXCISION
L’étude de la question de l’origine de la circoncision et de l’excision est très complexe. Le débat a été posé par d’éminents savants. Certains pensent qu’elles proviennent d’abord d’Égypte ancienne tandis que d’autres signalent l’antériorité de la piste sémitique.
Origine de la circoncision et de l’excision en Égypte pharaonique
Les pratiques de la circoncision et de l’excision en Égypte ancienne ont été d’abord mentionnées par les auteurs anciens. Parmi ces auteurs, celui qui attire notre attention est le père de l’histoire, Hérodote ( 484-424 av. J.-C.) . Il a consacré son Livre II à l’histoire de l’Égypte. Concernant l’origine de la circoncision Hérodote rapporte que
« …seuls parmi tous les hommes, les Colchidiens, les Égyptiens et les Éthiopiens pratiquent la circoncision depuis l’origine. Les Phéniciens et les Syriens de Palestine reconnaissent eux-mêmes qu’ils ont appris cet usage des Égyptiens ; les Syriens qui habitent la région du fleuve Thermodon et du Parthénios, et les Macrons, qui sont leurs voisins, disent l’avoir appris récemment des Colchidiens. Ce sont là les seuls hommes qui pratiquent la circoncision, et l’on peut constater qu’ils le font de la même manière que les Égyptiens. Des Égyptiens eux-mêmes et les Éthiopiens, je saurais dire desquels des deux apprirent cette pratique des autres ; car c’est évidemment chez eux une chose ancienne. Qu’on l’ait apprise en fréquentant l’Égypte, voici qui en est aussi pour moi une forte preuve : tous ceux des Phéniciens qui fréquentent la Grèce cessent de traiter les parties naturelles à l’imitation des Égyptiens et ne soumettent pas leurs descendants à la circoncision » .
Cette assertion montre que la circoncision était pratiquée par les Égyptiens, les Éthiopiens et les Colchidiens depuis des temps immémoriaux. Les Phéniciens et les Syriens de Palestine ont imité cette pratique des Égyptiens. Les Syriens établis dans la région de Thermodon et du Parthénios et les Macrons ont également appris cet usage des Colchidiens. Donc les Égyptiens, les Éthiopiens et les Colchidiens furent les premiers peuples à pratiquer la circoncision. Par conséquent le témoignage du père de l’histoire est d’une importance considérable, car selon lui, l’ablation du prépuce remonte à la préhistoire. Le docteur Emile Massoulard qui, dans son ouvrage intitulé Préhistoire et Protohistoire d’Égypte, confirme les dires d’Hérodote. Les fouilles archéologiques menées « dans un cimetière prédynastique ancien de Naga-ed-Der [ attestent que ] les corps étaient assez bien conservés pour qu’Elliot Smith ait pu étudier le système pileux et constater que les hommes étaient circoncis» . Ce qui veut dire que la présence de cette « mutilation génitale » en Égypte pharaonique remonte au prédynastique ancien (4000-3300 av. J.-C.). L’étude faite par Elliot Smith sur les cadavres dans un cimetière pendant cette période prouve que ces corps ont clairement subi une amputation du prépuce.
Chez les anciens Égyptiens, la dénudation du prépuce est une imitation du dieu Ra, car ce dieu a subi la circoncision. À cet égard, E. Rougé rapporte que « c’est le sang qui est sorti du membre du dieu Ra lorsqu’il a voulu se couper lui-même ». En plus, un autre dieu a subi la circoncision. Il s’agit du dieu Min présenté dans un temple de Karnak au Moyen-Empire ( 1400- 1200 av. J.-C.) . Le dieu de l’occident, Osiris a également subi cette opération. Mais E. Rougé parle du « retranchement de la honte de l’Osiris N. » . Or, l’auteur lui-même se corrige « le texte parle d’une manière absolue [ …] le mot schepu, que je traduis par honte ( en Copte ϣτπτ pudor ), a pour déterminatifs, suivant les divers manuscrits, soit…..corruption, soit….membres humains. Je crois qu’il s’agit ici de la circoncision, considérée comme un rite purificatoire » . Donc, nous pouvons avoir la traduction suivante : c’est le retranchement du membre viril de l’Osiris. Cela laisse croire que la circoncision d’Osiris est un rite de purification qui consiste à effacer les souillures. De même concernant cette purification, Horus fils posthume d’Osiris se purifie puisqu’ « il est circoncis » . En Égypte ancienne les dieux sont clairement circoncis. En effet, cette pratique sera imitée par les hommes sur terre. Cela suppose que la circoncision est d’origine divine.
L’excision des filles appelée clitoridectomie a également existé dans le pays des pharaons. Toutefois, Emile Massoulard pense que « les hommes étaient circoncis, il ne semble pas qu’une opération de ce genre ait été pratiquée sur les filles » . Cependant, l’avis du docteur E. Massoulard est battu en brèche par Frans Jonckheere qui situe l’excision des filles à une plus haute époque. Selon F. Jonckheere « sa persistance en Égypte, en Nubie et au Soudan pouvait faire songer à une survivance, sinon à une héritage direct, d’une technique paléo égyptienne » . La circoncision des garçons est accompagnée de l’excision des filles en Égypte pharaonique. Les auteurs anciens ont suffisamment évoqué la présence de l’excision dans le pays des pharaons. Le père de l’histoire pense que les Égyptiens pratiquaient la circoncision . Cela permet-il de supposer que les garçons ainsi que les filles subissaient cette pratique ? Sabine R. Huebner est d’avis que le mot « Aἰδοῖα can designate the privy parts of both men and women » . Donc, Hérodote fait référence à la circoncision masculine et féminine. La même opinion est partagée par Strabon, Diodore de Sicile, Philon d’Alexandrie, Aetios d’Amida, Ambroise, etc.
Ces auteurs ont montré une certaine assurance que la circoncision des filles était en usage en Égypte pharaonique. De même, au Moyen Empire, un texte inscrit sur un sarcophage de la maîtresse de maison Sat-hedj-hotep, fait état de l’excision des filles en Égypte ancienne . G. Ebers pense aussi qu’en Égypte pharaonique les jeunes filles subissaient l’ablation du clitoris à l’âge nubile . Sa pratique a été même prouvée par la momiologie. Certaines momies montrent qu’elles sont excisées . Naguib Riad confirme également que « la circoncision serait aussi pratiquée chez les filles, par ablation des nymphes et amputation du clitoris » . Même si les textes des pyramides et l’iconographie n’ont pas attesté la clitoridectomie en Égypte pharaonique, il n’en reste pas moins qu’un texte relativement tardif qui date de l’époque ptolémaïque ( 163 av. J.-C. ), à propos d’un mariage entre un certain Harmaïs et Tathemis, apporte une preuve quant à sa fréquence en Égypte. Pour F. Jonckheere, ce texte est un véritable ,
« témoignage, inclus dans un papyrus, rapportant une plainte introduite par un nommé Harmaïs contre une femme, Néphoris, au sujet de la dot de la fille de cette dernière. De l’argent a été réclamé à Harmaïs sous prétexte que Tathenis-la fille étant nubile, il fallait songer à la circoncire, puis l’habiller en vue de son mariage ; toutes choses qui ne furent point exécutées. D’où les récriminations d’Harmaïs, grâce auxquelles nous savons que l’excision des filles était d’application chez les Grecs d’Égypte, en 163 av. J.-C. Une phrase du texte nous permet même de d’affirmer que cette coutume était essentiellement égyptienne : Néphoris avait promis que cette fille serait circoncise, comme c’est la coutume chez les Égyptiens » .
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Table des matières
INTRODUTION GÉNÉRALE
PREMIÈRE PARTIE : ORIGINE DE LA CIRCONCISION ET DE L’EXCISION
INTRODUCTION
CHAPITRE I : DÉBAT SUR L’ORIGINE DE LA CIRCONCISION ET DE L’EXCISION
1-Origine de la circoncision et de l’excision en Égypte pharaonique
2-Origine de la circoncision et de l’excision dans le monde sémitique
3-Éclairage sur l’origine de la circoncision et de l’excision
CHAPITRE II : L’EXISTENCE DE LA CIRCONCISION ET DE L’EXCISION EN ÉGYPTE PHARAONIQUE
1- Les sources archéologiques
2-Les sources textuelles
3-Les sources iconographiques
4-La momiologie
5-Les auteurs anciens
CONCLUSION
DEUXIÈME PARTIE : LA CIRCONCISION ET L’EXCISION EN ÉGYPTE PHARAONIQUE ET AFRIQUE NOIRE
INTRODUCTION
CHAPITRE III : LES CAUSES DE LA CIRCONCISION ET DE L’EXCISION EN ÉGYPTE PHARAONIQUE ET EN AFRIQUE NOIRE
1- Les opinions sur les causes de la circoncision et de l’excision
2- Les causes cosmogoniques
3- Les causes socioculturelles
3-1- Le mariage
3-2- La procréation
3-3- Le rite de passage
4- Les causes religieuses
CHAPITRE IV : LE DÉROULEMENT DE LA CIRCONCISION ET DE L’EXCISION EN ÉGYPTE PHARAONIQUE ET EN AFRIQUE NOIRE
1- La phase préparatoire
1-1- Les fêtes de la circoncision et de l’excision
1-2- L’âge des circoncis
1-3- La période
1-4- La circoncision collective
2- La phase opératoire
2-1- La technique
2-2- L’opérateur
2-3- L’outillage du circonciseur
2-4- Le traitement de la plaie
3- La réclusion
3-1- La hutte des circoncis
3-2- La mort symbolique
4- La réintégration
5- Les éléments linguistiques
CONCLUSION
CONCLUSION GÉNÉRALE
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
INDEX DES AUTEURS
INDEX DES MOTS CLÉS, DES NOMS DE LIEUX ET DES NOMS PROPRES